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La paroisse de Penmarc'h : son origine et l'époque révolutionnaire.

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§ I. — SON ORIGINE.

La paroisse de Penmarc'h comprenait trois grosses agglomérations situées respectivement aux bourgs actuels de Tréoultré, Kérity et Saint-Pierre. Quoique prétende de Fréminville, ces trois bourgs n'ont jamais constitué une même ville. On peut, d'après le Penmarch actuel, en tenant compte des ruines amoncelées en grand nombre sur son sol, se faire une idée assez exacte de l'ancien Penmarc'h, à l'époque de sa grande prospérité. Le chiffre de sa population a sans doute baissé depuis le XVIème siècle, mais son territoire n'a pas sensiblement changé. Nous ne voyons pas que l'histoire fasse mention de révolutions géologiques ou d'inondations qui aient modifié l'aspect de cette commune.

Ville de Penmarc'h (Bretagne) : photo de l'agence Rol (année 1923). 

La ville de Kérity et le bourg de Saint-Pierre étaient reliés entr'eux par de nombreux groupes de maisons jetés çà et là dans les champs et dont quelques-uns comme Kerbézec et Kervily pouvaient contenir, ainsi que l'attestent leurs ruines, une trentaine de maisons.

La trêve de Saint-Guénolé dépendait de la paroisse de Cap-Caval, et n'est rattachée à Penmarc'h que depuis le Concordat. C'est ce même traité du Premier Consul avec le Souverain Pontife qui a donné à la paroisse ses limites actuelles, en détachant de Plomeur le hameau de la Madeleine et les villages de Lescorz, Kerscaven, Squividan, Kéradennec, Poulguen, etc...

Le bourg de Tréoultré était séparé de Kérity par des marais qui s'étendaient de la grève blanche au Pont-Ninon. Ces marais étaient alors, comme aujourd'hui, inondés pendant la saison hivernale par les eaux de pluie qui y séjournaient, faute de déclivité du terrain, et parfois par les eaux de la mer, qui y faisaient irruption, à l'époque des grandes marées. Ils formaient de véritables étangs qui, débordant de temps à autre le pont-Ninon, rendaient impossible toute communication directe entre les deux localités.

Le quartier de Tréoultré, dont dépendait au point de vue paroissial celui de Kérity, était plutôt la résidence des agriculteurs, des petits commerçants, et aussi de plusieurs armateurs qui préféraient le séjour calme de la campagne à la vie bruyante et mouvementée d'un port de pêche. Quelques-uns de ces derniers s'étaient rendus acquéreurs, ou étaient devenus locataires d'anciennes maisons seigneuriales que leurs propriétaires avaient, depuis longtemps, renoncé à habiter et dont ils se contentaient de toucher les fermages. D'autres s'étaient fait construire de riches maisons en dehors du bourg paroissial, non loin de Kérity, leur centre d'affaires. Beaucoup d'entr'eux cependant avaient leur résidence dans la ville même de Kérity ou dans ses faubourgs, en particulier à Kervily qui, d'après Ducrest-Villeneuve, possédait dix-neufs hôtels et neuf fours à cuire. Les sentiers qui menaient à ces manoirs et à ces maisons d'armateurs portaient le nom de rues.

La paroisse de Penmarch est l'une des plus anciennes de la Cornouaille. Comme pour la plupart des paroisses, l'absence de documents ne permet guère d'en fixer actuellement l'origine. Le premier recteur dont fassent mention les Archives est cité dans le Cartulaire de Quimper, en date du 14 avril 1349, c'est Messire Alain du Châtel « die anniversaria Domini Alani de Castro quondam rectoris ecclesioe de Tuortre-Nabat », p. 368.

Le nom de la paroisse a varié dans le cours des temps. En 1368, la paroisse s'appelle en latin Treffuortré (Cart. Quimper, p. 9). Ce nom se change en Tréoultré-Nabbat dans presque tous les documents du XVème siècle. En 1498, Guillaume Bécam est simplement qualifié de recteur de Tréoultré. L'adjonction Nabbat disparaît au XVIème siècle. Au XVIIème siècle, la paroisse s'appelait indifféremment Tréoultré ou Tréoultré-Penmarc'h ; mais depuis 1740, elle a toujours porté son nom moderne. « Ces fluctuations de la toponymie, dit M. Camille Vallaux, sont une image de la destinée changeante de Penmarc'h ».

Quelle est l'origine de ce mot : Tréoultré ? Les anciens prononçaient Tréoeltré. Il est probable que ce nom dérive de Trémeur qui se prononce en breton Trewel. Tréoultré signifierait trêve de Saint-Trémeur. Une chapelle, voisine de Penmarc'h et dépendante aujourd'hui de la paroisse de Guilvinec après avoir appartenu à celle de Plomeur, est dédiée à ce saint breton, Tréoultré viendrait de Tréweltré. Le mot tré, trêve est reporté à la fin du mot par la raison qu'il est difficile de prononcer : Tretrewel, et l'on a préféré cette dernière forme : Treweltré, Tréoltré, Tréoultré [Note : Cette explication fournie par M. Guillou, ancien recteur de Penmarc'h (1872-1887) et bretonnisant remarquable nous semble plausible].

Penmarc'h signifie, tête de cheval (Penn, tête, marc h, cheval). Ce nom était primitivement donné à toute la presqu'île qui comprenait Tréoultré, Kérity, Saint-Pierre, Saint-Guénolé et même l'importante paroisse de Beuzec Cap-Caval dont l'étymologie n'est pas différente, Cap-Caval étant la traduction latine du mot breton Penmarc'h (Caput, tête, Cavalli, de cheval). Cette région était ainsi appelée, sans doute, parce que l'extrémité du promontoire figurait autrefois une tête de cheval, alors que les Etocs, ou la ceinture de rochers qui abritent le port de Kérity faisaient corps avec la terre ferme, ou parce que, à l'entrée du port de Saint-Pierre se trouve un rocher dont la configuration rappelle une tête de cheval émergeant de la mer. L'architecte de l'église paroissiale a voulu faire allusion à ce sens étymologique de Penmarc'h en représentant une tête de cheval à l'un des angles de la grosse tour. Quoi qu'il en soit de ces explications, le nom de Penmarc'h qui s'appliquait autrefois à tout le territoire du Cap-Caval ne désigne plus aujourd'hui que la paroisse principale de la péninsule.

La paroisse était desservie autrefois par un recteur et plusieurs vicaires. Les archives antérieures au XVIème siècle ne relèvent que trois noms de recteurs : Messire Alain du Châtel en 1349, Guillaume Bécam qui fit une fondation en 1498, et Charles Jegou qui fit construire l'église paroissiale actuelle. Originaire de Quimper, ce dernier devint recteur de Tréoultré en 1498, puis abbé de Daoulas en 1519, mourut à l'abbaye et y fut enterré le 10 janvier 1535. En 1591, Henri Capiten signe sur les registres de Plougonvelin comme recteur de Tréoultré. Quatre recteurs occupent tout le XVIIème siècle : Messires de la Villeneuve (1600-1632), Henri Le Bras (1632-1662), Grégoire Diraison (1662-1665) et Alain Le Fâcheux (1665-1700).

Messire A. Le Fâcheux fut chargé en 1676 par Mgr. de Goëtlogon, évêque de Quimper, d'une enquête dans la paroisse de Loctudy. Au village de Langougou, actuellement en Plomeur, s'étaient passés des faits auxquels la croyance populaire attribuait un caractère miraculeux. Les fondements d'une chapelle, avec une fontaine à proximité, y avaient été découverts comme par hasard. Une tradition, dont il ne restait plus qu'un vague souvenir, vint à se préciser, et prétendait qu'en cet endroit avait existé autrefois une chapelle dédiée aux saints martyrs, Cosme et Damien. La nouvelle de cette découverte se répandit rapidement dans la contrée, et de tous côtés affluèrent les pèlerins. Il en venait des paroisses de Tréoultré, Plomeur, Beuzec, Cap-Caval, Loctudy, Plonivel, Plobannalec, Pont-l'Abbé, Combrit, Quimper, Gouesnac'h, Tréogat, Peumerit, Saint-Germain-Plogastel, Esquibien... De nombreux malades y venaient prier et se laver dans l'eau de la fontaine. Tous éprouvèrent quelque soulagement et plusieurs même furent radicalement guéris.

Intrigué de tous ces pèlerinages qui avaient lieu sur le territoire de sa paroisse, Messire Corentin Furic, recteur de Loctudy, voulut juger par lui-même de la créance qu'il fallait accorder à tous ces bruits de guérison. Ses enquêtes menées en toute prudence l'amenèrent à croire à la réalité des faits miraculeux qui se passaient à Langougou. Il se hâta alors d'informer l'autorité épiscopale de tous ces événements extraordinaires, en réclamant une enquête officielle pour établir le vrai caractère de ces guérisons.

Mgr. de Coëtlogon donna pleins pouvoirs pour procéder à cette information à Messire Alain Le Fâcheux, recteur de Tréoultré qui devait s'adjoindre Messire Nicolas Le Coz, recteur de Beuzec-Cap-Caval. Les deux enquêteurs avaient ordre d'appeler par devers eux les personnes qui se disaient guéries ou soulagées et de leur faire jurer sur les saints Evangiles de dire la vérité. Ils se rendirent à Loctudy, le 20 septembre, jour du pardon de la dite chapelle, et reçurent les dépositions de personnes de tout âge et de toutes conditions venues de différentes paroisses. Quarante-sept cas de guérison ou d'amélioration furent déclarés sous serment dans cette enquête officielle, mais quinze autres avaient été signalés d'après les informations personnelles du recteur de Loctudy.

Voici, pour ce qui concerne Penmarc'h, les guérisons relatées dans le procès-verbal officiel conservé aux Archives de l'Evêché.

Azénore Léen (Gléhen ?), âgée de vingt-cinq ans, fille de défunt Yves et de Jeanne Le Croazec de la paroisse de Tréoultré, déclare que, depuis quinze ans, elle n'a pu poser le pied droit à terre, et que pour marcher, elle a toujours dû se servir d'une béquille. Pour obtenir sa guérison, elle fait voeu de visiter la chapelle et la fontaine de saint Cosme. Pendant son pèlerinage, elle sent des douleurs à la jambe ; mais voilà qu'arrivée tout près de la chapelle, elle éprouve un éblouissement, et, d'instinct elle pose le pied à terre pour ne pas tomber. Elle marche vers la fontaine, s'y lave et retourne guérie à la chapelle. Elle a depuis refait trois fois le même voyage sans éprouyer aucune gêne ni fatigue.

Urbane Guillou, âgée de trente-cinq ans, femme de Pierre Le Garrec du village de Lezhanno, avait depuis quatre mois, la jambe tellement enflée que la marche lui était devenue impossible. Elle visite la chapelle, se lave à la fontaine et s'en revient guérie.

Yves Le Marché, du village de Kergadien, âgé de quarante-huit ans, atteint d'une fièvre chaude qui le met à deux doigts de la mort, se voue aux saints Cosme et Damien. Il boit à plusieurs reprises de l'eau de leur fontaine et éprouve un mieux sensible.

Ces trois cas de guérison ou d'amélioration furent constatés par l'enquête officielle. En voici un autre relaté par M. Furic.

Marie Penser, âgée de huit ans, fille de Maurice et de Marguerite Le Pochat, du village de Kersuluan, relevait d'une maladie qui lui avait fait perdre l'usage de l'oeil gauche. Conduite par son père à Langougou, trois lundis consécutifs, elle se lave l'oeil malade à l'eau de la fontaine, et se trouve guérie.

Le successeur de A. Le Fâcheux à Tréoultré fut Bernard Desrobin dont il sera question au chapitre « Mutineries à Penmarc'h ». On nous excusera de ne pas donner une notice biographique de tous les recteurs qui se sont succédé à Penmarch depuis la formation de la paroisse. Nous nous contenterons de consacrer quelques lignes à la mémoire de deux d'entr'eux : MM. Guillou et Le Coz.

Jean Guillou, natif de Cléder, devint recteur de Penmarc'h en mars 1872. Il marqua son passage dans la paroisse par l'achat d'une chaire à prêcher en style du XVIème siècle, sortie des ateliers de M. Daoulas de Quimper. Ses deux prédécesseurs immédiats, MM. Lazou et Pouliquen avaient déjà doté l'église, l'un de belles stalles au choeur, et l'autre de verrières dont les sujets sont : sainte Thumette, saint Pierre et saint Paul, Notre-Dame de la Joie, saint Fiacre et saint Guénolé. M. Guillou est l'auteur de la plupart des cantiques bretons qui se chantent encore actuellement dans les exercices des maisons et des retraites. Celtisant remarquable, il a traduit dans une langue châtiée, énergique, et toute empreinte de poésie, les principales vérités de la religion chrétienne. C'est à la pointe de la Torche, dit-on, qu il s'essayait, au son d'un ocarina acheté dans un « pardon » quelconque, à noter ses airs de cantique. C'est là, sans doute, qu'il a dû composer son « Bagik sant Per » véritable harmonie des flots balançant en cadence les petites barques de pêche. Par une connaissance approfondie du génie de la race, il a su garder à la mélodie bretonne sa naïveté gracieuse, son allure grave et méditative. Dans ses vers, musique et paroles s'adaptent à merveille et constituent une excellente prédication. De son vivant, il a prêté son concours à plusieurs missions paroissiales, et descendu dans la tombe, il a voulu revivre pour continuer ses prédications par le chant de ses cantiques qui précède et clôture chaque exercice. « Adhuc defunctus loquitur » (Et mort, il continue à prêcher). Il mourut à Penmarc'h le 1er septembre 1887 et voulut être inhumé dans la paroisse qu'il avait administrée pendant quinze ans.

M. François Le Coz, originaire de Plouarzel, était vicaire à Saint-Sauveur de Brest, lorsqu'il fut nommé en 1887 recteur de Penmarc'h. C'était un prêtre zélé, un esprit original et entreprenant. C'est à lui que la paroisse doit d'avoir conservé en si bon état ses divers monuments religieux, et l'école libre des filles est son oeuvre.

Les Soeurs de la Sagesse, appelées à Penmarc'h par M. Lazou en 1872, avaient d'abord habité la rue Longès à Kérity. Elles y tenaient une garderie et donnaient leurs soins aux malades. Cinq ans plus tard, elles vinrent s'installer au Pénity. Trouvant son presbytère trop éloigné de l'église paroissiale, M. Guillou le céda à la commune pour servir d'école publique de filles ; mais en retour, la commune devait confier la direction de cette école aux Soeurs de la Sagesse et accorder au recteur une somme de dix mille francs pour lui permettre de bâtir un presbytère au bourg. Les religieuses expulsées en 1903 du Pénity, trouvèrent un nouveau refuge dans une maison que M. Le Coz, en vue de la laïcisation, avait déjà fait construire en 1898. C'est dans cette maison qu'il installa l'école libre des filles.

S'il avait procuré un logement aux Soeurs, et une école chrétienne à sa paroisse, le recteur dût bientôt chercher pour lui-même un asile. Chassé en 1907 de son presbytère, en vertu de la loi de Séparation des Eglises et de l'Etat, il reçut pendant quelques mois l'hospitalité dans une maison amie ; mais il comprit que cette situation ne pouvait pas décemment durer. C'est alors qu'il se décida et qu'il réussit, après bien des difficultés, à construire le presbytère actuel. En 1911, il crut devoir se retirer du ministère pour prendre dans sa paroisse natale une retraite bien méritée. « Fatigué, disait-il, par plus de vingt-trois ans de combat, de dur service paroissial et de tribulations », il n'aspirait plus qu'au repos. Il avait, selon son expression pittoresque, piloté assez longtemps le navire de Penmarc'h, pour avoir le droit de laisser à un successeur plus jeune et plus robuste, le soin de tenir à son tour la barre. Il mourut dans sa famille à Plougonvelin le 4 janvier 1918, à l'âge de 70 ans.

Ville de Penmarc'h (Bretagne) : photo de l'agence Rol (année 1923).

 

§ II. — L'ÉPOQUE RÉVOLUTIONNAIRE.

A l'aube de la Révolution, Yves Pochet, originaire de Saint-Ségal, était depuis six ans à la tête de la paroisse de Penmarc'h. Il avait comme auxiliaire Guillaume Berrou qui, outre les fonctions de vicaire, exerçait encore celles d'instituteur. Le pasteur vivait en parfaite harmonie avec ses ouailles, et il n'avait d'autre ambition que de terminer tranquillement sa carrière sacerdotale dans cette paroisse que lui avait confiée son Evêque. Les premières années de son ministère, années de calme et de complète entente avec ses paroissiens, semblaient justifier cette espérance. Rien ne pouvait lui faire prévoir que la sérénité des anciens jours dût avoir une fin et que l'orage qui, insensiblement, montait à l'horizon, allait bientôt éclater. Il aura, comme tous ses confrères dans le sacerdoce, à opter entre ses serments religieux et le serment de fidélité aux lois de la République. Nous verrons que le souci de sa tranquillité et, peut-être, de son attachement à sa paroisse lui feront oublier quelque temps les voeux de son ordination.

M. Pochet savait au besoin exercer les devoirs de l'hospitalité envers ses amis et même à l'égard des étrangers. Lorsque Cambry, membre du Conseil du Département vint, à la fin de 1794, à Penmarc'h, il ne trouva personne qui consentît à l'héberger, même moyennant finance. Sans doute, la population se défiait-elle de ce personnage en tournée officielle d'inspection. On était cependant aux premiers jours de la réaction thermidorienne, période de calme relatif, mais il était difficile d'oublier si vite le régime de la Terreur dont on venait à peine de sortir.

Cambry, dont les courses inutiles dans la paroisse avaient aiguisé l'appétit, n'eut d'autre ressource pour apaiser sa faim que de frapper à la porte du presbytère. Le recteur mit au pillage son poulailler pour recevoir le représentant du Département. Trois poulardes préparées à des sauces différentes parurent sur sa table.

« Sans l'honnête curé de ce canton, nous dit Cambry, je serais mort de froid et de faim dans ce pays sauvage et dépouillé. Le bon pasteur me donna, s'excusant sur sa pauvreté, du plus délicieux vin de Ségur trouvé sur le rivage et troqué par les paysans contre quelques bouteilles de mauvais cidre. Béni soit le vénérable curé qui me sauva la vie. C'est un fort galant homme aimé de ses paroissiens ; aussi tout abonde chez lui. Il ne lui manque que du drap. Sa soutane était composée de cinq cents pièces de teintes différentes ».

Rien d'étonnant à ce qu'un personnage officiel fut reçu avec honneur chez un curé intrus. Il est permis de croire, qu'une fois rentré à Quimper, le représentant du Département n'oubliera pas le bon accueil reçu au presbytère de Penmarc'h. C'est probablement, grâce à cette puissante influence que M. Pochet devra de rester dans sa paroisse durant l'époque révolutionnaire sans être nullement inquiété.

Appelé le 6 février 1791 à se prononcer sur la Constitution civile du clergé, le recteur prêta publiquement le serment exigé par la loi. L'Assemblée Nationale avait voulu, pour donner plus d'éclat à l'acte de prestation de serment, qu'il eût lieu, le dimanche à la grand'messe, en présence des fidèles et des autorités constituées. L'acte était de conséquence, car il s'agissait pour le recteur d'être maintenu ou non à la tête de sa paroisse. La loi, en effet, considérait les insermentés comme des rebelles et les déclarait déchus de leurs fonctions. Le peuple dût être curieux d'assister à pareille cérémonie, se demandant avec inquiétude l'attitude qu'allaient tenir ses prêtres. Ils jurèrent tous deux.

Le recteur déclara que, « le voeu le plus sincère de son coeur était de se conformer au décret prescrivant le serment à la Constitution civile du Clergé auquel il adhérait, ajoutant que son empressement et son zèle seront toujours sans bornes quand il s'agira d'inspirer à ses ouailles la plus entière confiance et le plus parfait dévouement à la sagesse des lois qui émanent de l'Assemblée Nationale. Il recommandait de la manière la plus instante aux membres du Corps politique de la paroisse, de ne prendre aucune délibération tendant à affaiblir tout respect à ses décrets, ou à éluder leur exécution ».

Quel zèle débordant pour le nouveau régime de la part d'un prêtre jusque-là confiné dans les fonctions de son ministère paroissial ! La tournure nouvelle que prenaient les événements politiques avait-elle renversé toutes ses idées d'ordre, de discipline ecclésiastique et fait germer dans son esprit un petit grain d'ambition ? Peut-être vit-il que Penmarc'h était une paroisse dont l'importance n'était pas à la hauteur de ses talents et qu'il pouvait, comme tant d'autres de ses confrères jureurs, aspirer à un poste supérieur ? Nous croyons cependant plus vraisemblable que, gagné comme beaucoup de membres du bas clergé aux idées nouvelles, et imbu des principes égalitaires de l'époque, il saluait avec enthousiasme l'aube des temps nouveaux.

« Grâce, dit-il, aux pénibles travaux de la plus auguste assemblée de l'univers et à son union constante avec le meilleur comme le plus cher des monarques, tous les Français jouiront de toutes les faveurs que la divine Providence a versées sur ce superbe empire d'une manière plus solide et plus étendue que ne l'ont jamais fait leurs ancêtres, qu'ils voient déjà l'aurore et qu'ils ne tarderont pas à voir le jour de toutes les prospérités ».

Ni la condamnation par le Souverain Pontife Pie VI de la Constitution civile du clergé, ni la prison, l'exil ou l'échafaud réservés aux prêtres fidèles, rien ne dessillera les yeux du bon recteur qui s'entêtera longtemps à saluer l'âge d'or entrevu dès les premières années de la Révolution. A un ami qui lui reprochait son apostasie et voulait le ramener dans le droit chemin, M. Pochet répondra que sa conscience s'accommodait parfaitement du serment qu'il avait prêté, serment qu'à son avis les deux brefs du Pape n'avaient pas formellement condamné. Dans la suite les arguments de cet ami devinrent-ils plus pressants et plus persuasifs, ou les événements tragiques qui se déroulaient finirent-ils pas éclairer la bonne foi du recteur ? Toujours est-il, qu'au mois d'août 1797, M. Pochet, revenu de son erreur, fit sa rétractation entre les mains des vicaires capitulaires.

« S'il a été difficile, déclare-t-il, de m'engager à abandonner, mon opinion relative à la prestation de serment, j'ose vous assurer qu'il sera impossible de m'y ramener. Vous me mandez que plusieurs ecclésiastiques de mes environs ont révoqué en doute ma rétractation. J'en ai été douloureusement affecté ; ils sont dans l'erreur ».

Un mois plus tard paraissait le décret du 19 fructidor (5 septembre 1797) qui proscrivait tous les ministres du culte sans distinction. Tout prêtre accusé de troubler la tranquillité publique était condamné à la déportation. Pour être convaincu de ce crime, il suffisait pour tout ecclésiastique d'avoir exercé les fonctions de son ministère ou d'avoir prêché la doctrine catholique. Les prêtres assermentés eux-mêmes devaient être sur leurs gardes. Quant aux prêtres insermentés ou réfractaires restés au pays malgré les lois de proscription de 1792 et de 1793, ils avaient encore plus d'intérêt à demeurer cachés. Ce décret permettait de les fusiller dans les vingt-quatre heures. Ces mesures sectaires du Directoire eurent pour effet d'interdire tout exercice public du culte en France. C'était partout la chasse aux curés menée avec furie. De longues files de prêtres s'acheminaient des différents points du territoire vers Rochefort, port d'embarquement pour la Guyane. « Plus de 1200 prêtres, dit Taine, étouffent ou pourrissent dans les casemates des îles de Ré et d'Oléron, et de toutes parts, dans les départements, les commissions militaires fusillent avec force ».

Devant cette recrudescence de la persécution, que devenait M. Pochet, mis hors la loi par sa rétractation de serment ? Il fut plus favorisé que la plupart de ses confrères car nous ne voyons pas qu'il ait été l'ojet de poursuites de la part des pouvoirs publics. Sans nul doute, son ami Cambry veillait et avait réussi par convaincre ses collègues du Conseil du Département que le recteur de Penmarc'h n'avait pas cessé d'être un bon citoyen. Le pasteur dut cependant s'abstenir de tout exercice du culte pour ne pas tomber sous le coup de la loi. Nous voyons quelques-uns de ses paroissiens, entr'autres Joseph Goudédranche, menuisier de Kérity, s'en aller au village de Tréluan, en Plonéour-Lanvern, assister à la messe de Kerdréach, prêtre insermenté. Appelé à l'audience du tribunal correctionnel de Quimper, le 24 pluviose an VI, (13 février 1798), Goudédranche s'entendit condamner à cent francs d'amende et à un mois de prison.

M. Pochet, après avoir été pendant six ans prêtre intrus, redeviendra recteur légitime à partir du mois d'août 1797. Il sera maintenu à ce titre à Penmarc'h jusqu'à sa mort survenue en 1802, l'année même du Concordat qui rétablit la paix religieuse en France.

Ville de Penmarc'h (Bretagne) : photo de l'agence Rol (année 1923).

M. Berrou, vicaire à Penmarc'h depuis 1762, avait suivi l'exemple donné par son recteur dans la séance du 6 février 1791 ; mais s'il prêta serment, ce ne fut qu'avec certaines restrictions concernant le spirituel, voulant ainsi mettre sa conscience à l'abri du parjure. Nommé par l'Assemblée électorale à la cure de Kerfeunteun, il crut devoir refuser ce poste qui ne lui était pas confié par l'autorité légitime. Malgré son serment conditionnel, il vit son nom maintenu sur la liste des prêtres assermentés. Aussi, pour dissiper toute équivoque, s'empressa-t-il d'écrire au District, le 5 mai 1791.

« Je fis, le 6 février dei'nier, serment de maintenir la Constitution dans tous les points conformes à la religion catholique, apostolique et romaine dans laquelle je veux mourir. Si ce serment n'est pas du goût du District, je vous prie d'avoir la bonté de rayer mon nom du tableau des assermentés ».

M. Berrou fit bon ménage avec son curé intrus, et mourut à Penmarc'h, vers 1800, dans la communion de la sainte Eglise romaine [Note : Références. — Archives municipales. Cambry. — Voyage dans le Finistère, p. 353, édition 1836. Taine. — Origine de la France contemporaine. Tome VIII, p. 385]. (F. Quiniou).

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