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NOTIONS HISTORIQUES SUR PERROS-GUIREC

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Chef lieu de l'un des cantons de l'arrondissement de Lannion, Perros-Guirec s'étend sur 1.402 hectares. Au recensement de 1946, cette importante commune compte environ 5.800 habitants. En bordure de la Manche, son littoral, déchiqueté à l'extrême, se développe sur quinze kilomètres, depuis Pont-Couennec (ou mieux Pont-Guennec) jusqu'à la chaussée du moulin à marée du plus grand des Traouïero. Il se dirige d'abord du Sud au Nord jusqu'à la Pointe du Château, s'incurve vers le Sud-Ouest pour former la plage de Trestraou, remonte au Nord-Ouest jusqu'à la Pointe de Ploumanac'h et s'infléchit à nouveau vers le Sud-Ouest.

Le port de Perros-Guirec se blottit en un redan de la rade que protègent les Sept Iles. Celui de Ploumanach, qui jouit d'une protection naturelle plus parfaite, se situe à l'extrémité occidentale de la commune.

Le rivage, généralement rocheux, offre le spectacle de falaises granitiques formées d'amas de roches arrondies, précédées par une bande de dangereux brisants.

A l'intérieur, la commune est limitée par le ruisseau de Kerduel, qui vient de Pleumeur-Bodou et se jette au fond de la rade, après l'avoir séparée des communes de Servel et de Saint-Quay-Perros, et par le ruisseau de Kerougant, qui descend de Trégastel et finit à l'Ouest du port de Ploumanach. Vers le sud, les lits des deux ruisseaux sont réunis par une ligne très irrégulière, laissant à Perros la majeure partie des villages de Roc'h Louarn, de Barnabanec, et de Pen ar Crec'h.

Le sol de la commune de Perros est, dans son ensemble granitique ou constitué de poudingues. Il ne dépasse guère l'altitude de 90 mètres et forme un plateau entaillé par de larges vallées : à Traou an Dour, Traou Perros, Trestraou, les Traouïero. Sur le versant occidental, la plaine ondulée de Ploumanac'h, avec ses blocs erratiques, dénote d'importants phénomènes glaciaires.

Les Sept Iles, à six kilomètres en mer, sont les restes d'un ancien rivage. En breton on les nomme Ar Gentiles. Elles sont de faible étendue. Les courants et les vents les rendent parfois difficiles d'accès.

***

La commune de Perros n'a guère excité la curiosité des amis du passé. Est-ce à dire, comme on l'a répété souvent, qu'elle est dépourvue de toute histoire ? Assurément non ! Il semble possible aujourd'hui d'en présenter quelques éléments.

Son territoire a été peuplé même avant l'époque Gallo-romaine. S'il n'offre plus au regard menhirs et dolmens, c'est qu'ils ont été détruits par les habitants, pour des motifs soit religieux, soit économiques. Il y a un peu plus d'un siècle un menhir connu sous le nom de Peulvan Zant Kirec'h, se voyait encore dans la plaine de Ploumanac'h. Des haches polies en diorite ou en silex ont été découvertes et se découvrent encore, aussi bien dans le lotissement Ange Le Grand, en surplomb de la falaise de Trestrignel, que sur la pente occidentale du sémaphore de La Clarté. Il semble même qu'un atelier de polissage de ces haches ait existé à Trégastel, dans la baie de Sainte Anne, où elles arrivaient brutes ou à demi-dégrossies.

La population néolithique, qui les utilisait, vivait de chasse et de pêche, trouvait une partie de sa nourriture dans une vaste forêt d'aulnes (vern) et de chênes et se livrait à l'agriculture dans des clairières ou dans les lieux qu'elle avait défrichés. Le pays n'était pas alors, autant qu'il l'est devenu, le domaine des fougères, des ajoncs et des bruyères.

Il est difficile de fixer le temps où vivait cette population préhistorique. Les uns font remonter à douze mille ans avant notre ère l'établissement des monuments mégalithiques ; d'autres le ramènent à deux mille ans ; d'autres enfin les attribuent aux Celtes qui envahirent le pays plusieurs centaines d'années avant la conquête romaine. Il semble qu'on doive remonter à une époque assez lointaine car les débris de poterie découverts à Trégastel n'indiquent pas une civilisation avancée. A Trébeurden, on aurait découvert des ossements humains de petite taille. A qui appartenaient-ils ? A des Finnois ? A des Liguses ?

C'est aux Celtes que remonte la première organisation sinon connue, du moins soupçonnée, du pays. Arthur de La Borderie, reprenant les hypothèses de la Monneraye, voulait que le pays de Perros dépendît des Curiosolites, dont la capitale était à Corseul, près de Dinan. Il a voulu faire coïncider vers l'Ouest les limites de ce peuple à peu près avec la future délimitation des évêchés de Tréguier et de Saint-Pol-de-Léon. Cette opinion est discutable. J'admettrai plus volontiers, après M. René Couffon, que le pays de Perros relevât du peuple des Ossismes, dont la capitale était vraisemblablement à Carhaix. Il y a quelques années des ouvriers travaillant, au port de Ploumanac'h, aux fondations de la maison de M. le commandant Rolland, ont brisé un vase de grès contenant soixante-cinq pièces d'or des Ossismes.

Ploumanac'h a été en effet habité antérieurement à la conquête de César. C'est là que se trouvait la première agglomération urbaine de la future commune de Perros. Au XVIIIème siècle, on y a découvert d'importantes substructions ; et récemment encore lors de la construction de la maison Sabouraud, place du Centre. On n'y a malheureusement pas attaché un suffisant intérêt.

Des archéologues de la fin du XVIIIème siècle et du commencement du XIXème avaient cru y reconnaître l'emplacement de Manattias, qui, au temps de l'Empire romain d'Occident aurait été le port d'un des lieutenants du général commandant la région maritime appelée Tractus armoricanus et nervicanus. Ce nom se retrouve dans la Notice des dignités de cet empire. Puis cette attribution a été contestée et on incline à penser que Manattias doit être confondu avec Nantes, la cité des Namnetes.

Il n'en demeure pas moins qu'un port actif et une ville opulente ont existé entre le port actuel de Ploumanac'h et l'anse de Saint Guirec à l'abri de la ligne discontinue de hauts rochers qui dominent le rivage. Il y avait là (il y a encore), un port naturel d'échouage, dans lequel on n'entre que par un étroit goulet s'ouvrant entre la pointe de Min Ru et l'îlot de Costaérès et que protège la pointe de Pen-ar-Crec'h.

Même à l'époque pré-romaine, le commerce était actif entre le monde méditerranéen et les pays de l'Europe septentrionale ; des ports de la tribu hébraïque de Dan comme des ports de Phénicie, d'Egypte, de Carthage, de Grèce et de la Grande Grèce, partaient des bateaux marchands à destination des Cassitérides (Sorlingues) et de Thulé (Danemark). Les indentations de la côte armoricaine étaient favorables aux relâches.

Les Ossismes avaient-ils construit des fortifications sur le rivage ? C'est peu probable, car ils ne paraissent pas avoir eu à redouter des invasions venant de la mer. Mais à l'époque gallo-romaine il en alla autrement.

Au IIIème siècle de notre ère, les pirates saxons commencèrent à multiplier leurs raids sur les côtes., En pleine décadence et incapable de résister par les armes, l'empire romain ordonna de construire tous les mille pas (environ un kilomètre et demi) des ouvrages. On sait que cet ordre fut exécuté sur le littoral trégorrois. C'est sans doute le souvenir de ces fortifications, qui furent remaniées dans la suite, qui se retrouve dans les noms : la Pointe du Château, Cas-tellic, non loin de pointe du sémaphore, Castel Bras, et Castel Bihan, à Ploumanach, entre l'anse de la Bastille et la pointe de Pen-ar-Crec'h. Castel Bras devait être le plus important de ces ouvrages fortifiés. C'est à lui que l'anse de la Bastille doit son nom.

La ville au nom inconnu, à laquelle succéda le village de Ploumanac'h, avait accepté avec la langue des vainqueurs (le mauvais latin des soldats et des marins) le culte de Rome et du génie de l'empereur. Culte essentiellement administratif. Dans la campagne subsistaient les pratiques et les croyances du naturalisme, auxquelles les citadins s'unissaient à l'occasion. Culte des fontaines, des mégalithes, des hauts lieux. Il est impossible de préciser les endroits qui lui étaient, sur le territoire de Perros, particulièrement consacrés, ni quels noms étaient donnés à leurs génies et à leurs fées. On ne croit en être sûr, dans la région, que pour Crec'h Quillé (commune de Saint-Quay-Perros) où a obscurément persisté le souvenir d'anciennes cérémonies druidiques. J'aurais tendance à y ajouter Crec'h Moro, près du village de La Clarté, et Kernivinen à trois kilomètres dans les terres d'où on domine une grande étendue de mer.

Le paganisme dut y subsister sans concurrence jusque vers le milieu du VIème siècle. Le christianisme ne se répandit que tardivement sur les côtes septentrionales de l'Armorique. C'est de Grande-Bretagne, et plus particulièrement du Pays de Galles qu'il fut apporté.

Au cours du Vème siècle les Bretons d'outre-Manche n'avaient cessé d'être refoulés vers l'ouest par les envahisseurs venus des pays scandinaves ou des rivages germaniques. Il leur fallut, à un moment donné, traverser la Manche pour échapper à la misère et à la mort. Ils arrivèrent en Armorique où ils s'établirent assez aisément, la population ayant beaucoup diminué depuis deux siècles. Ces nouveau-venus étaient chrétiens. Des royaumes furent créés. Le pays de Perros appartint à celui de Domnonée qui, pendant environ trois siècles, s'étendit sur tout le nord de l'Armorique, de la pointe Saint-Mathieu au Couesnon. Quand l'organisation administrative eut été suffisamment poussée, les immigrants demandèrent aux grandes abbayes de leur pays d'origine les moines nécessaires à la célébration du culte chrétien.

La tradition veut que, au pays de Perros, ce soit Saint Guirec qui y ait pourvu.

Cette tradition n'est pas conforme au récit d'Albert Le Grand, d'après une Vie latine de Saint Guirec dont le dominicain de Morlaix avait eu connaissance.

D'après elle, Saint Guirec aurait été un des soixante douze moines qui accompagnèrent Saint Tugdual, le futur fondateur du monastère de Tréguier. Il aurait, en même temps que lui, débarqué près du Conquet. Après un séjour de quelque temps au monastère de Lann-Pabu (Lampaul) établi par Saint Tugdual aussitôt qu'il eut pris terre, il l'aurait accompagné dans la tournée apostolique qu'il entreprit à travers tout le royaume de Domnonée. Mais à Kerfeuntun (Lanmeur), Tugdual laissa Guirec avec quatorze moines pour fonder à proximité le monastère de Locquirec. C'est de là qu'il serait venu à Perros. Puis, désireux de vivre en anachorète, sous le nom de Guévroc, il se serait réfugié au plus épais de la forêt Douna, en Ploudaniel. Saint Pol l'y découvrit et en fit son conseiller. C'est en souvenir de ses miracles qu'aurait été édifié le sanctuaire qui devait faire place à Notre Dame du Creisker. Au cours d'une tournée d'évangélisation, l'abbé Guirec tomba malade à Landerneau. Les moines de Locquirec en furent miraculeusement avertis. Ils obtinrent de Saint Pol la permission de l'assister dans ses derniers moments et de ramener son corps au monastère. Ses reliques y demeurèrent jusqu'à l'invasion des Normands. Emporté avec d'autres corps saints hors de Bretagne, le sien aurait été perdu.

La tradition perrosienne est différente. Elle veut que Guirec ait abordé à Ploumanac'h, à l'endroit où s'élève son oratoire, soit assis sur le rocher qui lui sert de soubassement, soit dans une auge de pierre.

Les savants modernes tendent à donner partiellement raison à cette tradition. Ils ont démontré que l'auteur de la Vie latine de Saint Guirec ne savait absolument rien de son héros, si ce n'est le nom. Pour lui donner plus d'importance, il le mit en relations avec Saint Tugdual et Saint Pol. Ils n'admettent pas que le rocher de Ploumanac'h, étant donné sa médiocrité, n'ait pas été le lieu d'un événement important, puisque le souvenir de l'arrivée du Saint a persisté jusqu'à nos jours. Mais ils tendent à reculer sa venue jusqu'au XIème siècle, sous le prétexte qu'il ne s'est pas formé de noms de lieux avec le préfixe loc avant cette date. Au VIème siècle, les préfixes sont plou, lan, et tre, avec lesquels le nom de Guirec n'entre pas en composition.

Mais si Guirec et Guevroc étaient deux saints différents ?

Car Locquirec s'est appelé d'abord Lan Guevroc, et c'est tardivement que le nom de Guirec lui a été substitué.

Et si, sous la forme Curig, le nom de Guirec se trouvait en composition avec lann et Ilann au pays de Galles ? Or il y existe Llancurig. La difficulté tombe d'elle-même. C'est à la tradition perrosienne qu'il faut se rapporter, sans accepter pour cela la véracité de son mode de navigation, et en admettant que, à un second voyage (les saints traversaient la Manche plus d'une fois dans leur vie), il était accompagné de plusieurs autres moines dont il était l'abbé. Guirec doit être donc considéré comme un saint du VIème siècle ou du VIIème siècle, plus ou moins contemporain des saints Tugdual, Pol et Samson.

Son action fut considérable au pays de Perros où son nom se retrouve en divers endroits, à Perros, à Ploumanac'h, à Pleumeur-Bodou (Ruguirec), à Louannec (ancienne chapelle Saint-Guirec à Nantouar) etc...

S'il débarqua à Ploumanac'h, ce n'est ni là, ni à l'emplacement de l'Eglise paroissiale de Perros, qu'il établit le monastère dont le souvenir était encore vivace au XVème siècle. C'est à Traou-Perros, au bord de la mer et peu après l'intersection des rues actuelles de Trestrignel et de Goas-an-Abat, auprès d'une source d'eau vive (feunteun ar Troguirec).

Détruit sans doute par les invasions normandes, le monastère dut être rétabli après la délivrance de la Bretagne par Alain Barbetorte. Il n'aurait subsisté que quelque temps, soit qu'il n'offrît plus aux moines de ressources suffisantes, soit qu'il ne pût soutenir la concurrence des grandes abbayes, rétablies ou créées après cette époque de terreur. Mais la chapelle dépendant de ce monastère, réédifiée à plusieurs reprises, était encore l'objet d'un litige au XVIIème siècle entre deux seigneurs du voisinage.

Les abbayes qui exercèrent la plus grande influence sur le pays de Perros furent d'abord celle de Saint Jacut (vraisemblablement), puis celle de Bégard. fondée au XIIème siècle par quatre moines venus de l'abbaye de l'Aumosne (diocèse de Chartres).

On verra plus loin que lorsqu'elle eut été créée, la paroisse de Perros ne dépendit pas de l'évêché de Tréguier, mais de celui de Dol. (Elle fut, avec la paroisse de Trévou-Tréguignec, une de ses enclaves foraines). Si on n'a pas conservé le souvenir du culte de Saint Jacut, ceux de Saint Samson, abbé-évêque de Dol, de son disciple Saint Méen, et de Saint Gwénolé, frère de Saint Jacut, existent toujours à Pleumeur-Bodou, à Perros, à Saint-Quay-Perros et à Trévou-Tréguignec.

On a justement comparé les abbayes-évêchés du VIème siècle à des métropoles colonisant parfois au loin. L'établissement des diocèses territoriaux au IXème siècle, ne changea rien à cette organisation. Il arriva même que de nouvelles colonies, résultant, soit d'une influence abbatiale, soit d'un don royal ou seigneurial, se fussent plus tardivement constituées.

Si on se rappelle qu'il existe un village du Guirec (ou du Guireu) en Plévenon, tout près du Cap Fréhel, on est amené à se demander si les rapports de Saint Guirec n'étaient pas mieux établis avec Saint Samson qu'avec Saint Tugdual et Saint Pol.

Il faut faire remonter à une date très ancienne, vraisemblablement proche de la venue du saint, l'édification de modestes chapelles à Ploumanac'h, à La Clarté, à Traou-Perros, et peut-être à Kernivinen. Bien que les moines venus d'outre-Manche fussent assez indépendants et attachés à la règle scotique, ils obéissaient ou moins indirectement aux directions des conciles et des pontifes romains, quand elles étaient fondées sur la nécessité. Elles avaient été exprimées avec un bonheur particulier par le Pape Saint Grégoire le Grand. Il avait conseillé pour amener les païens au christianisme, de ne pas changer tout d'un coup leurs habitudes, mais d'y introduire des notions de la nouvelle religion.

... Il existait, sur le territoire de Perros, au moins deux fontaines et un menhir, objets du culte populaire. On ignore quelle était la spécialité du peulvan zant Kirec'h. La fontaine de Ploumanac'h, également dédiée à Saint-Guirec, en possédait au moins deux : son eau guérissait les abcès ; ou bien, répandue à la surface des flots furieux, elle calmait les tempêtes.

A l'imitation de presque toutes les fontaines des hauts lieux en Basse-Bretagne, celle de La Clarté guérissait les maux d'yeux et préservait de la cécité. Il était, pour ainsi dire, indispensable qu'elles fussent dédiées à des Saints et que des sanctuaires fussent édifiés à proximité. A Ploumanac'h, la dédicace fut offerte à Saint-Guirec, à La Clarté, peut-être à Saint-Samson.

C'est seulement au XIIème siècle et au XIIIème siècles que le culte de la Vierge se répandit, sous l'influence des Cisterciens de Bégard et des Cordeliers de Guingamp ; et c'est à cette époque qu'apparurent les dédicaces à Notre-Dame.

Mgr Duchesne a remarqué très justement que, jusqu'au IXème siècle, il est impossible d'apporter des faits précis relatifs à l'histoire de la Bretagne. Pour ce qui est de Perros, il faut se résigner à y ajouter plusieurs siècles, ce qui laisse supposer que la ville de Ploumanac'h était en complète décadence et que le pays, isolé des grands courants humains et en grande partie inculte, n'avait qu'une faible population.

Au point de vue religieux, le seul qui compte vraiment à cette époque, Perros dépendait de la paroisse de Pleumeur-Bodou, création présumée du VIème siècle, peut-être due à un Saint Podo, dont le nom se retrouve dans le nom de Mouster-Podo, paroisse de Saint-Tugdual (Morbihan). L'Église paroissiale de Perros, dont les parties les plus anciennes remontent au moins au XIIème siècle, put être d'abord une chapelle dédiée à Saint-Guirec dans un lieu vide d'habitations par un seigneur du voisinage.

Quel pouvait-il être ? Ce n'est guère qu'au XIVème siècle qu'on peut suivre avec certitude quelques généalogies. L'importance relative de la chapelle laisse supposer qu'il possédait une assez considérable puissance domaniale et féodale.

Mais cette chapelle ne tarda pas à devenir église paroissiale, bien qu'éloignée de l'agglomération citadine de Traou-Perros. Ce cas n'offrait d'ailleurs pas une grande originalité au moyen-âge. On estime que c'est au XIIème siècle que fut démembrée la paroisse de Pleumeur-Bodou, tandis que le clergé séculier prenait définitivement l'avantage sur le clergé régulier dans l'exercice du culte.

C'est vraisemblablement à cette époque que la chapelle de Kernivinen fut ou édifiée ou reconstruite. La tradition rapporte que le mérite en revient aux quatre recteurs de Perros, Saint-Quay, Servel et Pleumeur, dont les paroisses furent alors réunies par le pont des Quatre Recteurs (Pont ar pevar person) jeté sur le ruisseau de Kerduel. Elle suppose la formation de ces paroisses et leur administration par des prêtres séculiers (le mot recteur, rector, étant à peu près synonyme du mot curé, curatus).

La paroisse de Perros dépendait de l'évêque de Dol, qui confiait généralement le dépôt de son autorité sur les enclaves foraines à un vicaire général de l'évêque de Tréguier.

Quant à Ploumanac'h, il ne fut jamais paroisse. Son nom véritable a été jusqu'à ces derniers temps Poulmanac'h (le marais du moine).

Son territoire fut avec ceux de Kerillis (le bourg), de Traou-Perros (où se trouvait la vieille église, coz illis) du Creizou, du Borchou, du Crac'h et de Kergomar, l'une des sept frairies de la paroisse de Perros.

Après les parties romanes de l'église de Perros, le monument le plus ancien est le très curieux oratoire de Saint Guirec. On a renoncé à attribuer la date de sa construction au VIème siècle (aucun monument religieux ne paraît avoir été construit en pierre, en Basse-Bretagne, avant le XIème siècle) pour le rapprocher jusqu'au XIIIème siècle. A part ses colonnes qui peuvent provenir d'un monument plus ancien cet oratoire n'offre aucun intérêt architectural. Mais il est campé à gauche de l'anse de Saint Guirec sur le rocher où aurait abordé le moine gallois et que la mer recouvre à chaque marée.

On a voulu attribuer sa construction aux Bernardins de Bégard qui bénéficièrent au début du XIIIème siècle de la très importante donation de Pen-lan, dont le siège était à Trébeurden, mais dont certaines propriétés existaient dans d'autres paroisses dont celle de Perros. Le donataire en était l'Espagnol Raoul Calomnia d'Arenbert. C'est à cet oratoire, dit-on, que les Bernardins s'embarquaient quand ils allaient visiter leur monastère des Sept-Iles.

Cette attribution souffre quelques difficultés, et on se trouve entre deux alternatives. Ou bien l'oratoire a été construit par les Bernardins et n'a aucun rapport avec le monastère en question, ou il l'a été par les Cordeliers, créés au XIIIème siècle, de qui ce monastère dépendit incontestablement.

Si on sait exactement à quelle date ils le quittèrent, on ignore à quel moment ils l'avaient établi et à quelle idée ils avaient obéi en le plaçant dans des conditions si défavorables qu'elles rappellent celle qui animait les cénobites de la première Evangélisation.

Des Sept Iles, la moins inaccessible est celle qui porte le nom d'île aux Moines, traduction légèrement fautive d'Enez ar Breur (l'île du frère) en souvenir de celui qui refusa de suivre les Cordeliers autorisés à s'établir à Plouguiel. Ce nom ne remonte ainsi qu'au XVème siècle. Le nom latin primitif en fut Talverna, approximation vraisemblable de Talvern (le front de l'aulnaie), rappel des temps où une ample forêt se développait là où la mer a établi son empire, entre le rivage et les Iles.

Qu'il y ait eu des querelles entre Bernardins et Cordeliers, c'est à présumer. Les moines de Bégard, un peu vite oublieux de leur règle, voulaient sans cesse étendre leurs possessions et s'approprier notamment toutes les îles, de Miliau, en face Trébeurden, à Saint Gildas, en face Port-Blanc. Les Cordeliers partis, ils firent valoir sur l'île aux Moines des droits que le Parlement de Bretagne finit par leur reconnaître.

Quant aux Cordeliers venant à Ploumanac'h, ils étaient reçus, suivant la tradition, à Castel bras. Il est plus probable que c'était à la maison de Pen-ar-Crec'h, peut-être construite par eux sur l'emplacement de Castel bihan. Ils durent l'aliéner au moment de leur départ. C'est aujourd'hui, très modifiée, la maison Gaffric.

Les Cordeliers étaient sans doute établis à l'île aux Moines au moment où, au XIVème siècle, furent construits la partie ogivale de l'église paroissiale, le bas de la tour et le portail méridional, munificence présumée (ou tout au moins partielle) des vicomtes de Coëtmen. Il ne serait pas surprenant que ces adjonctions eussent suivi la fin de la Querelle de Bretagne qui se termina en 1364 par la victoire à Auray de Jean de Montfort et la mort de son rival Charles de Blois.

Au XVIIème siècle, le roi de France est considéré comme fondateur, à titre honorifique, de l'Eglise de Perros. Le premier prééminencier en est le seigneur de Barac'h, dont les ancêtres avaient acquis la seigneurie de Keruzec des héritiers des vicomtes de Coëtmen.

L'histoire des guerres de succession n'a retenu aucun événement relatif au pays de Perros. Il serait néanmoins surprenant qu'il n'eût pas eu à subir le contre-coup des raids anglais, de la prise de La Roche-Derrien et de l'incursion sur Lannion qui vit le dévouement et la mort héroïque de Geoffroy de Pontblanc.

Jean IV, qui, après sa victoire, avait été reconnu par la majeure partie de la noblesse, jusqu'alors fidèle à son adversaire, était plus Anglais que Français. Les Bretons voyaient avec peine leur duc trahir le roi de France auquel il avait prêté hommage. La guerre se déclara bientôt et Jean IV s'enfuit en Angleterre. Il revint, en 1375, à la suite de contingents anglais et contribua à la dévastation de tout le nord de la province depuis Saint-Mathieu, où il avait débarqué, jusqu'à Saint-Brieuc, où il fut arrêté par la signature de la paix entre Charles V et Edouard III. Il dut repasser la Manche.

Le pays de Perros ne fut pas épargné ! On en trouve une preuve dans la concession à Briant II de Lannion, cette même année 1375, d'un moulin à marée entre « la ville de Poulmanach » et la paroisse de Trégastel. Charles V lui accordait en même temps le monopole de la pêcherie en arrière de la chaussée, en récompense des services rendus et en dédommagement de l'incendie de plusieurs châteaux et manoirs.

Quelle était l'organisation féodale du pays de Perros au début du XVème siècle ? Il dépendait médiatement du roi de France, possesseur du domaine de Lannion. La châtellenie de Lannion coïncide avec lui et à peu près avec l'étendue de l'arrondissement actuel. Elle a été concédée par le roi à la famille des sires de Lannion, qui dut se constituer au moment de la fondation, au XIIème siècle, de la ville dont elle a pris le nom.

En droit féodal, il existe deux formes essentielles de la propriété noble : le domaine et le fief. Celui-ci appartient à d'autres seigneurs, les vassaux, qui ont des devoirs en argent ou en nature vis-à-vis de leur suzerain. Par suite de l'enchevêtrement du domaine et du fief, il résulte souvent de grandes confusions.

Or les principaux seigneurs, dont dépend le territoire de Perros, sont étrangers à la paroisse : ce sont les seigneurs de Barac'h et de Coatguézennec (Boisguézennec), en Louannec. Les premiers sont des Tournemine de la branche cadette de Botloy. Un d'entre eux fut l'évêque de Tréguier, qui appela Saint Yves de la cure de Trédrez à celle de Louannec. Ils passent pour descendre d'un bâtard du roi Jean Sans-Terre. Les seconds sont les Coëtmen, descendants des ducs de Bretagne par les Penthièvre-Avangour. Leurs possessions, domaine et fief sont très étendus, Ils paraissent les uns et les autres, être plus riches et effectivement plus puissants que les sires de Lannion.

Quatre seigneuries de moindre importance avaient certainement leur siège dans la paroisse de Perros-Guirec, celles de la Salle au Chevalier, de Tromorgant, de Kerguien, et de Pontguennec. Il existait en outre de nombreux manoirs et métairies relevant de seigneuries plus ou moins éloignées. La plupart de leurs représentants ne portent que le titre d'écuyer. Aucun ne compte au nombre de ceux qui ont pris une part importante aux guerres ou à l'administration du duché de Bretagne.

Les noms de quelques-uns de ces seigneurs sont révélés par des documents du XVème siècle. C'est ainsi que nous apprenons que Jean de Guicaznou et sa femme Jeanne de Kerguien sont les auteurs d'une importante donation à l'église de Perros (24 juillet 1431). Au siècle suivant, le nom de Kerguien a disparu et celui de Le Borgne s'y est substitué. La famille de la Salle au Chevalier va se fondre dans celle des Hingant de Kerduel, en Pleumeur-Bodou. Enfin les montres de 1427 à 1543 mentionnent à Pontguennec les familles Le Narvézec et du Rozou (du Tertre). La seigneurie passera ensuite, par l'intermédiaire des Larmor, aux Jascob de Kerjégu, titulaires d'offices secondaires de judicature.

Le principal administrateur de la paroisse est le recteur, assisté des fabriques (fabriciens) et, à l'occasion, de la « maire et plus saine partye des habitans », c'est-à-dire du général de la paroisse. Il a sous son autorité plusieurs chapelains ou gouverneurs, des curés ou vicaires, et parfois des servants in divinis. On a leur liste pour le XVème siècle, sans qu'il soit possible de déterminer les titulaires des diverses fonctions. Il est fait expressément mention des chapelains de N. D. de La Clarté et de N. D. de Kernivinen.

Le monastère de Perros avait disparu en 1436, mais sans doute depuis assez peu de temps. A cette date, le duc de Bretagne concède à Rolland Ier, sire de Lannion, les pêcheries de « Penros et de Poloumana » qui en avaient dépendu. Il serait invraisemblable que le duc eût retenu longtemps entre ses mains des pêcheries qui lui permettaient de récompenser des services - car il y en avait toujours à récompenser.

Les pêcheries étaient souvent doublées de sècheries de poissons : maquereaux, congres et même morues. Les concessionnaires en retiraient des revenus souvent considérables, car les périodes d'abstinence étaient sévèrement observées.

C'est également au milieu du XVème siècle, en 1445, que fut commencée la reconstruction de la chapelle N. D. de La Clarté, véritable bijou de l'architecture ogivale. Tout fait supposer que la tour quadrangulaire était celle d'un ancien vaisseau vraisemblablement ruiné. Le constructeur en est un prêtre, dom Guillaume Quintin, sans doute le gouverneur de la chapelle, le fondateur, Rolland IV de Coëtmen.

La chapelle méridionale, dédiée à Saint-Joseph, semble avoir eu pour fondateur Yvon de Lannion, lieutenant de l'amirauté du duc de Bretagne.

Les populations contribuèrent aussi par des dons et par des legs à la construction de la chapelle de La Clarté qui n'était pas achevée en 1463.

Le titre de fondateur est reconnu à Rolland IV de Coëtmen comme propriétaire de la seigneurie de Keruzec, en Pleumeur-Bodou. On peut en induire que la famille de Keruzec, fondue à ce moment dans Coëtmen avait pu avoir part à la fondation de la chapelle antérieure.

Rolland IV, qui fut, en 1447, le fondateur de la collégiale de Tonquédec, s'éloigna de Bretagne après avoir donné son partage à son frère cadet. Celui-ci devint chef de nom et d'armes de la famille de Boisguézennec.

Quant à Rolland IV, il se mit au service des chevaliers de Rhodes et mourut en combattant les infidèles.

Par des acquisitions successives (entre 1551 et 1620) la seigneurie de Keruzec passa aux Kernec'hriou puis aux du Coskaër, qui devinrent ainsi fondateurs de cette chapelle. Après eux le titre revint aux Le Peletier de Rosanbo (Louis Le Peletier de Rosanbo, époux de Geneviève du Coskaër, ayant été premier président du Parlement de Paris).

C'est en 1483, après bien des démarches et des tribulations, que les Cordeliers des Sept-Iles furent autorisés par le Pape Sixte IV à se retirer définitivement à Plouguiel.

Ainsi les deux monastères, celui de Traou-Perros et celui de l'Ile aux Moines, avaient cessé d'exister. Le soin des choses religieuses ne fut plus confié à Perros qu'à des séculiers. Ceux-ci étaient tous originaires de la paroisse ou des paroisses voisines. Tant que le Séminaire diocésain n'eût pas été créé, ils furent formés aux fonctions écclésiastisques soit par les recteurs de Perros, soit par des prêtres désignés par l'Evêque de Dol.

Quelques années s'écoulent et nous apprenons que, en 1508, Jehan de Kerprigent fait reconstruire la chapelle méridionale de l'Eglise paroissiale. La seigneurie de Kerprigent avait son siège à Servel, à l'endroit où se dresse l'un des sept phares qui jalonnent la rade de Perros. Une chapelle antérieure existait déjà qu'il parut nécessaire de reconstruire. Celle qui la remplaça fut détruite à une date indéterminée, qui pourrait être contemporaine des événements de la Ligue, Elle n'a pas été réédifiée.

En 1553 il fallut procéder à la réfection de la longère septentrionale de l'église.

Le nom d'un recteur de cette époque a été conservé, c'est celui de Messire Ollivier Kerguennou, vraisemblablement originaire de Kerguennou (aujourd'hui Roc'h Lédan), à l'Ouest de la paroisse.

Comme la majorité des Bretons, les Perrosiens prirent pendant la Ligue, le parti du duc de Mercœur, qui, pour soutenir ses prétentions, fit appel au concours des Espagnols.

Or une tradition discutable veut que ce soit pour déférer au voeu d'une colonie d'Espagnols que l'église, primitivement dédiée à Saint Guirec, fut placée sous le patronage de Saint Jacques le Majeur. Il n'y aurait pas eu substitution, mais adjonction et Saint Guirec serait passé au second rang.

Il se peut que cet événement ait été antérieur. Bien que les documents connus ne parlent guère encore du mouvement du port de Perros, il est vraisemblable qu'il avait bénéficié de la décadence de celui de Ploumanac'h. L'agglomération la plus importante était celle de Traou-Perros. Des pêcheurs y habitaient. ll est en outre probable que des bateaux en relation avec l'Espagne partaient du port ou venaient y accoster. Des marchands de cette péninsule avaient pu y établir entrepôts ou magasins.

On sait, d'autre part, que durant tout le Moyen-âge la dévotion à Saint-Jacques avait été très vive et que de nombreux Bretons se rendaient en pèlerinage à Compostelle.

Il est en tout cas certain que le patronage de Saint Jacques est antérieur à 1628. Certains érudits le rapportent à une date très antérieure et veulent y voir une influence des Templiers.

Les Perrosiens tenaient donc pour la Ligue. Le châtenu de Ploumanac'h (Castel Bras) était occupé par une garnison ligueuse. Dans toute la région, seule la ville de Tréguier avait adopté une attitude favorable au roi de France.

Faut-il croire que l'opposition des Perrosiens causait du souci au gouvernement royal ? Un dimanche de l'été 1587 à l'heure du déjeuner, le capitaine Matelier, de La Rochelle, débarqua au port avec quelques dizaines d'hommes. Plusieurs personnes, dont un prêtre, Yves Derrien, furent pendus, la sacristie brûlée. Les soldats se livrèrent au pillage et causèrent tant d'effroi que la majeure partie de la population s'enfuit dans la campagne ou parmi les rochers de Ploumanac'h. Ce ne fut qu'un raid.

Un événement plus important devait se produire sept ans plus tard. Henri IV avait remplacé à la tête de ses troupes, en Bretagne, l'incapable prince de Dombes par le gouverneur du Dauphiné, le vieux maréchal d'Aumont. Celui-ci résolut d'en finir avec les Espagnols qui s'étaient fortifiés dans la péninsule de Crozon, d'où ils tenaient Brest sous la menace de leurs canons.

Le maréchal d'Aumont partit de Rennes, à l'été de 1594. résolu à s'emparer au préalable des villes ligueuses de Morlaix et de Quimper.

Au passage, il détacha deux de ses lieutenants, les sires de la Villeneuve-Crésolles et de Coattredrez qui passèrent par Lannion et arrivèrent à Perros. Ils suivirent le bord de la mer par Trestraou, Kerdu et Ranolien et vinrent mettre le siège devant le château de Ploumanac'h qu'ils avaient mission de démanteler. Ce ne fut qu'une brève expédition militaire accompagnée de meurtres et d'incendies. Mais ce fut la fin de « la ville de Poulmanac'h » dont il ne sera plus jamais question. Le pays redevint désert au point qu'une cinquantaine d'années après il ne montrait plus que sept ou huit chaumes ruineux habités par de misérables pêcheurs.

Les pierres de la courtine du château furent portées à La Clarté où, quelque temps après, elles furent utilisées à la construction du chemin de ronde sur le haut de la tour quadrangulaire.

Il ne devait plus se produire à Perros d'événements aussi importants.

Les préoccupations des habitants sont surtout alimentées par les querelles de prééminences auxquelles échappent la chapelle de Saint Samson (construite sans doute au XVIème siècle et dont une porte subsiste encastrée dans une maison voisine) et celles de Ploumanac'h, de La Clarté et de Kernivinen. Mais il en va différemment pour l'église paroissiale et pour la chapelle Saint-Guirec de Traou-Perros. Ces querelles passionnent le clergé et la population.

En 1599, le sire de Pontguennec, pour en finir avec les revendications d'un Blévin de Coatbruc, consent à lui faire concession d'un des enfeux de sa famille à l'église paroissiale.

Mais la contestation la plus âpre est celle qui mit aux prises Gilles Le Borgne, sieur de Kerguien, avec François du Coskaër, sieur de Barac'h.

Gilles Le Borgne reprochait à François du Coskaër et à son père, décédé, de nombreuses usurpations tant à titre foncier qu'à titre honorifique. Il avait longtemps patienté, mais à la suite d'une minime affaire qui eut la lande de Trébeurden pour théâtre, il jugea la mesure comble et s'adressa à la cour de justice voisine. Mais François du Coskaër était conseiller au Parlement de Rennes. Le litige fut évoqué devant cette puissante juridiction.

Tandis que l'instance était pendante, François du Coskaër s'adressa, en 1626, à la Chambre des Comptes de Nantes pour faire établir ses prérogatives sur plusieurs églises et chapelles de la région. L'enquête en fut confiée à Aufray Coaill, juge de Lanmeur, qui s'acquittera de sa mission au mois de Décembre 1628.

Entre temps le Parlement de Bretagne avait chargé d'une autre enquête un de ses conseillers, Pierre Poussepin. Après une information à Rennes il se rendit sur place escorté de juges, des plaignants, dont le nombre s'était accru, du défendeur et de son procureur (été 1628).

C'est ainsi que furent examinées les prééminences de l'église de Perros.

Fut-il admis que le blason du sire de Barac'h avait droit à une place d'honneur ? C'est probable. N'était-il pas le suzerain ? Mais les prééminences de Gilles Le Borgne, comme héritier des sires de Kerguien durent être confirmées.

Cinq ans plus tôt (1623) un autre litige avait été réglé par arbitres, en raison de la lenteur du Parlement de Bretagne à en commencer l'examen. Le titre de fondateur de la chapelle de Traou-Perros était revendiqué à la fois par une demoiselle de Larmor, par le mariage de laquelle la seigneurie de Pontguennec était passée aux Jascob de Kerjégu, et un Hingant de Kerduel, en qualité d'héritier de la famille de la Salle au Chevalier. Les arbitres jugèrent en faveur du sire de Kerduel tout en autorisant la dame de Kerjégu à placer ses armoiries dans la chapelle, mais à une place moins honorable que celle de son adversaire.

Ce qui ressort de l'examen de ces quelques incidents c'est que les Perrosiens jouissaient d'une grande liberté et tenaient tête à leurs seigneurs avec plus de hardiesse qu'on ne l'imaginerait, La principale raison venait sans doute de ce que la presque totalité des terres étaient soumises à l'usement de Tréguier du domaine congéable. Il entraînait la coexistence de deux propriétaires, celui du sol et celui des édifices et superfices. Le premier ne pouvait congédier le second que dans des conditions nettement déterminées. Cette hardiesse tenait aussi à la très grande liberté individuelle dont les Bretons, sauf sur quelques questions réservées, avaient toujours joui.

C'est ainsi qu'un bourgeois de Perros, Bertrand Esmangard, se plaignit que François du Coskaër avait transféré sa justice du port au bourg distant de six cents pas et où il n'y avait que six maisons en plus du presbytère (1628).

C'est au début du XVIIème siècle que l'église de Perros fut complétée par la construction de la plate-forme de sa tour et de la coupole, et reçut son maître-autel. Son achèvement put être antérieur d'une cinquantaine d'années, ou plus, à l'érection de la flèche hexagonale de Notre Dame de La Clarté.

Il est probable que, dans ces deux cas, les héritiers des fondateurs et des bienfaiteurs avaient concouru à ces notables améliorations. Sans doute doit-on mettre ces événements en rapport avec le renouvellement de foi suscité par les missions du P. Maunoir [Note : Le P. Maunoir prêcha deux missions à Perros, en 1642 et en 1669] qui comptait au nombre de ses plus intimes collaborateurs l'abbé Jean-Marie Hingant sieur de Kerisac, seigneur de Kerduel, et avec le long ministère de messire Jean L'Ollivier, recteur de Perros, auquel est due l'érection de la croix de Kerreut.

Après la création du port de Brest, cette pensée de Richelieu réalisée par le chevalier d'Ideville, Vauban songea à établir un second port de guerre à Perros. Sa belle rade, couverte par les Sept-Iles, Thomé, les pointes du Château et de Trélévern, convenait à son dessein. Le projet fut pourtant abandonné, en raison des trop grandes dépenses occasionnées par le creusement d'une vaste étendue de limons trop dépendante des marées. C'est également Vauban qui avait songé à fortifier l'île aux Moines. Les Sept Iles, à peu près inhabitées, offraient trop de facilités aux Anglais pour leurs raids et aux contrebandiers pour la fraude. C'est ainsi que les premiers avaient détruit la chapelle de l'ancien couvent des Cordeliers et dispersé les tombes du cimetière. Ce n'est qu'après 1720 que le fort dont on voit les ruines, a été construit. (Vauban était mort en 1707).

Est-il besoin d'ajouter que sa petite garnison s'y ennuya ferme et rechercha toutes les occasions de venir à terre ?

On a conservé le souvenir de deux recteurs de Perros de la fin du XVIIème et du commencement du XVIIIème siècle, les frères de Toulcoët. Ils étaient nés au manoir de Kerhingant,. en Saint-Quay-Perros, qui, avec Kerduel (Pleumeur-Bodou) et Kergouanton (Trélévern), fut un des principaux centres de la foi religieuse. Il se peut même que les seigneurs de Kerhingant aient pu s'enorgueillir d'une certaine parenté avec Saint-Yves.

Le XVIIIème est aussi vide d'événements majeurs que le siècle précédent. L'église reçoit sa chaire à prêcher en 1760. On baptise une cloche le 20 Juillet 1771 (parrain et marraine, M. et Mme de Rosanbo qui s'étaient fait représenter). On reconstruit la chapelle Saint-Guirec de Ploumanach, et la chapelle Notre Dame de Kernivinen. Les chapelles Saint-Guirec de Traou-Perros et Saint-Samson de Pontguennec, tombent en vétusté. La chapelle Notre Dame de La Clarté continue à attirer les foules aux jours de ses pardons.

Dans le troisième quart de ce siècle, Perros bénéficie d'une excellente route venant de Lannion. Elle remplace une voie médiocre, semée de fondrières. Elle fait partie du programme des grands chemins qui mit aux prises le duc d'Aiguillon, commandant pour le roi en Bretagne et les Etats de la province. On a prétendu que Perros devait cette libéralité aux charmes de Fanchon, la belle meunière, que le noble duc venait visiter au manoir de Pontguennec, obligeamment prêté par son propriétaire.

Mais le duc d'Aiguillon ne passa que peu de temps à Lannion. Méfions-nous des calomnies que ses adversaires répandirent sur son compte. Le commandant pour le roi pouvait rompre en visière avec les Etats et le Parlement et même montrer de la passion à l'égard du procureur-général Le Chalotais, il n'en était pas moins très attaché aux devoirs de sa charge. L'un d'entre eux était celui de l'inspection des côtes et de la création de compagnies d'habitants des paroisses maritimes (les compagnies garde-côtes) destinées à leur protection. Il était naturel que la situation de Perros retînt quelque temps son attention.

Le port de Perros ne manquait pas d'activité, bien qu'il arrive à certains amis du passé de la surestimer. L'un d'entre eux ne m'a-t-il pas dit que, vers la fin du XVIIIème siècle, après les récoltes, il y avait des moments où les bateaux étaient si nombreux qu'ils ne laissaient plus voir la mer ? L'arrière pays desservi par Perros, ne permettait pas l'existence d'une telle armada. Les ports de Lannion et Tréguier lui faisaient une trop rude concurrence.

Les Archives nationales conservent le tableaudes congés du port de Perros pour 1784. Il nous apprend que, du 28 Janvier au 7 Octobre, 33 bateaux en sont sortis. Presque tous sont des bateaux de pêche d'un à trois tonneaux. Deux bateaux plus grands vont de Perros à Dieppe, chargés des maquereaux de leur pêche : le Saint Charles (15 tx) de Saint-Malo et le Pierre-Yvon (30 tx) de Brest. Le plus important est l’Anonyme (36 tx) de Lannion, capitaine Ollivier Gallery, « allant avec une partie de bray à la côte d'Angleterre ». Deux bateaux de 30 tonneaux ont Perros pour port d'attache : la Marie-Françoise, capitaine Toussaint Tassel, et les Deux-Amis, capitaine Yves Ollivier.

Au moment de la Révolution, le recteur de Perros était Jean-Marie Le Lay, originaire de Locquirec. Il était « célèbre pour son éloquence » et passait « pour le prédicateur possédant le mieux le génie de la langue bretonne ». Comme son vicaire Toussaint Le Bail, il refusa de prêter serment à la constitution civile du clergé. Pour échapper à un mandat d'arrêt, Le Lay émigra à Jersey.

Le curé constitutionnel de Perros fut alors Ollivier-François Le Briquir, de Tonquédec, qui abdiqua dans la suite les fonctions sacerdotales.

Rentré le 14 juillet 1801, jour « où se tenait pour la première fois » la foire récemment accordée à la commune, Jean-Marie Le Lay n'accepta de l'évêque concordataire Caffarelli le titre de vicaire général qu'à titre honorifique. Le préfet Boullé ne voulait pas qu'il fût nommé de nouveau à Perros. Mais Le Lay mourut le 24 octobre 1802. Celui qui sera désigné, le 8 avril 1803, fut Philippe-Augustin Ellès, ancien recteur de Loguivy-les-Lannion, qui s'était tenu caché pendant la Révolution.

Le calme ne fut jamais sérieusement troublé à Perros pendant toute cette période. On n'y relève aucune trace de Chouannerie, bien qu'on puisse imaginer que des pêcheurs ont pu aider des émigrés à quitter la France et quelques-uns de ceux qui y voulaient intriguer à rentrer clandestinement. Les anses du rivage étaient trop favorables à de telles aventures pour n'en pas exploiter le profit. Mais la population, dans son ensemble, s'était ralliée au nouveau régime.

Devenue Commune, Perros-Guirec fut choisie comme un des neuf chefs-lieux de canton du district de Lannion. Il dépendit administrativement du département des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor). Les évêchés de Dol et de Tréguier ayant été supprimés, il releva au point de vue religieux, du diocèse de Saint-Brieuc.

En 1800 sa population était d'environ 1700 habitants, surtout groupés sur le port. Le bourg s'était pourtant étendu. Ploumanac'h continuait son existence chétive et précaire.

Sous le Consulat et l'Empire, Perros fut doté de quelques organes administratifs dont quelques-uns n'ont pas été maintenus : une justice de paix, une commission médicale pour les navires (composée d'un médecin et de deux chirurgiens, tous de Lannion), une perception des contributions directes, deux brigades de douane (dont une à Ploumanac'h), une compagnie de garde-côtes. Les Sept Iles reçurent une garnison d'une quarantaine d'hommes (voltigeurs du 4ème régiment suisse, puis du 10ème léger, et canonniers gardes-côtes). La défense mobile entre Perros, les Sept lies et Bréhat fut assurée par deux chaloupes, le Venteux et la Protectrice.

Au temps du Blocus continental, corsaires et convois faisaient souvent relâche à Perros et surtout aux Sept Iles, toujours surveillés par des bateaux anglais. En Mai 1811, un convoi de huit voiliers, sorti du port de Perros, perdit un sloop et la canonnière d'escorte ; mais le même mois un convoi de vingt trois voiliers gagna Brest sans perte.

Parmi les personnalités perrosiennes de cette époque, deux noms sont à retenir, celui du conseiller d'arrondissement Tassel, ex-commissaire du Directoire près de l'administration municipale du canton, et celui d'Yyes Allain maire et juge de paix.

En 1815 l'ordre ne fut troublé que dans la partie orientale du canton où les fermiers des Trogoff et des Loz esquissèrent une sorte d'émeute à l'occasion de l'organisation de la garde nationale.

L'histoire de Ferros n'est désormais guère différente de celle de la plupart des communes françaises. Ce qui crée son originalité, c'est son développement touristique continu depuis 1890.

J'ai seulement voulu projeter quelques lueurs sur un passé obscur et satisfaire la, curiosité des Perrosiens vraiment attachés à leur pays et celle des étrangers qui y viennent fidèlement pendant la belle saison.

(Léon Dubreuil).

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