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LA PAROISSE DE PAIMPOL SOUS LA REVOLUTION

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GRACE A LA RÉVOLUTION, PAIMPOL ACQUIERT SES FRANCHISES.

N'ayant pu obtenir sous l'Ancien Régime toutes ses franchises, Paimpol bénéficiant du bouleversement des institutions parachèvera son évolution grâce aux transformations administratives apportées par la Révolution.

Il ne semble pas que la tourmente révolutionnaire y ait provoqué des violences antireligieuses, bien que Paimpol fût à cette époque une ville « patriote ».

L'église perdit en 1791 sa deuxième cloche qui, en même temps que celles de l'abbaye de Beauport [Note : Les moines abandonnèrent l'abbaye en 1791], partit à la fonderie de Brest. Un vieux plan de l'an II (1793) montre que l'église porte le titre de « Temple » et la rue de l'église celui de « la rue du Temple » [Note : Cf. Paimpol au temps d'Islande, tome I, p. 64, fig. 6]. La place du Martray, devenue place de la Liberté, s'orne de l'arbre symbolique, peut-être en remplacement d'une croix qui y fut abattue en 1794, lors de la déchristianiation consécutive aux arrêtés de Le Carpentier.

Mais outre ces quelques renseignements, les Archives de la Mairie, permettent de connaître de plus amples détails sur la vie des Paimpolais pendant cette période.

Le 28 février 1790, a lieu à Paimpol sur la Grand'Place, probablement la place du Martray, la prestation du Serment civique. Après le défilé des troupes, « M. Devisdeloup, recteur de Paimpol, à la tête de ses vicaires, s'est avancé et a prononcé ces mots " je le jure ", qui ont été individuellement répétés par ses adjoints ». Après les discours, les personnages officiels, les militaires et la population se rendent à l'église où le recteur entonne le Te Deum.

Paimpol ne pouvait évidemment pas demeurer absente du mouvement de la Fédération et, le 26 juin 1790, les deux délégués se préparent à gagner Paris pour y participer aux solennités fédératives. Ils emporteront des bijoux et des boucles précieuses pour les remettre sur l'autel de la patrie. A l'assemblée municipale, on salue avec effusion l'aurore de cette ère nouvelle où « le clergé rendu à la majesté de ses fonctions » fera « renaître les temps des Ambroises et des Chrisostomes ».

Paimpol célébra ce 14 juillet 1790 par un défilé des troupes et des personnages officiels, qui se réunit à 10 h. 30 sur la place, avant d'aller assister, à l'église à la messe, du Saint-Esprit « solennellement chantée », suivie du Domine, salvum fac Regem et du Te Deum. Les serments furent reçus sur l'autel de la Patrie dressé sur la place, puis « un repas patriotique » réunit les citoyens et le soir Paimpol illumina et fit un feu de joie.

Malgré cette ferveur pour la Révolution et malgré les avis publiés au prône du 17 octobre par le vicaire Jacob, les bancs, les tombes, les enfeux, les vitraux ont gardé les armoiries. Le 5 novembre, le corps municipal devra tenir une séance à la sacristie en vue de faire disparaître toutes les traces de ces privilèges nobiliaires.

Mais là ne se bornent pas les soucis du Procureur de la commune. Il se désole devant l'état de l'église dont on avait depuis trois ans l'intention de rebâtir et d'élargir le bas côté du midi. Seul un procès sur la propriété de la chapelle Saint-Vincent a empêché d'entreprendre les travaux. Le Procureur a fait effectuer des réparations provisoires et a établi un devis pour la restauration de l'édifice.

Mais, depuis le 12 juillet 1790, l'Assemblée constituante a voté la Constitution Civile du Clergé et, au mois de janvier 1791, elle impose aux prêtres l'obligation de l'observer sous la foi du serment.

Le 27 janvier M. Visdeloup, « ci-devant recteur et aujourd'hui aux termes du Décret de l'Assemblée nationale, curé de la paroisse de Plounez-Paimpol », prête serment avec Gilles Le Lay, « co-vicaire à Paimpol » depuis la Saint-Michel de 1789. Ce dernier a prêté le « serment civique le 4 février 1790 et l'a répété le 14 juillet 1790 » [Note : D'après une communication de M. le Chanoine Pommeret qui a étudié la période révolutionnaire dans les Côtes-du-Nord, aujourd'hui Côtes-d'Armor (Voir L'esprit public dans le département des Côtes-du-Nord pendant la Révolution, 1921. Librairie Prudhomme, Saint-Brieuc), « l'attitude des Paimpolais à l'égard de la constitution civile du clergé semble avoir été dictée par des raisons économiques autant que religieuses et par des rivalités de clocher »].

En cette année de 1791, on relève dans les actes de l'état civil de Paimpol la présence de trois prêtres : MM. Le Lay, qui signe « vicaire de Paimpol » comme M. Jacob son confrère, et Visdeloup, « curé ».

En 1792, les mêmes ecclésiastiques desservent Paimpol dans ce rang hiérarchique : Le Lay, vicaire de Paimpol, Visdeloup, curé, Jacob, prêtre [Note : On sait qu'à partir de 1792, l'état civil est confié à un officier municipal et sa rédaction échappe aux desservants religieux]. Pour quelle raison M. Jacob ne se trouve-t-il pas avec ses collègues à la prestation de serment du 27 janvier ? Quoi qu'il en soit de son absence ce jour-là, on le retrouve à une cérémonie identique le 6 février 1791. A l'issue de la grand'messe dominicale, à 11 heures du matin, en présence du Conseil général de la commune et des fidèles assemblés dans l'église, Alain Jacob, vicaire de l'église de Notre-Dame de Paimpol, en exécution du décret de l'Assemblée Nationale du 27 novembre 1790, sanctionné par le Roi le 26 décembre [Note : Le décret sommait le clergé de reconnaître par un serment solennel les dispositions de la Constitution Civile du Clergé comme loi constitutionnelle du royaume], vient « avec empressement prêter le serment civique prescrit par le décret. Et de fait le sieur vicaire, après un discours, dans lequel il a exprimé, à la grande édification des assistants, ses sentiments d'attachement à la nouvelle constitution, a prononcé à haute et intelligible voix, la main levée, le serment solennel de veiller avec soin sur les fidèles de l'église confiée à ses soins, et être fidèle à la Nation, à la loi, et au Roi, et de maintenir en tout son pouvoir la constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par le Roi ».

Après lui viennent prêter serment Gilles Le Lay, co-vicaire, et Julien-Pierre Le Gal, « cy devant bénédictin ». Aucun autre ecclésiastique ne se présente ensuite et les assistants se retirent.

Paimpol a désormais un clergé « sermenté » ou « jureur ». On s'étonne peu dès lors d'apprendre que le 16 mars 1791, la ville décide de célébrer le lendemain la nomination de l'évêque constitutionnel Jacob [Note : Frère de Alain Jacob, vicaire de Paimpol] au siège des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor). Non contents de chanter à cette occasion une grand'messe suivie d'un Te Deum et d'allumer, le soir à 6 heures, un feu de joie, les Paimpolais délèguent à Lannebert Joseph Nicol, maire, et Le Pommelec, officier municipal, pour féliciter le recteur qui « remarqué pour ses lumières et ses vertus » vient de se voir appelé à l'épiscopat.

Malgré le caractère schismatique de tous ces gestes, Paimpol continue sa vie religieuse.

Le 14 juillet 1791 comporte avant les réjouissances officielles une grand'messe et un Te Deum que le vicaire assermenté chante dans l'église. Mais en dehors de ces festivités du calendrier révolutionnaire, Julien-Pierre Le Gal, « cy devant religieux de la Congrégation de Saint-Maur », procure aux paroissiens en semaine « les moyens d'assister journellement au Saint Sacrifice de la messe et sans lui, plusieurs seraient forcés de s'en passer ». Aussi le procureur de la commune se charge-t-il de demander à l'évêque le maintien à Paimpol de cet ancien moine qui par sa piété fait l'édification de toute la population. Au lieu de le laisser nommer à Plourhan, on désire le garder en qualité de « matinalier ».

L'égalité passe elle-même dans la liturgie paimpolaise sur décision de la municipalité, le 10 octobre 1791. En vertu de la déclaration des Droits de l'Homme, « toute distinction doit être proscrite dans la Maison de Dieu. Désormais la croix d'argent servira pour tout enterrement et service funèbre à condition que le défunt ait atteint l'âge de 7 ans. Le glas sonnera pendant un quart d'heure, le matin et soir, indépendamment de la classe des enterrements et services ».

Mais là ne se bornent pas les soucis cultuels des municipaux. Ils se rendent à l'église pour y étudier les réparations à effectuer. Comme les enfants ont pris l'habitude de s'amuser dans le voisinage du sanctuaire et qu'ils ont jeté des cailloux dans les vitraux, même pendant les offices, les édiles frapperont dorénavant d'une amende de 20 sous les parents des coupables et les obligeront aux réparations. Ils n'admettent pas en effet que les « endroits destinés au culte divin, dans la décence qu'ils doivent être, soient par des profanations journalières rendus indignes du christianisme et de la majesté de Celui qu'on y adore ». On ne peut évidemment que louer des dispositions aussi élevées.

Le 5 décembre 1791, c'est encore à l'église que l'assemblée de la Commune se réunit sur les 10 heures pour proclamer, à l'issue de la messe, la loi du 14 septembre 1791, « la Constitution française », et en donner lecture. Après les vêpres, un feu de joie marquera cette publication.

Mais l'existence d'un clergé non assermenté auprès d'un clergé qui a accepté la législation nouvelle ne manquera pas de provoquer des conflits. En décembre 1791, deux réfractaires, les abbés Quilgars et Foëzon, continuent à célébrer la messe dans l'église de Paimpol. Le procureur de la Commune vise particulièrement Quilgars, qui réunit chez lui nombre « de femmes et d'hommes suspectés de ne pas aimer la Constitution ». Il lui enjoint « de ne pas souffrir chez lui de rassemblements inconstitutionnels ». Ces deux prêtres ont d'ailleurs eu l'audace d'appeler les fidèles à leurs offices par une sonnerie spéciale pour éviter toute confusion et pour leur assurer des messes célébrées par des ministres orthodoxes. Aussi le bedeau, d'ordre de la municipalité, devra-t-il employer le dimanche la même sonnerie pour les deux espèces de clergés, « ces distinction d'appel à un sacrifice qui est toujours le même pour les assistants sans préjugés devenant infiniment dangereux pour les âmes faibles et tourmentées par de perfides insinuations qui tendraient à procurer des troubles jusqu'à présent inconnus dans cette ville ».

Voici 1792 ! Un arrêté du directoire des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor), en date du 23 janvier, demande à l'Assemblée municipale d'établir la liste des prêtres séculiers et réguliers non assermentés résidant dans la ville. Elle signale seulement Yves Quilgars, ex-chartreux, qui habite Paimpol depuis la Saint-Michel 1791. Cet ancien moine mène une vie retirée, d'ailleurs surveillée, et se refuse à assister aux offices du vicaire jureur. Il semble donc que ce prêtre a calmé son ardeur des mois précédents, à moins qu'il ne faille voir dans ces appréciations une preuve de la tolérance paimpolaise.

Les membres de l'Assemblée portent pourtant des jugements sévères sur les autres prêtres dont elle signale les noms ; François Foëzon, ex-vicaire de Lanvignec, a un double domicile à Lanvignec et à Paimpol. C'est un « errant, propageant le principe du fanatisme et faisant le plus grand mal : fanatique incorrigible, méritant constamment et depuis longtemps d'être renfermé ». Résidant à Plounez, il vient « constamment dire la messe à Paimpol et répand des principes fanatiques parmi les femmes et les filles d'ouvriers dans les petites boutiques » [Note : La même liste comprend Richard, ex-curé de Ploubazlanec, « le plus enragé des fanatiques », Ernot, son vicaire, et les abbés Derrien et Querré à Yvias].

Les desservants constitutionnels par contre participent à la vie publique. C'est le vicaire [Note : Gilles Le Lay. Au 30 octobre 1792, M. Visdeloup, remettant ses registres (commencés en 1536) entre les mains des municipaux paimpolais, est qualifié de « curé de Plounez-Paimpol ». Le 7 novembre, on signale le serment (décrété le 14 août 1792), prêté par Ch. Brochard, prêtre de la Mayenne, résidant à Paimpol depuis le 8 octobre 1792] qui, le 6 mai 1792, convoque au prône de la grand'messe les citoyens en vue de la formation des compagnies de la garde nationale et de la nomination des officiers. Il les accueille dans l'église après les vêpres pour ces opérations plutôt profanes.

Le 6 octobre, il prend part au serment de fidélité à la République avec les officiels, les militaires, etc. A la fête civique du 6 novembre, l'abbé Gilles Le Lay et son adjoint reçoivent des invitations.

Enfin à l'Assemblée électorale, tenue dans l'église le 9 décembre 1792, Alain Jacob, vicaire de Paimpol, est élu membre du Corps municipal. Une fois de plus, le sanctuaire entend des prestations de serments dont celui du vicaire-officier municipal qui tiendra jusqu'en septembre 1793 les registres de l'état civil.

Malgré les avantages que le clergé pouvait recevoir de sa soumission, l'église de Notre-Dame se trouve, en juin 1793, dépourvue d'ornements et grevée de dettes. Le Directoire du département a pourtant autorisé un emprunt de 2.400 francs, il y a 18 mois, pour effectuer ces réparations. L'Assemblée municipale demande alors, en désespoir de cause, à l'Administration du département d'accorder à Paimpol, parmi les dépouilles de Beauport, 3 ornements (1 noir, 1 blanc, 1 vert), le chandelier pascal, « un grand tableau des martirs placé près de la sacristie » et 5 autres tableaux de moindres dimensions. Un arrêté du département autorise le district de Pontrieux à remettre au Conseil général de Paimpol d'autres objets.

En fin de compte l'inventaire attribuera à l'église 3 ornements, 8 aubes, 6 nappes du grand autel, 8 surplis, 8 rochets de toile, 6 rochets pour enfants de choeur, 2 douzaines d'essuie-main, 12 cordons, 12 corporaux, 6 tableaux, 1 chandelier pascal avec son cierge, les chandeliers du maître-autel. Non contents de ce lot, les Paimpolais conseillent encore à leur délégué qui doit signer l'inventaire à Pontrieux d'y ajouter tout ce qu'il pourra.

L'église ne sert pas qu'aux cérémonies du culte pourtant. La ville, qui compte à cette époque 1.748 habitants, n'a guère de local de réunion. Conformément à la loi du 21 mars, concernant l'établissement d'un Comité pour recevoir les déclarations des étrangers, le Conseil général décide, le 18 septembre 1793, que les Paimpolais se réuniront à l'église le 22 septembre à l'issue des vêpres pour élire les membres de ce Comité et c'est au prône que le vicaire annonce la réunion et le scrutin. Le 26 septembre, Alain Jacob, vicaire, qui quitte cette commune [Note : La municipalité lui délivrera, le 30 frimaire an III, un certificat de civisme pour « son patriotisme le plus pur » et le qualifiera de « défenseur zélé des lois »] cède sa qualité d'officier public à Jean-Louis Le Tanaff.

Le 17 octobre 1793, l'ancien chartreux Jean Foëzon qui avait disparu depuis le mois de mars, date à laquelle il devait se rendre à Pontrieux pour se placer sous la surveillance de la municipalité, est arrêté à Paimpol sur une dénonciation. Suspect de « prédications fanatiques », son frère François étant déjà déporté, il ne peut évidemment que servir la contre-Révolution, et pour ce motif deux gendarmes vont le conduire à Pontrieux.

Ce sera, semble-t-il, le seul acte de violence exercé par les Révolutionnaires paimpolais contre les prêtres insermentés. De son côté le clergé constitutionnel ne leur donnera pas de grands soucis ; sa soumission exclut l'hypothèse de la moindre résistance et une Paimpolaise même, Claudine Le Bolloche, cy-devant religieuse des Ursulines de Tréguier, demeurant en ville depuis le 2 mars, prête serment de fidélité à la Nation et aux lois de la République, le 2 brumaire an II.

A cette époque, il reste à Paimpol un seul prêtre : le citoyen Visdeloup. Le Conseil général de la commune estimant « préjudiciable à la religion » qu'il ne s'y dise qu'une seule messe les dimanches et fêtes, que d'autre part les riverains de Paimpol viennent y assister à la messe matinale, se décide à demander à l'évêque un second prêtre en attendant que M. Visdeloup ait l'autorisation de biner les dimanches et fêtes.

Nonobstant ces bonnes dispositions à l'égard du desservant assermenté, la municipalité dresse, le 25 frimaire an II, à la demande du district, la liste des prêtres non conformistes, originaires de Paimpol, qui auraient été déportés, en vue de statuer sur leurs biens. Elle y cite François Foëzon, originaire de Plounez, ex-vicaire de Lanvignec, qui a un domicile rue de l'Eglise à Paimpol, et un autre à Lanvignec, Louis du Fay, né à Paimpol, chapelain de l'hôpital Saint-Yves à Rennes, et son compatriote, Caro, ex-vicaire de Pludual, qui « a émigré ou a été déporté ». L'énumération de leurs biens tient en quelques mots et l'on ne peut leur reprocher de riches prébendes.

Le cérémonial des fêtes patriotiques a modifié en cette année le déroulement des festivités. La prise de Toulon par exemple, objet de la solennité du 20 nivôse, ne commence pas le matin par une grand'messe suivie du Te Deum selon l'usage des années précédentes, mais par trois coups de canon. Elle ne comporte aucun acte religieux : après le rassemblement de la garde nationale face à l'arbre de la Liberté, a lieu un défilé, puis un discours, des acclamations, un feu de joie, des salves d'artillerie, des chants civiques.

Après ce début prometteur, la Garde nationale, les corps constitués, les membres de la Société Populaire et Révolutionnaire de la ville viennent autour de l'arbre de la Fraternité que la Société Populaire a fait planter sur la place. Un nouveau discours expliquera le symbole de cet arbre et les Paimpolais termineront la cérémonie par des danses.

Les réunions civiques ont remplacé les offices, les lois ont éclipsé les formules de prière. Les habitants boudent ces liturgies révolutionnaires aux allures de mascarades que couronne le bal. Aussi, le 12 pluviôse, la Municipalité et la Société Populaire délibèrent.

Pour atteindre « une plus grande réunion d'hommes », elles voudraient concilier au mieux les séances de la Société avec la lecture des lois. C'est pourquoi, la Municipalité arrête que chaque jour de décadi le maire et alternativement les officiers municipaux liront les textes législatifs dans la salle du Club [Note : Sans doute l'ancien magasin L'Hélias-Gléyo, en 1946, au coin de la rue Pasteur et de la rue du Port], à 2 heures de l'après-midi. « Un bat de caisse sous le nom de farandole » précédera l'assemblée afin de prévenir citoyens et citoyennes que la « lecture est commencée ; tous les citoyens et citoyennes sont invités à y assister ».

C'est à la même heure que, le 20 pluviôse, on renouvelle l'arbre de la Liberté placé dans la partie orientale de la place.

Malgré la soumission du clergé, la liturgie catholique avec l'ordonnance de ses fêtes, disparaîtra bientôt. Les prêtres constitutionnels vont accomplir, le 25 ventôse, leur ultime abdication. Dans la matinée, ils comparaissent à la maison commune pour remettre entre les mains du maire, en présence des officiers municipaux, leurs lettres d'ordination. Ils déclarent qu'ils « renoncent désormais à toutes fonctions sacerdotales et serviront de tous leurs moyens la République et la Révolution en qualité de bons citoyens ». Quatre prêtres se présentent pour cette ignominie : Philibert Deniel, de Bréhat, Pierre Hervé, de Ploubazlanec, Jean-Baptiste Hurel, ex-chapelain de la cathédrale de Saint-Brieuc résidant à Paimpol [Note : Le 11 pluviôse an III, Hurel rétractera cette remise de ses titres de prêtrise et en termes très dignes se déclarera fidèle à l'église romaine. Il n'a agi, explique-t-il, que sous la pression « de la terreur et de la précipitation, car si la terreur m'avait permis de réfléchir je n'aurais jamais eu à me reprocher ce moment de faiblesse ». Dans sa lettre de protestation contre « la terreur que les 3 tyrans faisaient régner dans toute la France », datée de Saint-Brieuc, il demande acte de sa rétractation aux magistrats paimpolais qui accèdent à son désir le 13 pluviôse. Un autre prêtre originaire de Paimpol, Nicolas Armez, ordonné le 1er avril 1786 à Rouen, occupa une place importante dans l'administration révolutionnaire des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor). Il fut Procureur général syndic du département en 1790, « renonça à ses fonctions sacerdotales en 1794 » et devint ensuite commissaire du Directoire exécutif, puis Président du Conseil général. (Cf. Un révolutionnaire de Basse-Bretagne, Nicolas Armez (1754-1825), par Léon DUBREUIL. Editions Rieder, 7, place Saint-Sulpice, Paris, 1929). Nicolas Armez naquit le 16 mars 1754 et, quoiqu'en dise M. Dubreuil, il ne fut pas baptisé à Plounez ; mais bien à Paimpol dont les registres contiennent son acte de baptême signé de 4 prêtres : Thibaut Armez, recteur de Saint-Gilles-le-Vicomte (actuellement Saint-Gilles-les-Bois), Jan S. Maignou, recteur de Plounez-Paimpol, Michel-Ange de Crozon, capucin, prédicateur de carême, et Morvan, prêtre], et Yves Visdeloup domicilié à Paimpol. Celui-ci n'a pas pu (ou n'a pas voulu ?) retrouver ses lettres et estime que sa déclaration suffira.

Malgré les réformes apportées dans la célébration du décadi, c'est-à-dire le choix d'une heure commode (2 heures de l'après-midi) et d'un local (le club) « où la voix se fait mieux entendre », les Paimpolais, négligeant le devoir civique le plus élémentaire, n'y assistent pas ! Aussi qu'il « est douloureux pour la Municipalité de parler à des murailles » ! Comme un appel supplémentaire au patriotisme sera certainement superflu, elle décide, le 10 floréal, d'user de coercition. Elle défend « par voie de police » de danser sur les places publiques aux autres jours que ceux du décadi, sauf si les ébats ont lieu le soir après souper, dans ce cas les bals sont permis tous les jours. Elle interdit d'ouvrir les cafés le jour du décadi, mais ordonne de les ouvrir tous les autres jours de la semaine. Le décadi ne semble donc pas avoir concurrencé le dimanche ni bouleversé les habitudes dominicales des Paimpolais.

Cette propagande autoritaire obtient quelque succès. Au décadi suivant, le Club est « devenu trop petit pour la grande affluence des citoyens » [Note : Délibération du 23 floréal an II. Nous mettons en garde le lecteur contre des appréciations aussi vagues que l'on a déjà trouvées et qu'on retrouvera plus loin sous la plume des magistrats et fonctionnaires révolutionnaires intéressés évidemment au succès de leurs entreprises. N'ayant disposé d'autres sources d'information que leurs rapports et délibérations, nous ne pouvons que reproduire leurs déclarations très visiblement teintées de l'exagération officielle]. Et pourtant la Municipalité doit réitérer son invitation aux Paimpolais de venir écouter le commentaire des lois. Satisfaite de l'assistance au premier décadi qui suivit les mesures coercitives précitées, elle décide qu'à partir du prochain décadi les lectures se feront à l'église, à 2 heures de l'après-midi. Un son de cloche y appellera les auditeurs. Désormais d'ailleurs les cloches se remettent à chanter au-dessus de Paimpol. La journée de travail commençant, suivant l'usage, jusqu'au 1er vendémiaire, à 5 heures du matin et s'achevant à 7 heures du soir, un son de cloche en annoncera « l'ouverture, l'heure du dîner et la clôture ». L'église elle-même rouvrira ses portes de 5 heures à 8 heures matin et soir « pour la commodité des ouvriers » qui pourront venir y lire les lois affichées à l'intérieur. Après être devenu une sorte de « temple des lois », la pauvre église de Notre-Dame va recevoir une destination... moins profane (?). Le 7 prairial an II, le maire propose d'envoyer à la Convention une adresse dans laquelle il professe sa foi.

« La croyance de l'existence de l'Etre Suprême et de l'immortalité de l'âme, dit-il, est pour l'homme un besoin : elle console la vertu et fait frémir le vice. La proclamation solennelle des principes de la Convention, développée dans l'éloquent rapport fait par Robespierre, a été lu avec attendrissement en cette commune, le 30 floréal, et entendu avec reconnaissance par le peuple assemblé... etc..».

Conformément à cette déclaration, Paimpol célèbre, le 20 prairial, la solennité de l'Etre Suprême.

Trois coups de canon annoncent l'aurore et une sonnerie de cloches salue le lever du soleil.

Aussitôt citoyens et citoyennes se précipitent dans les rues pour orner les façades de leurs maisons.

Une musique guerrière et la Générale rappellent que tous doivent participer à la fête de l'Etre Suprême. Pères et adolescents prennent les armes, les mères accompagnent leurs filles et ceux de leurs enfants qui n'ont pas encore la force de « s'armer du fer vengeur du crime » ; les maisons restent désertes, la place donne « l'aspect imposant d'un peuple vertueux et fier de la liberté ».

Le Comité de Surveillance, les juges du Tribunal de Commerce, les fonctionnaires publics se réunissent dans la maison commune sur la place où se trouvent un détachement de la Garde Nationale et la Gendarmerie. Tous les assistants attendent. Voici enfin, sortant de l'ancien Auditoire, le maire, les bras chargés du tableau des Droits de l'Homme ; cinq coups de canon saluent son apparition. « La Garde présente les armes à la vue des Droits de l'Homme » et le cortège se rend à l'église devenu Temple de l'Etre Suprême. Un officier municipal y lit le rapport de Robespierre et le décret du 18 floréal « accueilli avec l'enthousiasme de la vertu reconnaissante ».

Un ex-président du Comité de Surveillance monte à la tribune et dresse un réquisitoire violent contre l'athéisme. Le maire lit ensuite les Droits de l'Homme et quelques autres textes, puis le cortège descend la rue du Temple pour aller entourer l'arbre de la Liberté. Serments, acclamations, cantiques civiques terminent la matinée, car il est midi et le maire suspend la fête jusqu'à 2 heures.

La seconde partie de la solennité commence, comme le matin, par un rassemblement sur la place de la Liberté et un cortège jusqu'au temple. Là, les officiers municipaux se succèdent pour lire à tour de rôle des textes législatifs. Le maire monte alors à la tribune et prononce « un long discours de morale, de la vertu mise en pratique, appliquée à toutes les circonstances de la vie, de l'amour constant et invariable du devoir... Sans la morale en effet les meilleures lois sont insuffisantes et faibles », etc...

Le cortège revient autour de l'arbre de la Liberté et clame « jusqu'aux voûtes du ciel » des cantiques civiques. L'assistance ayant passé de longues heures à écouter ces sermons d'un nouveau genre, les danses commencent et durent jusqu'à 7 heures du soir. Puis les Paimpolais se rendent à une séance de la Société Populaire pour entendre « des rapports d'utilité publique et chanter de nouveaux cantiques à la Liberté ». Enfin, dans le soir, « le canon de la Retraite » annonce la fin de la fête qui a été celle « des Amis de la Vertu, de la Reconnaissance, du Triomphe de la Convention ».

Comme cet hommage républicain à l'Etre Suprême ne doit pas être purement platonique, la Municipalité consigne qu'elle a distribué 3 livres de pain par tête aux ménages indigents « qui ne reçoivent encore aucun secours de la Bienfaisance nationale ». Désormais le calendrier révolutionnaire contiendra un certain nombre de dates à commémorer et les « fêtes décadaires » prétendront remplacer les solennités religieuses. La Municipalité paimpolaise reçoit d'ailleurs du district de Pontrieux des ordres sévères au début de Messidor an II sur « l'obligation d'établir les fêtes décadaires d'une manière solennelle ». Le repos ne sera permis que ces jours-là ; il faudra punir comme suspects tous ceux qui, méprisant les dates décadaires, voudront célébrer les dimanches et les anciennes fêtes. « Quelques exemples suffiront pour corriger ces fainéants qui ne recherchent que les occasions de perdre dans une honteuse oisiveté et très souvent, dans la dépravation des moeurs un temps précieux » du fait de la mobilisation. Pour obéir à ces injonctions, la Municipalité s'efforce d'empêcher par des interdictions la pratique religieuse qui, malgré tous ces obstacles, réussissait encore à s'exercer : défense aux commerçants de fermer leurs boutiques aux autres jours que le décadi. Défense aux artisans et ouvriers de travailler les jours du décadi, défense de refuser du travail aux autres jours que ceux du décadi. Ordre à tous les citoyens de prendre part aux fêtes décadaires. Pour que nul n'en ignore, cette réglementation fera l'objet d'une publication très sérieuse.

Toutes ces mesures laissent deviner que les Paimpolais, malgré la pression officielle qui prétend violenter leurs consciences, n'ont pas embrassé la nouvelle religion et persistent à observer le repos dominical.

Le 26 messidor, Paimpol célèbre « décadairement » le 14 juillet à partir de 3 heures de l'après-midi. Le cortège des personnages officiels, de la Garde Nationale, se rend de la place au Temple, selon le cérémonial habituel.

Attirée probablement par la nouveauté de ce nouveau culte, « la masse de la commune avec un grand nombre d'habitants des campagnes » a pris place à l'église. Le maire, y prononce « un discours républicain dans lequel il analise les diverses époques de la Révolution » ; serment répété par toute l'assemblée avec l'enthousiasme de la liberté, retour vers l'arbre de la Liberté, chants, puis danses. « La joie éclatait sur tous les visages et cette fête a été dans cette commune celle du patriotisme le mieux prononcé ».

Les festivités se succédèrent ensuite toujours suivant le même ordonnancement sauf quelques variantes.

Le 14 thermidor an II, la Municipalité, pour commémorer la date du 10 août 1792 (23 thermidor), décide d'édifier sur la place une montagne ! Elle invite les citoyens à venir « broueter des terres chaque jour au moins après souper ». « Au quartidi sans culottides de l'an II », elle veut célébrer le Triomphe des Armées, le 30 frimaire an III, c'est la fête du Malheur qui comporte une distribution d'aumônes et l'accolade du maire à quelques nécessiteux, le 22 pluviôse, l'anniversaire de la mort du « dernier tyran Capet » devant un grand nombre de citoyens réunis au Temple.

S'il faut en croire une adresse à la Convention du 30 vendémiaire an III, les municipaux paimpolais n'ont guère qu'à se louer de l'attitude de leurs administrés. « Personne à Paimpol n'est en état d'arrestation pour contre-Révolution ; il n'y a ni un émigré, ni un rebelle. Tous sont républicains. Ils ne se rallient qu'au nom de la Loi et de la Convention qui sont leur unique boussole ».

Or voici que quelque trois mois plus tard, le 13 pluviôse an III, malgré cette propagande officielle en faveur de la liturgie décadaire, les pressions, les défenses et les ordres, malgré les grandes assistances qui parfois ont participé aux fastes de la religion républicaine, « un grand nombre de citoyens » se présentent successivement à la maison commune et « individuellement » demandent qu'on leur assure « dans cette commune une église pour l'exercice du culte catholique ». Les édiles, puisque Paimpol ne compte qu'une église, décident aussitôt de demander « aux autorités suppérieures » de permettre le culte catholique de manière toutefois que les offices ne dérangent pas l'instruction décadaire.

Après cette demande osée, les Paimpolais célèbrent, le 5 nivôse, par des cortèges, des chants et des danses, la reddition de Charette. A cette époque, la paroisse compte deux prêtres résidents : « Visdeloup, ex-curé de Paimpol, Pierre Hervé, ex-curé de Ploubazlanec », qui n'ont pas émigré, n'ont jamais été détenus, mais au contraire ont payé à la République tous les impôts requis.

Un an après la chute de Robespierre, oubliant leurs anciennes congratulations, les Paimpolais affirment que leur ville « n'eut personne à punir, ne connut pas un terroriste parmi ses habitants, dont les fureurs de Robespierre et de ses bas valets ne purent atteindre les citoyens ». Et Paimpol qui célèbre « le triomphe de la Vertu terrassant le crime, en cette fête du 9 thermidor an III, estime qu'elle n'a à se reprocher aucun acte de terrorisme, qu'elle a en horreur ».

Depuis 1790, où, à l'occasion du serment civique de la Garde Nationale, les citoyens « de toute classe et de tout sexe », jurèrent fidélité à la Constitution, la population paimpolaise a vu se dérouler les événements de la Révolution sans accorder une conviction profonde à tous ces dogmes et à toutes ces mesures de régénération française.

Après la fermeture des églises en 1793, les habitants participent probablement aux processions nocturnes que les paroisses du canton organisent. Ils demandent maintenant le rétablissement de la religion catholique. La Municipalité d'ailleurs avoue en 1794 : « nos actes nous attirent toutes les campagnes pour ennemies ». Et, le 27 juin, Corouge, maire, osera écrire qu'il se refuse « à combattre la liberté des opinions religieuses ». Dans ces conditions, grâce à un régime de demi-liberté religieuse qui succéda à la Terreur de 1793, Paimpol retrouva ses pratiques chrétiennes [Note : Nous n'avons pu retrouver les délibérations de la Municipalité postérieures à 1793].

Le culte catholique constitutionnel (et le culte orthodoxe pendant les courtes périodes de trêve) reprit au début de 1795, à l'intérieur de l'église sans pouvoir s'exercer au dehors. Le même édifice servait donc aux cérémonies religieuses des deux clergés, aux cérémonies décadaires et ensuite sous le Directoire aux fêtes laïques.

Peu satisfaits de cette religion qui ne peut sortir du sanctuaire, les paroissiens font demander par la municipalité cantonale le 4 prairial an IV (23 mai 1796) au Ministre de la Police si « les cimetières ne pourraient pas être considérés comme enceintes consacrées au culte » afin de permettre les enterrements religieux, car « on a le faible de les comparer à ceux des chiens si le prêtre ne conduit pas le cadavre au bord de la fosse » [Note : Arch. Nat., F. 7, 7154. Communication de M. Pommeret].

En 1798, les rapports officiels consigneront qu'à Plouha et Plouézec « le peuple est bon. Mais ils ont une fureur pour sonner les cloches et on n'entend que sonneries depuis le matin jusqu'au soir ». Il en est de même à Lézardrieux et à Paimpol [Note : L'Esprit public dans le département des Côtes-du-Nord pendant la Révolution, par M. le Chanoine POMMERET].

Le culte décadaire persiste jusqu'en 1802 et l'on retrouve des comptes rendus officiels de l'an IV, VII, VIII, X.

Les cérémonies se passent soit à l'église soit sur la place.

Le sanctuaire de Notre-Dame entendit de nombreux discours, sortes d'homélies républicaines sur le sujet philanthropique ou civique du jour : fêtes de la chute du trône, de la fondation de la République, de la Reconnaissance, de la Souveraineté du Peuple.

A ces occasions, le Temple reçoit des ornementations appropriées. Pour la fête de la Bienfaisance et de la Reconnaissance « il est décoré de maximes », tels ces vers de Voltaire :

« Qu'il est beau, qu'il est grand de faire des ingrats », ou ces lignes de Duclos : « Si chacun faisait tout le bien qu'il peut faire sans s'incommoder, il n'y aurait point de malheureux ». Le discours du Président se termine par des acclamations répétées de « Vive la Reconnaissance ! Vive la Bienfaisance ! Vive la République ! Vengeance des ennemis de l'Humanité et de la Paix ! Vive la Constitution de l'an III ». Parfois les assistants renouvellent leur serment de haine à la Royauté, et de fidélité à la République.

Pour la fête de la Fondation de la République en l'an VIII, on avait placé dans l'église « un autel de la Concorde décoré des attributs de la Liberté ». Deux vieillards portaient « les 2 bannières prescrites par la loi », dont l'une avec ces mots : « Paix à l'homme juste, observateur fidèl des loix » et l'autre « Le peuple debout est armé contre ses ennemis extérieurs et intérrieurs pour l'intégrité de son territoire et le maintien de la Constitution de l'an III ».

On ignore le degré d'attraction de ces festivités révolutionnaires qui se complètent toujours le soir par un bal public. Il ne semble pas que les Paimpolais aient suivi bien nombreux ces liturgies républicaines, dont pourtant les officiels drapés d'écharpes tricolores à profusion, donnaient l'exemple [Note : Les comptes rendus que nous avons retrouvés datent surtout de l'an VII et VIII. On y lit une liste du personnel « à convoquer pour les fêtes nationnalles » : Tribunal de commerce, juge de paix et assesseurs, commissaires de Marine et employés civils, caissiers des Invalides de la Marine, Contrôleur des Brigades des douanes, Receveur et Contrôleur des douanes, Receveur de l'Enregistrement et des Domaines nationaux, directeur de la Poste, capitaine de port. Auprès de ces civils, voici les invités placés sous le titre « Militaires » : Le commandant temporaire, les officiers de la Garde Nationale, les commandants de la Garnison, le commandant de la Garde Nationale, le caissier de l'Administration, les notaires publics, les employés civils de la Marine ou préposés aux vivres de la Marine, le Syndic de la Marine].

Le 29 brumaire de l'an IX, le maire rappelle aux citoyens l'obligation de célébrer le décadi. Les municipaux ont tendance d'ailleurs à faire leurs cérémonies, non plus à l'église, mais sur la place où l'on dressera la tribune des harangues et un autel de la Patrie ou de la Paix.

Le 9 frimaire an IX enfin, le maire se préoccupe de réparer les vitraux de l'église endommagés par la tempête du 18 brumaire. Il charge deux officiers municipaux de surveiller ces travaux.

Les comptes rendus officiels obligatoires qui auraient augmenté le crédit des magistrats paimpolais ne parlent plus de la moindre assistance hormis les fonctionnaires, tenus d'y prendre part, les « salariés et pensionnés de la République ». Si l'on juge cependant par le discours du 20 prairial an VII pour les fêtes funéraires des plénipotentiaires du Congrès de Rastadt, ces assistants font preuve de docilité : « Combien n'ai-je pas à me féliciter, déclare le Président, de ne point avoir à vous rappeler les dispositions de la loi qui impose à tout salarié de la République le devoir d'assister à la célébration de la décade... ». Il insiste néanmoins pour que les enfants viennent participer au culte décadaire et écouter les récits des actes des grands hommes de la République.

S'il est vrai que Paimpol resta « très calme » [Note : Discours du maire Bécot, le 20 ventôse an XII] et jouit pendant la Révolution d'une large tolérance, il n'en demeure pas moins qu'un de ses fils, Yves Rey de Kervizic [Note : En 1733 une délibération mentionne l'orthographe « Kervizic Rey » et une signature identique en beaux caractères d'ailleurs. Mais une fondation de 1748 porte ces mots « Noble homme Vincent Guillaume Rey sieur de Kervizic ». Ce dernier assied sa « rente tombale » de 4 sols 8 deniers monnaie jusqu'en 1761, sur sa maison et son jardin au haut de la rue de l'Eglise côté nord, ce qui concorde avec les résultats des patientes recherches de M. l'abbé Gléyo pour la localisation de la maison où naquit le futur martyr. La fondation précitée provient de Vincent-Guillaume Rey pourtant, alors que l'acte baptême du Bienheureux le dit fils de « Noble Maître Jean-Marie Rey, avocat en Parlement, sénéchal et juge de plusieurs juridictions, et de dame Marie Joseph Rolland sieur et dame de Kervizic demeurants en cette ville ». Leur mariage eut lieu à Paimpol le 26 mai 1755. Yves y fut baptisé le 6 avril 1761 par R. Maignou, recteur de Ploubazlanec, « du consentement du vicaire de céans » et non pas du « recteur de céans », comme le prétend la reproduction du texte dans Les actes des Prêtres insermentés du diocèse de Saint-Brieuc, par M. l'abbé LEMASSON. Imprimerie Prud'homme, Saint-Brieuc, 1927, p. 390. D'ailleurs l'acte de baptême contient « un mot raïé nul », car le rédacteur a écrit puis biffé les 4 lettres « Rect » pour les remplacer par le mot de « vicaire ». La trêve, on se le rappelle, avait le droit de célébrer les baptêmes depuis fort longtemps sans autorisation du recteur de Plounez. En 1766, par un bail du 5 février, que possède encore la famille de M. de Sagazan apparentée au martyr par les Cheffontaine, Jean-Marie Rey louait pour 7 ans le manoir de Kerdinan, alors situé en Lanvignec. Yves y passa donc vraisemblablement une partie de son enfance.

C'est le 17 octobre 1926, que l'Eglise lui décerna avec ses compagnons le titre de Bienheureux. En 1943, M. Thos, curé de Paimpol, a obtenu de la Sacrée Congrégation des Rites un indult permettant la solennité du Bienheureux le dimanche qui suit le 2 septembre, jour de la fête des Martyrs des massacres de septembre dans toute la France], attaché à l'église Saint-Jacques du Haut-Pas, à Paris, en qualité d'administrateur des Sacrements, incarcéré à Saint-Firmin, périt dans les massacres de septembre 1792.

Pendant la Révolution et sous l'Empire, par suite des guerres continuelles et de la suprématie maritime des Anglais, les activités des Paimpolais se ralentissent. Leurs armements à la Course ne semblent pas avoir avantageusement remplacé l'industrie de la Grande Pêche à Terre-Neuve et leur commerce maritime a périclité, sinon presque disparu.

Bien que la Cité ait ainsi perdu provisoirement les avantages économiques qui lui donnaient sur Plounez une supériorité indiscutable, la Révolution, en modifiant le statut de la trêve consacrera fort heureusement un état de fait et fera aboutir les revendications tant de fois exprimées.

Depuis 1790, Paimpol est devenu chef-lieu de canton pour l'administration civile et paroisse autonome.

L'évêque Jacob en fit le chef-lieu d'un archiprêtré en 1798, lors de la création éphémère de ces divisions ecclésiastiques décidées par le Concile de 1797.

La partie de langue bretonne du diocèse en compta 6 et le pays gallo 3.

Les prêtres du district élisaient l'archiprêtre ainsi qu'un substitut. Ce ne fut pas le desservant de Paimpol, l'ex-recteur Visdeloup, qui reçut cet honneur, mais P. Le Ny, ex-prémontré, curé (recteur) de Plouézec, premier maître de l'évêque. Il eut pour substitut Jean Le Kerhic, curé (recteur) de Plourivo [Note : Archives de l'Evêché de Saint-Brieuc. Registre des Actes de Jacob. Communication de M. le Chanoine Pommeret].

Au concordat de 1802, par décret, du 14 pluviôse an X, approuvé par le Gouvernement le 18 germinal suivant et par Mgr Cafarelli, évêque de Saint-Brieuc, seulement le 22 mai 1813, Paimpol obtient enfin son érection non seulement en paroisse indépendante, mais en cure de Doyenné [Note : Paimpol, Plounez et Ploubazlanec se partagèrent le territoire et la population de l'antique paroisse de Lanvignec. Dans les premières années après le concordat les textes porteront le double titre « Fabrique de N.-D. de Paimpol, Lanvignec réuni », par exemple, ou encore « y joint Lanvignec ». En l'an XIII, Paimpol démontera et réparera « la cloche venue de Lanvignec ».

Le dernier registre de Lanvignec date de 1807. Il apparaît que le démembrement au civil ne se réalisa que plus tard. Une lettre au Préfet, du 21 octobre 1822, mentionne un voeu du Conseil d'Arrondissement demandant la réunion de Lanvignec à Paimpol et contient les protestations des municipaux, sous prétexte que Lanvignec est une commune rurale et Paimpol une commune « urbaine commerçante ». Les registres de délibérations de la Municipalité s'arrêtent au 11 mai 1824. Outre ces dépouilles de Lanvignec, Paimpol héritera aussi de l'abbaye de Beauport, un beau chandelier pascal oeuvre de Corlay, sculpteur de Châtelaudren en renom au début du XVIIIème siècle, et plusieurs tableaux dont une remarquable « Mise au tombeau » de Valentin].

Le premier, doyen, M. Le Cornec, reçoit la cure dès la rétractation [Note : Cf. Paimpol au temps d'Islande, tome I, p. 55, note 114. Sa rétractation ne semble pas avoir été sincère. C'est peut-être pour cette raison que Mgr Cafarelli n'approuva qu'en 1813 l'érection de la Cure. On remarque en effet sur la plaque commémorative de M. Le Cornec, au cimetière, qu'il ne fut curé-doyen que de 1813 à 1820, alors qu'il résidait à Paimpol depuis 1802], en 1802, de son serment à la Constitution Civile du Clergé qu'il avait prêté comme recteur de Pommerit-le-Vicomte en 1791.

En 1803-1804, M. Briand l'assiste en qualité de vicaire. De 1804 à 1812, M. Visdeloup lui succède. Ce dernier, ancien recteur de Plounez, que le maire Bécot, dans un discours du 30 pluviôse an XIII, qualifie d' « ancien curé de la ville », semble donc avoir réalisé dès 1790 son projet de 1787 d'abandonner Plounez pour élire domicile à Paimpol et y assurer les fonctions pastorales. M. Bécot reconnaît d'ailleurs les services qu'il a rendus aux Paimpolais pendant 36 ans et en considération de son grand âge, de ses infirmités, le maire lui fait voter un traitement annuel de 300 francs.

Rien n'illustre mieux la croissance de Paimpol que cette mutation de l'omnipotent recteur de Plounez, devenant desservant de la trêve, pour être finalement « employé comme vicaire » du Curé-doyen (abbé Jean Kerleveo).

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