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LE PHARE DE SAINT-MATHIEU

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Les nombreux sinistres maritimes qui, chaque année, se produisaient dans ces parages décidèrent de bonne heure les moines de Saint-Mathieu à placer au sommet de la grosse tour ou donjon un fanal destiné à guider les nautonniers à travers les dangereux passages de l'Iroise et du chenal du Four. Pour l'entretien de ce feu, l'Abbaye percevait, outre les épaves de la mer, un droit fixe sur les navires qui venaient accoster en ces lieux (in naves ad hoc littus appellentes, dit le manuscrit du R. P. Simon le Tort). Mais un beau jour les procureurs du Roy et les officiers de l'Amirauté revendiquèrent pour la couronne la jouissance exclusive de ces droits et, comme de juste, les moines, brutalement exclus du jeu, ne voulurent plus payer la chandelle. Voilà pourquoi, ajoute tristement le chroniqueur, le fanal ne brille plus.

Abbaye de Saint-Mathieu, Finistère (Bretagne)

Et pourtant, il était de l'intérêt de tous, que ce fanal se remit à briller. Après avoir vainement attendu pendant de longues années que les moines, par humanité, voulussent bien le rallumer, la Marine Royale se décida enfin à se charger de ce soin. Sur la proposition de l'Ingénieur Des Grassières, du mois de décembre 1689, elle fit établir au sommet de la Tour une grande cage vitrée, renfermant trois rangées de lampions superposées, deux de six et une de trois. Par mesure d'économie, les feux ne devaient être allumés qu'en hiver, par les nuits très-noires et lorsque les vaisseaux du Roy étaient dehors. Cette installation, qui coûta à la Marine la somme de deux mille huit cent cinquante-sept livres, neuf sols, six deniers ne fut achevée qu'en 1693 ; mais, avant la fin de cette première année, on acquit la certitude que ce nouveau mode d'éclairage avait bien des inconvénients dont le plus grave était... de ne pas éclairer. En effet, comme ces lampions étaient en cuivre, dès que le niveau de l'huile venait à baisser, la flamme tournait son cône lumineux vers le ciel au lieu de le diriger vers l'horizon.

Pour remédier à cet inconvénient, l'Intendant de la marine, M. Desclouzeaux, imagina de remplacer ces lampions de cuivre par d'autres en verre, et chargea M. de Bouridal d'en faire faire une provision. En attendant « comme les nuits étaient très noires et que les vaisseaux du Roy étaient dehors », il chercha à suppléer à l'insuffisance de ces lampions, en leur adjoignant un certain nombre de flambeaux de cire, pareils à ceux que l'on donnait alors aux bâtiments en mer ; mais, l'effet ne fut pas bien... brillant. Le 21 décembre, ces lampions de verre, impatiemment attendus, arrivèrent enfin ; mais, soit que les instructions aient été mal données, soit qu'elles aient été, ou mal comprises ou mal exécutées, ils ne répondirent pas du tout aux espérances de l'intendant qui dût expédier un exprès à la verrerie de Carhaix pour en commander d'autres. Ceux-ci furent trouvés bons, mais ils n'éclairaient guère mieux, parce que l'huile dont on se servait était abominablement mauvaise. C'était de l'huile de poisson non épurée, dont les vapeurs fuligineuses encrassaient tellement les vitres, qu'elles interceptaient la lumière. Encore cette huile si mauvaise faisait-elle très-souvent défaut, et bien des fois il fallut renoncer à allumer les lampes, parce qu'on n'avait pas de quoi les alimenter.

Ces premières difficultés se compliquèrent encore à propos du service d'allumage. Au mois de juillet 1694, les religieux de Saint-Mathieu représentèrent à M. Desclouzeaux qu'il était fort incommode pour eux de se déranger la nuit pour ouvrir les portes du monastère [Note : Pour arriver au phare, il fallait franchir le grand portail (fermé la nuit), traverser la première cour et pénétrer dans le bâtiment Est, d'où un escalier intérieur donnait accès à la Tour] à celui qui était chargé d'entretenir les feux, et offrirent de le remplacer. Cette proposition fut acceptée avec d'autant plus d'enthousiasme, que l'intendant lui-même, dans sa dépêche au ministre, à la date du 25 novembre précédent, avait émis l'idée « d'obliger les moines d'allumer et d'éteindre ce fanal en leur donnant quelque chose pour le valet qui en prendra soin ». Mais lorsque, l'année suivante, le P. prieur présenta sa note, l'intendant, qui avait déjà toutes les peines du monde à faire face aux frais d'éclairage, la trouva tellement exagérée, qu'il chargea un commis des classes, du Conquet, de veiller désormais à l'entretien de ce phare. C'était faire deux mécontents à la fois, celui qui, par les nuits noires, devait se rendre à pied du Conquet à Saint-Mathieu par des chemins excessivement mauvais et celui qui était obligé de se déranger gratis pour lui ouvrir la porte du couvent et, tout naturellement, la régularité du service s’en ressentit.

Pour tous ces motifs, on négligea si souvent d’allumer ce fanal, qu'insensiblement on en perdit l'habitude. Quant aux vaisseaux surpris par la nuit avant d'avoir pu gagner le port, ils n'avaient d'autre ressource que de rester au large s'ils ne voulaient s'exposer à être jetés à la côte, trop heureux si, fuyant un danger, ils ne se précipitaient pas dans un autre ; ou si, avec le retour du jour, ne survenaient pas des vents contraires les entraînant à la dérive. Aussi, les accidents étaient-ils très-fréquents, non seulement sur ce point du littoral mais sur toute l'étendue des côtes où le service des phares n'était guère mieux organisé qu'à Saint-Mathieu.

Ce déplorable état de choses durait encore à la fin de 1711, quand tout à coup on apprit que la belle frégate « Diane » s'était perdue sur les côtes de Saintonge, dans la nuit du 9 au 10 décembre, faute de fanal pour éclairer sa route. A la suite de ce naufrage, le Ministre de la Marine adressa aux Intendants une de ces circulaires qui, sous tous les régimes, s'envoient le lendemain d'un sinistre, aux chefs de service pour leur demander par quelles mesures on cherche, dans leur circonscription, à empêcher de pareils désastres. L'Intendant de Brest répondit au ministre, à la date du 4 janvier 1712 : « Nous n'avons sur la côte que la Tour d'Ouessant et le fanal de Saint-Mathieu, où il est observé de faire du feu de temps en temps ; mais il y a déjà très longtemps qu'on n'y en fait que très rarement, faute de matière pour entretenir ce feu... Pour le fanal de St-Mathieu, il faut de l'huile d'olive et c'est à peine si nous pouvons nous procurer suffisamment d'huile de poisson pour les corps de garde. Il est impossible, Monseigneur, lorsque les fonds manquent absolument comme ils ont manqué depuis plusieurs années, de pouvoir maintenir ces établissements ». Et comme le ministre insistait sur la nécessité d'assurer le service de ces phares, l'intendant lui répondit à la date du 25 janvier : « Il est certain que le fanal de Saint-Mathieu serait fort utile aux bâtiments qui approchent, la nuit, de la côte ; mais on ne peut se servir d'huile de poisson pour ce fanal, parce qu'elle fait une grande fumée qui encrasse et obscurcit les vitres, en sorte que le feu qui y est allumé ne parait pas du tout au dehors. On a déjà fait l'épreuve par laquelle on a reconnu qu'il faut absolument de l'huile d'olive pour ce fanal et il en faudrait 30 pots par mois pour entretenir le feu pendant la nuit, et comme l'huile d'olive est très rare et très chère, on ne saurait en avoir à moins de la payer argent comptant. A l'égard du feu de la Tour d'Ouessant il se fait, Monseigneur, avec du charbon de terre, des bûches et des fagots ; mais, comme il y a longtemps que le charbon de terre manque dans cet arsenal, nous n'avons pas été en état d'en procurer pour le feu de cette tour ». L'intendant estime que l'entretien de ces deux phares coûterait environ 250 livres par mois, et déplore de ne pouvoir pas, faute d’argent, faire face à une dépense aussi urgente, au moins pendant les mois d'hiver.

En présence de cette situation, le ministre de la marine demanda à son intendant de Brest si, pour se procurer les fonds nécessaires à l'entretien de ces feux, on ne pourrait pas imposer une taxe aux bâtiments du commerce qui, de nuit, entrent dans la rade de Brest, puisqu'ils bénéficient d'un éclairage qui, en principe, n'a été établi que pour guider les vaisseaux du Roy ; mais l'Intendant, qui connaissait fort bien l'esprit de la population maritime, lui répondit à la date du 8 février 1712, que, tout en reconnaissant la légitimité d'une pareille mesure, il ne croyait pas à son efficacité vu que tous ces gens qui font le commerce par mer aimeront mieux attendre au large le retour du jour que de payer un nouveau droit. Quinze jours après (22 février 1712), l'Intendant écrivait au ministre qu'il tâcherait de faire allumer ces feux jusqu'à la fin de l'hiver, au moins pendant le mauvais temps, et le pria instamment de vouloir bien assurer, pour l'avenir, le bon fonctionnement de ce service par l'allocation d'un crédit spécial.

Malgré toutes ces instances pressantes, huit ans après, la question était encore au même point. « Il y a déjà longtemps » dit l'Intendant au ministre, dans une dépêche du 26 février 1720, « que j'ai eu l'honneur d'informer le Conseil des feux qu'on avait coutume d'allumer autrefois sur les côtes à l'entrée de Brest et qui n'ont pas été allumés depuis très longtemps. Ce sont le fanal de Saint-Mathieu et la Tour d'Ouessant et j'ai eu l'honneur de vous rendre compte des dépenses qu'il serait nécessaire de faire pour le rétablissement et l'entretien de ces feux. J'ai l'honneur d'envoyer au Conseil un nouveau mémoire sur ce sujet ». Ce nouveau mémoire dont la teneur peut se résumer en deux lignes « donnez-nous de l'huile d'olive S. V. P. ou de l'argent pour en acheter » alla rejoindre ses aînés qui dormaient du sommeil du juste dans les cartons du ministère et ne changea absolument rien à la situation. Après tout, que pouvait faire le ministre, que pouvait faire le Conseil pour le phare de Saint-Mathieu, puisque les caisses de l'état étaient vides, qu'il fallait faire des économies à outrance pour amortir la dette de trois milliards léguée par Louis XIV et qu'il restait à peine assez d'huile d'olive pour éclairer les Soupers du Régent.

Désespérant d'obtenir jamais les fonds nécessaires à l'achat de l'huile d'olive, jugée indispensable pour l'entretien de ce fanal, et fatigué de faire le métier du singe qui montre la lanterne magique sans jamais l'allumer, l'intendant se demanda s'il ne vaudrait pas mieux remplacer cette cage vitrée par un vulgaire réchaud à charbon de terre, pareil à celui qui était au sommet de la Tour d'Ouessant. Sans doute l'arsenal de Brest n'était alors guère mieux approvisionné en charbon de terre qu'en huile d'olive ; mais au moins, on aurait eu la ressource, à défaut de ce combustible, de brûler sur ce même réchaud des bûches ou des fagots plus faciles à trouver. Mais la crainte de voir le feu se communiquer à l'église et aux bâtiments d'alentour sous l'action des vents d'hiver, fort violents sur ce point de la côte, lui fit sagement abandonner ce projet.

Cette situation était encore sensiblement la même lorsque, dans la nuit du 11 au 12 mars 1750, formidable coup de vent démolit la fameuse lanterne.

Il y a des choses dont l'utilité ne se révèle que lorsqu'elles ont disparu, la lanterne du Phare de Saint-Mathieu fut de ce nombre. A peine l'ouragan l'eut-il couchée par terre, que tout le monde se prit à la regretter sincèrement, moins pour les services qu'elle avait rendus de fait (elle n'était presque jamais allumée !) que pour tous ceux qu'elle aurait pu rendre... si l'huile d'olive n'avait pas été si chère. L'intendant, lui-même, qui s'était attaché à elle en raison du mal qu'elle lui avait donné, n'eut de cesse qu'elle ne fût remise en place, et, afin de la mettre désormais à l'abri des coups de vent, il eut soin d'en faire renforcer l'armature. Pour fêter plus dignement le rétablissement de ce fanal, il trouva même moyen de se procurer de l'huile de poisson épurée qui, sans être l'huile de ses rêves, s'en approchait quelque peu et en tout cas, marquait un progrès réel sur le passé. Le succès fut prodigieux. Jugez donc ! ce feu, qui autrefois ne parvenait pas toujours à percer les vitres encrassées de la lanterne, s'apercevait maintenant à près de deux lieues en mer ! Les goélands eux-mêmes en furent émerveillés au point qu'ils eurent de la peine à reconnaître leur ancien perchoir. N'en pouvant croire leurs yeux, ils en approchèrent le bec et même de si près, qu'ils brisèrent quelques vitres de la cage. L'intendant comprit que sa lanterne n'était pas imperfectible et s'empressa de la faire entourer d'un treillis en fil de fer épais et à mailles assez rapprochées pour tenir à distance ces visiteurs indiscrets. Ce treillis protecteur n'avait qu'un inconvénient ; c'était d'intercepter une partie de la lumière du fanal.

Moins de vingt ans plus tard, cet éclairage, jugé d'abord si brillant, fut trouvé absolument insuffisant tant il est vrai qu'en toutes choses un progrès en appelle un autre. En 1771, au retour d'une tournée d'inspection, M. Thévenard, le futur Amiral qui n'était encore que capitaine de frégate, fit à ses chefs un rapport détaillé sur le phare de Saint-Mathieu et proposa une série de modifications, qui devaient augmenter singulièrement la portée de ce fanal. Le comte d'Estaing, lieutenant-général des armées navales, adopta pleinement les conclusions de ce rapport et lorsque l'intendant souleva la sempiternelle objection du manque de fonds, il se déclara prêt à prendre à sa charge tous les frais qu'entraînerait cette transformation. Cette grosse difficulté levée, on se mit aussitôt à l'oeuvre. Aux panneaux de la lanterne, dont chacun se composait de 24 petits carreaux en verre ayant à peine de 6 à 7 centimètres de long et reliés entre eux par des lamelles de plomb, furent substituées de grandes glaces en verre de Bohème, ayant plus de soixante centimètres de long sur une trentaine de large. Les quinze lampions furent remplacés par douze lampes à double mèche, alimentées par un mélange d'huile de poisson épurée et d'huile de colza et munies de réflecteurs cylindriques en métal bien poli. Dans les premiers jours de mars 1773, la métamorphose fut complète et les résultats dépassèrent toutes les espérances.

« Ce feu, qui ne se voyait qu'à 2 lieues au plus, écrivit l'intendant au Ministre, à la date du 22 Mars, s'aperçoit actuellement à 5, 6 et même 7 lieues, lorsque les nuits sont très obscures et que l'air est très net, ainsi que le font connaître les 7 déclarations ci-jointes, prises dans un bien plus grand nombre que j'ai recueillies pour en constater le succès ». Les frais d'entretien de ce nouveau fanal restaient, à peu de chose près, les mêmes que par le passé ; quant aux dépenses occasionnées par la transformation du vitrage et le remplacement des lampes, elles s'élevaient à la somme de 497 livres 12 sols, somme bien minime, comparativement aux avantages considérables qu'elle procurait à la navigation, puisque désormais les nombreux écueils qui se trouvent à 3, 4 et 5 lieues de Saint-Mathieu et qui, très souvent, obligeaient les bâtiments à rester au large jusqu'au retour du jour, pouvaient, sans inconvénient, être franchis de nuit. « M. d'Estaing, dit l'intendant au Ministre à la fin de son rapport du 22 mars, m'a déjà offert le montant de cette somme ; mais vous trouverez sans doute, Monseigneur, qu'il n'est guère praticable de permettre que le service que ce général vient de rendre à la navigation et à l'humanité, soit à sa charge ». Nous ignorons ce que répondit le Ministre ; mais nous aimons à croire qu'il n'eut pas trop de peine à se ranger, sur ce point, à l'avis de son Intendant.

Grande fut la joie des navigateurs lorsqu'ils apprirent, par une ordonnance royale du 3 avril, que le fanal de Saint-Mathieu venait d'être perfectionné et qu'il aurait désormais une portée de 4, 5 et même 6 lieues ! Et cependant tous ces perfectionnements qui, à cette époque, semblaient être le dernier mot de la science, ne tardèrent pas à être dépassés à leur tour, grâce aux belles découvertes de Teulère, de Borda, d'Argand et de Fresnel, mais grâce aussi à un sentiment plus net de leurs devoirs chez les différents gouvernements qui se sont succédé en France et dont pas un n'eût voulu encourir le reproche de marchander la lumière aux hommes de dévouement qui, pour le plus grand bien de tous, affrontent les plus grands dangers et dépensent, sans compter, leur jeunesse, leur santé et leur vie.

En appliquant tous ces perfectionnements successifs au fanal de Saint-Mathieu, la commission des phares n'eut  qu'un regret, ce fut de ne pouvoir surélever de plusieurs étages la tour au sommet de laquelle il était placé, comme elle l'avait déjà fait pour le phare de Cordouan, afin d'augmenter la portée de son feu ; mais l'état décrépit de ce donjon séculaire ne paraissait pas offrir une base assez solide pour des travaux de cette importance. Il fut donc décidé qu'un nouveau phare serait construit à l'angle S. E. de la vieille église abbatiale. Les travaux commencés vers 1830, furent achevés en 1835, et le 15 juillet de cette même année, le nouveau fanal fut inauguré. La tour, remarquable par la solidité de sa construction, coûta, à elle seule, la somme de soixante mille francs : elle a près de 25 mètres de haut et s'élève sur un point où la côte elle-même dépasse d'une trentaine de mètres le niveau de la pleine-mer d'équinoxe, ce qui donne au fanal une altitude totale de 54 à 55 mètres ; son escalier, tout en granit de l'Aber-Ildut, sort des mêmes carrières que le dé qui sert de soubassement au fameux Obélisque de Louqsor. La lanterne qui abrite le fanal est la fois solide et élégante : son armature est composée de barres de fer forgé solidement boulonnées ; ses glaces, qui ont 81 centimètres de côté et de 8 à 9 millimètres d'épaisseur, sont assez fortes pour pouvoir se passer, d'un treillis protecteur qui les défende contre les becs des oiseaux de mer. Quant à son appareil éclairant, qui est celui de presque tous les phares de 2ème ordre, il a, par suite des progrès de la science de l'éclairage maritime, subi tant de modifications depuis 1835, que nous renonçons à les décrire. Nous nous bornerons à dire que depuis 1874, la source lumineuse est produite par une grande lampe à pétrole, à double courant d'air et à 4 mèches concentriques, qui consume environ 690 grammes de pétrole par heure. Autour de ce foyer lumineux se meut un tambour à douze pans garnis, chacun, d'une lentille à échelons et munis, dans le haut et dans le bas, d'anneaux catadioptriques qui permettent d'utiliser les rayons supérieurs et inférieurs de la flamme. Ce tambour est mis en mouvement par un système d'horlogerie qui ramène, à intervalles réglés, les éclipses et les éclats. Depuis 1835, ces éclipses se succèdent de 30 en 30 secondes [Note : Dans l'ancien phare elles se succédaient de minute en minute] et ne paraissent totales qu’au delà de 8 milles marins, soit environ 15 kilomètres.

Abbaye de Saint-Mathieu, Finistère (Bretagne)

En dehors du tambour, et sans participer à son mouvement, est fixé un grand réflecteur parabolique en cuivre argenté, qui empêche la déperdition de la lumière du côté de la terre et augmente l'étendue de la zone éclairée du côté de la mer.

Le feu est blanc : sa portée maxima est de 18 milles marins, soit d'environ 33 kilomètres. Trois gardiens veillent à tour de rôle à l'entretien du feu.

En dehors du pouvoir éclairant de son fanal, ce phare rend de jour et de nuit les plus grands services à la navigation ; car d'une part son alignement avec le phare de Kermorvan sert à déterminer la passe du chenal du Four et d'autre part son alignement avec le phare du Portzic trace la route à suivre pour entrer dans l'Iroise et le Goulet de Brest.

On raconte que dans les premiers temps de l'établissement du nouveau phare de Saint-Mathieu, de nombreux goélands, attirés par l'intensité de la lumière, venaient fondre sur la cage vitrée avec une impétuosité telle qu'ils se tuaient sur le coup, jonchant de leurs cadavres la galerie extérieure qui fait tout le tour de la lanterne ; de sorte que le lendemain matin, le gardien de service n'avait qu'à faire une tournée sur cette galerie, pour y trouver de quoi garnir sa broche. Aujourd'hui, ces bonnes aubaines sont devenues très rares, ce qui donne à supposer que, même parmi les oiseaux, le nombre des naïfs tend à diminuer de jour en jour.

En 1875, il fut question d'adjoindre au Phare de Saint-Mathieu une trompette d'alarme, à air comprimé, pareille à celle qui, depuis 1867, fonctionne à Ouessant (pointe de Pern) et depuis 1874 au Phare du Four, pour signaler aux navigateurs la proximité de la côte par temps de brume épaisse, mais les frais énormes qu'entraîne le fonctionnement de ces appareils sonores [Note : Pour comprimer l'air et l'insuffler dans les cylindres et pour faire tourner la trompette sur son axe de manière à porter le son sur toute l'étendue de l'horizon maritime, il faut une machine à vapeur de la force de trois chevaux et brûlant de 5 à 6 kilogrammes de charbon par heure] joints à l'insuffisance de leur portée [Note : Pour rendre des services réels à la navigation, ces trompettes devraient s'entendre, au moins, à 6 milles marins, c'est-à-dire à 10 ou 11 kilomètres. Or, même par temps calme, on ne les entend qu'à 4 ou 5 milles au plus, c'est-à-dire à une distance de deux lieues, et dès que la mer élève sa voix, la trompette a bien du mal à se faire entendre à plus d'un mille et demi à deux milles. Cette portée est encore moindre par les grosses tempêtes alors que le navigateur aurait le plus besoin d'être averti des dangers qui le menacent. C'est ainsi qu'en juillet 1877 un grand navire s'est brisé sur la côte d'Ouessant à deux kilomètres et demi à peine de la trompette dont le son ne parvenait pas jusqu'à lui] et à la crainte d'amener une confusion de signaux, firent abandonner ce projet.

Terminons notre Etude sur la Pointe Saint-Mathieu en glissant qu'à environ deux cents mètres du Phare se trouve un poste électro-sémaphorique qui, de concert avec ceux établis à Ouessant, à l'Ile Molène, au Conquet, à la Pointe de Corsen et à Brest, rend de précieux services à la navigation en signalant immédiatement à la Marine de l'Etat les bâtiments en perdition sur la côte et en la mettant à même d'envoyer aux malheureux naufragés des secours dont la promptitude a déjà sauvé la vie à bien des gens (H. Urscheller).

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