Web Internet de Voyage Vacances Rencontre Patrimoine Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Bienvenue !

Mutineries à Penmarc'h.

  Retour page d'accueil       Retour Ville de Penmarc'h   

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Les ducs de Bretagne, et après eux les comtes de Penthièvre, ainsi que les barons du Pont affermaient leur droit de pêcherie sur le territoire du Cap-Caval ; mais les fermiers pour recouvrer leurs créances avaient souvent maille à partir avec leurs débiteurs. Dans les années où, sans doute, la pêche était moins productive, les marins faisaient mille difficultés pour payer leurs taxes, quand ils ne menaçaient pas de jeter les huissiers à l'eau. Ils allaient même jusqu'à contester aux barons du Pont le droit de prélever une redevance quelconque sur la pêche ou la sécherie du poisson. Les habitants de cette paroisse, nous dit un rapport de 1709, ayant été, de tout temps, mutins et rebelles, refusent de payer ce droit bien qu'ils aient été condamnés par deux arrêts du Parlement, l'un en date du 24 octobre 1564, et l'autre du 9 octobre 1674.

Déjà, dès le 1er octobre 1509, Charles Rolland « fermier du debvoir des pêcheries et sécheries de Cornouaille » se plaint au sujet des bateaux pêcheurs qui ont cessé d'aller en mer par crainte des bateaux ennemis. En 1551, les débiteurs passent du refus à la révolte. Les fermiers s'adressent au gouverneur de Bretagne, Jean de Brosses, duc d'Etampes et comte de Penthièvre qui envoie Jean de Rosmadec et ses soldats combattre la sédition. Ce dernier a d'abord recours à la persuasion et remontre aux habitants qu'ils ont tort de nier les droits du duc d'Etampes. Les marins lui répondent que leurs moyens ne leur permettent pas d'acquitter la taxe, car souvent leurs bateaux doivent rester au port sous peine d'être pris par les Espagnols. Devant les insistances de Rosmadec, les marins en viennent aux menaces, et l'envoyé du gouverneur, pour éviter toute effusion de sang, se retire avec ses troupes, après avoir échoué dans sa mission.

En 1698, le sr. Desrobin, recteur de Tréoultré, et le sr. de Kersaux, capitaine de la paroisse, prennent fait et cause pour les marins et les engagent à ne pas payer les redevances que leur réclamait M. d'Ernothon, baron du Pont. Les quatre huissiers, venus pour signifier ce droit, furent rossés d'importance, si bien que l'un d'entr'eux fut laissé pour mort sur place.

En 1706, eurent lieu de nouvelles poursuites qui n'eurent pas un meilleur résultat. M. Corentin Louis Larcher, procureur fiscal, et M. Louis Vacher, sergent de la juridiction de la baronnie de Pont-l'Abbé, s'étaient transportés le 20 juin 1706 au bourg de Tréoultré. Ils étaient venus dans l'intention de signifier à « tous maîtres de bâteaux, seicheurs, maréans et vaccanteurs qui avaient été à la pêche des merlus et des congres », l'obligation de payer les redevances dues à la baronnie. Ils devaient en outre faire défense aux patrons d'aller en mer sans s'être fait enrôler chez le procureur fiscal, et sans déclarer le nombre des hommes de leur équipage. Les délinquants étaient passibles d'une amende de vingt livres, de la confiscation de leur bateau et du poisson pêché.

Le sergent Vacher, après avoir publié à haute voix les instructions de la baronnie du Pont, afficha une copie de son mémoire à la porte principale de l'église, au moment même de la sortie des paroissiens de la grand'- messe. Un attroupement se forma bien vite auprès de la porte, et chacun commentait à sa façon les ordres du chevalier d'Ernothon. Bientôt les esprits s'échauffèrent et les voix montèrent à un haut diapason. Jacques Le Gat, patron de barque de Kérity, « ému de colère, jurant et blasphémant le nom de Dieu, » se chargea de traduire les sentiments de ses compatriotes. Il s'avança vers le procureur et son acolyte, leur déclarant qu'il se moquait des prétentions de leur maître, et qu'il les trouvait bien osés de venir, à pareil jour, défier toute une population. Il les menaça, s'ils ne se retiraient au plus vite, de leur faire un mauvais parti. Les officiers ministériels, devant l'attitude menaçante des habitants, crurent prudent de déguerpir. Ils se retirèrent chez Jean Gloaguen, aubergiste du bourg, et là ils purent tout à leur aise rédiger leur procès-verbal de carence.

Le chevalier François d'Ernothon qui venait d'acquérir la baronnie du Pont, de M. de Richelieu, neveu du fameux cardinal, ne tenait pas à laisser périmer ses droits sur les pêcheries et sécheries du Cap-Caval. Il en appelait au Parlement de Bretagne pour faire rentrer dans le devoir ses débiteurs récalcitrants. Malgré tous les arrêts rendus contre eux, les marins continuaient à protester et ne cédaient que devant la force. Quand l'occasion se présentera, ils en profiteront pour faire disparaître les titres qui établissaient sur leur industrie les droits des seigneurs du Pont.

Au mois de janvier 1675, quelques mois avant l'Ordonnance dite du papier timbré qui provoqua une révolte dans l'intérieur du pays, un soulèvement contre les exigences seigneuriales eut lieu dans les paroisses situées, entre Douarnenez et Concarneau. Les habitants de la région de Pont-l'Abbé prirent part à ce mouvement séditeux. Ils pillèrent les maisons des fermiers et receveurs de la baronnie, brûlant ou emportant tout ce qu'ils trouvèrent d'archives et de titres nobiliaires.

Le chevalier d'Ernothon était absent lors de cette sédition. Il ne connut les dégâts commis chez le sr. Kerdaniel Alline, son fermier et receveur que par le procès-verbal d'enquête rédigé par le juge de la baronnie, le 24 janvier 1675. Craignant une nouvelle révolte qui eût fait disparaître, cette fois, le reste des papiers échappés à un premier pillage, il donna ordre à ses receveurs de déposer ses titres dans des lieux plus sûrs que leurs propres maisons. Il apprit que beaucoup de ses papiers étaient renfermés dans des coffres appartenant aux paroissiens de Tréoultré. Selon toute probabilité, les titres devaient se trouver, soit dans l'église paroissiale ou la sacristie, soit chez les fabriciens ou le procureur terrien, Jean Le Trevidic ; peut-être même étaient-ils cachés au presbytère et dans quelques maisons particulières ?

Mais comment ces papiers étaient-ils tombés en possession du recteur et des paroissiens de Penmarc'h ? Le baron ne voyait que deux hypothèses à l'explication de ce fait ; ou ces titres étaient un simple dépôt fait par le receveur de la baronnie, ou c'était le produit d'un vol, lors du dernier soulèvement. Les paroissiens s'étaient emparés de ces papiers pour mettre les barons de Pont-l'Abbé dans l'impossibilité de réclamer leurs droits seigneuriaux. M. d'Ernothon exigea que des perquisitions eussent lieu à Penmarc'h chez toutes les personnes soupçonnées de retenir ses titres.

Les principaux accusés étaient Jean Le Trevidic procureur terrien, demeurant au village de Kerbézec, Jean Daniélou fabricien de Tréoultré, Bargain maître-pêcheur et greffier papegaut, et surtout le recteur Bernard Desrobin, et Kersaux, capitaine de la paroisse. Tous refusèrent de laisser visiter leurs papiers. L'un des officiers de la baronnie, le sr. de Montalembert, avocat au Parlement et sénéchal de la juridiction du Pont, s'en prit à M. Desrobin, comme principal auteur de la résistance. De l'altercation on en vint aux injures, et finalement le sénéchal menaça le recteur de lui couper le nez et de l'attacher à son cheval.

Cette affaire allait se compliquer de façon singulière. Les agents du baron avaient, pour faire plier toutes les résistances, réclamé l'aide de plusieurs dragons qui tenaient garnison à Pont-l'Abbé. Les habitants virent là un moyen d'intimidation employé pour rentrer en possession des titres, et, à l'instigation de leur recteur, ils portèrent plainte à leur tour contre les entreprises violentes du chevalier d'Ernothon.

Mgr. de Ploeuc, évêque de Quimper, mis au courant de ces faits, défendit au recteur de laisser faire des perquisitions dans les papiers de la fabrique. Pour montrer en quelle estime il tenait M. Desrobin calomnié par certains témoins de l'affaire, il alla jusqu'à demander à ses prêtres réunis en synode de se cotiser pour subvenir aux frais du procès. La plainte des habitants de Penmarc'h avait interverti les rôles, et d'accusateur, le chevalier d'Ernothon devenait accusé !

Les dragons, en résidence à Pont-l'Abbé, avaient été appelés depuis peu à l'armée de Flandre. Ils furent convoqués le 17 juin 1710 devant le marquis de Bernières, maître des requêtes et intendant de Flandre, pour déposer dans cette affaire. Leur témoignage vaut d'être rapporté !

Le sr. des Vaux, lieutenant de la Compagnie de M. Cabanel au régiment de Vassé-Dragon, La Brustrie, cornette du même régiment et le brigadier Cozal, du temps où ils étaient en garnison à Pont-l'Abbé, entendaient souvent vanter les beautés des côtes du Cap Caval. Rien de plus naturel qu'ils aient eu la curiosité de visiter, « ce lieu si renommé de Penmarc'h à présent en ruines, et cette torche de Penmarc'h dont le bruit est si grand quand le temps est gros et que la mer frappe contre les rochers, qu'on l'entend de douze lieues ». (Lettre de M. d'Ernothon à M. de Valincourt à Versailles, pour l'intéresser à son procès).

Le 26 février, ils s'entendent donc pour organiser un pique-nique sur le gazon de la côte, et ils partent à cheval en compagnie de plusieurs gentilshommes et de quelques dames et demoiselles de la ville. Mais voilà que six dragons de leur régiment, aussi curieux et aussi amateurs de beaux sites que leurs officiers, demandent et obtiennent l'autorisation de faire partie de la caravane. Les provisions du voyage sont déjà étalées sur la dune, lorsque survient une pluie malencontreuse qui force les excursionnistes à enlever leur couvert et à chercher ailleurs un abri pour déjeuner. Le hasard de la promenade les mène jusqu'à Kérity, chez le sr. Kersaux, capitaine de la paroisse qui leur cède volontiers un de ses appartements. Ils sont tout étonnés de voir, en compagnie de leur hôte, le sr. Desrobin recteur, un marin du nom de Bargain et plusieurs autres habitants de la paroisse ainsi que les juges et officiers de la baronnie du Pont. Ils assistent à une altercation violente entre ces différents personnages à propos de papiers et titres que réclamaient les juges. Ils entendent quelques paroles piquantes et même quelques injures échangées entre le recteur et le sénéchal, mais ils n'ont été témoins d'aucun acte de violence. Pour eux, que cette affaire de papiers et de querelles personnelles n'intéresse nullement, ils se sont contentés de saluer leur hôte et de reprendre tranquillement le chemin du retour. Leur témoignage, comme on le voit, n'était guère compromettant pour le chevalier d'Ernothon, mais il est permis de soupçonner qu'ils ne faisaient que débiter une leçon bien apprise.

Quel fut le dénouement de cette affaire ? Les archives ne nous ont pas livré ce secret, mais tout porte à croire que le défaut de titres de la part du baron, et d'un autre côté l'obstination des habitants de Penmarc'h soutenus par le capitaine de la paroisse et le crédit du recteur, durent rendre mutiles les poursuites pour le paiement des droits de la baronnie du Pont. Le chevalier d'Ernothon n'aurait pas dû oublier que dans son mémoire, il déclarait les pêcheurs de Penmarc'h, « actuellement gueux et misérables .. », et que dès lors, c'était assurément le cas d'appliquer le proverbe : « Où il n'y a rien, le roi même perd ses droits ». (F. Quiniou).

 © Copyright - Tous droits réservés.