Web Internet de Voyage Vacances Rencontre Patrimoine Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Bienvenue !

LA CONSTRUCTION DE LA NOUVELLE EGLISE DE PAIMPOL

  Retour page d'accueil      Retour page "Ville de Paimpol"   

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Paimpol : nouvelle église Notre-Dame

Paimpol : Notre-Dame de Bonne-Nouvelle

   

La paroisse connaîtra hélas ! les luttes antireligieuses dès les premières années du XXème siècle. Malgré les belles fêtes de 1900, 1901, 1902, M. Fromal, à la suite d'un différend avec la municipalité, supprime le pardon des Islandais [Note : Cf. Paimpol au temps d'Islande, tome I, p. 241, note 17. Ce différend fut l'occasion que saisit le curé pour supprimer le Pardon. Malgré ses efforts en effet, depuis 1900, les marins participaient moins à la procession. La Municipalité remplaça le Pardon par une « Fête Laïque des Islandais et du Commerce ». M. Fromal rétablit la solennité à la suite d'un « accord honorablement survenu entre armateurs, équipages et pasteur ». Le Pardon « reparut avec un éclat plus brillant que jamais ». Eloge funèbre de M. Fromal, par Mgr Morelle. Semaine religieuse du 8 février 1918]. Les Islandais partent donc sans la bénédiction solennelle de Notre-Dame. Mais l'église voit toujours se célébrer les messes d'équipage.

L'énergie du curé et des paroissiens évita l'inventaire projeté de 1906.

Depuis le jour où se précisa la menace « d'inventorier le mobilier de l'église par application de la loi néfaste de la Séparation, les portes de l'église, solidement fermées et barricadées, étaient gardées jour et nuit par une troupe de gens dévoués. Le samedi 10 mars, jour assigné pour l'inventaire, une foule de paroissiens, hommes et femmes, s'étaient massés sur l'invitation de M. le Curé, devant l'église soigneusement fermée. A la porte de la rue de l'église, se tenait le curé, une protestation écrite en mains, entouré des membres du Conseil de Fabrique. A 7 heures du matin, se sont présentés M. Y. Le Goaster, adjoint au maire, et M. Lemercier, receveur de l'enregistrement, qui ont sommé le curé de leur ouvrir les portes de l'église. Sur sa réponse négative, ils se sont retirés penauds, sous les huées de la foule criant : " A bas les voleurs ! Vive la liberté ", etc. ». Ensuite le curé a lu sa protestation et remercié les assistants en les encourageant dans leur énergique résistance aux lois spoliatrices.

« Jamais depuis aucun inventaire n'a pu se faire dans l'église de Paimpol fermée et gardée pendant plusieurs semaines encore après cette tentative inutile. Cette vigilance n'a pris fin qu'après la réception par le curé d'un simulacre d'inventaire que le receveur de l'enregistrement a dû faire dans son bureau sur des données qui sont loin d'être exactes si l'on en juge par le contenu de cette pièce mensongère ». Et M. Fromal conclut sa rédaction par cette formule de victoire : mentita est iniquitas sibi.

L'année suivante, 1907, une immense foule accueillait à Paimpol Mgr. Morelle, venu bénir l'école libre des filles, et prendre part à cette fête de famille que fut le Centenaire de Mlle. Bécot, providence des pauvres et insigne bienfaitrice de toutes les oeuvres de la paroisse et du diocèse.

En 1909, le Conseil paroissial approuve le plan et le devis de la future église. Le grand oeuvre que les paroissiens comptent ériger à la gloire de la Vierge va enfin sortir de la terre paimpolaise. Depuis 1908, l'architecte M. Guerranic écrit au curé qu'il veut faire à Paimpol une « oeuvre de coeur ». L'église de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle sera le « couronnement » de sa carrière. Il répétera, le 12 juillet 1909 : « Mon désir depuis longtemps est de couronner ma carrière par ce travail ». Et dans son plan, dit-il, « l'édifice prend un petit air de cathédrale ».

La convention passée entre M. Fromal et l'entrepreneur Canivet, le 22 juillet 1909, prévoit un débours de quelque 228.000 francs, non compris les honoraires de l'architecte.

Pour la construction, on emploiera dans les soubassements la pierre de l'île Grande exclusivement. Le granit de Scaër, dans le Finistère, servira dans les colonnes intérieures, les colonnades, les encadrements des fenêtres, les cordons moulurés, les archivoltes intérieures, les nervures des voûtes, les détails des galeries et des pinacles ; toutes les sculptures seront exécutées en « pierres fines et choisies » de Gourin, dans le Morbihan. La fierté paimpolaise de M. Fromal s'exprime dans ces exigences du matériau et dans la hauteur de l'édifice, à tel point que Guerranic lui écrira : « Quant à l'élancement, je puis vous affirmer que votre église en a plutôt trop que pas assez, surtout à l'intérieur ».

Alors que la convention du 22 juillet 1909 prévoyait pour les travaux un délai de deux ans, et acceptait quatre mois de retard pour la flèche, au mois d'octobre, le Conseil paroissial rejette comme « une folie » la proposition de la maison Hennebique de Nantes d'effectuer des « fondations artificielles » sous l'ancien cimetière moyennant la somme de 65.000 francs. On décide d'abandonner cet emplacement comme impropre à la construction pour lui préférer un terrain dans le haut de la ville.

Les travaux dureront quatre années, de 1910 à 1914 [Note : La bénédiction de la première pierre eut lieu au mois de mars 1910. Cf. Semaine Religieuse du 25 mars 1910].

Dans les premiers jours de janvier 1911, M. Fromal a remarqué une inclinaison du pignon de la chapelle du choeur. Guerranic, qu'il a averti, croit qu'il s'agit d'un tassement normal. Il s'est « fié sur le sol (dont tout le premier vous m'affirmiez la consistance), écrit-il au curé. Ce qui s'est passé me démontre qu'il ne faut pas avoir une confiance trop grande dans la résistance du sol, qu'on ne saurait prendre trop de précautions pour asseoir les fondations ».

Mais hélas ! au début du mois de mars, c'est la catastrophe ! Le clocher s'est affaissé. Guerranic refuse, contre la volonté du curé, de poursuivre plus avant les travaux et surtout de surcharger de la flèche projetée un terrain si douteux. Bien qu'on enregistre un arrêt, peut-être momentané de l'enfoncement, l'architecte n'envisage plus que l'érection d'une flèche en bois sur le transept ou d'une tour latérale.

Cette période de mars à octobre dut être bien douloureuse pour l'orgueil paimpolais de M. Fromal. « Tout Paimpol frémit et le coeur du curé se tord », dira Mgr Morelle dans son éloge funèbre.

Guerranic, malade à ne pouvoir écrire, offre d'abandonner la direction. Il consulte M. Harel, ingénieur en chef des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor), et donne l'ordre non seulement d'arrêter les travaux, mais de consolider. M. Hélary remplace provisoirement Guerranic. De son côté, l'entrepreneur Canivet licencie son personnel à la suite d'un différend avec le curé. Celui-ci refuse le concours de la maison Hennebique pour un contrôle des fondations et menace l'architecte. L'Etat vient en outre de mettre la main sur une somme de 40.000 francs confiée à ses caisses [Note : Et non pas 30.000 comme le dit la Semaine Religieuse du 25 mars 1910. Cf. Paimpol au temps d'Islande, tome II, p., 179, note 64].

M. Fromal n'abdique pourtant pas. Il refuse du verre blanc pour ses vitraux, car « ce sera bien pauvre pour une belle église », et il ne recule pas devant une dépense de 30.000 à 35.000 francs pour ce qu'il appelle « des vitraux d'art » [Note : En se replaçant à l'époque et en tenant compte de ses louables intentions, on lui accordera l'indulgence pour ses prétentions esthétiques].

A la séance du Conseil paroissial, en octobre 1911, le curé expose la situation « telle qu'elle est ».

Dans les premiers jours de mars, on a constaté une inclinaison de la tour, imperceptible à l'œil, mais sensible au fil à plomb. La construction atteint 23 mètres et de cette hauteur à la base du clocher, l'écart est de 6 centimètres. Les travaux suspendus à l'extérieur, se poursuivent à l'intérieur « où quelques piliers avec leurs fondations, refaites par trois fois, ont été commencés ». On a également effectué des joints au ciment dans tout l'extérieur de la longère sud. C'est « au terrain douteux détrempé par les pluies extraordinaires de l'hiver dernier » [Note : Dans le pays de Tréguier, nous avons entendu désigner cette année 1910 par l'expression « blavez an dour bras », « l'année des grandes eaux ». Si l'on en juge par sa correspondance, Guerranic avait pris toutes précautions avant de bâtir sur le nouveau terrain. Le 3 décembre 1909, il demande de faire des sondages, car il ne faut pas que « la couche de bonne argile cache des surprises fâcheuses ». Il ajoute même qu'il conviendrait si possible de creuser un puits. Lettre du 22 décembre 1909 : Guerranic demande à Canivet « de creuser à ses propres frais une tranchée profonde (il souligne ces mots) à plusieurs mètres du clocher. Cette opération, je la recommande pour mon édification et ma tranquillité ». Lettre du 9 janvier 1910. L'ingénieur Harel est venu se rendre compte, « J'ai tout lieu de croire, écrit Guerranic, que son appréciation sera favorable. Les deux principaux entrepreneurs de la région qui ont eux-mêmes bâti sur de l'argile moins épaisse m'ont fortement rassuré ».

Lettre du 26 janvier 1910. « Hier, j'ai reçu la réponse et les calculs de M. Harel. La conclusion est que ce terrain ne doit supporter qu'une charge de 2 k. 500 par cm2, alors que M. Hélary en portait 3. Je prends la moyenne et j'impose au sol une Charge de 2 k. 650 en augmentant la surface du béton. M. Harel trouve que notre oeuvre est hardie et a soin de me déclarer qu'il me donne son avis officieusement sans responsabilité. En cette circonstance, il me semble plus craintif que pour ses propres opérations. Enfin, à la grâce de Dieu. J'espère que les inspirations qu'il m'a envoyées sont bonnes ». Dans sa lettre du 11 mars 1911, Guerranic avoue que les sondages ont été insuffisants] que Guerranic et les compétences consultées attribuent l'enfoncement de la tour.

Outre l'affaissement du clocher, des lézardes dans d'autres parties de l'édifice donnent bien des craintes sérieuses pour la solidité de tout l'ouvrage. De l'avis général, il est plus prudent de démolir la construction tout entière pour la réédifier sur de nouvelles bases d'une sécurité absolue. La maison Hennebique de concert avec Guerranic, a procédé à des sondages. Elle consulte la maison Comprenol de Paris. Celle-ci demande 50.000 francs pour établir des fondations garanties pour dix ans. De l'avis de Canivet, la démolition et la réfection de la construction actuelle s'élèveront à 42.000 francs à forfait. Il faudra y ajouter la détérioration des trois-quarts des matériaux, 1.400 francs pour leur transport jusqu'au champ Moreau (attenant à l'ancien cimetière). « C'est plus de 95.000 francs de dépenses en perspective », écrit M. Fromal. Guerranic, « malade et écrasé sous le poids de son insuccès », malgré pourtant certaines duretés de l'autoritaire curé, lui consent un versement de 54.000 francs, soit 42.000 francs en espèces sonnantes et ses honoraires de 10 à 12.000 francs, mais à condition que le curé « le décharge, lui et ses héritiers, de toutes responsabilités par rapport à l'édifice compromis et lui rende sa liberté sans jamais pouvoir exercer contre lui aucun recours ».

Le Conseil paroissial, la mort dans l'âme, décide de commencer le plus tôt possible la démolition et de reconstruire ensuite sur un fondement plus solide.

Mais la Providence vint enfin au secours des bâtisseurs. Un nouvel architecte, M. Courcoux, succéda à Guerranic et intéressa à l'ouvrage une Compagnie parisienne, la maison Sauvaget et Brice qui, moyennant un prix forfaitaire de 80.000 francs, se chargea de consolider l'édifice à ses risques et périls, en garantissant la stabilité parfaite et en répondant de tous les accidents qui pourraient survenir soit au cours des travaux, soit pendant dix ans après [Note : Au dire de M. Guillou, ancien vicaire de Paimpol, cette Compagnie s'était spécialisée dans la consolidation des immeubles ébranlés par suite du creusement des souterrains du Métropolitain à Paris].

Les Paimpolais purent alors assister à un travail colossal. Il fallut creuser sous le clocher des puits de 16 mètres de profondeur pour y couler du béton, reprendre toute la construction en sous-oeuvre, atteindre le roc, rejoindre les infrastructures par des arcs de soutien, épontiller les 12 colonnes symboliques et enfin, par des coulages de béton, asseoir les fondations et y relier les maçonneries. L'église se plantait ainsi jusqu'au tréfonds de la terre paimpolaise, jusqu'au coeur de l'inébranlable granit paimpolais. L'église était debout et bien qu'elle eût été « la couronne d'épines » de l'architecte qui voulait en faire « le couronnement de sa carrière », bien qu'elle eût aussi apporté à l'énergique M. Fromal des soucis inouïs et à tous les Paimpolais des craintes cruelles, une grande joie remplit le coeur des paroissiens lorsque, le 8 février 1914, Mgr. Morelle vint bénir le sanctuaire que Paimpol élevait à Notre-Dame. Issue de l'aisance qu'avait développée la pêche d'Islande, la générosité paimpolaise avait permis de triompher des obstacles. Tous les paroissiens avaient contribué à l'édification d'un temple digne de la Vierge, digne de leur amour filial, de leur fierté et du prestige de Paimpol, métropole du Goëlo [Note : Libre aux esthètes et aux puristes de critiquer le style néo-gothique qui sévissait à cette époque. L'édifice constitue tout de même un ensemble d'une certaine allure et d'une certaine grandeur. Ce qui surprend un peu, c'est précisément le jaillissement en hauteur du vaisseau et du clocher].

Quelques mois après la bénédiction de l'église, Paimpol, devenue la cité au double clocher, organisait somptueusement un Congrès marial [Note : Eloge funèbre de M. Fromal, par Mgr. Morelle. C'est probablement pendant ce Congrès que se déroula « la grande fête eucharistique », dont de nombreuses cartes postales ont gardé le souvenir]. Puis vint la guerre qui empêcha les grandes manifestations religieuses extérieures des paroissiens mais ne diminua pas la piété qui les conduisait à la nouvelle église, malgré les souvenirs mélancoliques de la douce intimité qu'ils goûtaient dans l'ancien sanctuaire de leur baptême, de leur mariage, de leurs joies et de leurs deuils.

Le 23 janvier 1918, mourait M. Fromal, usé prématurément par les soucis que lui avaient donnés sa construction et le service paroissial très lourd qu'il dut assurer tout seul à partir de 1914.

M. l'abbé Cottin lui succéda et jusqu'en 1929 s'occupa de meubler et d'embellir l'édifice élevé par son prédécesseur. Il le dota de ses cloches actuelles bénites par Mgr. Serrand, le jour du Pardon de Notre-Dame, le 7 décembre 1924. Le mardi suivant, la nouvelle église lança son premier carillon. Les anciennes cloches demeurées dans le vieux clocher, répondirent par leur sonnerie et avant de s'enfermer dans le silence, avant de s'en aller, elles saluèrent ainsi leurs jeunes compagnes qui désormais les remplaceraient et chanteraient par-dessus l'entassement bleuté des toits chaotiques de Paimpol.

M. Cottin parviendra quelque temps plus tard à parachever l'harmonie de la voix de son église en lui donnant ses orgues.

Dans l'euphorie de l'après guerre, la paroisse gardait donc ses habitudes de générosité. La pêche d'Islande pourtant, source des fortunes paimpolaises, ne retrouvait pas sa vitalité d'antan.

A la fin du mois d'août 1927, en réponse à Plounez désireuse de revendiquer pour elle seule l'honneur de compter parmi ses fils Yves Rey de Kervizic qui venait d'être déclaré bienheureux, Paimpol organisa un Triduum de fêtes très réussies.

M. le chanoine Salliou, curé de 1929 à 1942, fervent serviteur de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle, stimula dans la paroisse la dévotion mariale et la piété eucharistique.

Fidèle à la réputation de Paimpol qui met son point d'honneur à organiser ses fêtes religieuses avec splendeur, il réalisa de façon seigneuriale et vraiment paimpolaise, deux grandes manifestations religieuses, qui caractérisent les deux tendances de son zèle pastoral.

Deux ans après le magnifique Congrès eucharistique de 1930 [Note : Ce Congrès, du 26 au 30 juin, rassembla à Paimpol une foule considérable, dont 2.500 enfants pour la journée qui leur était réservée. La décoration des places, des rues et des quais surpassa tout ce qu'on avait vu jusqu'alors. Chaque rue avait choisi une fleur comme motif uniforme. Le Chemin Vert, par exemple, comptait quelque 44.000 roses et l'église à elle seule en était fleurie de 40.000. Paimpol à très juste titre, a la prétention de réaliser des ornementations très belles. Le fameux tapis de fleurs de la Fête-Dieu n'est qu'une jonchée de pétales tout le long du parcours de la procession. A l'église, il faut aussi mentionner les innombrables chrysanthèmes blancs de l'autel de la Vierge pour le Pardon et les hortensias blancs qui s'y épanouissent durant tout le mois de mai. Les Paimpolais n'ont pas encore oublié la vénérable figure de Marie Frémin, dont toute l'année se passait à fleurir le trône de Notre-Dame et ils apprécient de nos jours (en 1945) le bon goût artistique de M. Joseph Bocher, grand maître de la décoration florale de leur église], le Centenaire du choléra de 1832 réunit des foules innombrables autour de NN. SS. Serrand, Tréhiou, évêque de Vannes, Florent de la Villerabel, évêque d'Annecy, de M. le chanoine Le Bellec, archidiacre de Tréguier et du Goëlo, originaire de Ploubazlanec et, depuis 1941, évêque de Vannes [Note : Une plaque commémorative apposée dans l'église garde le souvenir de cette solennité et du renouvellement du voeu de 1832. Elle énumère, après les évêques, les personnalités qui, en cette année du Centenaire, détenaient à Paimpol des fonctions officielles, dont le maire, ses adjoints et les membres du Conseil paroissial. Il y manque le nom du vicaire, M. l'abbé Collet].

Ces festivités permirent de rappeler aux Paimpolais la particulière bienveillance de Notre-Dame pour leurs aïeux cent ans plus tôt et le sanctuaire s'enrichit à cette occasion de son nouveau maître-autel qu'une fois encore les Paimpolais riches et pauvres payaient de leurs deniers. Enfin, la solennité comporta également la consécration de l'église.

Ainsi, par l'onction de l'huile sainte qui marqua ses colonnes de granit, l'antique chapelle de Notre-Dame de Penpoul, embellie tout au long des siècles, construite et reconstruite, devenue enfin une très belle église paroissiale, acquérait sa plénitude dans ces derniers fastes de la piété paimpolaise. Œuvre de mains humaines inhabiles, elle devenait par l'acte solennel de sa consécration la parfaite épouse du Christ, mais aussi le digne piédestal de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle, proclamée à cette occasion co-titulaire du sanctuaire.

Six ans plus tard, en 1938, avec toute la France, Paimpol célébrait par un triduum préparatoire au Pardon, le tricentenaire du voeu de Louis XIII, et « une libéralité exceptionnelle » permettait d'offrir à la Vierge en ex-voto, en cadeau d'anniversaire, une remarquable garniture d'autel en bronze doré, exécutée par l'orfèvre parisien M. Brunet, spécialement pour Paimpol.

De nos jours encore, les paroissiens restent fidèles aux dates qui marquent le calendrier marial. La vie paroissiale célèbre ainsi les grandes solennités de la Vierge, mais aussi les « petites fêtes » par l'assistance à la grand'messe du matin et par de très nombreuses communions, tandis que tous les soirs, depuis 1939, la récitation du chapelet en commun réunit aux pieds de Notre-Dame un groupe plus ou moins compact d'âmes ferventes [Note : La Congrégation des jeunes filles a disparu depuis longtemps, semble-t-il, et l'Association des Enfants de Marie depuis 1936 ou 1937. La Confrérie du Sacré-Coeur assurait, jusqu'à ces dernières années, l'adoration du premier vendredi du mois et celle du Rosaire a été rétablie en 1942-43. Désormais, les nécessités de l'heure orientent les paroissiens vers les mouvements d'action catholique plutôt que vers les associations pieuses. En 1912, M. l'abbé Guillou et M. le Docteur Monjaret fondèrent le Patronage de « La Paimpolaise », dont les gymnastes portent dans leur tenue les couleurs de la Vierge : blanc avec parements bleus].

 

Depuis plusieurs siècles au moins, Notre-Dame règne donc sur son terroir paimpolais. La simple histoire de son culte et de la paroisse que les fidèles lui ont confiée ne permet pas d'évoquer des fastes grandioses, des miracles surprenants, des assemblées de pèlerins innombrables ; Notre-Dame de Paimpol demeure une humble Vierge de la côte bretonne. Il convient cependant de reconnaître cette longue et patiente dévotion que lui ont témoignée les générations successives.

A l'origine, les Paimpolais élevèrent probablement une petite chapelle de dévotion qu'ils remplacèrent aux XII-XIVème siècles par un sanctuaire plus imposant. A trois reprises, les guerres et la Révolution le dévastèrent : chaque fois, les paroissiens reprirent leur sainte besogne. Il y a trente ans, enfin, Paimpol donna à sa Patronne une grande et belle église qui recevait, en 1932, par la consécration sa perfection plénière. Auprès de ce grand œuvre, auprès de cette perpétuelle construction, que de piété encore dans l'embellissement continu, dans l'enrichissement progressif de l'édifice ! Chaque objet, en effet, y représente un acte de foi, une prière ou une action de grâces, comme si l'église devenait une orante de pierre chargée des intentions des membres de la communauté priante qu'est la paroisse.

On rend hommage, à très juste titre, aux bâtisseurs de cathédrales. Ceux qui ont construit, meublé, orné nos innombrables églises, même lorsqu'elles ne répondent pas aux règles de l'esthétique, ne méritent-ils pas aussi quelques éloges ? Il leur a fallu construire, en effet, avec des moyens rudimentaires, avec des disponibilités restreintes, sans aucun espoir de recueillir une once de gloire, mais avec foi, pour faire répéter à ces murailles, à ces clochers, à ces frustes sculptures, à ces oeuvres sans art de pierre ou d'or, de bois ou de marbre, une prière sans fin, figée dans le matériau que leur permettaient leurs ressources.

Que dire alors de tout l'équipement paroissial depuis les calvaires, les chapelles, les écoles, les salles d'oeuvres, etc ?

Ce sont là des manifestations d'une foi vivante, les expressions d'un comportement religieux, c'est-à-dire autant de signes issus d'actes intérieurs, autant de traits qui parviennent à modeler le visage extérieur et local d'un groupement paroissial qui, par ces témoignages physiques, prend possession du sol et projette jusque dans le paysage la richesse de sa croyance.

Au delà de ces actes qui traduisent des convictions et des sentiments, au delà de ce pâle reflet de l'église des âmes, celle-ci conserve mystérieusement ses trésors.

Les vies des Paimpolais sont des vies d'artisans, de commerçants, de marins. Leur paroisse de quelque 2.500 personnes, vers 1945, constitue une modeste communauté qui monte vers son épanouissement par des actions quotidiennes sans éclat. Depuis des siècles, néanmoins, ces fidèles avouent leur piété envers la Vierge par leur souci, jadis, d'être enterrés dans son sanctuaire, par leurs donations multiples, par leur entrée dans les associations pieuses, par leur pratique religieuse, par leur participation au déroulement du culte... On voit par là que leurs destinées forment alors une brassée de pauvres vies humaines écloses sous le sourire de Notre-Dame. Les âmes paimpolaises constituent ainsi une infime société, une parcelle de la vaste chrétienté. Nous n'avons pu glaner que quelques preuves bien rares de ses manifestations collectives, missions, jubilés, fêtes, rites, usages, dévotions, etc., qui expriment, quels qu'ils soient, un profond attachement à la Vierge et proclament la foi et la confiance, la piété et l'espérance, la tendresse et l'amour filial.

Mais l'église des âmes n'a pas livré tous ses secrets, lorsqu'on a fait état de ces tendances qui animent une paroisse.

En dernière analyse qui pourrait d'ailleurs recenser la multitude des actes religieux personnels émanant de la foi, de la charité, de la reconnaissance, de la méditation de chacun ? Qui pourrait décrire les sentiments intimes qui, au milieu des souillures de pécheurs, jaillissent du coeur des paroissiens ? Qui pourrait exprimer la purification progressive, l'amélioration de leurs âmes, l'augmentation de la grâce sanctifiante en elles ? Qui pourrait traduire ces inexprimables valeurs, cet élan qui soulève tout de même des créatures au-dessus de leur médiocrité ?

Comment évaluer enfin l'union familiale des fidèles dans la prière communautaire, dans la pérennité d'une liturgie paroissiale qui rapproche la face d'un peuple de la face de Dieu ?

C'est ainsi, par les efforts multiséculaires des Paimpolais, et par leur piété, que leur paroisse a grandi, qu'elle a embelli son visage matériel et spirituel au fur et à mesure que travaux, sacrifices et prières s'accumulaient. L'église des âmes s'élève comme l'église de granit. Trame patiemment tissée par les pasteurs successifs et par les chrétiens rassemblés autour du clocher et de l'autel, la paroisse est d'un seul tenant depuis la prière de l'enfant jusqu'à l'offrande du donateur, la souffrance du malade, les fonctions sacerdotales du prêtre et son unité se maintient à travers les années qui s'écoulent, à travers les vivants qui remplacent les morts.

Par ses mérites, le groupe humain, cité des corps mais aussi des esprits et des cœurs, fixé dans un lieu géographique, se prolonge enfin dans la lumière de Dieu qui récolte la moisson semée dans les sillons paimpolais. En même temps, en effet, que les corps s'endorment dans la terre paroissiale, l'église spirituelle, dont la même glèbe porte les fondations, voit s'ajouter les unes aux autres, comme des joyaux, les âmes libérées et aimantes destinées à son couronnement dans le ciel. Et la couronne la plus précieuse que Notre-Dame puisse à son tour offrir à Dieu, c'est la couronne des âmes paimpolaises (Paimpol, juillet-août 1945) (abbé Jean Kerleveo).

 © Copyright - Tous droits réservés.