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La Légende de Penmarc'h.

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La presqu’île de Penmarch, à la pointe S. W. de la Bretagne, n’est pas seulement le point d’atterrissage remarquable que venaient reconnaitre, dès le moyen-âge, les bateaux à destination des ports du golfe de Gascogne, comme le montrent portulants et routiers, par exemple le Routier de la mer de Garcie dit Ferrande, composé entre 1483 et 1500 (Extraits publiés et annotés par M. PAWLOWSKI, Bull. de la Soc. de Géogr. commerciale de Bordeaux, 17 février 1902, p. 65-8). Penmarch a aussi son histoire et sa légende. La légende, très répandue, de nos jours encore, dans le pays, affirme qu’il existait en ce lieu une ville populeuse et prospère, dont les nombreuses églises inachevées ou ruinées du territoire et quelques maisons d’apparence seigneuriale ne seraient que les restes. Cette légende a trouvé sa forme hyperbolique achevée dans l’affirmation, rapportée par Souvestre, « qu’il y avait à Penmarch une ville aussi considérable que Nantes » (SOUVESTRE, note à CAMBRY, Voyage dans le Finistère en 1794, éd. 1836, p.158).

Avant d’étudier les titres authentiques de Penmarch et de mesurer sont importance véritable à la veille et au lendemain de ses malheurs, c’est à dire aux XVIème et XVIIème siècles, nous indiquerons d’après les textes successifs comment la légende s’est formée.

Elle a pour origine l’épisode du sac de Penmarch par le fameux brigand de Cornouaille, Guy Eder de La Fontenelle, pendant les guerres de religion (1595). Cet événement est raconté par le chanoine Moreau dans les termes suivants (MOREAU, Histoire de guerres de la Ligue en Bretagne, éd. Le Bastard de Mesmeur, 1836, p. 274 et suiv.) :

« Les habitans de Penmarch, lors en grand nombre, et qui se glorifoient de leur force, car ils pouvoient bien fournir deux mille cinq cents arquebusiers, comme voulant faire une république à part, pensant seulement à leur particulière conservation, sans se soucier de leurs voisins, et pour se prévaloir et défendre contre La Fontenelle, comme à la vérité leur était tout naturel, ils font deux forts audit Penmarch, l’un en l’église de Tréoultré, l’autre à Kérity en une maison séparée, qu’ils environnent de retranchements et de palissades, et dedans les deux forts retirèrent leurs personnes et leurs fortunes, se croyant bien en sûreté de tous les efforts de La Fontenelle, comme à la vérité ils étoient s’ils se fussent armés de courage, d’expérience, lesquels tous deux leur manquèrent au besoin, comme nous dirons ci-après ; et combien qu’ils aient la réputation d’être bons soldats en mer, si ne firent ils aucun devoir à terre ».

Nous croyons devoir abréger ici le récit fort long du chanoine. La Fontenelle procéda par ruse. Il se « feignit le grand ami » des Penmarchais, vint avec des apparences de bon apôtre, tint aux habitants des discours flatteurs, et pendant qu’il retenait ainsi leur attention, ses soldats enlevèrent les deux forts par surprise. Il y eut grand massacre et grand pillage.

« Le butin fut grand, continue Moreau, car tous les plus riches dudit lieu, dont il y avoit grand nombre, se confiant en leur courage et leurs ouvrages, nombre de gens de marine étaient en ces forts et n’avaient daigné se retirer ailleurs, comme plusieurs autres avoient fait, entre autre ceux d'Audierne et de tout le cap Sizun, qui s’étoient retirés à Brest ; si bien qu’ils perdirent tout ce qu’ils avoient, et surtout grande quantité de navires, bateaux et barques plus de trois cents de tous volumes, dans lesquels La Fontenelle ayant fait charger le butin les fit rendre à son fort de Douarnenez... Je n’ai pas su le nombre des morts de Penmarch, tant il y a que la plupart de la tuerie fut dans l’église, qui faisait comme le donjon de leurs forts... De ce ravage de Penmarch demeura telle ruine qu’il ne pourra de cinquante ans relever ny possible jamais, et semble que tout depuis ils sont suivis de je ne sais quel malheur qui les accable de plus en plus, quelque peine qu’ils prennent de repremdre haleine ».

On voit que le pillage de Penmarch par La Fontenelle a fortement frappé l'imagination des contemporains, Par une conséquence naturelle, la prospérité passée de Penmarch s’exagéra dans leurs souvenirs, et à mesure que les années s’écoulèrent, l'exagération devint plus sensible.

Le second auteur involontaire de la légende fut Bertrand d'Argentré. Il écrivait en 1669 (B. D’ARGENTRÉ, Histoire de Bretagne, LX, p. 495, an 1404) :

« [En 1404], un nommé Guillaume de Villefort, amiral d’Angleterre, prit sur mer grand nombre de vaisseaux jusqu’au nombre de 40, venant de La Rochelle, charges de vin, fer et huile, jusqu’au nombre de 1000 tonneaux ; et brûla les vaisseaux, puis prit terre à Penmarch, et entrant au païs de Bretagne, brûla et pilla environ six lieues de païs, et en iceluy la ville de Saint-Mahé ».

Grâce au rapprochement fortuit du nom de Penmarch et de la capture d’une riche flotte commerce, cette flotte devait devenir penmarchaise et fournir un témoignage de la prospérité passée du lieu. Dom Lobineau, écrivant en 1707, se contente de copier à peu près Bertrand d'Argentré : mais déjà il ajoute un point de soudure entre les exploits maritimes et terrestres de l’amiral anglais, et ce point, bien entendu, est à Penmarch (DOM LOBINEAU, Histoire de Bretagne, t. I, p. 503, XCV, an 1404) :

« Guillaume de Willford, écuyer anglois, écrit-il, avec une flotte montée de six mille hommes, prit sur les côtes de Bretagne quarante navires chargés de fer, d’huile, de savon et de vin. Il en brûla quarante autres, et abordant à Penmarch, il brûla tout le pays et saccagea et saccagea les environs... ».

Avec le texte de dom Lobineau, il n’y avait qu’un pas à faire pour affirmer que les bateaux pris venaient du pays ravagé. Ce pas a été franchi en 1894 par P. de Ritalongi [Note : « Une escadre anglaise s’empara d’une flotte penmarchaise composée do 40 navires, etc, .. » (P. DE RITALONGI, Les Bigouden, Nantes, 1894 p. 439)].

L’histoire des malheurs de Penmarch pendant les guerres de religion fut reprise en 1750 par dom Taillandier continuateur de dom Morice (Histoire de Bretagne). Dom Taillandier insiste peu, à l’an 1595, sur le sac de Penmarch par La Fontenelle ; il se contente d’affirmer, comme le chanoine Moreau, que les haitants étaient « riches et formaient une espèce de république » ; mais à l’an 1597, il entre dans de plus grands développements au sujet de la reprise de Penmarch par Sourdéac (DOM TAILLANDIER, Histoire de Bretagne, T. II, p. 465) :

« Tant de cruautés qui révoltent la nature, dit dom Taillandier en parlant des exploits de La Fontenelle, firent enfin prendre la résolution à Sourdéac de marcher contre La Fontenelle. Quand il eut quitté le maréchal de Brissac, il reprit le chemin de la Basse Bretagne et se détermina à attaquer le château de Penmarch. Ce bourg, l’un des plus considérables qui soient en France, est composé en quantité de hameaux de soixante ou quatre-vingts maisons, qui ne sont distants les uns des autres que de la portée de l’arquebuse. Avant que La Fontenelle l’eût pris, c’était le plus riche bourg de Bretagne. Les habitants avaient plus de 500 bateaux, sans compter ceux qui portaient du poisson sur toutes les côtes du royaume., Avant la guerre, on comptait dans Penmarch dix mille matelots bien armés et bien équipés ».

Dom Taillandier a sûrement sa large part dans la formation de la légende. « Le plus riche bourg de Bretagne », les « dix mille matelots », sont des exagérations, ou tout au moins des assertions qui ne reposent sur rien. Toutefois, il convient de remarquer que domTaillander se garde bien de faire de Penmarch une ville grande ou petite. Pour lui, comme pour Moreau, ce n’est qu’un bourg avec ses épars, et la description qu’il en donne pourrait s’appliquer au Penmarch de nos jours.

Mais la légende continuait son évolution : la ville ne devait pas tarder à venir. Elle apparaît en 1769 dans le Dictionnaire géographique de Bretagne par Ogée (OGÉE, Dictionnaire géographique de Bretagne, t. III, p 338-339) :

« Le territoire de Penmarch, dit Ogée, est plein de démolitions. Les pierres qui sont entassées çà et là les unes sur les autres, suffiraient pour bâtir une ville ; on ne sçait de quels édifices elles proviennent ».

Ogée laisse soupçonner l’existence de la ville, il ne l’affirme pas encore. Cambry, en 1794, renchérit sur Ogée (CAMBRY, Voyage dans le Finistère en 1794, éd. de Brest, 1836, p. 158) :

« J’ai parlé, dit-il, des ruines de Penmarch ; elles annoncent une très grande population : elles sont, pour les habitant du pays, les ruines de la ville d’Is. On sait qu’on y faisait un immense commerce de salaisons ».

Ainsi, non seulement Penmarch est devenu ville, mais c’est la légendaire ville d'Is, et on y faisait un « immense commerce ». Il semblait difficile d’aller plus loin dans l’hyperbole. Il était pourtant réservé au chevalier de Fréminville d’écrire dans ses Antiquités du Finistère le poème du Penmarch légendaire, vrai chef-d’œuvre d’imagination (FRÉMINVILLE. Antiquités du Finistère 1835, t. II, p. 108-115) :

« Qui peut avoir porté, s’écrie-t-il, à bâtir une si grande ville dans ce lieu si écarté, si solitaire ? Voici comment nous repondrons : les habitants de Penmarch étaient, dans des temps déjà fort éloignés, d’intrépides et hardis marins ; leur habileté, leur expérience de la mer leur attira la confiance, et tous les riches propriétaires des Cornouailles leur confièrent, de préférence à tous les autres, les marchandises dont ils voulaient trafiquer. Un établissement maritime se forma donc à Penmarch ... et la ville se forma et s’accrut progressivement. Dès le XIIIème siècle, elle était déjà très populeuse. Une circonstance particulière augmenta la source de ses richesses. A trente ou quarante lieues dans l’ouest de la pointe de Penmarch, on trouvait, à certaine époque de l’année, un banc considérable de morues... La pêche de ce poisson... devint l’objet principal des spéculations des armateurs de Penmarch. On en voit la preuve dans un titre de l’an 1266, publié dans les Anciens jugements de la mer, article 26, page 87 des constitutions du duché de Bretagne. Mais en outre, la ville de Kérity-Penmarch faisait, aux XIVème et XVème siècles, un commerce très étendu de grains et de bestiaux, toiles, chanvres, avec les ports espagnols de la Galice et des Asturies. L’appât des bénéfices immenses qui en résultaient séduisit tant de monde, que les laboureurs des paroisses environnantes négligèrent la culture des terres pour accourir à Kérity-Penmarch et s’y livrer au trafic. La chose arriva au point qu’il fallut que l’autorité y mît un frein ... Une ordonnance ducale, relative au négoce de Penmarch, datée de l’an 1404 s’exprime ainsi, etc. ». Et il ajoute : « Plusieurs des chemins qui serpentent parmi les décombres de Kérity portent encore des noms de rues : il y a la Grande-Rue, la rue des Marchands, la rue des Argentiers ou des Orfèvres ».

D’après Fréminville, les causes de la ruine de Penmarch, seraient l’exploitation des bancs de Terre-Neuve, à partir de 1500, les ravages des corsaires et le pillage de La Fontenelle. Tout n’est pas faux, comme nous le verrons, dans cette dernière partie des assertions de Fréminville ; mais le tableau de la grandeur passée de Kérity Penmarch est purement fantaisiste.

C’était en 1835 que paraissaient les Antiquités du Finistère. L’année suivante, Souvestre, annotant Cambry, écrivait (CAMBRY, éd. Souvestre, 1836, p. 158) :

« Les habitants n’ont jamais parlé de la ville d’Is à propos de ces débris. Mais il est certain qu’il existait autrefois dans ce lieu une ville où l’on se livrait à la salaison des congres, des juliennes et même des morues qui se pêchaient sur la côte ; c’était l’objet d’un commerce important. On a cru que la découverte des bancs de Terre-Neuve, en détruisant cette source de richesses, amena l’abandon et la ruine des habitations du Penmarch., Si l’on s’en rapporte à la tradition du pays, Penmarch fut autrefois aussi considérable que Nantes. Outre la découverte du banc de Terre-Neuve, qui fit abandonner celui de Penmarch pour la pêche de la morue, une tempête affreuse fit périr 500 bateaux pêcheurs du cette ville montés chacun de 7 hommes, et causa ainsi la ruine de son commerce. Cependant elle conserva encore assez longtemps une assez grande importance, mais des guerres de la Ligue elle eut à subir de nouveaux désastres ».

La légende était désormais établie [Note : Elle a trouvé une illustration curieuse dans une lithographie existant à la B. N. Estampes. Topographie de la France. Finistère (dessin de A. Mayer, lith. de Ciceri, 1844). Cette lithographie parte le titre de « la Palmyre de Bretagne (penmarch) ». On voit une croix de granite, au milieu d’une grande lande semée de ruines, sous un ciel bas et noir]. Dans un Mémoire présenté en 1901 au Congrès de géographie de Nancy, M. le lieutenant de vaisseau Devoir écrivait : « La ruine de la populeuse cité de Tréoultré-Penmarch est un fait historique ». Nous-même, en critiquant dans les Annales de Géographie les conclusions de ce mémoire, nous ne songions point à contester un fait qui nous semblait suffisamment appuyé, à première vue, par des autorités très souvent respectables comme celles de Souvestre et de Fréminville (C. VALLAUX. Sur les oscillation des côtes occidentales de Bretagne (Ann. de Géog. 15 janvier 1903)).

Cependant, dès 1891, M. Trévédy, étudiant, dans le Bulletin de la Société archéolggique du Finistère (J. TRÉVÉDY, Les pêcheries et sécheries de Léon et de Cornouailles (Bull, de La Soc. Archéol. du Finistère, 1891)), les anciennes sécheries et pêcheries de Léon et de Cornouaille, critiquait avec sagacité les assertions et les références de Fréminville, et même les hyperboles de dom Taillandier, A propos du texte de Fréminville, il faisait remarquer que les « Anciens jugemens de la mer » ne portent même pas le nom de Penmarch ; que la constitution ducale de Jean V, de 1424 (et non de 1404), ne s’applique en aucune manière au négoce de Penmarch qui n’est pas mentionné ; que le privilège de papegaut conféré par Henri II, le 15 juin 1556, aux habitants de Penmarch, et qui suivant Fréminville démontrait l'ancienne importance du lieu, était souvent accordé à de petits bourgs fort peu peuplés ; enfin, que le terme de rue, dans toute la presqu’ile de Pont-l’Abbé, s’appliquait communément aux petits sentiers ruraux qui relient les villages (TRÉVÉDY, p. 207-208). Ensuite, M. Trévédy, critiquant dom Taillandier, montrait combien le chiffre de « dix mille matelots bien armés et équipés » était hyperbolique et improbable (TRÉVÉDY, p. 208-209). Pour toutes ces raisons, M. Trévédy pensait qu’il y avait lieu de faire des réserves sur la prospérité passée de Penmarch.

Mais M. Trévédy n’avait pas en mains les éléments nécessaires pour résoudre complètement la question. Il ne disposait que des textes imprimés et des indications contenues dans les aveux de la baronnie du Pont (Pont-l’Abbé), conservés aux archives du Finistère, sur la sécherie de Penmarch dont une partie dépendait des barons du Pont. Il ne pouvait présenter un tableau complet des pêcheries et du mouvement commercial du centre de Penmarch. (Camille Vallaux).

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