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PAIMPOL, TREVE DE PLOUNEZ au XVIème SIECLE

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C'est par le moyen des textes de fondations que l'on peut encore obtenir quelques informations sur les dévotions des Paimpolais du XVIème siècle en même temps que sur la disposition intérieure de leur église.

Sainte Magdeleine, saint Michel, saint Antoine, saint Fiacre, saint Vincent Ferrier, saint Jean, saint Mathelin (saint Mathurin) [Note : La collation d'une transaction du 25 avril 1512 révèle qu'en 1622 saint Vincent a supplanté sainte Magdeleine. Elle parle de la chapelle « tunc de la Magdelaine, nunc de saint Vincent ». Dans le cahier de paroisse, M. l'abbé Jacob, vicaire à Paimpol de 1868 à 1884, a confondu cette chapelle Saint-Vincent dans l'église avec celle de la rue Saint-Vincent actuellement dédiée à sainte Philomène (Cf. Paimpol au temps d'Islande, tome I, p. 110, note 31). Le pignon midi de l'église « s'appelle vulgairement chapelle de saint Mathelin »], saint Yves, saint Sébastien [Note : D'après un aveu du 19 août 1651, collationné le 27 mars 1742, cet autel, aux armes de la maison de Kervizic, est adossé à un pilier dans une arcade « de tout tems immémorial »], saint Laurent, saint Nicolas, y ont leur autel. On trouve aussi mention d'une chapelle de sainte Catherine, d'une statue de sainte Anne, et de « l'ymaige » de Notre-Dame de Pitié.

Ces autels et chapelles ne constituaient pas à proprement parler des édicules excentriques à la nef. Ils étaient accolés aux murs et aux piliers de l'église. Un texte de 1712 par exemple placera une concession de sépulture du « côté gauche de la nef jouxte la chaire du prédicateur et proche le pilier contre lequel est l'autel de la Sainte Vierge », et un autre de 1726 mentionnera le pilier de Notre-Dame de Pitié et celui de saint Jean.

Les Paimpolais ont donc restauré depuis bien longtemps leur église dévastée par la guerre au début du XVème siècle.

A quelle époque fut-elle dotée d'un desservant attitré ? Par suite des lacunes du XIVème et du XVème siècle et faute d'avoir pu consulter les registres du XVIème siècle (sauf les inscriptions de fondations) nous ne pouvons donner une réponse certaine à cette question.

Depuis le XIVème siècle, peut-être avant cette date, l'agglomération a organisé un minimum de vie religieuse et exigé par le fait même la présence d'un prêtre résidant ou non.

Affecté au service du village, sans en être canoniquement le « recteur », il assure l'administration de la trêve et y remplit les fonctions cultuelles. Il porte la responsabilité de la quasi-paroisse sous le nom de « curé » ou « vicaire » de Paimpol [Note : Jusqu'en 1791, c'est-à-dire jusqu'à la création de l'église constitutionnelle, partout en Bretagne le « curé » est le nom donné au vicaire, usage qui a continué non seulement en Basse-Bretagne, mais même, à la campagne, en pays « gallo ». Le terme « curé » désignant le recteur est donc récent ; il apparaît sous la Révolution pour désigner les prêtres assermentés. Le Concordat confirma l'usage des deux mots « curé » et « vicaire » dans ce sens]. Au XVIème siècle il paraît jouir d'une certaine autonomie (est-il pour cette raison détaché du clergé de Plounez ?), car ces deux termes de « curé » ou « vicaire » de Paimpol s'emploieront par opposition au titre de « recteur » (en breton « ar person »), chef suprême d'une paroisse et des hameaux ou trêves qui en dépendent. C'est ainsi qu'un cahier de comptes de la fin du XVIIème siècle parlera dès la première page de « Discret Messire Josias Le Goagueller, recteur de Paimpol ». Or, ce prêtre, recteur de Plounez d'après un procès de 1704, en vertu de cette fonction, a sous sa juridiction rectorale aussi bien sa propre paroisse que la trêve.

A partir de 1536 [Note : En 1927, M. Le Chapelain, ancien juge de paix à Paimpol, publia dans le Journal de Paimpol les résultats de ses recherches dans les archives de la mairie. Il eut la bonne fortune de retrouver les actes d'état civil depuis 1536 et 3 registres des comptes des trésoriers de la Fabrique à partir de 1542. N'ayant pas été aussi favorisé, ces documents ayant été évacués en 1941 sur le château d'Ussé en Indre-et-Loire (communication de M. MERLET, archiviste des Côtes-du-Nord, 21 août 1945), nous nous permettons d'emprunter à M, Le Chapelain certains renseignements concernant le XVIème et le XVIIème siècle surtout, en les complétant par ceux que nous avons relevés dans les archives paroissiales] on célèbre les baptêmes à Paimpol alors que pendant plus de deux cents encore Plounez tiendra la trêve en tutelle. Les deux premiers baptêmes de cette année ont eu lieu d'ailleurs à Plounez. C'est Dom Thuriau Boursoul qui administre le troisième à Paimpol. On remarque à ce sujet l'usage de donner aux garçons deux parrains et une marraine et aux filles deux marraines et un parrain.

M. Le Chapelain qui a pu disposer des registres rédigés au XVIème siècle écrit qu'en 1540 Paimpol compte un recteur et un vicaire. A notre avis, c'est là une grossière erreur ; un vicaire passe encore, mais un recteur ! Il appuie son affirmation sur une vente d'un boisseau de mouture de froment trouvé dans le coffre de l'église et qui représente les aumônes des pauvres gens. Le prix de cette vente revient pour les 2/3 à l'église et pour 1/3 au recteur de Paimpol, croit-il, alors qu'il s'agit très certainement du recteur de Plounez.

Le premier compte de la Fabrique qu'il ait retrouvé remonte à 1542 et fut rendu « le pénultième jour de novembre devant le vicaire de Monseigneur l'Archidiacre du Gouellou ».

Les « trésoriers et administrateurs des biens de la Fabrique de la chapelle de Notre-Dame de Penpoul » ont reçu de leurs prédécesseurs 259 livres 7 sols 2 deniers ; les offrandes à l'église s'élèvent à 4 livres 2 sols 6 deniers. Ils se chargent de 142 boisseaux et 1/6ème de boisseau de froment et d'un boisseau de seigle dus à la Fabrique chaque année à la Saint-Michel.

La décharge reproduit les dépenses usuelles pour les réparations de l'église, frais du culte, etc. Le « devoir » ou taxe dont bénéficie l'archidiacre représente 12 sous 6 deniers.

Après avoir versé au vicaire de l'archidiacre une indemnité non précisée et au clerc qui l'assistait 2 sous 6 deniers, les trésoriers qui ont ainsi rendu compte de leur gestion devant le délégué de l'évêque, en présence des anciens trésoriers et de quelques autres notables, se rendaient à un repas auquel prenaient part tous ceux qui venaient de s'intéresser aux affaires temporelles de la Fabrique.

Le compte du 8 avril 1543 établit à la charge des trésoriers une somme de 248 livres 1 sol 10 deniers.

Le boisseau de froment a été apprécié 5 sols 6 deniers, soit 39 livres 1 sol 11 deniers pour les 142 boisseaux un sixième qui appartiennent à la Fabrique.

Ces sommes représentent-elles une grande aisance ? Peut-être, car à cette époque, un cent d'ardoises ne coûte que 3 sols, 1 millier de clous à lattes 6 sols, la toile d'un surplis 55 sols et un ouvrier couvreur se paie par jour 1 sol 6 deniers.

Le capital dont dispose ainsi la Fabrique provient des offrandes à l'église (4 livres 2 sols 6 deniers en 1542, 4 livres 3 sols 3 deniers en 1543). Il s'y ajoute les rentes annuelles en monnaie, généralement de quelques deniers, dues par les particuliers à la suite de donations faites anciennement à Notre-Dame de Penpoul. Ainsi, Nicolas Maignou a payé en 1543, sur une pièce de terre appelée Mezou Ker, 12 deniers ; François Solleuz, sur ses maisons et courtil situés devant le portail de la chapelle, 20 deniers, etc.

Ces rentes en monnaie donnent une somme de 4 livres 2 sols 11 deniers en 1543. Le dernier chapitre des recettes, le plus important d'ailleurs, comprend les rentes en froment qui sont de deux sortes. Les unes proviennent des fidèles, paroissiens ou non, qui possèdent un droit de sépulture dans l'église, c'est-à-dire, la plupart du temps, des personnes aisées qui se faisaient un honneur et un devoir de détenir ces droits funéraires  [Note : Par le fait même, seuls les pauvres étaient inhumés dans le cimetière]. Johan Le Goadic, par exemple qui prend figure de « riche », verse 8 boisseaux de froment pour une pièce de terre auprès du cimetière, 1 boisseau sur une maison proche de son « hostel », un demi-boisseau sur une maison et un courtil à Lanvignec pour une tombe dans la chapelle de Paimpol et 7 boisseaux sur une pièce de terre à Lanvignec appelée Parc an Ytron Maria. Le Goadic paye encore « pour 2 enfeus » 1 boisseau « en acquit de feus Guillaume Thémoy et Jehan Raoul ».

Les autres rentes sont assises sur des immeubles ou des fermages de terres appartenant à l'église. C'est ainsi que les fermiers du moulin de Paimpol doivent un demi-boisseau pour une parcelle de terre « près le prochain moulin de Kernoa ».

A travers les comptes des fabriciens, il est possible d'entrevoir les habitudes et la pratique religieuse des Paimpolais d'alors.

C'est à la fête de la Purification de Notre-Dame, le 2 février, que se fait « l'apprecy » ou la cotation du boisseau de froment. Pour le carême, il vient un prédicateur étranger qui, en 1543, touchera 100 sols pour son ministère. Le compte de la même année fait état d'une dépense pour acheter du vin en vue « de communier les paroissiens à Pâques et au pardon du Jubilé » [Note : M. LE CHAPELAIN, feuilleton n° 21, parle d'abord de 32 sols 6 deniers de vin, puis de « 14 pintes de vin pour communier les gens à Pâques », qui coûtent 16 sols 4 deniers].

Etait-ce une distribution aux assistants analogue à celle du pain bénit ? ou seulement aux pauvres ? Il faut exclure en tout cas l'hypothèse de la communion sous les deux espèces, ce rite ayant achevé de disparaître en Occident après que le Concile de Constance (1415) eut sanctionné l'usage de la communion sous la seule espèce du pain.

L'église procède en cette même période, à des dépenses d'embellissement ; elle achète une chape de 30 livres 8 sols en 1547, dont l'orfèvrerie coûte 16 livres 3 sols, le damas 13 livres 5 sols, la doublure 20 sols. Les trésoriers font peindre, l'année suivante, la statue de saint Antoine et réparer celle de saint Jérôme. On achète 51 aunes de serge de différentes couleurs pour édifier une tente devant l'autel et l'image de l'Ecce Homo. Une statue de Notre-Dame au portail de l'église reçoit un revêtement d'or et d'azur.

Mais le grand-oeuvre de cette époque fut, en 1549-1550, la construction de la tour dont les Paimpolais dotèrent le sanctuaire de la Vierge.

En ce milieu du XVIème siècle, Paimpol possède en outre une institution charitable dont l'entretien incombe à la communauté et qui se rattache à l'organisation de la quasi-paroisse : la léproserie transformée, à partir de 1557, en « Ospital » [Note : Cet édifice se trouvait dans la rue de l'Eglise, la dernière maison à droite avant le clocher quand on descend la rue. Le répertoire des fondations avoue, en 1780, « qu'on ne peut savoir en quelle année l'hôpital a été fondé. Il existait déjà en 1622 ». Parmi le personnel de cet hôpital on ne trouve mention que de « l'ospitalier » qui dès avant 1576 en est le gardien rétribué. Il cumule cette fonction avec celle d'ouvrir et de fermer les portes de l'église toute proche de l'établissement].

Cet établissement n'était pas superflu, quand on se rappelle que la lèpre ne disparut de Bretagne que vers le milieu du XVIème siècle. Le compte de la Fabrique paimpolaise, en 1549, fera d'ailleurs état de dépenses occasionnées par un lépreux du nom de Mathurin Pencollet.

« Item d'avoir fait la misse pour lesdits paroessiens, menantz et habitans dudict Penpoul touchant le proceix de Mathelin Pencollet, quel fut accusé d'estre lasdres et pour le proceix dudict Pencollet à la ville de Saint-Brieuc, quel fut par le proceix trové estre lasdres, payèrent lesdictz thésauriers :

Scavoir : pour les surgiens et medecins, 100 sous ;

pour la chambre, 15 sous.

Item, pour le barbier, pour le saigner, 10 sous ;

pour le grecffier, 10 sous.

Pour les despans tant aux surgiens qu'aux médecins et autres, 15 sous. Item, pour le grand vicaire, 20 sous.

Pour les despans dudist Chevroux (l'un des trésoriers) depuis le mercredy jusques au vendredy sans sa paine, 60 sous ».

Il ne s'agit pas à proprement parler d'un procès en justice, mais bien plutôt d'une constatation médico-ecclésiastique, la procédure comportant un examen médical en présence d'un délégué de l'évêque et d'un juge laïque.

Qu'advint-il de Mathurin Pencollet ?

Subit-il l'internement dans une maladrerie autre que la léproserie de Paimpol ? L'isola-t-on dans une maisonnette ? Après constatation de sa maladie, il dut très probablement accepter sa mise à l'écart, au ban de la société suivant le cérémonial d'usage dans la circonstance [Note : Dans le Journal de Paimpol, 1927, feuilleton n° 23, M. Le Chapelain décrit ce cérémonial d'après l'Histoire des Français de divers Etats, par Monteil, tome Ier. Voici comment on procédait dans le cas de l'isolement. « Le clergé venait prendre le lépreux en sa demeure où il attendait revêtu d'un drap mortuaire. On le menait à l'église. Là, on le plaçait dans une chapelle ardente, on lui chantait les prières des morts, on l'aspergeait d'eau bénite, on l'encensait. Puis on le menait en procession à la maisonnette qu'il devait occuper, à l'écart de toute habitation, sur une hauteur. Au-dessus de la porte, était une clochette surmontée d'une croix. Devant la porte, le lépreux s'agenouillait. Le prêtre l'exhortait à la patience, lui donnait les consolations et les espérances de la religion. Le patient se dévêtait, prenait un costume spécial, recevait la cliquette que désormais il devait porter et secouer partout où il irait, pour avertir de son approche. Puis le prêtre, d'une voix forte, lui prononçait en ces termes les défenses prescrites par le rituel : — Je te défends de sortir sans ton habit de ladre. — Je te défends de sortir nu-pieds — Je te défends de passer par des ruelles étroites — Je te défends de parler à quelqu'un lorsqu'il sera sous le vent. — Je te défends d'aller dans aucune église, dans aucune foire, dans aucun marché, dans aucune réunion d'hommes quelconque. — Je te défends de manier aucune marchandise avant de l'avoir achetée. — Je te défends de boire et de laver tes mains soit dans une fontaine, soit dans une rivière. — Je te défends de toucher les enfants. — Je te défends de leur rien donner. — Je te défends enfin d'habiter avec toute autre femme que la tienne. Ayant ainsi parlé, le prêtre jetait sur le malheureux une pelletée de terre, comme sur un cercueil dans la fosse ; puis il refermait la porte sur le mort vivant, et le recommandait aux prières des assistants »].

On voit par là que les dépenses de toutes sortes pouvaient venir grever le budget de la Fabrique. En 1551, les trésoriers se voient dans l'obligation de payer par trois fois un dîner à trois frères mineurs de l'Ile Verte [Note : L'Ile Verte se trouve dans l'archipel de Bréhat. Ces moines étaient des Cordeliers nommés Recollets. « Ils cultivaient l'îlot patiemment divisé en terrasses débarrassées des rochers et entourées de murailles. Ils vivaient surtout d'aumônes, des quêtes au cours desquelles ils offraient des sachets contenant la terre de leur île, antidote contre la morsure des reptiles venimeux. De temps en temps, ils avaient l'aubaine d'un bon repas à la suite d'un sermon prononcé en quelque fête ou pardon » (LE CHAPELAIN, feuilleton n° 24). L'île Saint-Rion se serait appelée aussi l'Ile Verte. Dans les chartes de Beauport elle porte le nom de « Guirvinil »] qui ont prêché dans l'église.

Voici de plus qu'ils doivent, en 1553, participer aux frais du culte à Plounez et payer « du commandement des paroessiens pour ayder à acheter une chasuble et deux... de velouz pour l'esglise de Plonez, 39 livres 10 sols ». C'est le tribut à la paroisse mère qui en avait probablement besoin pour couvrir ses frais liturgiques ou du moins tenait à affirmer par ce moyen la subordination de la trêve.

Les voleurs réservent aussi aux comptables des surprises bien désagréables et, en 1561, il faut remplacer pour 45 livres un calice emporté de la sacristie.

A partir de 1576, les trésoriers ne reçoivent plus que les offrandes destinées à l'église, tandis qu'un procureur-administrateur perçoit les rentes en froment.

En ces années, il se produit donc une certaine spécialisation dans le fonctionnement administratif des fonds de l'église et, en 1577, au lieu du Procureur-administrateur (titre qu'on retrouve encore au début du XVIIème siècle), on mentionne pour la première fois le terme de « Procureur du Général de la paroisse Notre-Dame de Penpoul ». Bien qu'elle ait, en 1576, conclu un marché pour la réédification du portail de l'église « par le mandement du recteur de Plonez et des menantz et habitans de Penpoul », Paimpol voudrait-elle secouer le joug de Plounez ? C'est aussi la première fois qu'elle s'attribue la qualité de « paroisse » et le desservant s'intitule « recteur ». Le terme de « Général » laisse entendre que l'ensemble des Paimpolais a organisé une sorte de représentation pour la gestion du patrimoine ecclésiastique [Note : A la fin du moyen âge, l'organisation des villes bretonnes est inexistante, sauf dans quelques importantes agglomérations comme Nantes, Rennes, Guingamp. Il faudra attendre la deuxième moitié du XVIème siècle pour voir s'instituer en Bretagne des administrations municipales calquées d'ailleurs sur le modèle répandu à travers le royaume. En lieu et place de la paroisse, seule entité organique jusque-là, il se constitue un corps, un collège ou communauté de ville composé des échevins. Mais dans les campagnes il n'existe que l'organisation paroissiale. Cf. Histoire de Bretagne, par M. DURTELLE DE SAINT-SAUVEUR, tome II, p. 27].

« Le gouvernement d'une paroisse est confié en effet à un certain nombre de personnes qui représentent le corps des habitants. Ces personnes sont le curé, les juges de la juridiction d'où l'église relève, le procureur du roi ou le procureur fiscal, 12 anciens trésoriers (de la Fabrique) qui ont rendu et soldé leur compte et les 2 trésoriers en exercice » [Note : LE CHAPELAIN, feuilleton n° 16, d'après Introduction au gouvernement des paroisses suivant la juridiction du Parlement en Bretagne, par Potier de Germondaye, 1777].

Ces pouvoirs publics réglementaient les assemblées paroissiales et, tout en continuant à administrer les biens de l'église, tendaient surtout à gérer les intérêts collectifs des habitants. C'est ainsi que se constitua le Général de la paroisse comprenant le curé, les juges, les anciens trésoriers de la Fabrique et les trésoriers en fonction. Au prône du dimanche, le curé, sur la demande du sénéchal ou du trésorier, comme on le relève dans des libellés de publications du XVIIIème siècle, convoque ces notables aux réunions tenues après la messe dominicale, dans une chambre au-dessus de la sacristie. D'autres annonces s'effectuaient également au prône telles que les communications concernant les impôts, les « appropriements » [Note : Sous l'ancien droit, il était d'usage en Bretagne de faire connaître, par voie d'annonces publiques, les aliénations immobilières] ou bannies des ventes et transferts d'immeubles.

Les comptes des années suivantes nous livrent quelques renseignements intéressants.

En 1578, sur ordre du recteur de Plounez, on achète 4 mains de papier (2 sous 6 deniers) pour confectionner un « registre baptistaire ». Les fabriciens se procurent pour 2 écus (6 livres) « Ung grand missal » à la foire de Tréguier, centre d'approvisionnement le mieux fourni, à cette époque, en articles cultuels, ornements, livres, étoffes liturgiques, etc.

Si les Paimpolais d'alors entourent leurs cérémonies d'un certain luxe, un prêtre en résidence à Paimpol, Dom Olivier Josse, ne semble pas jouir d'une grande aisance. Il se trouve parfois réduit à des besognes manuelles qui lui plaisaient peut-être ou qu'il entreprenait pour éviter des frais trop dispendieux. En 1586, il touche 10 sous « pour avoir painct les ymaiges (statues) de la Trinité et de saint Françoys ». En 1587, il reçoit 6 livres pour entretenir l'horloge pendant toute l'année. Il perçoit même un supplément de 10 sous pour une journée employée à aider l'ouvrier qui réparait l'horloge.

Mais, en 1588, Yvon Le Maistre, « Gouverneur de l'horloge », supplante dom Josse. On sourira d'une pareille charge ! Mais ce n'était pas l'avis du titulaire, qui par cette fonction échappait à l'impôt et la Fabrique dut solder ce privilège : 14 sols inscrits à tort au nom du responsable de la bonne marche du temps paimpolais. Dom Olivier Josse appartient-il au clergé séculier ? Sa pauvreté inciterait à le croire, alors qu'un baptême dans l'église de Paimpol, en 1589, sera administré par Tugdual Caourtz, religieux de Beauport, probablement sur la demande de la famille du baptisé qui a pour parrain un autre moine de l'abbaye François Kéréveur, recteur de Bréhat [Note : Jusqu'à la Révolution Bréhat et Kérity reçurent leur recteur de l'abbaye].

Les Paimpolais voient cette fin du XVIème siècle ramener dans leurs murs la guerre et son cortège d'angoisses et de souffrances.

Dès 1590, le trésorier de Notre-Dame dépense 60 sous, prix de 2 chaînes en fer de 3 brasses chacune, pour mettre aux cloches à la place des cordes que l'on aurait pu couper de l'extérieur, « la guerre estante en ce pays ». Catholiques et protestants se mesurent les armes à la main, les uns et les autres soutenus par l'étranger anglais ou espagnol. Sous des dehors religieux, toutes les rivalités, toutes les ambitions se donnent libre cours. La tragédie déchire la Bretagne. Paimpol s'est déclarée pour Henri de Navarre contre les Ligueurs. Et la guerre a ses exigences, hélas !

En 1590, le comptable de la Fabrique fait état de ses 30 nuits passées dans l'église pour « garder les cloches et payer du vin à ceux qui sonnent les cloches aux alarmes ». Il a dû, à deux reprises, dissimuler « habillements et reliques ». Le 12 mai 1591, sous les ordres du général Norris, 2.400 soldats anglais débarquent au port et occupent la ville. En 1592, ils en incendient la partie supérieure pour se protéger contre une attaque possible des Ligueurs. Ils menacent l'église du même sort. Aussi, par mesure de précaution, les paroissiens se hâtent-ils de transporter dans l'église de Plounez « les imaiges, meubles et ustensiles » de leur sanctuaire.

La Fontenelle réussit néanmoins à surprendre la ville qu'il mit à feu et à sang, ne l'abandonnant qu'après l'avoir livrée au pillage.

Après avoir quitté la ville sur les plaintes des Paimpolais, adressées au maréchal d'Aumont qui commandait l'armée royale en Bretagne, les Anglais y débarquèrent à nouveau en 1594, au nombre de 1.800. Ils reprirent la mer définitivement l'année suivante.

Malgré les tristesses de l'occupation, les Paimpolais ont continué leur modeste vie quotidienne. La vie religieuse ne s'est guère ralentie.

En 1592, Dom Olivier Josse, ce prêtre pauvre qui peignait les statues et réparait l'horloge, apparemment sans fonction curiale, a assuré pendant quelque temps l'intérim de « curé de Paimpol », ce qui lui vaut une rétribution de 9 livres 10 sols [Note : En 1598, il portera le titre de « Curé de Paimpol », ayant sans doute hérité de la charge tréviale]. La beauté des fêtes a-t-elle souffert de la guerre ? Peut-être, mais on relève néanmoins, en cette même année de 1592, une dépense de 5 sous pour l'achat par le comptable de « glaujeux » (glaïeuls) et autres feuillages dont on jonche le pavé de l'église aux grandes solennités de la Trinité et du Sacre ou Fête-Dieu.

Les années suivantes, les trésoriers doivent effectuer de nombreuses réparations.

En septembre 1593, des « gens de guerre » ont brisé la grande vitre de saint Vincent, volé différents objets dans l'église, dont la custode du Saint-Sacrement, et démoli les serrures de la trésorerie.

En 1594, il faut appeler un couvreur pour réparer un « pertuys » pratiqué dans la toiture au-dessus de la trésorerie par des voleurs qui ne sont autres probablement que les « souldartz » qui ont rompu « le cadran devant le portail », démoli la grille d'une fenêtre et défoncé une fois de plus le vitrail de saint Vincent.

En 1595 enfin, après leur départ, le comptable ose attribuer toutes ces déprédations aux Anglais qui ont même emporté la porte de la trésorerie ! Bien que, le Samedi de Quasimodo, des voleurs aient encore forcé le verrou du portail, le calme semble revenu et à la fête de la Trinité les paroissiens de « Plourivou, Kéritty et Plouballanec » viennent en procession à Paimpol. En remerciement, les trésoriers paimpolais leur distribuent 3 pots de vin et des pains.

Fidèles à leurs amitiés, en 1597, les Paimpolais payent à Jean Boursoul « 3 flambeaux et 8 cierges » en vue d'un « collége » ou série de messes pour le repos de l'âme du Sieur de la Tremblaye qui commandait, en 1591, la garnison de Paimpol pour le compte de Henri de Navarre.

La guerre ne se terminera qu'à l'automne de 1597 et les perturbations militaires se prolongent dans le sanctuaire paimpolais. La Fabrique doit verser 6 livres à un prédicateur de Guingamp engagé pour prêcher le carême de 1597 qui « fut débouté et renvoyé par les menées du gardien de l'Ile Verte et par le moyen des gens de guerre ».

Mécontents peut-être de ces agissements, les comptables ne donnent que 3 livres au moine intrus qui assuma la prédication.

En cette fin du XVIème siècle, les Paimpolais peuvent considérer les destructions occasionnées par la lutte : les maisons du quartier supérieur de leur ville sont détruites ; l'hôpital en ruines sert de carrière depuis 1595, l'église a subi de multiples dommages (abbé Jean Kerleveo).

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