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Décadence de Penmarc'h.

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Penmarc'h, avec ses trois agglomérations de Tréoultré, de Kérity et de Saint-Pierre, était au XVIème et surtout au XVème siècle l'une des paroisses les plus populeuses et les plus riches de la Bretagne. C'est là un fait établi par les documents de l'époque. Nous n'avons pas voulu cependant prétendre, avec certains auteurs, que Penmarc'h ait rivalisé avec Nantes, soit comme ville, soit comme port commercial. Que Kérity, au lieu de constituer une ville, n'ait été qu'une grosse bourgade, c'est là une question qui ne saurait lui rien enlever de son importance. Kérity pouvait avoir une population de cinq à six mille âmes, sans compter ses faubourgs. Etaient-elles si nombreuses en Bretagne les villes qui pouvaient contenir dans leur enceinte un chiffre égal de population ? Quimper et Brest n'avaient pas au XVème siècle un nombre d'habitants supérieur à celui de Kérity. Nous ne croyons pas que dom Taillandier ait beaucoup exagéré, en portant ce jugement sur Penmarc'h : « avant que La Fontenelle l'eut pris, c'était le plus riche bourg de Bretagne et l'un des plus considérables de France ».

« La nation bretonne, nous dit La Borderie, vécut dans une paix profonde de 1420 à 1589, pendant cent soixante-dix ans, sauf une courte période quinquennale, et ses ducs, s'appliquant à développer son commerce, son industrie, son agriculture, le pays regorgea de bien-être et de richesses » (Revue de Bretagne. 1889). « La Cornouaille, d'après les chroniqueurs du temps, était appelée « le petit Pérou », tant était grande sa prospérité ». Nous voyons La Magnanne, émule de La Fontenelle en brigandage, se jeter sur le pays de Chateaulin et y faire un butin inestimable en vivres, meubles, vaiselle d'argent dont les demeures bretonnes étaient alors abondamment pourvues. Le huguenot Trogoff de Locronan, nous dit Moreau, s'était retiré au château du Pont avec beaucoup de ses coréligionnaires, et de là, mettait à son aise au pillage les localités circonvoisines, « ce qui était cause qu'il faisait bien ses affaires car le pays était peuplé et riche ».

Tous les documents antérieurs à la Fontenelle nous parlent de l'importance industrielle et commerciale de Penmarc'h. En 1487 en 1522 nous y trouvons des navires de guerre chargés de convoyer les bateaux marchands, et en 1557, les registres du seul port de Nantes signalent l'arrivée de quarante et un bateaux de Penmarc'h avec des cargaisons de poissons et de céréales ; c'est donc qu'à cette époque, les pêcheries et le négoce n'étaient pas encore à leur déclin. En 1556, le roi Henri II accorde aux arquebusiers de Penmarc'h le privilège de papegaut, et en 1571, cette paroisse est autorisée à déléguer un député aux Etats de Bretagne. Aurait-on attendu que le commerce et l'industrie y fussent en décadence pour conférer à Penmarc'h ces deux privilèges ?

Il n'est guère admissible que La Fontenelle, après son enquête du mois d'Août 1595 à Tréoultré et à Kérity, y fût retourné, quelques mois plus tard, à la tête de ses troupes, s'il n'avait pas eu la conviction que d'immenses richesses s'y trouvaient amassées. Le brigand n'était pas homme à entreprendre une expédition qui ne fût pas de rapport. Les quinze cents hommes qu'il avait sous ses ordres savaient au besoin réclamer leur solde, et ce n'est qu'en les gorgeant de richesses et de plaisirs qu'il pouvait les tenir sous son obéissance. L'énorme butin qu'il fit à Penmarc'h le dédommagea amplement de ses frais d'expédition, et est une preuve que les affaires commerciales et industrielles n'étaient pas encore dans le marasme.

M. C. Vallaux cependant, dans une étude sur Penmarc'h, prétend que l'abandon et la ruine des édifices de cette localité avaient commencé bien avant les ravages de La Fontenelle. Pour étayer son assertion, il s'appuie sur l'étude de cent aveux de la baronnie du Pont, allant de 1462 à 1790. « Ces aveux réunis par les barons du Pont nous donnent, dit-il, le tableau expressif sur la ruine de Penmarc'h. Ils signalent d'anciens emplacements de maisons ou des débris de constructions importantes et prouvent la destruction lente et progressive de Penmarc'h ». Il divise ces aveux de la manière suivante :

Le seul aveu qui fasse mention d'édifices en ruines avant l'époque de La Fontenelle est en date de 1594, et concerne le hameau de Kergarrien en Saint-Guénolé, alors trêve de Beuzec-Cap-Caval. Quelques maisons en ruines en Saint-Guénolé, en Beuzec, ne sont pas une preuve de l'abandon des manoirs et des opulentes demeures des armateurs et négociants de Tréoultré et de Kérity Penmarc'h.

Un autre argument est tiré du droit de pêcherie dont le revenu, variant d'une époque à l'autre, nous marquerait les fluctuations que subissaient l'industrie poissonnière et par suite la richesse du pays. La plus forte dépréciation a lieu de 1523 à 1536. De 1845 livres, ces redevances seigneuriales tombent à 1200 livres, et en 1585, elles ne rapportent plus que 900 livres ; mais c'est à partir de 1600 qu'une baisse considérable et progressive se produit dans la perception de ces taxes qui, sous la violente opposition des marins, finiront par disparaître au commencement du XVIIIème siècle.

Baux des propriètaires de bateaux à Penmarc'h (Bretagne).

A quelles causes faut-il attribuer ces variations dans le revenu du droit de pêcherie ? Nous ne pensons pas qu'elles soient dues uniquement à l'état plus ou moins florissant de l'industrie de la pêche, du moins jusqu'en 1585 où cette taxe rapporte encore neuf cents livres. Il n'y avait pas de corrélation nécessaire entre la valeur marchande du produit de la pêche et le chiffre de ces redevances. Ce droit était établi sur les patrons de barques et leurs hommes d'équipage et non sur le poisson amené à terre. On ne peut donc pas se fonder uniquement sur l'estimation de ce droit pour constater le déclin ou l'état prospère des pêcheries. D'autres causes ont influé sur le produit de ces taxes, et l'une des principales se trouve signalée dans un rapport de la baronnie du Pont en date de 1709. « Les habitants de celle province, y lisons-nous, ayant été de tout temps mutins et rebelles, refusent de payer ce droit ». Nous avons même vu que la perception de ces redevances fut souvent une occasion pour les marins de Penmarc'h de s'insurger contre les prétentions des barons de Pont-l'Abbé !.

On nous dit encore que le merlus n'avait pu supporter longtemps la concurrence de la morue de Terre-Neuve. Certes, peu à peu, la morue qui n'avait dû tout d'abord que faire déprécier le merlus, aurait fini par le supplanter et supprimer ainsi la principale source de richesse de Penmarc'h, car le cabotage et les pêcheries y étaient solidaires. Mais ce n'est pas seulement quelques années après la découverte de Terre-Neuve en 1497 par le vénitien Sébastien Cabot, et l'exploration de ces îles en 1534 par le malouin Jacques Cartier, que le commerce de la morue aurait pu prendre une extension telle qu'il eût éliminé le merlus des marchés du littoral français. Si l'industrie de Penmarc'h était destinée tôt ou tard à perdre de son importance, et le pays à déchoir de son ancienne prospérité, il nous faut cependant descendre jusqu'à l'époque de La Fontenelle pour constater la décadence de cette paroisse.

C'est à partir de 1600 que nous ne trouvons plus de traces de l'ancienne opulence de Penmarc'h. Le commerce périclitait et l'industrie avait presque totalement disparu. En cela rien d'étonnant quand on considère les déprédations commises dans ce pays par les troupes du brigand de la Cornouaille. La Fontanelle ne s'était pas contenté de piller les richesses amassées dans les deux forts dont il venait de s'emparer, il avait même enlevé aux habitants qu'il avait dû épargner tout moyen de relever leurs ruines et de reprendre le commerce qui, jusque-là, avait établi leur fortune. Il n'oublia pas, pour mettre son île en état de défense du côté de la mer, de prendre à Kérity les navires dont le rôle était de convoyer les bateaux marchands, et plusieurs de ces derniers lui servirent à transporter à son fort de Douarnenez les richesses et les objets de valeur tombés en son pouvoir. Il avait, à la vérité, laissé quelques navires à Kérity-Penmarc'h, mais c'était pour le service de ses troupes maintenues au fort de Kérouzi à l'effet de surveiller et de piller la contrée. Ces navires montés par ses forbans écumaient les mers du littoral et paralysaient tout commerce et toute industrie. Les riches armateurs et négociants avaient disparu, les uns retenus prisonniers dans l'espoir qu'on pourrait en tirer une forte rançon, les autres, en fuite, mais ne se souciant pas de retourner en leurs logis dévastés, par crainte de tomber entre les mains d'un ennemi dont la cruauté était légendaire.

L'agriculture elle-même était ruinée. Les brigands n'épargnaient pas plus les campagnes que les bourgades. Tout ce qui, pour eux, avait une valeur vénale était l'objet de bonne prise. L'historien Moreau nous trace des campagnes de cette époque un tableau d'un réalisme saisissant.

« Dorénavant, dit-il, la basse Cornouaille alla de mal en pis, car les champs étant dépouillés de tous moyens, et de plus en plus ravagés par La Fontenelle, les autres années, elle fut réduite à telle extrémité que fort peu de gens demeurèrent en vie, et n'ayant ni cheval ni boeufs ; lorsqu'ils pouvaient avoir quelque morceau de blé en prêt ou autrement, ils s'attachaient de nuit à la charrue pour le semer, en espérant d'avoir quelque chose l'année prochaine. Je dis la nuit, car le jour ils ne paraissaient pas plus que hiboux, et se tenaient cachés dans les taillis et genêts comme bêtes sauvages. Et arrivait que les pauvres gens se trouvaient frustrés de leur attente à la moisson, et ils ne recueillaient pas ce qu'ils avaient semé, car le soldat, ou le faisait manger en herbe, ou devant même qu'il fut mûr du tout, l'enlevait ou le gâtait afin qu'il ne servit qu'à eux ».

Aussi ne sommes-nous pas surpris de lire sous la plume du même historien, après la prise et le pillage de Penmarc'h par La Fontenelle : « De ce ravage de Penmarc'h demeura telle ruine qu'il ne pourra de cinquante ans relever, ni possible jamais, et semble que tout depuis, ils sont suivis de je ne sais quel malheur qui les accable de plus en plus, quelque peine qu'ils prennent de prendre haleine ».

Le chanoine Moreau ferait-il ici allusion au fait suivant dont la tradition populaire a gardé le souvenir, mais dont nous ne garantissons nullement l'authenticité. Une violente bourrasque aurait fait sombrer au large de Kérity cinq cents bateaux de Penmarc'h. G. de Ritalongi place cette catastrophe à la fin du XVème siècle.

Les incursions des navires espagnols et anglais nuisaient sans doute au commerce de Penmarc'h, mais l'ennemi ne pouvait pas stationner sur le littoral pendant toute la saison de la pêche et interdire ainsi aux bateaux toute sortie en mer. Les pêcheries continuaient, et le service de cabotage, grâce aux navires convoyeurs, se faisait régulièrement en temps de paix et même tant bien que mal, pendant les périodes d'hostilité. Les bénéfices que retiraient les armateurs et les négociants de leurs trafics leur permettaient de courir ces risques de guerre.

Après les ravages de La Fontenelle, la situation était tout autre. Les pêcheries agonisaient. Plus de caravelles parlant pour les ports d'Espagne et de Portugal, de Bordeaux, Royan et Nantes, et comme force armée quelques rares arquebusiers, débris des 2.500 hommes que Penmarc'h pouvait autrefois équiper pour sa défense, et dont il sera encore mention jusqu'au XVIIIème siècle. Les capitaux avaient sombré dans le désastre ou avaient émigré. Les armateurs renoncèrent à remplaoer leurs navires que le brigand de la Cornouaille avait confisqués à son profit, et les négociants ruinés se virent, au déclin des pêcheries, dans l'impossibilité de rétablir leurs affaires. Les bateaux ne pouvaient se livrer qu'à la pêche côtière, et n'étaient plus assez nombreux pour alimenter, comme autrefois, un important service de cabotage.

Le chiffre de la population avait subi une régression étonnante, sans que l'on puisse cependant attribuer uniquement ce résultat aux massacres commis par les troupes de La Fontenelle. Des dix ou douze mille habitants que possédait naguère Penmarc'h, c'est à peine s'il en restait trois mille en 1600. Les registres paroissiaux ne mentionnent que 81 baptêmes en 1602 et 59 en 1642.

La décadence avait été rapide. Avec la disparition du commerce et de l'industrie devait nécessairement décroître le chiffre de la population, Les marins émigrèrent en masse vers d'autres ports de pêche, comme Audierne, Douarnenez et Concarneau. En 1614. Penmarc'h n'a plus de député aux Etats de Bretagne. En 1664, Toussaint de Saint-Luc, dans son inspection des côtes ouest de la France, nous décrit le port de Kérity, sans faire aucune mention du commerce de cette ville, bien qu'il signale au passage les riches marchands du port de Pont-l'Abbé. Ce n'est qu'à partir de 1600 que les aveux de la baronnie du Pont nous permettent de constater l'abandon et les ruines des maisons de Penmarc'h. En 1700, la décadence était complète. Un rapport du baron d'Ernothon traite les marins « de gueux et de misérables ». L'année suivante, les officiers des dragons, appelés à déposer au procès intenté par M. Desrobin et ses paroissiens au baron du Pont nous parlent de Penmarc'h comme « d'un lieu autrefois très grand et très spacieux dont les ruines et les débris sont encore considérables ». Certes, les maisons abandonnées ne croulèrent pas en un jour ; mais, peu à peu, le temps fit son oeuvre, et bientôt des manoirs et des riches demeures des armateurs et négociants, il ne resta plus que des ruines, témoins survivants de la grandeur passée de Penmarc'h.

Nous pouvons donc conclure que la décadence de cette paroisse est due à deux causes : au déclin, et à la disparition des pêcheries et sécheries du merlus concurrencées par le commerce de la morue, et surtout aux ravages commis par les troupes de La Fontenelle. Jamais, comme le dit le chanoine Moreau, Penmarc'h n'a pu se relever de la situation lamentable où l'avaient laissé les déprédations du brigand de la Cornouaille (Références. — La Borderie, Revue de Bretagne, 1889. — Ch. Moreau, op. cit. .— J. Baudry, op. cit. — Penmarc'h, par C. Vallaux. — Archives départementales et municipales). (F. Quiniou).

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