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LA CHAPELLE NOTRE-DAME-DES-ANGES D'ORVAULT

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Notre-Dame-des-Anges en la paroisse d'Orvault, près de Nantes.

Le culte de la Sainte Vierge fut, dès les âges les plus reculés, en grand honneur au pays nantais ; innombrables sont les paroisses où se dresse un temple dédié à la Mère de Dieu. Quelle séduisante occupation ce serait que de publier pour notre diocèse un Mois de Marie, où l'auteur raconterait chaque jour l'histoire de quelques-uns de ces sanctuaires ! Mais pour mener cette tâche à bien il serait indispensable d'être abondamment renseigné sur chacun de ces pieux monuments, et c'est faire oeuvre utile que de faciliter ce travail au futur narrateur quand l'occasion s'en présente.

Mû par ce sentiment confraternel, je veux faire sortir d'une trop longue nuit, à l'aide du registre paroissial d'Orvault [Note : M. l'abbé Hémery, vicaire à Orvault de 1841 à 1855, puis curé de Pouillé, fut un archéologue enflammé, un travailleur inlassable. Lors de la destruction, en 1851, de la vénérable chapelle de Notre-Dame-des-Anges, il pousse des cris lamentables ; il avoue qu'une restauration est presque impossible, mais il déclare à plusieurs reprises, en un style ardent, que jamais il ne se consolera de la disparition de l'antique sanctuaire. L'abbé Hémery eut l'heureuse idée de reproduire sur un gros registre les principales pièces des archives paroissiales et de les corroborer par les traditions locales : c'est de ce précieux volume — mis fort gracieusement à ma disposition par M. l'abbé Mainguy, curé d'Orvault — que je tire les éléments de la présente monographie], la naissance lointaine et la vie mouvementée d'une chapelle fort populaire dans notre contrée, de Notre-Dame-des-Anges.

Il me semble nécessaire de rappeler, avant d'entrer dans le vif du récit, l'origine de ce vocable spécial.

Vers le début de sa laborieuse carrière, saint François d'Assise rebâtit plusieurs églises, entre autres, près d'Assise, Notre-Dame-des-Anges, ainsi nommée, depuis le VIème siècle, à cause des apparitions angéliques qui s'y produisaient. Dans la vie de François cet oratoire joua un rôle prépondérant qu'il serait oiseux de redire ici : je noterai seulement, car c'est un point capital, que le saint d'Assise obtint du pape Honorius la faveur extraordinaire d'une indulgence plénière, dite « indulgence de la Portioncule », pour toute personne qui, s'étant approchée des sacrements de Pénitence et d'Eucharistie, visiterait Notre-Dame-des-Anges.

Ce privilège insigne fut d'abord exclusivement attaché à la chapelle restaurée par saint François ; les Souverains Pontifes l'étendirent par la suite à de nombreux sanctuaires, et actuellement il existe des milliers d'endroits où l'on peut gagner la Portioncule.

De tous les prêtres qui ont exercé le saint ministère dans la paroisse d'Orvault, le premier dont le nom nous ait été conservé est Jean Bernard, né au village de la Grée, près du bourg. Nommé recteur en 1400, il exerça cette charge au moins jusqu'en 1436. La cure était alors très pauvre et Jean Bernard de la Grée eut la pieuse inspiration de léguer à ses successeurs quelques pièces de terre lui appartenant en propre et attacha à cette libéralité posthume l'obligation perpétuelle de plusieurs messes.

Cette fondation fut des plus utiles aux recteurs suivants, mais un monument, beaucoup plus précieux encore, contribua à rendre la mémoire du vénérable pasteur infiniment chère aux habitants d'Orvault, je veux parler de l'érection de Notre-Dame-des-Anges.

Lorsque les Religieux de saint François vinrent s'établir à Nantes, ils y répandirent le culte cher aux habitants du pays d'Assise. Pressé du désir de faire participer ses paroissiens à une faveur si remarquable, M. Bernard de la Grée résolut d'édifier une chapelle sous le vocable de Notre-Dame-des-Anges. Le lieu qu'il choisit est situé à un kilomètre environ du bourg sur le chemin de la Pâquelais, alors très fréquenté, car c'était la seule route suivie pour se rendre de Nantes à Redon. Les fondements de ce sanctuaire furent jetée en 1436 ; son architecture n'avait rien de remarquable ; mais, ce qu'il est essentiel de mettre en lumière, c'est que le zélé recteur le bâtit sur le même plan et avec les mêmes dimensions que la chapelle de saint François près d'Assise ; elle mesurait 36 pieds 8 pouces de long, sur 17 pieds 5 pouces de large ; la façade était surmontée d'un petit clocher en pierre de 8 à 10 pieds de haut ; or, si l'on ouvre le Dictionnaire des pèlerinages (Encyclopédie Migne) on y lit à la description de la chapelle chère à saint François : « Elle avait 17 pieds de large sur 37 de long ; au-dessus du pignon antérieur une petite tour carrée haute de 8 pieds ».

Comme missire Jean Bernard avait pourvu son cher petit temple de tous les objets nécessaires, pendant une centaine d'années on ne trouve sur ce chapitre aucune note d'entretien ou de réparation. Au commencement du siècle suivant, la vétusté se faisant sentir, les zélés paroissiens voulurent à l'envi remplacer les choses hors d'usage. En 1527, Jeanne Main, dame de la Bussonnière, donna un calice ; en 1531, Guillaume Thomaré offrit une nappe d'autel ; la même année des burettes furent le cadeau d'une personne tenant à l'anonymat ; les propriétaires de la Grée, parents et héritiers du fondateur, firent présent d'une magnifique chapelle garnie. Enfin, en 1547, les seigneur et dame du Plessis-Tourneuve se signalèrent par le don d'une robe, de guimpes et de tout l'ensemble des habillements nécessaires pour orner, selon le goût du temps, l'image de la Vierge.

Les offrandes, fort considérables, appartenaient aux recteurs d'Orvault, comme le constate une déclaration de Gilles de Beauveau, évêque de Nantes, faite par devant les commissaires députés par le Roi pour la confection du papier terrier en 1683.

Le désir de partager cette prébende fut sans doute ce qui engagea les seigneurs d'Orvault à prétendre au titre de fondateur ; ils tentèrent des démarches actives, mais restées vaines, devant la cour des regaires.

Pour couper court à ces velléités d'empiétement, les marguilliers appelèrent de Nantes, en 1603, des notaires royaux pour entendre sur ce sujet les dépositions de plusieurs notables de la paroisse. Cet acte notarié, qui réduisit à néant les prétentions des seigneurs d'Orvault, était conservé dans les archives paroissiales. La voici les passages essentiels :

« … Messire Mathurin Hubert, prêtre, âgé de 45 ans, demeurant au bourg d'Orvault … dépose qu'il a été et va souvent en la chapelle appelée vulgairement la Chapelle des Anges, et auroit vu et lu dès l'an mil cinq cent quatre vingt cinq, et du depuis, au vitrage de ladite chapelle, dans la grande vitre du grand autel d'icelle, en grosses et anciennes lettres gravée où sont ces mots écrits : L'an iiijc xxx vi fut auteur de celle chapelle de Notre Dame des Anges, Messire Jean Bernard de la Grée Recteur de St Liger d'Orvault, et au-dessus et joignant ladite écriture est le portrait étant à genoux et à mains jointes dudit Messire Jean Bernard, lequel portrait le représente vieil et chenu et au bout desdits portrait et écriture sont audit vitrage deux écussons dont les armes ne se peuvent bien connaître, fors que dans un d'iceux écussons, le prochain dudit portrait, il y a une barre en travers avec un petit croisant dans ladite barre… ».

Les autres témoins s'exprimèrent tous dans les mêmes termes.

La prudence des marguilliers fut loin d'être inutile. Quelques années après, messire Guillaume Le Marié, sieur de la Garnison, voulut s'arroger à son tour le titre de fondateur de la fameuse chapelle qui se trouvait enclavée dans ses terres ; mais les armes de Mgr de Malestroit, évêque de Nantes à l'époque de la construction du sanctuaire, qui étaient placées dans la fenêtre du côté méridional, et celles de Jean, cardinal de Lorraine, évêque de Nantes, qui se voyaient encore dans un des coins du grand vitrail du fond, contrecarraient ses prétentions.

Avant de faire aucune démarche il était opportun d'anéantir ces signes génants ; en juin 1615, le sieur de la Garnison fit enlever secrètement le portrait de Jean Bernard de la Grée, l'inscription qui l'accompagnait et les deux écussons épiscopaux.

Le 16 juin 1615, lors de la reddition des comptes de fabrique, les marguilliers sortants signalèrent les déprédations commises à Notre-Dame-des-Anges et il fut enjoint aux marguilliers entrants de faire une enquête soigneuse et de fulminer un monitorial.

Aucun résultat ne sortit de ces mesures terribles, lorsque, trois ans après le mystérieux événement, en juillet 1618, le sieur de la Garnison fit réparer à ses frais les vitraux brisés ; mais, à la place du portrait et de l'inscription, l'ouvrier plaça du verre blanc.

Le recteur et les notables, fort surpris de la générosité inattendue de Guillaume Le Marié, qu'ils ne connaissaient guère jusque là que pour des procès suscités par lui à propos de vétilles, flairèrent quelque mauvaise intention de sa part et, pratiquant le timeo Danaos vel dona ferentes, ils inscrivirent sur leur registre, lors de la reddition des comptes, le 1er août 1618, la déclaration suivante :

« A l'endroit de la tenue des présents comptes a été remontré par plusieurs paroissiens de cette paroisse que puis un mois Guillaume Le Marié sieur de la Garnison auroit fait racoustrer la grande vitre du grand autel de la Chapelle des Anges, en cette paroisse, en laquelle vitre, du costé de l'Evangile ils ont vu de tout temps immémorial gravée et taillée à garniture de plomb un vieil et ancien portrait fort antique, représentant un Recteur qui étoit autrefois de cette paroisse, étant à genoux et les mains jointes, des deux côtés duquel portrait étoient escripts ces mots, en grosses et antiques lettres : L'an mil quatre cent trente six fut auteur de cette chapelle de Notre Dame des Anges, Messire Jean Bernard de la Grée, recteur d'Orvault, lequel portrait et escripture qui s'entretenoient ont été levés et ostés par le vitrier qui a racoustré ladite vitre ; et au lieu de remettre ledit portrait et escripture y a minps (mis) seulement du voisre (verre) blanc, ce qui porte grand préjudice, même que depuis ledit temps il a été minps deux nouveaux écussons environ le milieu de ladite vitre ; c'est pourquoi lesdits paroissiens font ladite présente déclaration pour leur servir et valoir ce que de raison ».

La ruse du sieur de la Garnison était éventée : il se le tint pour dit.

En 1683 le seigneur d'Orvault mit tout en oeuvre pour se faire reconnaître comme fondateur de Notre-Dame-des-Anges ; mais il échoua radicalement devant la cour des regaires qui s'appuya sur la déclaration précise et formelle de l'évêque Gilles de Beauvau.

Les recteurs d'Orvault restaient donc en possession de leurs droits et les quelques tentatives faites ultérieurement pour les en dépouiller eurent le même sort que celles dont nous venons de parler.

Ces discussions, financières ou honorifiques, ne nuisaient en rien à la dévotion des fidèles. Notre-Dame-des-Anges était fréquentée par de nombreux pèlerins des paroisses voisines. Missive Mathurin Hubert, prêtre d'Orvault, assure, dans un acte notarié conservé aux archives, qu'il y allait souvent célébrer le Saint Sacrifice pour les pieux voyageurs. Beaucoup de processions, dont le nombre s'accroissait sans cesse grâce à de chrétiennes libéralités, se rendaient chaque année de l'église paroissiale au sanctuaire de la Sainte Vierge : on en voyait le jour de la Saint-Marc, le lundi des Rogations, le jeudi de la Fête-Dieu, le jour de l'Assomption, le mardi des féries après Pâques, le jour de la Visitation (2 juillet), le jour de la fête de Notre-Dame-des-Anges (2 août), le jour de la Saint-Michel et à la fête de saint Pierre-aux-Liens, et enfin à toutes les fêtes gardées de la Sainte Vierge.

Mais de toutes ces processions la plus célèbre était celle du lundi de la Pentecôte : ce jour-là un nombre prodigieux de pèlerins se rendaient à Notre-Dame-des-Anges de tout le pays d'alentour ; le clergé et les fidèles d'Orvault s'y transportaient pour y chanter solennellement la Sainte Messe ; et tous consacraient ensuite le reste de la journée à satisfaire leur amour pour Marie dans son oratoire privilégié.

Bientôt les petits merciers de Nantes et des environs, attirés par l'espérance du gain, vinrent présenter aux fidèles divers objets de dévotion que l'on achetait avec empressement ; et après les avoir fait bénir par le recteur, sur l'autel vénéré de Notre-Dame-des-Anges, on les emportait avec respect et on les conservait avec soin, comme un souvenir précieux du pèlerinage.

Les hôteliers, de leur côté, s'empressaient d'offrir aux étrangers nourriture et rafraîchissements ; on commit d'abord quelques excès, peu à peu les abus augmentèrent et, à la fin, l'accessoire l'emportant sur le principal, le pèlerinage dégénéra en partie de plaisir pour toute la jeunesse du voisinage.

Jusqu'à la Révolution il fut toujours très fréquenté.

M. Lemarié, nommé curé en 1803, se trouvant seul pour desservir la paroisse, ne pouvait plus se rendre à Notre-Dame-des-Anges le lundi de la Pentecôte pour y célébrer la première messe et les pèlerins devaient assister aux offices dans l'église paroissiale.

Les aubergistes profitèrent de cette situation pour accroître leurs bénéfices ; des joueurs de violon furent appelés de Nantes et même de Vertou pour attirer de plus en plus la jeunesse ; l'antique pèlerinage fut entièrement abandonné et remplacé par l'assemblée qui depuis la Révolution seulement [Note : Nous tenons ces détails, dit l'abbé Hémery, du père François Choimet de la Montéguère, et de la veuve Hauray, des Anges] se tient toujours très exactement au bourg le lundi de la Pentecôte. Les jeux, les danses, les chants profanes se substituèrent aux processions et aux cantiques [Note : On sait, grâce aux précieuses découvertes de M. l'abbé Durville et de M. P. de Berthou, que la célèbre assemblée du lundi de Pâques sur la route de Paris, aux portes de Nantes, dite Assemblée des Œufs ou de la Saint-Agapit, est issue d'une réunion purement religieuse. Voici que la même remarque s'impose pour l'assemblée d'Orvault du lundi de la Pentecôte. N'y aurait-il pas une étude suggestive à écrire sur l'origine chrétienne de la plupart de nos assemblées laïques ? G. W.].

« On y vient chaque année de tous les environs et parfois de plus de quinze lieues pour y gager des domestiques, écrit l'abbé Hémery ; ceux qui désirent entrer en condition se tiennent autour de l'église dans l'enclos de l'ancien cimetière avec un bouquet ou quelques feuilles d'arbres, au côté pour les filles, au chapeau pour les garçons ».

Curieux de savoir ce qu'il était advenu de cette coutume depuis un demi-siècle, j'ai interrogé un habitant du bourg dont l'intelligence et l'expérience m'offraient toutes garanties ; voici ce qu'il m'a appris. Il n'y a pas plus d'une vingtaine d'années (vers 1883), il se consommait au moins 20 barriques de vin ; actuellement la gagerie n'est plus guère qu'un souvenir ; il vient encore un certain nombre de jardiniers et autres patrons pour trouver des serviteurs, mais ces derniers font presque totalement défaut. Dès 8 heures du matin, tout est terminé. Dans la journée et la soirée des danses sur la route s'organisent au Pigeon-Blanc, au Croisy et aux Pavillons-Doré.

Les nombreuses processions à Notre-Dame-des-Anges entretenaient dans le coeur des paroissiens un amour ardent pour la Sainte Vierge. Ainsi, par son testament fait en 1648, Philippe Poictery ordonne que son corps « soit ensépulturé dans l'église d'Orvault au lieu où ont été enterrés ses ancêtres … et que il soit dit six messes en la chapelle des Anges incontinent après son deceix ».

Messire Michel Deluen, recteur d'Orvault de 1650 à 1673, voulant donner un nouvel élan à la dévotion de ses ouailles pour la Mère de Dieu, eut l'heureuse inspiration d'ériger une confrérie en l'honneur de Notre-Dame-des-Anges ; les statuts, rédigés, par lui et dont une partie considérable nous a été conservée, furent soumis en 1660 à l'évêque de Nantes, et, le 5 juillet, le zélé pasteur eut la fortune de recevoir une approbation entière de Messire Georges Arnaud, vicaire général de Mgr de Beauvau.

Le prévôt devait tenir deux registres, l'un pour l'état des recettes et des dépenses de la confrérie, l'autre pour l'inscription des noms des confrères ; le premier a, par malheur, été perdu, et, du second, M. l'abbé Hémery n'a retrouvé que deux feuilles détachées où il a relevé ces quelques noms : Charles du Pé, seigneur d'Orvault, damoiselle Claude de la Ramée, prévôte et la greffière d'Orvault, Claude Guischard, Claude de la Ramée, Catherine Redor, Catherine Barret, Catherine Guérineau, Denis Duval, prêtre, prévôt, Dominique Laforêt, Denis Bureau, Guillaume Bodard, sr. du Fresne, Mre. G. Bunel, vicaire à Orvault, prévôt, Mre. Gabriel Bourget, vicaire à Orvault.

Dans le cours de l'année 1673, Madame d'Orvault, qui, très probablement, faisait partie de la confrérie, donna à Notre-Dame-des-Anges une cloche qui fut baptisée avec une grande solennité et dont voici l'inscription : PARRAIN ET MARRAINE MESSIRE MATHURIN DELUEN, SIEUR DU PAS-DURAND, RECTEUR D'ORVAULT, HAUTE ET PUISSANTE DAME PRUDENCE BOUTIN, COMPAGNE DE MESSIRE CHARLES DU PÉ, CHEVALIER SEIGNEUR D'ORVAULT … LA SALLE ET LE PLESSIS-TOURNEUVE. Et plus
bas : FAIT PAR MOI JEAN NIGET 1673.

Cette cloche sonna jusqu'à la Révolution ; elle fut alors descendue à temps et cachée dans un jardin ou dans la fontaine près de la chapelle par le père Hauray, des Anges. Après la tourmente, la cloche fut portée à l'église paroissiale où elle servit jusqu'en 1819, année où l'on acheta deux cloches ; elle fut alors replacée dans la petite tour de Notre-Dame-des-Anges où elle demeura jusqu'au jour de la démolition de l'ancienne chapelle ; le 4 juin 1851, elle fut descendue de nouveau et transportée à la cure où on la voit encore en 1903.

Dès 1604, deux couvreurs, Guillaume Jallet et Jacques Agaisse, s'étaient chargés d'entretenir en bon état la couverture de l'église et de la chapelle moyennant une glèbe (quête de grain) qu'ils feraient chaque année dans la paroisse : ces braves gens furent d'une exactitude scrupuleuse pour la quête, mais ils négligèrent les réparations promises à tel point que, sur la fin du XVIIème siècle, l'archidiacre de la Mée étant venu faire la visite de la paroisse, interdit l'exercice du culte dans la chapelle délabrée.

Messire Louis Lair, alors recteur d'Orvault, entreprit de la restaurer ; mais, afin de sauvegarder les droits rectoraux si souvent discutés, il réunit les notables et il fut résolu qu'avant de rien démolir on ferait une inspection très exacte des lieus pour constater l'état des armoiries, inscriptions, etc., des vitraux afin des les rétablir identiques. La délibération du 10 juin 1703 sur ce sujet nous a été conservée. Je n'en reproduirai que quelques lignes du début où l'on rencontre des expressions curieuses.

« ....devant moi Guy Oger, notaire des cour et juridiction d'Orvault.... étant à mon tablier au bourg d'Orvault, ont comparu René Davy et François Limon.... lesquels m'auroient prié et requis me vouloir transporter sous le chapitreau de ladite église … ».

La restauration fut faite immédiatement, mais aussi mal que possible : la grande fenêtre ogivale qui ornait le fond du sanctuaire fut remplacée par un misérable œil-de-boeuf de 2 pieds de diamètre environ ; les vitraux peints, les armoiries, les inscriptions disparurent ; les deux fenêtres latérales ne conservèrent aucun caractère architectural et l'on n'y observa même pas la régularité et les proportions. Au bas de la fenêtre du côté de l'Evangile on avait laissé une petite ouverture en forme de grotte, aussi irrégulière que la fenêtre elle-même, et l'on y avait placé une petite statue ridicule de la Madeleine couchée dans cette grotte en travers de la fenêtre.

En dépit du goût exécrable qui présida à ce travail, le temple se trouvait de nouveau en bon état, l'interdit fut levé, processions et pèlerinages recommencèrent.

Il semble que le Bon Dieu fut mécontent que l'on eût traité si mal une chapelle si chère à sa Mère, car, ce qui ne s'était jamais vu depuis la construction du sanctuaire et ce qui ne s'est jamais vu à Orvault depuis cette époque [Note : C'est une croyance invétérée, et basée sur les faits, dans la paroisse d'Orvault, que jamais un orage n'y cause de mal, que jamais une récolte n'y est détruite, grâce à la protection de Notre-Dame-des-Anges], un ouragan épouvantable fit des ravages affreux dans la paroisse, en 1751 ; un grand nombre d'arbres furent déracinés, entre autres un beau cormier qui en tombant endommagea beaucoup la couverture de Notre-Dame-des-Anges : on le donna à Jean Esseau, couvreur au bourg, qui se chargea de réparer les dégâts.

En 1735, fut fait un testament qui renferme la première fondation connue en faveur de la vénérée chapelle. Voici les passages intéressants de cet acte rapporté intégralement sur le registre paroissial.

« L'an mil sept cent trente-cinq, le vingt-sixième jour du mois d'avril, par devant nous Messire René Sébastien de Sourdy, prêtre, recteur de la paroisse d'Orvault, et M. Antoine Vistet, notaire des juridictions d'Orvault, a été présente Damoiselle Catherine Lucas, veuve du feu sieur François Cran, demeurante audit bourg et paroisse d'Orvault, .... laquelle nous auroit fait appeler et requis de rapporter son testament … a dit : Je veux qu'après mon decez arrivé mon corps soit inhumé en le cimetière de l'église d'Orvault. Je fonde et lègue à jamais à perpétuité le nombre de quinze livres de rente constituée, annuelle et perpétuelle, pour la somme de trois cents livres de principal d'un contrat.... à la charge au sieur Recteur d'Orvault et autres prêtres de la paroisse de faire annuellement Trois Processions de l'église d'Orvault à la Chapelle des Anges en cette Paroisse, sçavoir : une le lundi de la Pentecôte heure de la messe de matin laquelle sera chantée à la Chapelle des Anges, la deuxième le deux jours d'aout, fête de Notre Dame des Anges, et la troisième le jour et fête de la Nativité de la Sainte Vierge, huit septembre, aussi heure de première messe avec la messe chantée à la Chapelle des Anges ; et de chanter aussi annuellement un service dans l'église d'Orvault le jour de sainte Catherine. Je souhaite que les Procession et service ci-dessus soient faits et chantés à jamais à perpétuité aux jours et heures sus marquées ou autres à la commodité du sieur Recteur … ».

Cette rente, fidèlement payée aux recteurs d'Orvault jusqu'en 1787, fut alors affranchie par le remboursement du capital qui fut remis par les héritiers entre les mains des marguilliers en charge. A la Révolution, le service de cette fondation fut interrompu et il n'a pas été repris depuis lors.

Le curé et le vicaire d'Orvault ayant prêté serment à la Constitution Civile du Clergé, les paroissiens les délaissèrent et, n'ayant aucune confiance en eux, cachèrent dans leurs maisons les ornements et le linge de la chapelle ; en 1855, on conservait encore à la sacristie plusieurs objets de lingerie ayant appartenu à Notre-Dame-des-Anges avant la Révolution.

Lors de la Réforme, les protestants firent beaucoup de mal dans les paroisses de la contrée, mais Orvault fut en quelque sorte épargné ; les hérétiques s'étaient installés à la Chollière — où un vieux puits en granit porte encore le nom de puits des Huguenots — et la chapelle, dont ne subsiste aucun vestige, leur servit de prêche. En 1572, les marguilliers se rendirent à Nantes pour faire connaître les maisons habitées par les hérétiques, et, en 1588, ils parcoururent avec des notaires royaux tous les villages de la paroisse, exigeant une profession de foi claire et précise ; aucun hérétique ne fut trouvé.

Cette protection a toujours été attribuée à Notre-Dame-des-Anges dont le temple, durant la Révolution, ne fut ni pillé, ni profané, en dépit de sa position au bord de la grande route de Nantes à Redon.

Voici un exemple bien remarquable de la confiance des paroissiens d'Orvault envers la Mère de Dieu ; ce trait fut raconté à M. l'abbé Hémery par plusieurs témoins oculaires et, ce qui est mieux, par le héros même de l'aventure.

Au plus fort de la tourmente révolutionnaire, Louis Corbar, de Beau-Soleil, descendait une côte rapide, monté sur le timon de sa charrette à bœufs ; entraînés par la déclivité, les animaux firent un faux pas et l'infortuné cultivateur tombant sous une des roues eut les jambes brisées ; voyant les boeufs arriver sans leur conducteur, les habitants du village partirent à sa recherche et le trouvèrent couché dans la boue, ayant perdu connaissance ; après lui avoir donné les premiers soins, ils le reconduisirent chez lui.

Quelques jours se passent ; tout à coup, au milieu de ses cruelles souffrances, Louis Corbar se souvient d'avoir vu des béquilles suspendues auprès de l'autel dans le sanctuaire de la Sainte Vierge : il promet aussitôt une neuvaine à Notre-Dame-des-Anges dès qu'il sera transportable. Peu de temps après, quatre hommes serviables le portèrent dans une chaise jusqu'à la chapelle et le ramenèrent, ses prières dites. Il en fut ainsi les jours suivants.

Vers le milieu de sa neuvaine, Corbar était ainsi dans le sanctuaire, dépositaire des clefs. Un peu avant midi, une compagnie de soldats républicains, allant de Nantes à Redon, arriva devant Notre-Dame-des-Anges. A la vue de deux croix, l'une en bois érigée à l'intérieur de l'enceinte de murs qui entourait la chapelle, l'autre en granit placée sur le mur d'enclos, ils entrèrent en fureur et brûlèrent devant le sanctuaire la croix de bois, déchiquetée d'abord à coups de hache, tandis qu'ils brisaient la croix de granit et en jetaient les morceaux dans la boue.

A peine les vandales partis, les voisins accoururent pensant trouver mort le pauvre Corbar, mais ils le virent assis paisiblement dans sa chaise et récitant son chapelet ; il révéla aux auditeurs surpris qu'il avait entendu du bruit autour de la chapelle, mais que personne n'y était entré, bien que la porte ne fût close que par un simple loquet. La plaie de Corbar se guérit et, quelque temps après, il put vaquer à ses affaires.

Après la Révolution, le père Hauray, du Paty, Louis et Julien Corbar, de Beau-Soleil, et plusieurs voisins recueillirent avec soin les débris de la croix de pierre restés sur le chemin et firent relever le signe de la Rédemption auprès du village de la Ménardiére : cette croix, qui subsiste encore [Note : Plusieurs habitants qui connaissent la croix de la Ménardière m'ont affirmé que c'était une croix neuve ; le renseignement donné par l'abbé Hémery ne serait donc plus exact], fut bénite en 1816 par M. l'abbé Le Marié.

Ce dernier, nommé curé d'Orvault en 1803, se convainquit bientôt que la dévotion de ses ouailles pour la vénérable chapelle était profonde et ardente ; malgré la pauvreté de l'église paroissiale et des embarras de plus d'un genre, il eut à coeur de mettre Notre-Dame-des-Anges en état assez convenable pour que la Sainte Messe pût y être célébrée et que les processions y revinssent.

La confiance envers la Sainte Vierge était de plus en plus profonde, à mesure que les grâces se multipliaient. Si des parents tombaient malades, si l'intempérie menaçait une récolte, si une épidémie jetait la désolation dans les familles, on accourait vers M. le Curé lui demander une messe à la chapelle des Anges : à ces messes, annoncées au prône le dimanche précédent, se rendaient beaucoup de fidèles.

Non seulement d'Orvault, mais des paraisses voisines, parfois même de localités éloignées, les pèlerins accouraient nombreux au sanctuaire vénéré.

Les enfants de la Psalette de Nantes, les élèves des Frères et du Petit-Séminaire s'y rendaient presque chaque année ; plusieurs fois, les Directeurs du Grand-Séminaire y conduisirent leurs jeunes gens.

Nommé à la cure d'Orvault en 1840, M. de la Rüe du Can rêva bientôt de faire une restauration complète de Notre-Dame-des-Anges ; toutefois la prudence et le bon sens lui commandaient d'achever d'abord le payement des dettes paroissiales et de pourvoir du mobilier nécessaire la nouvelle église, bâtie en 1835. A peine libéré de ces soucis, il ne pensa plus qu'à la chapelle et Dieu lui vint en aide.

M. Marais, propriétaire du Raffuneau et maire de la commune, offrit à son pasteur une certaine somme pour commencer cette tâche importante et lui exprima le désir de faire, aussitôt les travaux terminés, une fondation de trois messes annuelles pour le repos éternel de son épouse et de deux de ses enfants inhumée au cimetière d'Orvault.

Ce cadeau généreux ayant été accepté de grand coeur, on appela de Nantes un jeune architecte, M. Faucheur, qui,  naturellement, démontra à ces Messieurs que toute restauration sérieuse était impossible et qu'il fallait raser la vieille chapelle pour en édifier une nouvelle : cette façon de voir fut adoptée et après quelques discussions sur le devis on se mit à l'oeuvre.

Au mois de mai 1851, le Curé, à la tête de ses paroissiens, se rendit à Notre-Dame-des-Anges, la statue de la Sainte Vierge fut descendue de la grotte où elle reposait depuis des siècles et menée à la cure [Note : Cette statue que les archéologues estiment être la statue primitive, est en tuffeau ; comme elle était rongée par le salpêtre et toute mutilée, M. le curé chargea le sculpteur Thomas Louis de la restaurer, ce dont l'artiste s'acquitta avec grand soin. D'abord replacée dans l'église paroissiale, elle fut, le 15 Juillet 1857, ramenée à Notre-Dame-des-Anges et dressée sur le tabernacle au fond de la vaste grotte qui surmonte l'autel] sur un brancard richement décoré, porté en tête de le procession par les enfants de la Communion. Le 4 juin 1851, l'abbé Hémery fut chargé avec un métayer de rapporter les ornements, le tableau, les statues, le missel, les deux écussons en verre colorié qui se trouvaient dans les fenêtres, etc. Enfin le 5 juin commença la démolition de ce vénéré oratoire qui avait duré 415 ans, de 1436 à 1851.

M. l'abbé Hémery, qui ne pouvait se consoler de voir disparaître à jamais l'antique chapelle, nous en a laissé une description copieuse, — appuyée de dessins de diverses personnes, — que je résume ici.

Au-dessus de la porte ogivale était creusée dans la façade une petite grotte où fut placée la vieille statue de la Vierge, probablement lors de la déplorable restauration du XVIIIème siècle, car les cadeaux de robes de soie, guimpes et autres habillements, prouvent que l'image vénérée était pendant les premiers siècles dans l'intérieur de la chapelle.

« En démolissant l'autel primitif, qui, suivant l'ancien usage de l'Eglise, était massif en pierre, dit l'abbé Hémery, nous avons trouvé quelque chose de très curieux. La table de l'autel était formée d'une seule pierre de granit, de 10 à 11 pouces d'épaisseur, très proprement, taillée. A un pied environ de l'extrémité, du côté de l'Epître, nous avons vu une petite ouverture de 1 pouce de large sur 2 à 3 pouces de long, taillée bien proprement et fermée avec du mortier. Lorsque cette pierre énorme a été enlevée, nous avons découvert au-dessous de cette petite ouverture un tronc formé par trois pierres de granit avec deux gonds très forts scellés dans ces pierres et destinés à porter les ferrures de la porte du tronc. Il y avait encore dedans cinq ou six vieilles pièces de cuivre rongées par le vert-de-gris ; M. le curé les conserve avec soin. J'avais remarqué bien des fois en divers sanctuaires que les pèlerins après avoir prié allaient embrasser la table de l'autel et y déposaient leurs offrandes ; mais je ne m'étais pas rendu compte de cet usage ; en voyant ce tronc dans l'autel même j'en ai compris l'origine antique ».

Dans la fenêtre de la façade latérale, du côté de l'Epître, étaient peints deux écussons paraissant fort anciens et que M. le curé conserve avec le plus grand soin.

Il nous resterait à citer les nombreuses fondations faites en l'honneur de Notre-Dame-des-Anges, mais cela nous entraînerait bien loin.

Quant à la jolie chapelle moderne, due au zèle du vénérable abbé de la Rüe du Can, à la générosité de M. Marais et au talent de M. Faucheur, vous me pardonnerez de n'en rien dire ; pour un archéologue ce monument n'offre aucun intérêt. J'exprimerai seulement avec franchise le regret sincère qu'une statue de la Sainte Vierge ne se dressé pas sur la façade du temple qui lui est consacré : c'est là un oubli que l'on pourrait, me semble-t-il, aisément réparer.

Dans sa maison nouvelle la Mère de Dieu reçoit autant d'adorations que dans son pauvre vieux logis, et c'est toujours à rangs pressés que les excellents habitants d'Orvault s'acheminent vers leur bien-aimée chapelle de Notre-Dame-des-Anges (Baron G. de Wismes, 1903).

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