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LE PAGUS RACTER et LE CLOS RATEL

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Les pagi ou pays sont des vestiges d'une organisation politique et sociale très ancienne, généralement antérieure à l'époque gallo-romaine : tels sont, par exemple, le Coglais, le Vendelais, le pays de Retz..

Dans les parties de la province qui ont été peuplées ou réorganisées par des réfugiés venus des Iles Britanniques, aux Vème et VIème siècles, beaucoup de pagi (ou, pour employer le vieux mot breton, beaucoup de pous) remontent seulement au temps de l'émigration. Mais il en est qui continuent sous un nom breton des circonscriptions plus anciennes, car leurs limites ne coïncident pas avec celles des diocèses bretons et de leurs doyennés et archidiaconés ; elles s'écartent davantage encore des circonscriptions créées à partir du Xème siècle par la féodalité. Des renseignements sur ces pagi peuvent être utiles, même lorsqu'ils ne conduisent pas à des notions précises et certaines, comme c'est le cas pour le Pagus Racter

Ce nom apparaît pour la première fois dans la vie de saint Tudual, évêque de Tréguier au Vlème siècle, composée par Louénan dès le VIIème siècle, d'après A. de La Borderie, ou à une date qui ne peut être antérieure au IXème siècle, au dire de critiques mieux informés (A. de la Borderie, Saint Tugdual, texte des trois vies les plus anciennes de ce saint, dans Mémoires de la Société archéologique des Côtes-du-Nord, 2ème série, t. II (années 1885-1887), p. 77-122, 284-365. — F. Duine, Mémento des sources hagiographiques de l'histoire de Bretagne, dans Mémoires de la société archéologique d'Ille-et-Vilaine, t. XLVI (année 1918), p. 303-305), La valeur historique de la prima vita est faible, mais ce texte donne une liste intéressante des pagi que comprenait la Domnonée, sinon au Vème siècle du moins au IXème, au temps de la composition de la biographie. L'auteur raconte en effet que le saint parcourut tous les pays du petit royaume en allant de l'ouest à l'est, qu'il évangélisa le pagum Achimensem (Ach), le Doudur (Daoudour), le pagum Civitatis (Poher), le pagum Treher (Tréguier), le pagum Castelli (Pougastel), le pagum Guoelleou (Goello), le pagum Penteur (Penthièvre), un autre pays de Daudur (Poudouvre), et il termine ainsi son trop bref récit « et inde ad pagum Racter, et invenit multas parrochias... » (A. de la Borderie, Saint Tudual..., p. 84-85). Sauf le « Racter », tous les pays cités ont survécu pendant tout le moyen âge et presque jusqu'à l'époque moderne. Les limites de plusieurs d'entre eux sont bien connues ; on sait que le Poudouvre, qui confinait vers l'est au Racter, était borné de ce côté par la Rance. On pourrait donc penser que le dernier pagus s'étendait depuis cette rivière jusqu'au Couesnon [Note : Tout près du Couesnon, à Sougéal (canton de Pleine-Fougères) existait un terroir ou une maison de Restel ou Retel, cité dans divers aveux du XVIème au XVIIème siècle (Archives d'Ille-et-Vilaine, F 1527 et G paroisses, fonds de Sougéal). C'était un fief infime qui, joint à six autres, rapportait 75 livres par an au seigneur en 1690. Nous ne croyons pas que ce nom ait rien à voir avec celui qui nous occupe, à moins qu'il n'ait été importé à Sougéal par les seigneurs de Restel, les Québriac, originaires de Pleudihen, paroisse comprise dans le Ratel comme il sera dit plus loin. — Restel de Sougéal confinait au village de Lanrigan, dans la même commune, le dernier nom de lieu d'origine bretonne que l'on rencontre en allant vers l'Est], frontière orientale de la Domnonée : il aurait ainsi compris toute la partie septentrionale de notre département d'Ille-et-Vilaine, l'arrondissement de Saint-Malo et toute la partie nord des arrondissements de Rennes et de Montfort, qui — les noms de lieux l'attestent — fut peuplée d'émigrants bretons. Mais les mentions du Racter ou du Ratel fournies par quelques documents ne permettent pas de lui attribuer une aussi grande étendue ; il est probable que ce pagus n'était pas le dernier de la région. Le biographe de saint Tudual a omis de citer le pagus Alet ou Poulet, un des plus connus et des mieux délimités de la Bretagne du Nord ; il a pu en oublier un ou plusieurs autres. 

Le nom Racter ne se trouve que dans l'écrit attribué à Louénan. Il est probable que cette forme n'est pas exacte et que le copiste qui a transcrit au XVIIème siècle le manuscrit de Louénan a lu Racter au lieu de Ratter : cette deuxième forme est moins éloignée des noms donnés au pays dans les documents suivants, les seuls que nous ayons pu découvrir où le pays soit nommé au moyen âge : 

Charte-notice rédigée entre 1076 et 1081 et énumérant les dons faits à l'abbé de Saint-Florent pour la fondation du prieuré de Mezvoit ou de l'Abbaye dans le faubourg de Dol. —Jean et Geduin, seigneurs de Combourg, donnent le droit de panage dans toutes leurs forêts « sive in Ratello, sive in Comburno ». — Les chanoines de la cathédrale Saint-Samson s'associent à une concession faite par leur archevêque, mais ils stipulent que les moines ne pourront, sans leur permission, enterrer dans leur cimetière aucun bourgeois de la ville de Dol ni aucun habitant riche du Ratel (sive ex burgensibus Castri, sive ex optimatibus de Ratel) [Cartulaire de Saint-Florent, dit Livre Blanc (fol. 75), aux Archives de Maine-et-Loire (H 3713) - Dom Morice, Preuves, I, col. 433].

Acte de Henri II, roi d'Angleterre donné entre 1168 et 1173. — Le roi mande à tous ses agents en Bretagne, et spécialement à ceux de Rathel (omnibus ministris suis Britannie et nominatim de Rathel), qu'il a établi en faveur des moines de l'abbaye du Tronchet une foire annuelle de trois jours (Note : L. DELISLE et E. BERGER, Recueil des actes de Henri II, roi d'Angleterre..., Paris, 1916, in-4°, t. I, p. 566 — Dom MORICE, Preuves, I, col. 1049).

Confirmation accordée vers 1180 par Hasculfe de Soligné, seigneur de Combourg et du Ratel (Ratelli), de dons faits aux moines de Marmoutiers dans divers villages à l'est et à l'ouest de Combourg (Dom Morice, Preuves, I, col. 693). 

Chronique de Robert du Mont ou de Torigny. — L'historien rapporte d'étonnants prodiges qui se produisirent dans le Retel (in Retello... in Rethel) en 1162 et en 1164 : des pluies de sang tombèrent, du sang jaillit d'une fontaine (Chronique ... Edition L. Delisle, t. I, p. 339, 354). 

Le Philippide de Guillaume le Breton. — Au VIème chant, le poète reproduit un long et pompeux discours prononcé à Tours en 1202, par Artur de Bretagne ; le jeune duc, voulant persuader à ses partisans d'attendre des renforts avant de risquer une attaque en Poitou contre son oncle Jean sans Terre, énumère les ressources énormes dont disposait son oncle, le roi d'Angleterre, duc de Normandie : « La terre de Beauce se jaunit de moins d'épis chargés de grains au temps de l'automne, le pays d'Eu se réjouit moins de ces pommes dont les Normands font une agréable boisson, les rochers de Cancale sont battus de moins de coups par les flots de la mer, que la Normandie ne fournit à ce roi de combattants... ; déjà il s'est emparé de Dol et a fait mettre à mort ses défenseurs, puis il a dévasté tout le pays depuis le Restel jusqu'à Rennes » (Inde ahiens totam patriam vastavit ab usque Restello donec Redonem inveniatur (Recueil des Historiens de la France, t. XVII, p. 190) — Cette incursion de Jean sans Terre, qu'il ne faut pas confondre avec celle do 1203, n'a pas été mentionnée par les historiens bretons).

De ces trop rares mentions on peut conclure que le Ratel était le pays qui comprenait la paroisse de Plerguer où fut fondée, au XIIème siècle, la petite abbaye du Tronchet, mais qu'il ne comprenait ni la ville de Dol, ni Combourg et sa baronnie. On sait, d'autre part, qu'il confinait à l'ouest au Poudouvre. Les éditeurs de la Chronique de Robert de Torigny et de la Philippide dans le Recueil des historiens de la France, ont été bien mal inspirés lorsqu'ils ont placé Ratel et Restel à Retz et au Relecq (Recueil des Historiens de la France, t. XIII, p. 307-309, et t. XVII, p. 190). Arthur de la Borderie, l'éminent historien breton, a reconnu que le Racter ou Ratel devait être cherché dans la région de Châteauneuf : « Par conjecture, comme dans l'énumération de Louénan, il (le Racter) fait suite au second Daoudour, c'est-à-dire au Poudour, qui allait jusqu'à la Rance. On peut croire que le pagus Racter ou Ratel bordait cette rivière, sur la rive droite, en face du Poudour, et s'étendait de là vers Dol et Combourg ; dans ce cas son territoire aurait répondu plus ou moins exactement à celui qui forma la vaste seigneurie de Châteauneuf-de-la-Noë ; dont on ne trouve le nom que beaucoup plus tard. Simple conjecture, bien entendu » (Les trois vies anciennes de saint Tudual ..., p. 305). 

L'hypothèse de l'historien est en grande partie exacte, bien que le Ratel ne comprit pas, comme il le croyait, toute la baronnie de Châteauneuf. Les paroisses septentrionales faisaient partie du Clos-Poulet, mais quinze paroisses situées au sud formaient le Racter ou Restel devenu au XVIème siècle le Rastel et au XVIIIème siècle le Clos-Râtel. En effet, le mot Ratel si rarement employé par les chroniqueurs et les rédacteurs d'actes des régions voisines, conserva à Châteauneuf une sorte d'usage administratif parmi les agents de la baronnie. Ce nom désigne, par opposition au Clos-Poulet, une section de la seigneurie dans un aveu rendu le 1er mai 1542 au dauphin-duc de Bretagne, par Suzanne de Bourbon, tutrice de son fils mineur, Claude de Rieux (Archives d'Ille-et-Vilaine, série E, fonds Baude) ; il fut constamment employé jusqu'au 10 janvier 1790 par le greffier de la juridiction dans les comptes rendus des plaids-généraux de la sénéchaussée seigneuriale, qui étaient tenus tous les ans vers la mi-janvier (Archives d'Ille-et-Vilaine, série B. Registres des audiences de la juridiction de Châteauneuf depuis 1720. Le nom du Clos est écrit indifféremment Ratel et Rastel). Le Ratel, dénommé Clos-Ratel par une sorte d'assimilation peu justifiée au Clos-Poulet (Note : Le Poulet était clos par le marais, la mer et l'estuaire de la Rance sur presque tout son pourtour. Le Ratel n'avait de limite bien nette qu'à l'Ouest. Les greffiers attribuaient au Clos Poulet les fiefs des paroisses de Châteauneuf, Saint-Suliac, Saint-Père, Saint-Servan, Paramé, Saint-Jouan, Saint-Coulomb, Cancale, Saint-Méloir, Bonaban et Saint-Guinou), comprenait les paroisses suivantes : Pleudihen, Miniac-Morvan, Plergner, Tressé, Lanvallay, Saint-Solain, Tressaint, Plesder, Saint-Pierre-de-Plesguen, Pleugueneuc, Saint-Helen, Evran, Trévérien, Saint-Judoce et Saint-Tual. Le nom de cette dernière paroisse, la plus méridionale du Clos-Ratel, paraît rappeler les pérégrinations évangélisatrices die saint Tudual au VIème siècle. Il serait imprudent d'affirmer que le Clos-Ratel, décrit dans les documents de la seigneurie de Châteauneuf représentait exactement tout l'ancien pagus Racter : ces documents n'avaient pas à citer des paroisses telles que Roz-Landrieux, Baguer-Morvan et Lanhélin où le baron de Châteauneuf n'avait pas de vassaux. Nous ne croyons pas cependant que le Ratel ait jamais formé un territoire beaucoup plus vaste que le groupe de paroisses énumérées ci-dessus [Note : L'abbé Duine n'a pas étudié la signification géographique du terme Ratel, mais sur une carte des environs de Dol, il applique ce nom à une région qui aurait compris les paroisses de Baguer-Morvan et de Bonnemain. (J. Allenou et F. Duine, Histoire féodale des marais, territoire et église de Dol, dans Annales de Bretagne, Rennes. 1917. ln-8° : la carte ne se trouve pas dans les Annales de Bretagne, t. XXXII-XXIII, où cette étude a été d'abord publiée]. Ce territoire correspond bien à ce que les documents du moyen âge nous apprennent.

La composition de ce groupe de paroisses fait comprendre aussi que le Ratel n'ait pas formé un district très caractérisé, qu'il n'ait pas eu la même vitalité que le Poulet, voire même que le Poudouvre, et que son nom ait été si rarement cité. Il n'avait pas de frontières naturelles, sauf à l'ouest. Il était partagé entre deux diocèses : Evran et Trévérien dépendaient de Saint-Malo ; les autres paroisses appartenaient à Dol. Il ressortissait en partie à la sénéchaussée de Rennes et pour le reste à la sénéchaussée de Dinan. Il renfermait un grand nombre de fiefs qui relevaient de seigneuries situées en dehors de ses limites, car dans plusieurs de ses paroisses, Plerguer, Tressaint, Saint-Tual, le domaine soumis au baron de Châteauneuf était très peu étendu. Il n'avait pas de lieu de marché ni de capitale : on ne peut attribuer cette qualité à Châteauneuf comme le suggérait, A. de La Borderie. Châteauneuf, qui était en dehors des limites du Ratel, avait été créé bien des années après le temps de saint Tudual et de Laouénan : l'exiguïté du territoire paroissial — 139 hectares, — le vocable de l'église — saint Nicolas, — le nom primitif, Caslellum de Noes (Note : Le nom de Châteauneuf de la Noe devait être à l'époque romane Châteaunoe ou Châteaunoue), attestent que cette bourgade est née comme tant d'autres au temps de l'établissement du régime féodal, au XIème ou au XIIème siècle. Elle s'était formée autour du château-fort bâti sur l'isthme qui sépare du marais de Dol les noes de la rive droite de la Rance, et unit le Clos-Poulet à l'intérieur du pays. 

Le Ratel tirait peut-être son nom d'une localité située dans la région de Pleudihen où ce nom désignait encore, au XVème siècle, une, certaine partie de la paroisse [Note : Le bailliage de Rastel est mentionné dans un aveu rendu en 1474 par Guillaume de Rieux (Archives de Loire-Inférieure, B 2105)] ; la localité a disparu ou a changé de nom ; elle n'est pas devenue le siège d'une paroisse ni d'une seigneurie féodale. Le pagus a été morcelé probablement à l'époque de la constitution du diocèse de Dol ; l'évêché de Saint-Malo conserva les paroisses méridionales, mais abandonna toutes les autres au siège voisin. Sauf à Châteauneuf, on perdit le souvenir de la circonscription supprimée qui s'étendait depuis l'isthme de Châteauneuf au nord jusqu'à la rivière de Linon au sud et qui était bornée à l'ouest par la Rance et, à l'est, avec moins de précision, par les vallées des petits ruisseaux du Bié-Jean et du Boutier (H. Bourde de la Rogerie).

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