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VIDELO - TANCREDE

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Il est douteux que Le Peige, dit Debar ou le Prussien, et Guesno de Penanster dit Renaud, colonel et lieutenant-colonel de la légion de Gourin, aient jamais paru à Penvern ; le témoin qui l'affirme est bien suspect. La chose est moins improbable pour Achille Biget, ou simplement Achille, chef de la légion de Melrand depuis la mort de Jean Jan (25 juin 1798), jusqu'à la pacification du 12 février 1800 ; et elle est à peu près certaine pour son successeur, Julien-Augustin Dancourt, plus connu dans la chouannerie, sous le nom d’Augustin. C'était un émigré picard ; il avait été le second d'Achille avant d'être son successeur. Il refusa son adhésion à la convention du 12 février 1800, et resta à la tête de la région comprise entre Le Blavet, l'Ellé et la mer. Il s'appliqua avec une grande activité à maintenir et compléter l'organisation de sa légion et mit tout en œuvre pour préparer un nouveau soulèvement.

Augustin était à Penvern vers la mi-décembre de l'année 1800. C'est là sans doute que Georges Cadoudal, rentré dans le Morbihan, lui fit remettre un billet qu’il terminait par ce post scriptum : « Mes respects aux deux sœurs. — Rappelez-moi au souvenir de M. Tancrède » (Cette lettre était signée « Muscadin »).

Ce M. Tancrède est de tous les chefs chouans l'hôte le plus assidu des demoiselles du Pérenno ; c'est lui qui revient le plus souvent à Penvern, qui y séjourne le plus longtemps. C'est le principal personnage de notre récit.

De son vrai nom il s'appelait Julien-Marie-Cyrille Videlo. Dans la chouannerie, c'était un ouvrier de la onzième heure et son passé ne semblait pas devoir le conduire de ce côté de la barricade.

Il était né à Pontivy, rue de Neulliac, le 21 septembre 1769, d'une famille d'hommes de loi. Son père, Julien Videlo exerçait les fonctions de notaire et procureur royal de la juridiction ; sa mère, Anne-Marie Blouët, était de famille vannetaise (Arch. comm. de Pontivy, Etat civil).

Il fit ses études au collège de Vannes ; en 1787, il était élève de logique (Papiers Mauricette. Bibliothèque du collège Saint-François-Xavier).

Il avait deux frères prêtres ; nous les avons nommés par ailleurs : l'aîné Benjamin, était recteur de Bubry, l'autre, Louis, était vicaire dans la même paroisse.

Cela ne l'empêcha pas d'adopter avec enthousiasme des idées nouvelles ; il suivait en cela l'exemple de son père et de son beau-frère, Bon Jan de la Gillardaie, qui occupèrent presque toujours des postes plus ou moins en vue dans le corps municipal de Pontivy, dans l'administration du district ou dans la magistrature [Note : Bon Jan de la Gillardaie, fils de Pierre Jan de Laumaillerie et d'Anne Hochet, né a Guer en 1745, était avocat au Parlement en 1789. Il avait épousé Félicité Videlo le 1er septembre 1778. Maire de Pontivy en 1788, il fut pendant la Révolution membre du district, juge au tribunal, etc. Son beau-père fut tour à tour officier municipal, notable, assesseur du juge de paix. (Cf. Corentin Le Floch, p. 47 et 48)].

Lui-même fit partie de la garde nationale dès sa création ; d'abord simple canonier, il était adjudant en 1792 (Arch. comm. de Pontivy). A ce titre il dut marcher en mars 1793 contre les insurgés de Pluméliau ou tout au moins prendre part à la défense de Pontivy contre leurs attaques.

Enfin, au moment même où la chouannerie s'organisait et devenait redoutable, en vendémiaire an III, peut-être pour n'avoir point à combattre des compatriotes, il s'enrôla dans l'armée républicaine. Incorporé d'abord dans le 110ème régiment d'infanterie, il fut versé plus tard dans la 196ème demi-brigade. Il resta trois ans environ et fit deux campagnes au service de la République. Il fut réformé comme lieutenant vers la fin de l'année 1797 [Note : Interr. de Julien Videlo, dit Tancrède par le capitaine rapporteur de la Commission militaire].

Un de ses frères, engagé comme lui, était mort sous les drapeaux [Note : Lettre de Puillon-Boblaye, commissaire du directoire exécutif, à l'Admnistration départementale, 5 septembre 1799, (Arch. dép., L. 314)] ; et quand il rentra dans sa ville natale, il y avait un an que son père avait lui-même quitté ce monde (Arch. comm. de Pontivy, Etat civil).

Il avait étudié le droit ; il se fixa à Pontivy en qualité d'homme de loi.

Il était de taille légèrement au-dessus de la moyenne, il avait les cheveux et les sourcils bruns et portait une queue de quatre à cinq pouces ; il avait les yeux gris, le front haut, le visage ovale mais couturé de petite vérole et sa lèvre supérieure était fortement relevée : il était, paraît-il, très laid [Note : D'après le signalement dressé par le citoyen Ruinet, directeur du jury de Pontivy (interrogatoire de Julien Videlo), et les déclarations de La Bretagne (Arch. dép., M. 4), il y avait, paraît-il, d'autres spécimens de laideur dans sa famille : on cite particulièrement une de ses sœurs et le recteur de Bubry lui-même (Cf. Corentin Le Floch, p. 59, note 2)].

Il était heureusement mieux partagé au point de vue intellectuel et moral. La jurisprudence et l'expédition des affaires, probablement peu nombreuses, qu'il avait à traiter — car il débutait — lui laissaient des loisirs, et il aimait l'étude.

Ses papiers contiennent des notes de lecture, des extraits d'auteurs, même des essais personnels sur les sujets les plus divers [Note : Ces pièces, versées à l'instruction à la demande de Julien Videlo lui-même, sont numérotées de 23 à 61. Le n° 24 est un catalogue de bibliothèque ; on y remarque des ouvrages d'Arnauld, Nicole, Basnage, Bergier, Malebranche, l'abbé Nonotte, Pascal, La Bruyère, La Rochefoucauld, Condillac, Fontanelle, Bussy-Rabutin, Bougainville, Mme de Lefayette, Péréfixe, Richelieu, Montesquieu, Quesnay, Rollin, etc., etc.]. Sa curiosité d'esprit s'exerce dans toutes les directions : histoire générale ou histoires nationales ; géographie des principaux pays de l'Europe (France, Italie etc.), des deux Amérique (Etats-Unis, Pérou), de l'Asie (Japon) ; histoire naturelle, astronomie, mythologie, art militaire.

Ce qui l'attire surtout ce sont les questions d'apologétique et de philosophie religieuse ou morale. De là des extraits ou des essais sur la Religion, sur la Religion et ses caractères vraiment divins, sur la Religion marquée au sceau de la vérité, sur l'incrédulité et l'influence de la Religion sur le cœur de l'homme, des Elévations à Dieu, un Portrait d'un curé, un Portrait des communautés, un Parallèle entre la mort du chrétien et celle de l'impie. De là aussi des notes sur l'Amour et les perversions de l'amour, sur les Femmes, sur l’Amour-propre, sur l'Idole du siècle (Plutus), sur la Vertu, sur le Travail, sur la Conversation, sur la Plaisanterie de l'homme délicat et de l'homme grossier, etc. etc..

L'ensemble révèle un esprit sérieux et cultivé, une âme profondément chrétienne, élevée, noble et droite, éprise du beau et voulant le bien. Seulement le jeune avocat pontivien était de son temps : on s'en aperçoit trop parfois dans sa façon de sentir et d'écrire.

Son dossier comprend enfin au moins deux brouillons de lettres : l'une est une sorte de dissertation sur la sensibilité et la bienveillance ; l'autre, adressée à X. en 1797, alors que Videlo appartenait encore à l'armée républicaine, n'est autre chose, dans la partie qui nous reste, qu'un essai sur les conditions du bonheur. Elle donnera une idée assez exacte, croyons-nous, du caractère et du tour d'esprit de son auteur. Nous la transcrivons en note [Note : « Lettre écrite à X... 1797, an V. Tu me demandes, mon ami, quel est le moyen de vivre heureux. Tu me fais là une question bien difficile à résoudre. Je n'ai même pas, il s'en faut beaucoup, assez d'expérience pour la traiter d'une manière satisfaisante. Cependant je vais te faire part de ma manière de penser à ce sujet, persuadé que l'amitié est indulgente et que tu es bien éloigné de me demander des connaissances qui exigent une étude approfondie du cœur humain. Le bonheur dont tu parles est l'objet des recherches de tous les hommes. D'abord, mon cher ami, il est essentiel de définir ce que tu entends par Bonheur. Si je te connaissais moins, je pourrais penser que tu le fais consister dans les richesses, dans les honneurs, dans les autres jouissances extérieures de la vie ; mais, tu le sais, toutes ces jouissances factices ne sont pas capables de remplir le cœur de l'homme ; il lui faut pour le satisfaire un plaisir plus délicat et plus noble. Le bonheur selon moi est cette jouissance intime que procure à l'homme la modération de ses désirs et l'utile emploi de ses facultés. Ainsi la nature a placé tout près de nous ce sentiment délicieux dont les hommes révoquent l'existence en doute ; il ne tient qu'à eux d'en jouir, mais il semble qu'ils s'attachent à s'en éloigner à chaque instant de la vie. On dirait même que plus ils ont d'expérience, plus ils s'écartent de la route qui doit les y conduire. Incertains dans leurs résolutions et dans leurs projets, faibles dans l'exécution de leurs vues, incapables de borner leurs désirs, ils passent la moitié de leur vie à former des souhaits, et l'autre moitié à se plaindre de les avoir accomplis. Quelle est donc, mon cher ami, la raison de cette bizarrerie inconcevable ? J'ai cru la trouver dans l'étendue que nous donnons à nos désirs et à nos ambitions. Dès l'enfance on remplit notre imagination de l'idée de jouissances auxquelles nous ne pouvons guère prétendre. Sous prétexte d'émulation, on agite notre ambition naissante et l'on prépare dès lors la chaîne des besoins qui doit nous attacher le reste de la vie. La jeunesse ne fait qu'ajouter encore à la somme de ces besoins imaginaires et la vieillesse, tout en nous faisant apercevoir le mauvais emploi que nous faisons de notre raison, nous laisse encore assez de préjugés pour nous faire souhaiter davantage, au lieu de jouir enfin de notre tranquillité. Tel est le sort de la plupart des hommes. Ils désirent au lieu de jouir. Veux-tu donc t'assurer pour la vie un bonheur indépendant de tous les événements, suis une route tout à fait opposé. Contente-toi de la condition où la fortune t'a placé ; occupe-toi utilement pour ta famille et pour ta patrie, de manière que l'examen de ta conduite ne te laisse ni remords ni regrets. Puis surtout l'oisiveté. Fais-toi un plan invariable de conduite, c'est le moyen d'avoir des principes et de ne s'en écarter jamais. Aie peu de passions, peu de besoins, un esprit humble et résigné, un cœur qui s'ouvre aux douceurs du sentiment et qui se ferme aux tourments de l’amour-propre, des goûts honnêtes, des travaux utiles, des devoirs bien remplis une âme où tout s’accorde : voilà la source du vrai bonheur »].

Julien Videlo n'était pas en communion d'idées avec les maîtres du jour qui continuaient à persécuter la religion catholique et ses ministres et s'efforçaient par tous les moyens de lui substituer, après la déesse Raison et l'Etre Suprême, les bêtises de la Théophilantropie ou les niaiseries du culte décadaire.

Il y avait plus, ses deux frères, Benjamin et Louis, comptaient parmi les prêtres réfractaires les plus notables et les plus influents. L'aîné exerçait depuis quatre ou cinq ans, dans toute une partie du diocèse, les fonctions de vicaire général et, pour le distinguer de Louis, on l'appelait communément « Le Grand Vicaire ». A ce titre il intervint à plusieurs reprises pour réprouver les serments successifs auxquels la Convention et le Directoire prétendirent subordonner la célébration du culte dans les églises. Après l’avénement de Bonaparte, conformément aux instructions de Mgr Amelot, il interdit de la même façon le serment de fidélité à la Constitution de l'an VIII, prescrit par les proclamations du Premier Consul en date du 29 décembre 1799 et du 6 janvier 1800. Il usa de toute son autorité pour détourner les prêtres d'accepter les passes ou cartes de sûreté délivrées par les représentants du nouveau pouvoir, aux ecclésiastiques qui consentaient à pratiquer le culte public et à prêcher la paix. Il ordonnait de se borner, comme par le passé, au culte secret.

C'étaient là contre le recteur et le vicaire de Bubry de sérieux griefs, et ce n'étaient pas les seuls. Dans leur esprit, une étroite solidarité unissait le trône et l'autel. La tradition religieuse et la tradition monarchique avaient été victimes de la même tourmente : associées à la même détresse, elles devaient être associées dans un commun relèvement. Ils ne séparaient pas la cause de la religion de la cause du roi.

De là leur irréductible hostilité vis-à-vis des pouvoirs issus de la Révolution et leurs relations amicales avec ceux qui les combattaient. A plusieurs reprises ils avaient dû se réfugier dans les bandes organisées sur la rive droite du Blavet sous Jean Jan, Achille Biget ou Augustin. Leurs ennemis dénaturaient leur rôle à plaisir, exagéraient singulièrement leur influence dans les conseils de la chouannerie. « Le Grand Vicaire » surtout, à cause de sa haute situation, était devenu le cauchemar des jacobins impénitents. Et cette haine violente s'exaspérait en raison même de l'inutilité des efforts tentés jusque-là pour s'emparer de sa personne (Cf. Les Prêtres de Bubry, p. 163 et suiv., 172 et suiv.).

Aux yeux des révolutionnaires de Pontivy, cette parenté compromettante était une cause de suspicion pour Julien Videlo. Les moindres incidents pouvaient désormais rendre sa situation intolérable. Un jour il s'avisa de se faire remplacer pour le service de la garde nationale ; une autre fois il osa soutenir que, aux termes d'un décret du Directoire, la colonne mobile rentrée dans ses foyers devait faire partie intégrante de la garde nationale. Mal lui en prit : pour ce double délit, le commandant de la milice citoyenne, Jacques Violard, le fit incarcérer à deux reprises [Note : Interrogatoire de J. Videlo par Busson, juge instructeur du Tribunal spécial. — Arch. dép., 37 U 3. Déposition de Laurent Morand devant le capitaine rapporteur de la commission militaire. Ce Laurent Morand était commis-négociant à Pontivy. Nous le retrouveront plus loin. — Jacques Violard avait été poussé à user de rigueur vis-à-vis de Videlo et Morand par une lettre écrite de Vannes, le 15 avril 1799, par le patriote pontivien Le Bare (Arch. comm. de Pontivy)].

Violard ne prenait pas la peine de dissimuler son animosité : à Laurent Morand, incarcéré en même temps que Videlo et pour le même motif, il déclarait que ce n'était pas à lui, mais à Videlo qu'il en voulait (Arch. dép., 37 U 3, déposition de Laurent Morand) ; il alla même si loin que, en une circonstance au moins, il s'attira l'indignation de tous les témoins.

De son côté, le commissaire du directoire exécutif, Puillon-Boblaye, traitait publiquement Videlo de chouan [Note : Déposition de Louis Rondeau, commis à la recette de Pontivy (Arch. dép, 37 U 3 déposition de Laurent Morand].

Sans doute, quand il s'agit d'appliquer la loi des otages, Puillon écrivait encore au département (5 septembre 1799) : « Il n'y a [à Pontivy] de parents de prêtres déportés que les Videlo ; mais je n'ai pas cru devoir les porter [sur la liste], attendu que celui qui existe a fait deux campagnes au service de la République et que son frère y est mort » (Arch. dép., L. 314). L'ancien lieutenant à la 196ème demi-brigade bénéficiait encore de son passé ; mais cela ne pouvait durer ; il disait lui-même hautement qu'il « ne se sentait plus en sûreté dans une ville où les magistrats pouvaient l'insulter impunément et sans motif » (Arch. dép., 37 U 3, déposition de Laurent Morand).

Les vexations dont il était victime le décidèrent enfin et dans les premiers jours de l'année 1800 il allait rejoindre le quartier-général de la légion de Melrand, se mettait à la disposition d'Augustin et prenait le nom de Tancrède, déjà porté par Jean-Gabriel Le Pape, lieutenant de Debar (Arch. dép., 37 U 3).

Huit jours après, le 12 février, Georges Cadoudal, qui jugeait la partie perdue, signait avec le général Brune, représentant du premier Consul, la pacification de Beauregard (Château situé près du bourg de Saint-Avé, non loin de Vannes).

 

JULIEN VIDELO-TANCRÈDE DANS LA CHOUANNERIE.

Julien Videlo ne s'était pas fait chouan pour huit jours ; il fut de ceux qui refusèrent de déposer les armes.

Tard venu dans la chouannerie, il allait peu à peu, peut-être sans le chercher, s'y faire une place importante.

Ses frères étaient, assurait-on, les amis et les conseillers d'Augustin (Cf. Les Prêtres de Bubry, p. 175 et 176). Son titre d'ancien officier de l'armée républicaine en imposait à beaucoup ; et on lui attribuait des exploits qu'il n'avait peut-être jamais accomplis. On racontait qu'il avait gagné la croix de Saint-Louis par sa valeur dans un régiment de hussards (Interrogatoire de Dominique Miller, dit La Bretagne).

Augustin l'avait d'abord pris comme secrétaire ; avant la fin de l'année 1800, il était devenu son lieutenant le plus en vue, à côté de Duval qui commandait les paroisses du nord et de Joson [Note : Joson ou Job, de son vrai nom Joseph Botherel, ancien élève du collège de Vannes, était de Kermillard alors en Grand-Champ, aujourd'hui en Brandivy. C'est un des plus sympathiques chefs de bande de la chouannerie. (Arch. dép., 37 U 2)] dont nous avons parlé plus haut, Cadoudal le désignait deux fois comme chef de légion ; c'était à lui en effet, à ce qu'il semble, qu'était réservé le commandement la légion nouvelle que Joson travaillait à organiser entre Hennebont et Quimperlé, par démembrement de celle de Melrand (SAGERET, La Chouannerie Morbihannaise, sous le Consulat, t. II, premier fascicule, p. 464 et suiv.).

Il résidait d'ordinaire chez ses frères à Bubry. C'était aussi à Bubry ou dans les environs qu'on voyait le plus souvent Augustin, à proximité des cachettes les plus sûres, des dépôts d'armes et de munitions et des lieux de rassemblement (SAGERET, ouvr. cité, pp. 88 et 89). Il se retirait aussi fréquemment à Penvern. Il avait connu les demoiselles du Pérenno pendant leur internement à Pontivy en 1793. Ses deux frères étaient des habitués du château ; et lui-mêne était tout dévoué aux deux causes chères aux deux châtelaines, le trône et l’autel.

De là il correspondait, soit au nom d'Augustin, soit en son nom personnel avec les principaux officiers de la légion : avec Duval, avec Joson, avec Georges Kremer, dit Richard, un alsacien déserteur, avec Pierre Roger qui avait quitté la compagnie franche d'Hennebont pour passer aux insurgés. Il visitait les chouans dispersés des portes de Pontivy, Baud et Guémené à celles de Lorient et Quimperlé, transmettant les instructions du général, veillant à l'entretien des hommes et ranimant les courages (Arch. dép., 37 U 3, et procédures du Tribunal spécial, 48-59, interr. de Dominique Miller).

Il réprouvait énergiquement d'ailleurs les violences contre les personnes, et le pillage des biens des particuliers. Tout ce qu'on pourra lui reprocher plus tard, ce sera sa collaboration sous la direction d'Augustin, à un projet d'attaque de diligence transportant des fonds du Trésor (Arch. dép., 37 U 3, lettre de Tancrède à Roger), et que Joson d'ailleurs refusa d'exécuter, au grand mécontentement du chef de légion (Arch. dép., 37 U 3, lettre d’Augustin à Joson). A peine dans la chouannerie, il avait donné la mesure de sa modération en empêchant l'exécution de Louis Le Fouler, de Bieuzy, qui avait accepté l'amnistie offerte par le général Brune et rendu ses armes (Arch. dép., 37 U 3, déclaration de Louis Le Fouler).

Cela ne l'empêchait pas de s'opposer de toutes ses forces à la remise des armes qui aurait réduit la chouannerie à l'impuissance, comme au mariage des jeunes gens qui aurait rendu son recrutement impossible, et enfin à la pratique du culte public qui, généralisée, lui aurait enlevé, aux yeux de beaucoup, sa principale raison d'être.

Sur ces deux derniers points, l'Evêque de Vannes, Mr Amelot, soutenait de l’exil les prétentions des chefs chouans. Mais il y avait des prêtres — et leur nombre augmentait — qui trouvaient acceptables les conditions posées par le gouvernement consulaire, qui, en tout cas, avec ou sans passes, croyaient pouvoir marier les jeunes gens qui se présentaient et officier publiquement dans les églises. Cadoudal les redoutait beaucoup et recommandait instamment de « les surveiller pour les empêcher de nuire ».

Fort de l'exemple de ses frères, Tancrède ne faillit pas à cette lâche. Pendant les fêtes de Noël 1800, il rencontra à Kerdanet en Redené, chez le juge de paix Juan Ficheau, un de ces prêtres soumissionnistes, Toussaint Bertrand de la Motte, ancien vicaire de Bubry. Il le prit à partie et lui reprocha vivement sa conduite. M. Bertrand se défendit ; mais la discussion devint si violente qu'il dut se retirer. Quant à Tancrède, il ne se fit pas faute de recommander à son courrier, présent à la scène, et à tous ses hommes « de se défier de ce prêtre Lamotte, des prêtres de Guidel et de tous ceux qui avaient pris des passes tels que le recteur de Caudan et autres...  » [Note : Les Prêtres de Bubry, p 189. Archiv. départ., procédures du Tribunal spécial, 48-68, interrogatoire de Dominique Miller, dit La Bretagne].

Cette querelle attira dès le lendemain sur M. Bertrand les foudres d'Augustin, Dans une lettre fière, hautaine, menaçante, écrite à coups de sabre, qu'il lui adressa de Bubry, il exhalait son indignation contre les ecclésiastiques qui osaient faire la moindre concession à la République consulaire (Les Prêtres de Bubry, p. 190. — SAGERET, ouvr. cité, pp. 168 et 169).

Quant au recteur de Caudan, Etionne Thomas, il ne paraît pas avoir mérité les anathèmes de Tancrède. Le 30 décembre, il lui faisait parvenir, sous la signature de Stévan, un billet plutôt soumis sur la question du mariage des jeunes gens (Arch. dép., 37 U 3).

Cette fin de l'année 1800 porta des coups terribles à la légion de Melrand. Elle perdit coup sur coup son chef et deux de ses meilleurs officiers.

Duval avait été massacré le 1er décembre, à la Montagne de Quistinic, près de Locminé, par l'escorte qui le conduisait aux prisons de Vannes [Note : Arch. dép., M, 6, lettres de Toursaint, adjoint de Locminé, à d'Haucourt, sous-préfet de Pontivy, des 1er et 11 décembre].

Le dimanche 28 décembre, Augustin lui-même tombait obscurément, sous la balle d'un géndarme, à Locmaria-Grâce, en Plouay et ses huit compagnons étaient faits prisonniers [Note : Le Morbihan et la Chouannerie, etc , t. II, premier fascicule, p. 480 et suiv. Augustin d'Ancourt, n'était pat un personnage vulgaire. Il eut sans doute des torts ; en ce temps, de guerre civile, qui n'en eut pas ? Mais, c'était un caractère. Il s'est peint lui-même dans cette phrase de sa lettre à M. Bertrand dont nous parlons par ailleurs : « Jamais le parti royaliste n'a été plus honorablement défendu qu'en ce moment où le petit nombre de ses chefs, officiers et soldats, préfèrent la mort à l'horreur de plier sous le joug et de trahir ses devoirs et sa conscience ». C'était aussi un chrétien. Parmi les pièces saisies sur lui au moment de sa mort, il s'en trouve une, écrite de sa main et teinte de son sang, qui nous livre les secrets de son âme. Nous avons cru devoir la transcrire en son entier « Avec la grâce de Dieu et sous les auspices de la Très Sainte Vierge Marie et de mon bon ange, comme chrétien et militaire, je me propose de ne donner que six heures à mon repos à moins d'une très grande fatigue. De consacrer mon temps, lors du domicile fixe, à l’étude de mon état pour acquérir les connaissances, qui me sont nécessaires dans mes voyages, de m’attacher à juger des différentes localités, des endroits que je parcourrai ; dans mes repas, d'exercer la frugalité et sobriété aussi indispensable à un militaire qui veut bien remplir ses devoirs qu’expressément ordonnés par la Loi chrétienne. Dans mes conversation d’éviter de parler aventageusement de moi-même et de dire la moindre chose aux dépens de de qui que soit ; avec tout le monde, d’être honnête, affable, mais réservé (?), d’aimer à écouter les avis des personnes sages et prudentes. De ne jamais suivre mon premier mouvement, surtout en des choses de première nécessité ou majeures ; de mener une vie dure et qui sache s’accoutumer à toutes les peines et privations ; de fuir l’oisiveté, de ne refuser l’aumône à aucun pauvre, de jeûner les mercredis vendredis et samedis ; de faire abstinence tous les mercredis et de dire un chapelet tous les jours (Arch. dép, 37 U 3 ) ». Le corps d’Augustin fut transporté à Hennebont et inhumé sans doute dans le cimetière de cette ville. Ses huit compagnons furent traduits devant une commission militaire séant à Lorient. Sept furent condamnés, à mort le 11 février 1801, et, sauf un, exécutés le lendemain matin. Ils marchèrent au supplice en chantant et en criant : « Vive le Roi ! Vive Louis XVIII ! Nous mourons pour le Roi et pour la Religion ! ». Ils furent assistés par l’abbé Ponsart qui desservait la chapelle de l'hôpital. Leur exécution se fit avec une barharie révoltante : on leur tira dessus pendant plus de cinq minutes (Arch. dép., M 1, lettre du sous-préfet de Lorient au préfet du Morbihan, du 12 février)].

Enfin deux jours après, dans la nuit du 30 au 31 décembre, Joson était surpris et tué à Kerdelam, en Quéven et quatre de ses hommes étaient pris par les bleus.

Cette nuit-là même Tancrède et quelques autres se trouvaient au village de Loquion, non loin de Kerdelam. Ils n'eurent que le temps de se sauver avant l'arrivée de la troupe [Note : Arch. dép. 37 U 1 et 37 U 2. Deux compagnons de Joson dont Yves Baudet de Pluneret, son ancien condisciple au collège de Vannes, furent condamnés à mort par la Commission militaire, le 5 mars. — SAGERET, ouvr. cité, p. 483 et suiv.].

Ces événements mettaient Julien Videlo au tout premier plan dans la légion. C'était à lui sans conteste, à défaut de Duval et de Joson, que revenait le commandement en chef devenu vacant par la mort d'Augustin. Au dire de Dominique Miller, il en fut officiellement investi par Georges Cadoudal. En fait il l'exerça peu et sur un effectif très réduit par les récents malheurs. Outre son domestique, Pierre Rado, dit Philippe, de Lesbin-Pontscorft, nous relevons parmi ses subordonnées deux lorrains, Dominique Miller, dit La Bretagne et Antoine Kindic, dit Sans-quartier, l'alsacien déserteur Georges Kremer, dit Richard ; puis des chouans du pays : Auguste Peuron, dit Pivert, de Pontivy ; Augustin Dagorne et Colas, de Bieuzy ; Vincent-François-Milloch, dit Tristan, d'Hennebont ; Mars, de Bubry, Pierre Quintrec, dit Pentiagarh, d'Arzano ; Le Crom, dit La Fleur, boulanger à Caudan [Note : Arch. dép. procédures du tribunal spécial, 48-68 interrogatoire de La Bretagne ; ibid. 37 U 3, interrogatoires de Julien Videlo].

Il se contentait en général de veiller sur leur conduite, qu'il voulait régulière [Note : Interrogatoire de La Bretagne. La Bretagne avait des fréquentations suspectes. Au mois de février 1801, Tancrède les lui reprocha vivement, ajoutant qu'il aurait mieux fait « de penser à faire la guerre que d'aller voir les filles, et qu'il le ferait fusiller s'il continuait ». Il s'agit dans l'espèce de Perrine Doussal, de Gestel, qui devait être assassinée vers le 10 juin de cette année, au moment même de l'arrestation de La Bretagne (Trib. Crim. Procéduce 616)], de leur fournir vêtements, chaussures, objets d'équipement ; de leur payer la solde en partie avec de l'argent qu'il recevait de Debar (Arch. dép, 37 U 3). Pour leur conserver quelque chance de sauver leur tête au cas où ils seraient faits prisonniers, il leur recommandait instamment de ne porter d'armes sur eux qu'en cas de nécessité (Interrogatoire de La Bretagne). Ajoutons que pendant cette période aussi bien que pendant la précédente, on ne peut faire remonter jusqu'à lui la responsabilité d'aucun de ces actes de brigandage qui, au cours de la chouannerie, déshonorèrent tour à tour les deux partis.

Enfin Tancrède avait les meilleures raisons pour ne pas se montrer : au moment même où il était nommé chef de légion, Bonaparte exaspéré par l'attentat de la machine infernale (nuit de Noël 1800), prenait les mesures les plus extrêmes pour terroriser ses adversaires innocents ou coupables. Il frappa de tous côtés, les jacobins d'abord, les royalistes ensuite. La chasse aux chouans redoubla d'activité. Dès le commencement de janvier, le ministre de la police générale désignait Tancrède au préfet du Morbihan. Le 16, celui-ci prit un arrêté ordonnant l'arrestation de « Julien-Marie-Cyrille Videlo, militaire retiré et chouan non rentré » (Arch. dép., M, 4).

Les sous-préfets de Lorient et de Pontivy, le général Roulland, commandant la division militaire du Morbihan dont le quartier-général était à Hennebont, le général Villatte, commandant l'arrondissement de Pontivy, le chef de bataillon de gendarmerie du département et le lieutenant en résidence à Pontivy, toutes les brigades et tous les cantonnements de troupes furent mis en mouvement pour assurer l'exécution de l'arrêté préfectoral (Arch. dép., M, 1, 3 et 4).

Le préfet avait écrit que Tancrède devait être à Bubry (Arch. dép., M, 4, lettre du préfet au sous-préfet de Lorient) ; à Pontivy on avait des raisons de le croire ailleurs, et, de plus, on espérait prendre avec lui ses deux frères, le recteur et le vicaire.

Le 23 janvier, le maréchal des logis de gendarmerie de Guémené et sa brigade, un officier et cinquante hommes de la 31ème demi-brigade, arrivaient, à Penvern un peu avant le jour. Le château fut cerné, et Pierre Fily dut ouvrir les portes. Les perquisitions commencèrent aussitôt sous les yeux de Bonne et Rose du Pérenno invitées à y assister, mais laissées dans l'ignorance du but poursuivi. Après deux longues heures de recherches infructueuses, n'ayant rien découvert « qui put troubler la tranquillité publique », grenadiers et gendarmes rentrèrent à Guémené (Arch. dép., 37 U 3).

En rendant compte de cet échec au préfet, le sous-préfet de Pontivy croyait devoir le prévenir que l'arrestation de Videlo serait difficile : le chef chouan, disait-il, se cachait sans doute plus soigneusement que jamais (Arch. dép., M, 3).

Tancrède se cachait en effet de son mieux, à Bubry, à Penvern, ou dans les nombreuses caches dispersées dans l'étendue de sa légion. Il se demandait aussi si la cause pour laquelle il combattait avait encore quelque chance de succès. Il n'ignorait pas que la fin de la guerre continentale et les négociations avec le Pape en vue d'un concordat fortifiaient singulièrement le pouvoir de Bonaparte. Ne s'exposait-il pas à subir un jour ou l'autre le sort d'Augustin et de Joson, ou, pis encore, celui de leurs compagnons, sans profit aucun la cause de la religion et de la monarchie. Pourquoi s'obstiner dans une lutte sans espoir ?

D'autre part les délais accordés aux chouans pour être admis à bénéficier de l'amnistie étaient expirés depuis longtemps.

Il se décida cependant à tenter des démarches pour faire accepter sa soumission. Les demoiselles de Penvern l'y poussaient de toutes leurs forces (Interrogatoires des demoiselles de Penvern). Vers la mi-avril, il écrivit à deux pontiviens qui habitaient Vannes, Germain Morand et sa femme, pour les prier de plaider sa cause auprès du préfet. Il ne reçut pas de réponse [Note : Arch. dép. 37 U 3, interrog. de Tancrède devant le juge instructeur du Tribunal spécial]. Il pouvait espérer toutefois qu'on lui tiendrait compte dans une certaine mesure de cette preuve de bon vouloir.

Le plus sûr était de se tenir prêt. Bonne du Pérenno le comprit. Il y avait à la porte même de sa chambre, à l'extrémité du corridor du côté du levant, une armoire à fond mobile : elle fit déposer derrière les armes de Tancrède. Mais il fallait une cachette pour le proscrit lui-même. Dans les dernier jours du mois de mai, elle fit venir de Guémené le menuisier François Le Verger. Elle le conduisit dans un corps de bâtiment, débris de l'ancien château, qui formait équerre avec le logis principal. Il est en ruines aujourd'hui. Il comprenait alors la cuisine et ses dépendances. Ils montèrent ensemble dans un grenier planchéié, d'où ils passèrent, par une porte pratiquée dans le mur du côté du midi dans un autre grenier plus petit, à plancher en barasseaux enduits de terre glaise mêlée de foin, qu'on appelle terrasse en notre pays. Ce petit grenier était contigu au nouveau château mais n'avait pas de communication directe avec lui. Elle commanda d'y faire une sorte de coffre en belettes brutes, long de cinq pieds, large de trois et profond de sept ou huit pouces, Des voleurs, raconta-t-elle — et c'était vrai — avaient opéré quelque temps auparavant dans les villages voisins de Kerourden et de Kergano ; ils pouvaient un jour ou l'autre venir à Penvern ; le coffre était destinée à mettre en sûreté les objets de valeur que renfermait le château.

Encore fallait-il faire disparaître toute voie d'accès apparente au grenier. Dans la terrasse, tout près du mur, Le Verger pratiqua une ouverture de dix-huit à vingt pouces carrés ; il y adapta, au moyen de deux charnières en fer, une trappe en planches garnie pardessous de barrasseaux recouverts de mortier qui la dissimulaient parfaitement. Cette trappe mettait le pelit grenier cachette en communication avec l'étage inférieurs ; de là une porte et un escalier dérobé donnaient accès au grand corridor du château, tout près de la chambre où logeait d'ordinaire Julien Videlo.

En cas d'alerte le proscrit n'avait qu'un pas à faire pour se trouver au-dessous de sa cachette, dans laquelle il pénétrait en soulevant la trappe qu'il laissait retomber ensuite.

Restait, il est vrai, la porte de communication entre le grenier planchéié et le grenier à terrasse : Bonne du Pérenno eut soin de la faire murer [Note : Arch. dép., 37 U 3, interrogatoire de François Le Verger ; 39 U 1, interrogatoires de Bonne et Rose du Pérenno].

Flore de Korouallan, Bonne Coupé et Julien Fily furent mis dans le secret : on pouvait compter sur leur discrétion [Note : Arch. dép., 37 U 3, interrogatoires de Flore de Kerouallan, Julien Fily et Bonne Coupé]. Mais Bonne du Pérenno pouvait-elle se flatter d'avoir donné le change à Le Verger au point de lui faire croire que la cachette qu'il venait d'aménager n'était pas autre chose qu'une mesure de précaution contre les voleurs ?

Quoi qu'il en soit, elle y fit aussitôt, déposer les effets de Tancrède ; il était nécessaire de les faire disparaître, car un cas de perquisition, leur découverte n'aurait pas manqué d'être interprétée comme une preuve de sa présence au château. Quant à ses armes, on les laissa derrière l'armoire à fond mobile.

Les dispositions semblaient bien prises. Tancrède pouvait espérer qu'il échapperait à toutes les recherches. Il n'y avait qu'à attendre les événements.

A Penvern la vie n'avait rien de monotone. La compagnie était nombreuse et choisie : A côté de Bonne et Rose du Pérenno, le recteur M. Le Borgne, Flore de Kerouallan, Angélique du Derval, Louis de Normanville.

Si l'on en croit La Bretagne, les demoiselles du Pérenno avaient donné un grand repas dans les derniers jours de mai. M. Le Borgne baptisait ce jour-là l'enfant du fermier de Penvern : l'une des deux sœurs était marraine et Videlo parrain. La Bretagne avait lui-même apporté les dragées de Lorient... cinq mois auparavant (Arch. dép., Trib Crim., Procéd. 649). Assistaient à la réunion Debar et Guezno de Penanster, son lieutenant, le recteur et le vicaire de Bubry, l'abbé Duparc recteur de Melrand, l'abbé Le May, recteur de Guern, etc. (Arch. dép., Trib Spéc., Procéd. 48-68 interrog. de La Bretagne). Le témoin est à la vérité très suspect : Videlo et les deux sœurs opposèrent, toujours à ce récit le plus formel démenti (Arch. dép. 37 U 3, interrogatoires de Julien Videlo ; Trib. Crim. Proc. 633 bis, interrogatoires de Bonne et Rose du Pérenno).

Enfin M. et Mme Martilllat, annoncés depuis plusieurs mois, avaient quitté, l'Auvergne pour la Bretagne dans les premiers jours du mois de mai. Ils étaient à Hennebont le 22. Le 25 M. de Martillat, prenant les devants, arrivait au château. Il avait laissé à Hennebont sa jeune femme qui, pour raison de grossesse, ne pouvait voyager à cheval. Bonne du Pérenno l’envoya cherçher avec sa voiture, et, le 31 mai, elle arrivait à son tour (Arch. dép., 37 U 3, interr. de M. de Martillat, de Mme de Martillat et d'Angélique de Derval).

M. de Martillat passait peu de temps à Penvern ; il dut faire des courses à Persquen pour faire viser son passeport, à Guémené où il avait l'intention de louer un logement pour la durée de son séjour dans le pays. Il comença la visite de ses propriétés. Puis la fièvre le contraignit à garder la chambre ; il ne descendait même pas pour les repas et d'ordinaire sa femme lui tenait compagnie. Les deux époux n'eurent guère de rapports avec Tancrède. Il avait sans doute été convenu qu'on les laisserait ignorer son identité, et la consigne fut rigoureusement observée même par Angélique de Derval qui, elle, savait à quoi s'en tenir. Ils ne soupçonnèrent jamais que cet homme qu'autour d'eux on appelait Julien était un chef de chouans activement recherché par les colonnes mobiles et par la police consulaire (Arch. dép., 37 U 3, interr. de M. et Mme de Martillat et d'Angélique de Derval).

A ce moment-là même un fait se passait à sept ou huit lieues de là, qui allait précipiter les événements.

(P. Nicol).

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