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AU XIXème siècle, PAIMPOL ORGANISE SA VIE PAROISSIALE

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Au lendemain de la Révolution, en quel état se trouve le sanctuaire de Notre-Dame de Paimpol ? Un compte de charge et décharge des marguilliers de l'an XI le dépeint comme bien délabré.

« L'église de Paimpol touchait à sa ruine prochaine. Il y pleuvait de toutes parts, les vitraux étaient en mauvais état, le bas-côté de l'église vers le nord n'était pas lambrissé, la longère de cette partie n'était ni enduite ni blanchie, le lambris de la nef menaçait en plusieurs endroits une chute prochaine ».

Une fois encore, les Paimpolais, voulant une église digne de la Vierge, se remettront à l'oeuvre pour sa gloire et leur propre fierté.

Le 8 pluviôse an XII, les trois marguilliers de « l'église de N.-D. de Paimpol » demandent à l'administration de la ville, de leur remettre les titres de l'église, de faire un relevé au bureau des domaines des biens corporels et des rentes qui peuvent encore lui rester, de prendre des archives de Lanvignec, les titres et autres documents nécessaires pour recouvrer fermages et rentes, conformément à l'arrêté gouvernemental du 7 thermidor an XI, qui rend aux Fabriques les biens non aliénés.

En 1807, les fabriciens procèdent à la vérification du compte du trésorier pour l'exercice allant du 8 frimaire an XII au 10 avril 1807. La charge s'élève à 6.064 livres 11 sols 10 deniers, dont 2.231 livres 2 sols 3 deniers, somme mise à la disposition des marguilliers en l'an XIII « pour l'embellissement de l'intérieur de l'église ». Mais la décharge se monte à 6.234 livres 10 sols 9 deniers, plus 800 livres dues à Lambert fils, soit au total 7.134 livres 10 sols 9 deniers.

Et pourtant, d'autres dépenses viennent en 1810 grever le budget de la Fabrique. La toiture, la tour, les quatre murs de l'église ont besoin de réparations urgentes. Hélas les fonds en caisse ne pourront suffire « à réparer le tout ».

La paroisse, placée « sous l'invocation de la Vierge », a choisi le 8 septembre pour sa fête patronale. On enregistre, outre Notre-Dame de Bonne-Nouvelle, une autre dévotion, celle de Notre-Dame de Bon-Voyage.

Les quêtes du Rosaire, de saint Jean, du Saint-Sacrement et de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle sont les plus importantes que l'on fasse dès 1808.

En 1813, « la paroisse n'a d'autres usages que ceux qui sont communs à toutes les paroisses », sauf une bénédiction du Saint-Sacrement qui a lieu tous les jeudis un peu avant le coucher du soleil. Comme elle « contribue beaucoup à la piété de l'endroit », Mgr Cafarelli confirme le maintien de cette cérémonie.

« Depuis son érection jusqu'en 1820, dit le cahier de paroisse, il n'y a pas à Paimpol d'autres usages que la fête patronale et ce salut du Saint-Sacrement ».

On trouve, en 1819, mention des Adorations. Cette retraite paroissiale comporte chaque jour une instruction, souvent en breton ; tous les matins, à 6 heures, une grand'messe à 8 heures, suivie d'un sermon ; l'après-midi, un dialogue à 2 h. 30, un sermon à 6 heures, puis un salut solennel.

Par permission de M. de La Mennais, une procession du Saint-Sacrement clôture les Adorations, le soir du dernier jour.

Trois ans plus tôt, en 1816, rendant hommage « à la grande dévotion des fidèles » pour Notre-Dame de Lanvignec, il a accordé également à M. Philippe, curé d'office, la permission de dire dans cette chapelle en semaine « la messe à voix basse » et d'y faire les processions de Saint-Marc et des Rogations.

C'est à partir de 1820 que la vie religieuse semble devenir plus intense et s'exprime en diverses pratiques de piété [Note : Les Religieuses de la Providence de Ruillé-sur-Loir s'établissent à Paimpol en 1820].

Dès 1820, la Confrérie du Rosaire regroupe ses fidèles et elle comptera jusqu'en 1900 quelque 400 membres qui reprennent, comme par le passé, leur procession mensuelle le 1er dimanche du mois. En 1825, l'autel du Rosaire obtiendra le privilège de l'indulgence plénière pro defunctis ad septennium, qui sera renouvelé en 1833-­1840-1848 [Note : En 1851, Mgr Le Mée, transférera ce privilège au maître-autel].

La piété paimpolaise ne se contente pas de cette antique dévotion et l'on note un développement de la piété eucharistique.

Le 9 février 1820, Mgr de la Romagère autorise, le jeudi à 8 heures, une messe chantée en l'honneur du Saint-Sacrement et un salut à l'issue de cette messe. De 1820 à 1850, la Confrérie de l'Adoration du Saint-Sacrement comptera 1.050 membres.

La Confrérie du Sacré-Coeur qui date de 1821 [Note : Bref apostolique du 5 mai 1820. Lettre de Mgr de la Romagère, 3 août 1821] comprend de nombreux paroissiens, hommes et femmes, qui choisissent pour leur adoration devant le Saint-Sacrement les fêtes de la Vierge (Conception, Nativité, Annonciation et surtout Assomption). Depuis le mois de novembre 1821, une bénédiction du Saint-Sacrement se donne à chaque 1er vendredi du mois, à la fin de la messe chantée en l'honneur du Sacré-Coeur.

Une autre permission autorise une bénédiction, le soir de la Première Communion des enfants.

Quelques années plus tard, en 1832, le vicaire général, M. Le Treust, permet une procession du Saint-Sacrement à l'intérieur de l'église, le mardi de la Quinquagésime, après les vêpres chantées à 4 heures de l'après-midi.

En 1822, le culte de la Vraie Croix fait obtenir aux Paimpolais, du pape Pie VII, une indulgence plénière les jours de l'Invention, de l'Exaltation de la Sainte Croix, à la fête de la Nativité de la Vierge et le vendredi de la semaine de la Passion, et enfin une indulgence non-plénière chaque vendredi de carême [Note : A la demande du curé, le pape Grégoire XVI accordera ces indulgences à perpétuité en 1840].

On expose la Vraie Croix ces jours-là, à la fête de la Compassion de Notre-Dame et le deuxième dimanche de chaque mois après vêpres, avant de donner la bénédiction aux assistants.

Les deux fêtes de l'Exaltation et de l'Invention comportent de plus une grand'messe et une procession de la Vraie Croix autour du cimetière [Note : Il faudra toutefois attendre 1865 pour ériger un chemin de croix dans l'église paroissiale. Par contre l'oratoire des religieuses des Orphelines du Choléra en sera doté dès 1835].

Enfin, pendant leur retraite de préparation à leur Première Communion, les enfants récitent le chapelet et font tous les jours une procession en l'honneur de la Sainte Vierge.

Non contents de ces dévotions, les Paimpolais reçoivent, en 1826, de Mgr de Quélen, archevêque de Paris, des reliques de saint Urbain et saint Vital, qu'ils portent processionnellement après vêpres le deuxième dimanche après Pâques autour de la ville et du cimetière [Note : L'église possédait en outre les reliques des martyrs Magne, Libéral, Flore et Modeste, données par le R. P. Jean l'Evangéliste, capucin de Guingamp, et reconnues par Mgr de Bellescize, évêque de Saint-Brieuc]. Leur exposition à la vénération publique fut accordée par M. Le Mée, vicaire général, le 4 juillet 1826.

En cette même année, Paimpol célèbre pieusement le jubilé de Léon XII. Le programme de la journée semble bien chargé :

7 heures, prière-messe de méditation.

8 heures, instruction bretonne.

10 heures, conférence sur la Pénitence.

2 heures, catéchisme.

3 heures 1/4, dialogue suivi d'une procession à travers la ville.

6 heures, au retour de la procession, sermon, bénédiction du Saint-Sacrement pendant laquelle on fait « la récapitulation des exercices de la journée », Prière du soir.

En 1829, la paroisse bénéficiera de deux semaines d'indulgences à l'occasion du jubilé du pape Pie VIII.

Cependant que la fidélité paimpolaise entoure de sa sollicitude réparatrice l'église de pierre abandonnée pendant les jours sombres de la Révolution, elle reconstitue avec une plus grande ardeur encore toutes ces manifestations de foi chrétienne qui créent la vie religieuse d'une paroisse.

Notre-Dame de Paimpol attire les coeurs de ses fils comme jadis les coeurs de leurs ancêtres qui lui ont donné ce titre indéterminé comme pour exprimer qu'elle était bien leur Dame, la Vierge de leur terroir.

Il vient d'ailleurs des jours tragiques pour la jeune paroisse.

En 1832, le choléra morbus atteint la France et sème l'épouvante à Paris (861 décès le 9 avril) et en province. Malgré les mesures prises par les Paimpolais, le fléau dont on craignait l'apparition fait ses premières victimes à Paimpol le 4 août.

Le 15 août (14 décès), on procéda à 22 enterrements. « Effrayés, à la vue d'une telle destruction, la plupart des paroissiens recouraient à Dieu et les tribunaux de la Pénitence étaient assiégés jour et nuit. Les prêtres de l'endroit ainsi que plusieurs autres qui vinrent à leur aide dans cette extrémité désolante, montrèrent à l'envi le zèle le plus actif et le plus généreux et le jour et la nuit auprès des cholériques qui témoignaient le plus vif désir de se réconcilier avec Dieu, sentant tous leur fin prochaine ».

L'évêque, Mgr. Le Groing de la Romagère, vint à l'insu de ses vicaires généraux réconforter les Paimpolais. Il fit de nombreuses visites aux cholériques ; il frictionnait lui-même leurs membres crispés par les crampes. « Dans sa pieuse sollicitude et dans le désir ardent d'obtenir du Ciel quelques adoucissements à tant de maux et à tant de douleurs, il ordonna, sur la proposition du curé de la ville, une procession solennelle en l'honneur de la Très Sainte Vierge pour la cessation du fléau destructeur. Ses voeux et ceux de la population entière furent exaucés et, par l'intercession de la Mère Consolatrice des affligés, les ravages du choléra diminuèrent d'une manière si sensible que les moins clairvoyants en furent frappés ».

Cette procession solennelle eut lieu le 21 août, pendant le séjour de l'évêque à Paimpol (20-23 août). On compte ce jour-là 17 décès ; dès le lendemain, ils tombent à 3. Dans les jours suivants, jusqu'au mois d'octobre, le choléra fait encore des victimes, mais les décès sont beaucoup moins nombreux (chiffres maxima dans cette période : 5 le 28 août, 7 le 31 août). Les dernières victimes succomberont le 18 octobre. Le lugubre bilan atteignait pour une population de 2.002 habitants 140-150 cholériques décédés, d'après le récit du cahier de paroisse, en l'espace de 3 mois environ [Note : En 1936, M. le Chanoine Salliou publia dans le Bulletin Paroissial nos 33-34-35-36-37, une étude sur cet événement d'après les documents de la mairie. Il donnait ces chiffres : Cas de choléra constatés : 215 ; Décès : 126 ; Guérisons : 89. Le cimetière paroissial ne suffisant plus aux inhumations, une fosse commune, creusée aux abords de la chapelle de Lanvignec reçut 63 cadavres].

On comprend la reconnaissance des Paimpolais envers Notre-Dame dont l'intervention, miraculeuse aux yeux de tous, réduisit brusquement le chiffre des décès au lendemain des prières solennelles du 21 août, bien qu'elle n'ait pas complètement arrêté les ravages du fléau.

« En mémoire de cette protection visible de Marie et pour en perpétuer la reconnaissance parmi ses paroissiens, le curé se fit autoriser par ses supérieurs à l'effet d'établir les exercices d'une neuvaine à la Vierge qui commence le jour de l'Assomption ».

Aussi, depuis ce tragique été de 1832, les paroissiens sont-ils restés fidèles à la neuvaine du choléra, hommage annuel à la protectrice de Paimpol. Les exercices de la neuvaine comprenaient à l'origine le chant du Sub Tuum, des litanies et « une lecture dont le sujet est Marie ». Dans la suite, on y ajouta un De Profundis pour les victimes.

Puis les années passent, mais la dévotion paimpolaise à Notre-Dame ne faiblira pas pendant ce XIXème siècle. Au contraire, la piété mariale croîtra en intensité.

Le 8 septembre 1837, avec l'autorisation de l'évêque, en date du 18 août, M. Moy, établit en l'honneur de la Sainte Vierge une Congrégation pour les demoiselles de la ville. Les congréganistes font l'exercice du mois de Marie dès 1838, chaque soir du mois de mai. Il consiste en la prière du soir, une lecture, le chant d'un cantique, une consécration à la Vierge. « Cet exercice contribue beaucoup à augmenter la piété des paroissiens qui s'y rendent en foule assidûment ».

Le jour de la clôture, l'exercice se termine par une procession de la Vierge autour du cimetière et à l'intérieur de l'église, suivie d'une bénédiction du Saint-Sacrement.

Les statuts de la Congrégation exigent des congréganistes 3 mois d'approbation et 6 mois de noviciat. Elles sont tenues à des obligations de piété : récitation en commun de matines et laudes de l'office de la Sainte Vierge tous les samedis et la veille des fêtes chômées, récitation en commun des petites heures, le dimanche matin et les jours de fête ; après les vêpres paroissiales récitation des vêpres de la Vierge et complies ; ensuite lecture, quelque courte prière, chant d'un cantique ; tous les jours, une méditation d'au moins un quart d'heure quand elles le pourront, récitation quotidienne des litanies de la Sainte Vierge, de l'Ave Maris Stella et de 9 Ave Maria en l'honneur de Marie, Reine de 9 choeurs des anges.

Chemin de croix une fois par semaine ensemble ou séparément :

Rénovation des voeux du baptême aux fonts baptismaux, le lundi de la Pentecôte ou le dimanche de la Trinité, avec instruction.

Amende honorable à haute voix en commun, devant l'autel du Saint-Sacrement, un jour dans l'octave de la fête.

Récitation ensemble des vêpres des Morts, le jour des Trépassés. Assistance, le premier lundi du mois, à une messe célébrée à leurs intentions.

Outre quelques autres obligations de piété, les jeunes filles de la Congrégation acceptent des « règles de conduite » dont l'article premier est ainsi conçu :

« Pour être admise dans la Congrégation, il faut qu'une jeune personne s'engage :

- A mener une vie non seulement irréprochable mais édifiante ;

- A s'interdire les danses, les spectacles, les pardons hors de la paroisse, les mauvaises lectures et chansons ;

- A éviter la fréquentation des personnes légères et frivoles ;

En un mot, à être bien résolue d'observer fidèlement les voeux du baptême, aidée de la grâce de Dieu et de la protection de la Très Sainte Vierge, en laquelle elle doit avoir une confiance sans bornes ».

D'autres articles du règlement interdisent aux congréganistes les divertissements que le Curé et la Présidente jugeront dangereux ou mal édifiants, les parures et toilettes immodestes ou mal séantes. Il leur est « expressément défendu de se promener dans les ténèbres, ni seules avec des jeunes gens, ni pendant les offices divins ». Elles se proposent d'imiter les vertus de la Sainte Vierge, surtout son humilité, sa charité et sa pureté. Il leur incombe aussi d'aller visiter les pauvres, de les instruire et de procurer du travail à leurs enfants.

Nous ignorons les effectifs que groupa cette Congrégation de jeunes filles. M. Moy a établi une liste de 35 noms de personnes qui, en 1837, désiraient en faire partie. Leurs exercices s'effectuaient dans un oratoire particulier, celui de la chapelle de la Providence des Orphelines du choléra.

En 1840, on érige à Paimpol la Confrérie du Saint-Scapulaire du Mont-Carmel [Note : Cette « Confrérie du Petit habit de la Vierge » a reçu un grand nombre de Paimpolais. Les réceptions avaient lieu le 15 août, le 8 septembre, le 8 décembre et pendant le mois de mai. A partir de 1870, il n'y a plus de date. C'est le jour de sa première communion qu'on remet à l'enfant son scapulaire. Jusqu'en 1914 on compte 56 grandes pages remplies de noms. En 1840, quelques personnes appartiennent aux Tiers Ordres de N.-D. du Mont-Carmel, de saint François, du Coeur de Marie].

Dès 1849, les Paimpolais participent aux indulgences accordées à l'Association de Notre-Dame d'Espérance.

En 1849, l'épouvante se répandit encore sur Paimpol comme en 1832, Le choléra frappait à nouveau. Il ne fit cependant que quelques victimes. Les Paimpolais n'avaient pas oublié leur promesse et mus par leur « dévotion particulière pour la Sainte Vierge, ils placèrent l'image chérie de leur Patronne » sur la façade de trois maisons en ville » [Note : Elles existent encore vers 1945 et lors de la neuvaine, la procession de clôture s'arrête pour les saluer].

Deux inventaires de 1842 et 1846 révèlent que le sanctuaire a réparé les dommages causés par la Révolution. Il est abondamment pourvu d'ornements, de linge d'autel, de statues et de vaisselle sacrée.

Dans la tour, une nouvelle cloche de 1.100 kilos, nommée « Sainte Marie » et une autre appelée « Saint Joseph », reçoivent, en 1843, la bénédiction liturgique de Mgr Le Mée.

Ces dépenses n'empêchent pas les paroissiens de fonder, dès 1840, « une société libre de bienfaisance pour l'extinction de la mendicité » dont fait partie le curé, pour venir en aide aux nombreux pauvres qui, à cette époque, peuplent Paimpol et sa région.

En 1850, les Paimpolais célèbrent le jubilé du Pape Pie IX. Tous les soirs, pendant deux semaines, ils ont participé aux exercices (4 instructions par jour) qui comprenaient, entre autres, le chant des « petites vêpres de la Sainte Vierge », avant l'instruction du soir. Ils ont, de plus, fait une neuvaine à Notre-Dame. « L'église était constamment remplie à tous les exercices » et il a fallu faire appel à 16 prêtres étrangers, outre les deux missionnaires, le curé et le vicaire. On a noté « des retours à Dieu aussi multiples que consolants », « les principaux de la ville ont donné l'exemple ». La première communion générale s'élevait à 850, la seconde à 1.400, dont beaucoup de pascalisants. De 5.000 à 6.000 personnes assistaient à l'érection de la croix en clôture du jubilé. Notre-Dame a une très large part dans la piété paimpolaise. En 1854, on l'honore sous six vocables différents : Notre-Dame de Bonne-Nouvelle, du Rosaire, de Bon-Secours, dont la statue dorée est placée au fond du choeur, de Bon-Voyage, de la Garde, de l'Espérance, dont un nouveau vitrail reproduit l'image. Les messes de dévotion à la Vierge deviennent nombreuses et c'est à elle que l'on recommande les marins de l'expédition d'Orient.

Le premier dimanche de l'Avent (3 décembre 1854), le cahier de prône annonce pour vendredi 8 « la fête de l'Immaculée Conception dont les offices se feront aux heures ordinaires ». Le même jour, Pie IX proclamait officiellement ce dogme.

L'année suivante, la paroisse célèbre en même temps, le 2 février, « la Purification de la Sainte Vierge et la solennité de son Immaculée Conception ». La fête de l'Annonciation étant transférée au lundi 26 mars, les offices se dérouleront comme le dimanche, mais à cause du jeûne, on chantera les vêpres immédiatement après la grand'messe et les complies à 3 heures de l'après-midi.

D'autres manifestations expriment cette dévotion mariale des Paimpolais et leur confiance en Marie. Les enfants, par exemple, vont en procession à Notre-Dame de Lanvignec dans l'après-midi de leur Première Communion. Au retour à l'église, a lieu la consécration à la Vierge et la « bénédiction du scapulaire de ceux et celles qui désireront porter cette livrée de Marie pour mieux conserver les fruits de leur communion ». La clôture du mois de mai « si cher à notre paroisse », proclame le curé en 1857, se fait par une procession solennelle et le dimanche de la Trinité verra encore une autre procession en l'honneur de la Vierge. A la procession de clôture de la neuvaine du choléra, les femmes et jeunes filles sont habillées de blanc et tiennent un cierge à la main.

Mais voici que Notre-Dame de Paimpol va étendre sa bénédiction lointaine jusqu'aux mers d'Islande. Depuis 1852, en effet, les Paimpolais se livrent à la grande pêche dans ces parages tourmentés. Le curé obtient, en 1857, l'autorisation de bénir solennellement les navires en instance de départ [Note : Et non en 1855, comme nous l'avons écrit dans Paimpol au temps d'Islande, tome I, p. 241, note 17]. C'est encore sous la protection de Notre-Dame qu'ils mettront à la voile. Une neuvaine a précédé la fête de l'Annonciation et la procession de clôture sera la visite processionnelle de la Vierge vers le port à l'issue des vêpres du 25 mars. Des marins, dont « elle est spécialement la patronne », portent la statue, leurs camarades doivent se procurer quelques étendards blancs pour accompagner la Vierge, tandis que quatre capitaines tiendront les cordons. C'est le « Pardon des Islandais » qui, tous les ans désormais, conduira Notre-Dame portée au-dessus d'une foule immense vers les rudes pêcheurs de morues, pour leur accorder sa maternelle bénédiction. En 1858, la paroisse se trouve placée sous la protection de l'Immaculée Conception. La fête patronale, transférée du 8 septembre au 8 décembre, se célèbre au jour d'incidence [Note : Nous ignorons la date exacte à laquelle la fête patronale a été transférée du 8 septembre au 8 décembre, probablement dès l'arrivée de M. 0llivier, curé de Paimpol de 1858 à 1863. C'est lui qui écrit au cahier du prône le 5 décembre 1858 : « mercredi, fête de l'Immaculée Conception de la Très Sainte Vierge, fête patronale de la paroisse. Les offices se feront aux heures ordinaires ». On a déjà vu que dès 1854 Paimpol honore solennellement le privilège de l'Immaculée Conception. Le registre paroissial mentionne qu'en 1863 M. 0llivier « faisait la solennité de la fête patronale le 8 décembre à cause de la proclamation du dogme de l'Immaculée Conception. Dès 1859, il avait solennisé la fête à l'intérieur de l'église ». Il est superflu de rappeler qu'en 1626 déjà et bien plus tôt probablement, les Paimpolais célébraient la fête de la Conception de Notre-Dame].

Depuis 1854 d'ailleurs, les messes de dévotion en l'honneur de la Vierge de plus en plus nombreuses ne feront que s'accroître. Les marins eux-mêmes en recommandent, et, avant leur départ, ils font bénir des cierges destinés à brûler devant la statuette de la Vierge à bord, en cas de danger ou lors des fêtes religieuses passées en mer.

Le 20 mars 1859, Mgr Martial, effectuant sa première visite à Paimpol, dit la messe de 7 heures et donne la communion à un grand nombre de fidèles parmi lesquels on remarquait beaucoup de confirmands et plusieurs marins islandais et terre-neuvas. Une neuvaine de prières publiques et de conférences religieuses avait disposé ces matelots à la communion.

L'évêque bénit, solennellement, dans l'après-midi, la flottille « après avoir félicité les fidèles de leur dévotion à Marie et les avoir exhortés à redoubler de piété envers une mère si tendre et si puissante ». Assistaient à la procession : le maire, l'adjoint, le Conseil de la commune, le Conseil de Fabrique, tous les chefs d'administration en costume, les pompiers, la musique, « nos nombreux marins depuis les capitaines jusqu'aux jeunes mousses et une foule immense accourue de plusieurs lieues à la ronde ».

En 1859, la fête patronale du 8 décembre revêt un éclat particulier et le soir même commence une neuvaine de prières à la Vierge pour le succès de la mission qui s'ouvrira dans la paroisse le 15 janvier 1860. « Cette neuvaine a été très suivie, écrit le curé, et, à dater de ce moment, on a beaucoup, prié dans les familles ». La mission connut le plus grand succès. Un mois de prières l'avait préparée et le second dimanche de la Mission les Paimpolais font à Notre-Dame un véritable triomphe. Les vêpres sont suivies « d'une procession extérieure et solennelle en l'honneur de la Très Sainte Vierge ». Au retour, le curé, du haut de la chaire, prononce « l'acte de consécration de la paroisse à Marie ».

Le doyen de cette époque, M. 0llivier, est d'ailleurs un fervent de Notre-Dame. Avant de quitter Paimpol, il intensifia la piété mariale de ses paroissiens et c'est lui qui mit en honneur le titre de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle, vocable attaché à une statue de l'église depuis 1692 au moins, qui éclipsera celui de Notre-Dame de Paimpol bien indéterminé.

Les messes à Notre-Dame de Bonne-Nouvelle augmentent : l'on en compte 2, 3 par semaine, 7 dans la semaine du 13 au 20 décembre 1863.

A partir de 1862, la fête patronale commence par le chant des premières vêpres (tradition conservée jusqu'à nos jours). Dès que les cloches avaient annoncé cette première cérémonie, le travail cessait en ville, les Paimpolais se rendaient à l'église pour les vêpres et la procession se déroulait ensuite à travers les rues brillamment illuminées.

En 1863, Mgr David vient faire sa première visite à Paimpol. Les Paimpolais se préparent à cette venue par une retraite de 15 jours placée sous la protection de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle. « Bien suivie, elle a produit d'heureux fruits ». Le 14 mars, Monseigneur donne la confirmation aux enfants et à une quarantaine d'hommes, jeunes gens ou vieillards, marins pour la plupart. A cette occasion, il bénit une « magnifique bannière » dédiée à la Vierge [Note : Un matelot, à genoux dans le choeur, soutenait la bannière. Des capitaines tenaient les glands, le curé et le Maire la présentaient en tenant la main sur la hampe]. L'après-midi, la procession au port, pour la bénédiction des goélettes, entraîne dans le sillage de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle portée par les marins, « des milliers de personnes » à travers les rues pavoisées. Après son allocution, Monseigneur fit chanter le cantique de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle « préparé pour la circonstance. Le refrain a été répété par la foule avec un entrain à faire couler des larmes ».

Le lendemain, 16 mars, le prélat bénissait la chapelle Sainte-Philomène que venait d'ériger un armateur, M. Allenou, et la première pierre du nouvel hôpital Saint-Joseph tenu par les religieuses de Ruillé [Note : Depuis 1859, une autre Congrégation, la Divine Providence de Créhen, s'était établie à Paimpol].

Mais tout au long de l'année, la dévotion mariale paimpolaise veille et, comme pour symboliser cette piété continue, à partir de 1864, une lampe d'huile brûlera devant l'autel de Notre-Dame, selon l'excellente intention d'une paroissienne qui en assumera les frais.

Pour accroître encore la piété des jeunes filles envers la Vierge et les inciter à pratiquer ses vertus, au mois de février 1865 se fonde l'Association des Enfants de Marie.

« Le culte marial ayant pris de l'extension, Mlle. Adélaïde Bécot eut la généreuse pensée de faire à Notre-Dame le don d'un autel digne de la piété et de la dévotion des fidèles ». Ce magnifique ouvrage en bois sculpté (classé par les Beaux-Arts), de l'artiste Ph. Le Merer, fut béni le 8 décembre 1867 par Mgr David venu présider la fête patronale. On a l'impression que rien n'est trop beau pour les Paimpolais lorsqu'il s'agit de Notre-Dame et, en cette même année, M. Galerne caresse l'espoir de rebâtir l'église « dans un local plus convenable et dans de meilleures conditions d'architecture », car il ne trouve pas l'édifice actuel « digne de la piété et de l'aisance de la population ».

Le culte de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle a donné une telle impulsion à la pratique religieuse que « les confessions sont devenues plus nombreuses ». C'est pourquoi il a fallu créer un second poste de vicaire en 1867.

Tout au long de l'année d'ailleurs, la pensée filiale des Paimpolais remonte constamment jusqu'au coeur de Marie. La Purification est fête chômée, avec offices comme le dimanche. Le second samedi de février, veille du « pardon des Islandais », se célèbre une grand'messe à Notre-Dame de Bonne-Nouvelle. C'est la « messe d'Islande ». Le lendemain, les marins font leurs Pâques et, avec leurs goélettes reçoivent la bénédiction solennelle de la Vierge.

Les messes à Notre-Dame abondent au mois de mai dont la procession de clôture se déroule le soir à travers les rues illuminées. En tête, viennent les personnes en voeu, puis les enfants portant des étendards, les membres de la Congrégation de la Sainte Vierge et les Enfants de Marie, précédant le clergé suivi de la foule.

L 'Assomption et la fête du 8 décembre comportent en outre une offrande de cierges.

Le sanctuaire de Notre-Dame poursuit son embellissement et reçoit à cet effet de multiples dons : vitraux, candélabres, couronnes lumi­neuses, calices, ostensoir, etc.

Dans le dernier quart du XIXème siècle, la vie paroissiale garde sa ferveur et ses habitudes.

Les exercices de Carême comportent tous les soirs de la semaine, à 6 h. 30, la prière en commun et une lecture ; le dimanche, à 6 heures, les prières en breton et un sermon breton.

Les Pâques se portent solennellement aux malades et aux infirmes [Note : En 1878, cet usage fut abrogé par le curé qui déclare au prône du dimanche de Pâques : « Nous croyons savoir que chacun préfère faire sa communion pascale à sa commodité »].

A la Nativité de la Vierge, messes et offices se disent aux mêmes heures que le dimanche.

L 'Avent comporte des prières et une lecture tous les soirs. Dans la semaine du Pardon, précédé d'une retraite de 8 jours au début de décembre, les messes en l'honneur de Notre-Dame se succèdent. En 1875, on peut ainsi dans cette huitaine relever 9 messes à cette intention, soit la moitié des obligations paroissiales, et en 1877, 17 messes.

Le 16 juin 1875, pour commémorer le double anniversaire de l'apparition de Notre-Seigneur à la bienheureuse Marguerite-Marie et de l'élection de Pie IX, le curé consacre la paroisse au Sacré-Cœur dont les offrandes ont permis l'achat d'une statue.

La même année, les fidèles préparent, par des stations en commun et une neuvaine de prières au Sacré-Coeur, les exercices du Jubilé qui permit « plusieurs retours dans le peuple et la classe moyenne ».

La classe riche, par contre, est restée presque indifférente à la grâce du Jubilé. « Nous parlons des hommes, dit le rédacteur, car les femmes, à de bien rares exceptions, ont rempli leur devoir dans les deux communions générales qui ont eu lieu ».

A cette époque, la pêche d'Islande et les commerces qui s'y rattachent apportent aux Paimpolais une grande prospérité. Aussi l'église bénéficie-t-elle de dons et offrandes de toutes sortes qui permettent de multiples acquisitions : un ornement magnifique pour les fêtes du Sacré-Coeur et Notre-Dame, une lampe du sanctuaire (don anonyme de 1.000 fr.), un beau calice avec émaux et pierres, de 850 francs, une paire de burettes de cristal sur un plateau de bronze, 4 grands candélabres en bronze doré pour les grandes solennités (don anonyme), une grande croix dorée, un ostensoir, 5 couronnes, un thabor, un calice en argent. Le délabrement et la misère du sanctuaire au lendemain de la Révolution ont fait place à une certaine richesse somptueuse bien paimpolaise, en cette période d'ardente activité économique pourvoyeuse d'abondance. Et l'embellissement se poursuit. En 1880, on répare et on repeint le lambris ; on débouche la fenêtre du choeur, derrière le maître-autel, pour y placer un vitrail neuf de 2.500 francs. Le remplacement des autres verrières, notamment celle de la chapelle de la Trinité, porte à plus de 10.000 francs la dépense, assurée pour moitié par les dons des fidèles.

Toutes ces restaurations ne peuvent qu'attirer au curé, M. Le Goff, et à ses paroissiens, les félicitations de Mgr. David, lors de sa visite pastorale du 20 février 1881. Il avoue que Paimpol possède l'une des plus riches, églises de son diocèse en objets d'art et il mentionne les peintures de Beauport, le chandelier pascal, l'autel Notre-Dame, la statue du « Sauveur du monde » [Note : C'était une statue en pierre placée à la tribune, d'après un inventaire de 1885], etc. Quatre ans plus tard, Mgr. Bouché, après avoir loué la générosité des fidèles de Paimpol pour toutes les bonnes oeuvres, fera aussi remarquer la richesse de l'ornementation de l'église, fraîche et ornée à l'intérieur comme « une chapelle de communauté ».

Avant son départ de Paimpol, en 1883, M. Le Goff envisageait pourtant encore un projet de maître-autel dont il soumit le plan à Mgr. David.

Ainsi donc les Paimpolais, par leurs soins patients et leur large sollicitude, ont revêtu de beauté leur sanctuaire ingrat qui « ne sera pourtant jamais un chef-d'oeuvre d'architecture » au dire de l'évêque.

En gens pratiques, ils améliorent, autant que faire se peut, le sanctuaire qu'ils possèdent. Ils dorent et fardent son visage intérieur, faute de pouvoir lui donner cette splendeur artistique qui émane de l'harmonieuse construction d'un édifice réalisé selon les exigences de l'esthétique et répondant à toutes les règles de la beauté.

Entre 1880 et 1885, les largesses des fidèles et l'aisance financière de la Fabrique permirent encore d'autres achats : en 1882, maître-autel de Le Merer (4.400 fr.), couronnes et candélabres pour la fête de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle ; en 1883, autel du Sacré-Coeur (3.500 fr.), les stalles (800 fr.). Le curé fut moins bien inspiré en remplaçant, « malgré le mécontentement de certaines personnes », par des statues de Paris, celle de Notre-Dame de Bon-Secours en bois, et celle de saint Joseph qui, à son avis, « n'avaient aucun mérite ».

Enfin, « pour continuer l'oeuvre de l'embellissement du culte, poussée si loin par M. Le Goff », la Fabrique remplaça le parquet du choeur, répara les ornements, remonta la bannière de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle et fit confectionner pour la Vierge « un habillement de soie blanche brodée » pour « le temps ordinaire » [Note : La statue de Notre-Dame comme beaucoup de vierges bretonnes, est revêtue d'une robe. C'est la première fois qu'on trouve mention de cet « habillement » ; sur la bannière de 1863 Notre-Dame ne porte pas ces riches atours. Quant à l'origine de cet usage de vêtir les statues de la Vierge, il viendrait d'Espagne, dit-on communément]. Mais que devient la vie religieuse des paroissiens ?

Le 8 décembre 1879, la paroisse a célébré avec enthousiasme le 25ème anniversaire de la proclamation du dogme de l'Immaculée Conception. « Ce fut un beau jour à Paimpol », commente le chroniqueur qui rend hommage au dévouement, au zèle et à la piété des paroissiens en cette circonstance.

En 1881, se place un fait qui éclaire cette dévotion des Paimpolais envers la Vierge. « Depuis le rétablissement de la solennité de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle (1863), il était d'usage d'allumer un feu de joie la veille de la fête. Pour s'opposer directement à cet usage, la Municipalité républicaine prétexta les dangers occasionnés par un feu sur la place du Martray. Elle ne voulut l'autoriser qu'autant qu'on le fît hors de la ville, c'est-à-dire au Champ de Foire. Blessée dans sa dévotion à sa bonne patronne, la population avec un élan irrésistible se vengea noblement et remplaça le feu de joie par une splendide illumination. Les conseillers municipaux, tout ahuris, ne purent que constater leur défaite et plusieurs n'osant braver l'indignation générale, firent illuminer leurs maisons ».

Paimpol connaîtra d'autres fastes encore.

Dans sa bulle contre la Franc-Maçonnerie, Léon XIII avait engagé les pasteurs à « donner aux fidèles des exercices ordinaires ». Pour obéir à ce voeu, et « diminuer sa responsabilité par rapport à la charge de la paroisse » qu'il venait de recevoir en 1883, M. Le Pivert voulut procurer à Paimpol le bienfait d'une mission de 15 jours, Elle s'ouvrit le 15 octobre 1884 et fut « mise sous la protection de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle dont la statue se trouvait placée au-dessus du maître-autel sous un immense manteau royal » tombant de la voûte.

La première partie de la mission se termina par une communion générale des enfants et une procession de 600 d'entre eux. Au retour, un enfant de 7 ans lut, du haut de la chaire, la consécration à la Sainte Vierge. Le dimanche suivant, la communion groupa 600 femmes environ. Les hommes bénéficièrent de réunions spéciales. On y compta jusqu'à 700 et même 800 présences. Les paroisses avoisinantes en fournissaient un bon contingent, car on venait à ces instructions de 2 à 3 lieues à la ronde. 430 hommes, dont une centaine d'étrangers, firent la sainte communion.

La mission se termina par l'érection, au cimetière, d'une croix en granit, payée par souscription générale de tous les paroissiens, riches et pauvres. La cérémonie du transfert à travers la ville revêtit les caractères d'un véritable triomphe. La croix était déposée dans l'avenue du presbytère sur un brancard de 25 pieds de long. Trois escouades de 40 hommes chacune, portaient à tour de rôle ce brancard sur leurs épaules : « Tous marchaient militairement comme les anciens religieux militaires », ajoute le rédacteur.

Pendant l'arrêt sur la place, eut lieu la bénédiction du Christ, au chant des cantiques et aux cris de « Vive la Croix » poussés par les milliers d'assistants.

De la place, le cortège se rendit au cimetière où l'on éleva le Christ sur la colonne préparée à l'avance. Après le sermon, les acclamations reprirent, suivies dans l'église d'un salut solennel et du Te Deum.

L'année suivante, 1885, sur la demande des armateurs, reprend le pardon des Islandais supprimé par M. Le Goff, curé de 1871 à 1883.

En 1886, trois cloches neuves dédiées à saint Joseph, saint Yves, sainte Anne, viennent s'ajouter à la Sainte-Marie de 1843 et à celle de 1625. L'année s'achève sur le Jubilé du Rosaire par lequel « le Pape a accordé une indulgence à cause des malheurs de la Sainte Eglise ». Placé sous la protection spéciale de la Sainte Vierge, « il a fait un bien sérieux à la population et amené des retours dans les membres de la Société ».

Les offrandes à l'église continuent. On note surtout, en 1887, un don de M. et Mme Le Pesant qui, « pour leur dévotion à la Sainte Trinité et à saint Yves », offrent une splendide bannière de 2.500 francs, destinée à représenter dignement Paimpol aux fêtes de l'inauguration du Tombeau de saint Yves, à Tréguier, en 1888.

En 1891, Paimpol inaugure la solennité de l'indulgence de la Portioncule qui vient de lui être accordée pour 7 ans par le Pape Léon XIII ; la paroisse reçoit en cette même année l'érection canonique de la Congrégation des Mères de Famille de sainte Anne dans la chapelle Saint-Vincent.

La Trinité est reconnue comme titulaire de l'église et le clergé paroissial a l'obligation d'en faire l'octave, avec mémoire à l'office.

Mais les oeuvres de piété ne suffisent plus à cette époque où les luttes scolaires et politiques battent leur plein. L'école des filles, tenue par les religieuses de Ruillé, a été laïcisée depuis 1881, et l'école de l'Asile depuis 1885 [Note : La nouvelle école des filles date de 1907. Entre 1881-1885 et 1907 les Religieuses continuèrent leur enseignement dans des locaux de fortune].

Le 6 septembre 1891, Mgr. Fallières, après avoir confirmé 350 enfants de Paimpol et Kérity, malgré « certaines appréhensions et malgré les orages dont on avait été menacé » [Note : La veille, l'évêque avait fait son entrée dans la ville « avec tout l'éclat possible », alors que du fait des circonstances, il ne voulait « aucun cérémonial »], vient bénir l'école libre des garçons ou Ecole Saint-Joseph. La procession, l'évêque marchant sous le dais, se rendit au nouvel établissement, au milieu d'une population respectueuse et pourtant « si facile à enflammer ». Le discours du prélat, plein d'énergie, d'à-propos et de tact ne provoqua aucun mouvement hostile dans l'auditoire cependant très mélangé.

L'évêque revint l'année suivante à l'occasion du Pardon des Islandais, nouveau triomphe pour Notre-Dame de Bonne-Nouvelle, entourée d'une foule immense [Note : M. l'abbé Godin, doyen d'Albert (diocèse d'Amiens) accompagnant l'évêque assistait à la fête. Il était chargé de la construction de la basilique de Notre-Dame de Brebières. Il va sans dire que les généreux Paimpolais lui remirent leur obole. Le curé de Paimpol lui offrit les armes de la ville en avouant son désir de les voir reproduites dans la basilique « pour sceller l'union qui doit exister désormais entre Notre-Dame de Brebières et Notre-Dame de Bonne-Nouvelle ». C'est en 1906, lors d'un mémorable pèlerinage diocésain, que M. Fromal apportera à Notre-Dame de Brebières le salut de la Vierge paimpolaise. Il était accompagné de son vicaire, de 35 paroissiens et paroissiennes, dont sa mère] et « trônant comme une reine sur les épaules de marins ».

En 1893, une mission de 15 jours prépare le pardon du 8 décembre. On réserva les premiers jours aux enfants dont 700 ou 800 suivirent les exercices et la procession de clôture. Du 30 novembre au 3 décembre, les bretonnants de la paroisse et un certain nombre de fidèles des alentours vinrent suivre les instructions en langue bretonne.

Le 3 décembre, commença, à proprement parler, la mission paroissiale « en langue française qui est la langue la plus en usage dans la localité ». On évalua l'auditoire masculin à 400-500 hommes. Beaucoup de « bourgeois se contentèrent d'assister aux sermons et ne prirent pas d'autre détermination », bien qu'on enregistrât dans cette classe quelques rares retours. Un certain nombre de femmes négligentes dans l'accomplissement de leurs devoirs religieux réformèrent leurs habitudes.

La clôture fut marquée par le transfert solennel au Calvaire du haut de la ville, « d'un beau Christ restauré ou presque entièrement refait ». Un énorme brancard porté par 16 hommes le supportait et « l'élite de la bourgeoisie et de la classe ouvrière » l'entourait ; venaient ensuite un grand nombre de fidèles « bien que ce fût un jour ouvrable ».

A la dernière instruction, le P. Supérieur de la Mission « rappela nos devoirs envers Notre-Dame de Bonne-Nouvelle, notre vénérée et bien aimée patronne » ; parmi ces devoirs, il envisagea « celui de lui édifier un temple plus digne de l'honneur et de la reconnaissance » des Paimpolais.

Deux ans plus tard, le 19 avril 1895, M. l'abbé Henri Fromal, un Paimpolais, né en 1848, reçoit la charge pastorale de sa paroisse d'origine. Sa forte personnalité la marquera, et son tempérament de lutteur va rencontrer de la part des hommes et des éléments des obstacles dignes de lui. Si la fête de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle, en 1895, « a été des plus belles et des plus suivies », le Pardon des Islandais de 1896 ne donne pas satisfaction au nouveau curé. « Depuis quelques années », cette manifestation est devenue « terne » parce que « les principaux intéressés, les armateurs et les marins, n'y prêtent pas un concours efficace ». Il décide aussitôt qu' « il faut une autre réorganisation à cette fête ou ne pas la faire ».

Dès 1897 [Note : C'est en 1897 que la paroisse achève sa formation territoriale. Annexé depuis 1896 à Paimpol au civil, le quartier du Goas-Plat fait désormais partie de la paroisse en 1897. Auparavant, Paimpol avait annexé, en 1836, le triangle Calvaire-Lostang-Chemin Vert, et, en 1843, le quartier de Kernoa], grâce au concours bienveillant de M. Buhot-Launay, maire de Kérity, et président du Syndicat des armateurs, M. Fromal a restauré le traditionnel pardon. « Foule innombrable d'étrangers, procession splendide, cortège imposant de tous les armateurs, de tous les capitaines, plus de 400 hommes d'équipages chantant avec entrain des cantiques bretons et français, foule immense d'hommes et de femmes dans le cortège recueilli et édifiant. Les sapeurs pompiers en armes formant la haie et assurant l'ordre. Jamais de mémoire d'homme on n'avait vu pareil spectacle dans les rues de Paimpol », confie à son cahier de paroisse M. Fromal, qui n'oublie pas de mentionner dans la procession la présence de M. Jean Le Rochais, maire, assisté du Président du Syndicat des armateurs et de M. Pierre Bertho, Président du Tribunal de Commerce. M. Fromal dut être content ce soir-là de ses compatriotes et paroissiens.

Il poursuit sa réforme dans d'autres domaines : en 1898, il fixe à la Semaine Sainte les Adorations paroissiales de façon à fournir aux Paimpolais une retraite préparatoire aux Pâques. Il remet en vigueur un usage abandonné depuis 1878 ; le 20 avril, accompagné du clergé et de nombreux fidèles, il porte processionnellement, à domicile, la communion pascale aux malades et infirmes. « Cette cérémonie des plus touchantes, s'est accomplie dans le plus grand recueillement et aura lieu désormais tous les ans, nous l'espérons » [Note : Cet usage se maintient jusqu'en 1930 environ où il fut supprimé par discrétion, à la demande de certains malades].

A la suite d'incidents, on a supprimé la procession qui avait lieu la veille du pardon du 8 décembre. Du même coup, l'illumination générale de la ville perdait sa raison d'être. Le curé, après avoir modifié les itinéraires des processions, demande aux paroissiens d'illuminer à l'occasion des deux autres processions qui sont maintenues et qui se font à la tombée de la nuit : celle du 31 mai et celle de la clôture de la neuvaine du Choléra. L'innovation a pleinement réussi, écrit M. Fromal, et « ces deux processions des plus édifiantes par le nombre et le recueillement des assistants, se déroulent avec grâce dans nos rues dont toutes les maisons sont illuminées » [Note : Il existe en outre une procession nocturne. Le soir du vendredi saint, on transporte solennellement de l'église au Calvaire un crucifix étendu sur un brancard et placé sous un dais d'étoffe noire. Le cortège avance dans un silence impressionnant, coupé de temps en temps par un verset du Miserere, psalmodié sur un ton spécial vraiment lugubre Cette cérémonie s'appelle « l'enterrement du Bon Dieu ». Anatole Le Braz l'a décrite, d'une façon bien fantaisiste d'ailleurs, dans Pâques d'Islande. Selon M. Guillon, ancien vicaire de Paimpol, cette procession de provenance espagnole (?) fut empruntée à Quintin par M. Moy (curé d'office de Paimpol de 1819 à 1821, puis titulaire de 1821 à 1858) originaire de cette paroisse qui, comme Paimpol, a maintenu cet usage].

Ce XIXème siècle qui a vu la naissance et la croissance de la paroisse se termine sur un grand projet. Le 31 décembre 1899, au prône de la grand'messe, M. Fromal annonce avec joie à ses fidèles que « la réalisation du projet qu'il a conçu de reconstruire l'église était assurée par des sommes importantes souscrites par de généreux paroissiens dont quelques-uns se sont engagés pour 30.000, 10.000, 5.000 fr., etc. Cette bonne nouvelle a réjoui toute la population très sympathique à ce projet ». La souscription étant ouverte, le curé se propose de la faire à domicile et ainsi toutes les offrandes paimpolaises, mêmes les plus modestes, comme l'attesteront ses cahiers de comptes, contribueront à faire surgir l'oeuvre perpétuellement présente à l'esprit de la communauté paroissiale. Notre-Dame de Bonne-Nouvelle aura donc ainsi une église digne d'elle, comme le désirait déjà M. Galerne dès 1867.

Pendant tout ce XIXème siècle, Paimpol a organisé son culte paroissial. La dévotion à Notre-Dame de Bonne-Nouvelle semble s'être accrue et ce vocable a éclipsé celui de « Notre-Dame de Paimpol ». C'est sous ce titre que se déroulent désormais les grandes assemblées religieuses et que s'exprime la dévotion particulière des paroissiens (abbé Jean Kerleveo).

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