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La position fortifiée de Pen-Ledan

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A 1,200 mètres environ au sud du Folgoët et à la même distance de l'ancienne voie romaine qui conduisait de Vorgium (Carhaix) à Vorganium, chef-lieu des Osismii, situé près de Plouguerneau, à l'entrée de l'Aber-Wrach, se trouve une ancienne position fortifiée, remarquable tant par son parfait état de conservation que par son importance militaire.

LA POSITION FORTIFIEE DE PEN-LEDAN
Près de Lesneven, arrondissement de Brest

Je ne l'ai trouvée décrite nulle part, et seul M. du Châtellier mentionne brièvement l'existence d'un vieux camp près du Folgoët.

Située à l'extrémité d'une croupe qui domine d'une quinzaine de mètres le confluent des deux ruisseaux qui la baignent sur trois de ses côtés, la position de Pen-Ledan-bras (en celtique : la grande tête large), a été, de tout temps, très facilement défendable.

Les étroites vallées entre lesquelles elle est enserrée, pouvaient être sans peine rendues presque infranchissables : il suffisait en effet, pour augmenter les difficultés naturelles du terrain, d'arrêter l'eau dans son cours par une chaussée ou un barrage quelconque ; l'on créait ainsi des fossés larges et profonds et l'on amenait en outre, par ce moyen, à portée des défenseurs du retranchement, l'eau nécessaire à leur subsistance et à celle des animaux qui s'y trouvaient renfermés avec eux.

C'est ce que n'ont pas manqué de faire, à l'époque préhistorique, les premiers occupants de Pen-Ledan, et c'est en quoi les ont imités, aussi bien au moment de l'occupation romaine que lors des guerres qui ont ensanglanté la Bretagne dans les temps modernes, tous ceux qui ont recherché dans cette position un abri sûr et facile à défendre.

L'histoire du camp de Pen-Ledan comprend, par conséquent, trois phases distinctes, que l'on devine, mais sur lesquelles on ne sait rien.

Nous allons donc interroger rapidement ses ruines et nous chercherons ensuite si la tradition locale et les noms de lieux ne pourraient venir à notre secours et nous apprendre quelque chose.

Le camp de Pen-Ledan comprend deux parties absolument distinctes :

La première, située à l'ouest, à environ 180 mètres dans son grand axe orienté E.-O., et 90 mètres de large.

Lorsque, venant du moulin du Folgoët, on entre dans le camp par l'ouverture, large de cinq mètres, qui se trouve à l'extrémité ouest du grand axe, on franchit un parapet très solide en terre mêlée de cailloux, et dont le sommet est arrondi.

Son épaisseur moyenne est de 4 mètres à la base et de 1m50 au sommet ; sa hauteur moyenne est de 1m50 à l'intérieur du retranchement et de 3 mètres à l'extérieur.

Position fortifiée de Pen-Ledan

Le faîte de la croupe a été entaillé, suivant les contours du camp, pour fournir les matériaux nécessaires à la confection de la masse couvrante ; autour de celle-ci, au lieu d'un fossé rendu inutile par la pente abrupte du terrain, court une berme en corniche de 0m50 de largeur environ.

Le terre-plein a lui-même contribué à procurer ces matériaux de sorte que, tout le long du talus intérieur du parapet, la banquette est approximativement à  à 0m50 en contre-bas du milieu du camp.

A 70 mètres dans la direction de l'est, la face nord est percée d'une ouverture semblable à celle par laquelle nous sommes entrés.

La face sud ne présente aucun passage. A l'est, le front qui termine le camp est d'un tracé, d'un relief et d'une construction excessivement remarquables. Il est vrai qu'il défendait le seul côté accessible et par conséquent le plus faible de la position.

En allant du terre-plein vers la campagne, on rencontre d'abord un fossé de 4 à 5 mètres de large précédant un parapet de 8 à 10 mètres d'épaisseur et de 4 à 5 mètres de hauteur. Cet énorme obstacle est protégé, du côté du plateau, par un fossé de 8 à 10 mètres de large et de 3 à 5 mètres de profondeur.

L'extrémité nord est terminée par une grande redoute dont le terre-plein a 30 mètres de long, dans la direction E.-O. et 20 mètres de large.

Au milieu de cet ouvrage se trouve un puits, profond actuellement de 2 mètres, et dans lequel il serait peut-être fort intéressant de faire des fouilles.

La crête du saillant, sud-ouest domine de 1m50 environ le reste du parapet de la redoute. Les taillis épais qui recouvrent cette partie de l'ouvrage ne m'ont pas permis de reconnaître si, sur cet emplacement, n'aurait pas été élevée une sorte de tourelle de guette.

Quant à l'extrémité sud du front, elle était renforcée par une tour carrée d'une dizaine de mètres de côté, protégeant la partie Est du camp.

A 100 mètres en avant de ce front, dans la direction de l'Est, un long retranchement, ayant presque une forme semi-circulaire et 25O mètres de développement, a été élevé pour barrer complètement le camp.

La partie centrale, où devait se trouver une porte, n'existe plus.

Cette enceinte formait, en avant du camp principal, un premier camp très vaste et suffisamment sûr.

Le parapet, qui ne semble pas avoir été précédé d'un fossé, devait s'appuyer au nord et au sud, à des palissades solides, de 80 à 100 mètres d'étendue, qui le reliaient au réduit.

La direction et l'emplacement de ces palissades sont encore très visiblement indiqués au sud par la berme en corniche qu'elles devaient surmonter ; au nord, on ne peut que supposer la place qu'elles occupaient.

En ce qui concerne la première ligne de ces palissades, l'escarpé entaillée dans le versant sud-ouest de la croupe est encore très visible et elle commande la berme, servant de chemin de ronde, de 1m50 environ.

A l'intérieur du camp principal on voit, près de la porte ouest, les fondations en ruines d'une petite tour carrée de 6 à 8 mètres de côté.

A 30 mètres à l'est de cette porte, sur le point culminant du terre-plein, on rencontre les restes d'une tour circulaire de 10 mètres de diamètre.

Leurs murailles paraissent avoir été construites en pierres liées entre elles par de la terre battue servant de mortier. En tous cas, je suis convaincu qu'il suffirait de quelques coups de pioche pour en déterminer sûrement l'appareil, et par conséquent l'âge.

Enfin, à quelques mètres en arrière du centre de la première ligne de fortifications, existe une excavation qui peut être considérée comme marquant l'emplacement d'un ancien puits maintenant éboulé.

Les difficultés d'accès du terrain ne permettent pas, pour le moment, de rechercher les détails de construction et de travail qui pourraient nous aider à étudier l'âge et les transformations successives du camp de Pen-Ledan ; aussi la description rapide que j'en trace semble-t-elle pouvoir presque s'appliquer à un ouvrage de fortification panagées de l'époque moderne.

Nous en sommes donc réduit à supposer que, après avoir été un établissement néolithique, Pen-Ledan a vu sur son emplacement se superposer l'une après l'autre les civilisations celtique, romaine et bretonne. Petit à petit le parapet a augmenté d'épaisseur, les défenses secondaires se sont élevées, le campement des auxiliaires a été créé, et ce que nous voyons maintenant nous cache ce qui pourrait le plus nous intéresser.

Si l'on me demande sur quels indices j'appuie mon hypothèse que ce camp recouvre une station de l'époque néolithique, voici ce que je puis répondre :

Vers 1860-1870, M. Roudaut, propriétaire du moulin du Folgoët, dans le but d'améliorer ses prairies, fit abattre une large et haute levée de terre qui traversait la vallée dans une direction nord-sud et reliait Pen-Ledan à la croupe opposée. Dans les terres de cette chaussée, interrompue seulement en son milieu pour laisser passer la rivière, l'on trouva une vingtaine de haches en pierre polie (jadéite, diorite, serpentine, etc.).

J'en conclus donc :

1° Que les habitants de l'époque néolithique avaient une station à Pen-Ledan ;

2° Qu'ils avaient barré par une digue qui leur permettait de tendre une inondation autour de leur établissement, de façon à pouvoir en défendre plus facilement l'accès ;

3° Que cette chaussée, interrompue pour laisser couler la rivière en temps ordinaire, était pourvue d'une passerelle mobile et qu'elle a été le théâtre de plusieurs combats dont les haches en question sont les indices, sinon certains, du moins fort probables. L'on a également trouvé, dans les environs de Pen-Ledan, plusieurs objets de bronze provenant de cette obscure période de transition entre l'époque néolithique et l'invasion romaine. Parmi ces objets figurent plusieurs de ces instruments appelés, et improprement à mon avis, Coins.

Je suis convaincu que ce soi-disant coin n'est autre chose qu'un sabot de lance. Il se fixait à l'extrémité inférieure de la hampe et avait pour but : 1° de faire contre-poids à la pointe ; 2° d'augmenter sa force de pénétration ; 3° de permettre d'enfoncer l'arme en terre. Quant à l'oeil, il donnait passage à un lien qui empêchait le sabot d'être perdu s'il venait par hasard à se détacher. A cet oeil pouvait aussi être attachée une corde qui, fixée à l'autre extrémité de l'arme, permettait de la porter en sautoir.

L'invasion romaine a lieu et les légions occupent l'ouest des Gaules.

Nombreux sont les spécimens de l'art romain que l'on rencontre aux environs de Pen-Ledan et la collection de M. Miorcec de Kerdanet (en 1896) renferme les plus beaux échantillons de la céramique et de la numismatique qu'il soit possible de trouver dans le pays.

Il était donc tout naturel que les premières cohortes qui arrivèrent à Pen-Ledan appropriassent à leur usage le camp qu'elles trouvaient tout préparé, en fissent d'abord un gîte d'étape, sûr et bien approvisionné, pour les légionnaires en marche, et plus tard un lieu de refuge dans lequel les colons et les partisans de Rome pussent, en cas de soulèvement, trouver pour eux et leurs biens un asile inviolable (Note : Le long de la voie romaine qui passe au nord de Pen-Ledan on a trouvé une colonne militaire, du temps de Claude, très bien conservée).

A l'époque moderne, Lesneven et ses environs sont le théâtre de luttes nombreuses.

Au IXème siècle, ce sont les barbares qui envahissent le pays et détruisent les témoignages de la civilisation gallo-romaine.

Au XIIème siècle, c'est par Henri II d'Angleterre que Lesneven est pris et rasé.

Au XIVème siècle, pendant la lutte entre Jean de Montfort et Charles de Blois, la malheureuse cité est successivement prise et reprise et, suivant les circonstances, elle se range tour à tour sous la bannière de chacun des compétiteurs au duché de Bretagne.

Enfin, au XVIème siècle, lorsqu'après la mort des Guises, le duc de Mercœur prend la direction de la Ligue dans sa province, Lesneven se voit tantôt occupée par les Ligueurs et tantôt armée contre eux.

Il ne serait donc pas étonnant, — et c'est l'hypothèse qui me paraît la plus probable, — que ce fût de cette dernière époque que datât la dernière transformation, toute moderne, du camp de Pen-Ledan.

Pour compléter sa défense et barrer la route de Plabennec à Lesneven, cette position devait avoir, à 300 mètres en avant de son point Ouest, tout près de l'ancienne route et dans une boucle de la rivière, un poste avancé construit sur une motte de terre paraissant rapportée et qui s'appelle Pen-Ledan-Bihan (en celtique : la petite tête large), par opposition avec le fort principal qui, comme je l'ai déjà dit, porte le nom de Pen-Ledan-Bras (la grande tête large) (Note : Voir Végèce - Traité de l'art militaire, livre III, chapitre VIII ; livre IV, chapitres I et X).

Avant de clore cette notice déjà trop longue, je dois maintenant rechercher si les noms de lieux peuvent jeter un peu de lumière sur l'obscurité qui entoure l'histoire de ce camp, nommé par les anciens du pays, le Château de Pen-Ledan.

Tout près du poste avancé, se trouve un petit moulin qui s'appelle Land-Yvern, c'est-à-dire : Le Pays de l'Enfer.

A-t-on voulu, par cette dénomination, faire allusion aux sanglants combats qui de tout temps ont été livrés aux environs ? Ce nom a-t-il pour but de rappeler les incendies, les pillages, les dévastations de toutes sortes dont les environs de Pen-Ledan ont été le théâtre ?... sub judice lis est...

Enfin, à quelques centaines de mètres au nord du camp, se trouve le hameau qui s'appelle Coat-Janval, et non loin de là une fontaine qui passait jadis pour miraculeuse.

N'y a-t-il pas eu là, à l'époque romaine, un bois sacré dédié à Junon ? Junonis vallum a-t-il donné naissance à Coat-Janval ? Je laisse à de plus compétents le soin de résoudre cette question. En tout cas, Coat-Janval, qui n'est qu'à quelques centaines de mètres du Folgoët et de Pen-Ledan, prouverait que, de tout temps, ce point fut important, puisque la tradition y a conservé la trace d'un culte célèbre.

Cette constatation peut avoir sa valeur au point de vue de l'histoire générale du pays qui se confond, fort souvent, avec celle des différentes religions qui s'y sont succédées et superposées. 

GROSSIN, 9 Juin 1896.

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