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M. OFFRAY DE LA METTRIE

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Ce mot aurait été plus juste, s'il eût été appliqué aux élucubrations de M. Julien-Jean Offray de la Mettrie ; ce grand corrupteur de ses contemporains ; ce fameux contempteur de la religion, à qui Voltaire donnait le titre d'Athée du roi de Prusse ; cet homme singulier, enfin, dont le nom ne souillerait point nos tablettes, si son impiété n'eût contrasté d'une manière frappante avec les hautes vertus et la rare probité de sa famille. Les gens frivoles ont lu avec avidité les oeuvres de cette espèce de fou, travaillé d'une manie vraiment remarquable au milieu même de tant d'autres insensés, qui, à cette époque, voulaient à tout prix se faire admirer : les personnes de bon sens les ont au contraire flétries du mépris qu'elles méritent. Pour nous, qui les avons aussi parcourues dans le dessein de les soumettre à une analyse exacte, nous ne craignons point d'avancer que la métaphysique fausse et ténébreuse qui y règne d'un bout à l'autre, ne le cède qu'à la perversité morale qui s'y montre presque à chaque page.

Ce fut le 19 décembre 1709, que naquit parmi nous leur malheureux auteur, du légitime mariage de M. Julien Offray, négociant infiniment respectable, et de Dlle. Marie Gaudron.

Son goût naturel pour la médecine engagea ses parens à l'envoyer en Hollande l'étudier sous l'immortel Boërhave. Après avoir puisé dans cette école les connaissances relatives à son art, il vint les porter à Paris, où il fut placé auprès du duc de Grammont, colonel des Gardes-Françaises, qui le fit médecin de son régiment.

La Mettrie ayant suivi son protecteur au siége de Fribourg, y tomba dangereusement malade. Cette maladie, qui aurait dû être pour lui une source de réflexions, fut une source de délires. Il crut voir que cette intelligence immortelle qu'on nomme ame, baissait avec le corps, et finissait avec lui. Il écrivit en physicien sur ce qui n'est nullement du ressort de la physique : il osa faire l'Histoire naturelle de l'ame. Cette oeuvre, qui respire le matérialisme le plus outré, souleva tout le monde, et fut proscrite par le parlement de Paris, le 7 juillet 1746. Le duc de Grammont soutint néanmoins l'auteur contre l'orage : mais ce seigneur ayant été tué quelque temps après à la bataille de Fontenoi, le médecin perdit sa place, et n'en valut pas mieux.

Il tourna alors ses armes contre ses confrères, qu'il haïssait pour le moins autant que Molière aimait à en plaisanter ; et mit au jour contre eux sa Pénélope, ou le Machiavel en médecine, 1748, 2 volumes in-12 ; ouvrage singulier, enfanté dans l'ivresse, et plein des saillies qu'elle inspire. Le soulèvement de la Faculté contre cette satire, obligea l'auteur de se retirer à Leyde.

Ce fut là qu'il publia son Homme machine, production pestilentielle où il soutient que Dieu lui-même n'est que matière ; et dont Voltaire dit dans le temps : « La Mettrie vient de faire, sans le savoir, un mauvais livre, imprimé à Postdam, dans lequel il proscrit les vertus et les remords, fait l'éloge des vices, et invite le lecteur à tous les désordres : il y a dans cet ouvrage mille traits de feu et pas une demi-page de raison ». En effet, une supposition continuelle des principes en question ; des comparaisons ou des analogies imparfaites, érigées en preuves ; des observations particulières assez justes, d'où il tire des conséquences générales qui n'en naissent point ; l'affirmation la plus absolue perpétuellement mise à la place du doute : voilà la philosophie de l'auteur ! L'enthousiasme avec lequel il déclame, l'air de persuasion qu'il prend, n'étaient que trop capables de séduire ces esprits faux qui se parent du titre d'esprits forts pour cacher leur faiblesse ; mais ce n'était pas ce que la Mettrie désirait le plus : il voulait seulement avoir la qualification d'animal spirituel et de machine curieuse. Aspirant à la gloire de passer pour philosophe, il avait, disait-il, abandonné la médecine du corps, pour se donner à la médecine de l'ame : mais cette médecine ne parut qu'un poison tant aux théologiens, qu'aux bons politiques.

Poursuivi en Hollande, où son livre fut livré aux flammes, et où lui-même courut les risques de l'échafaud, M. de la Mettrie se sauva, en 1748, à Berlin, qui commençait d'être le refuge de tous les pécheurs, je veux dire de tous les impies dont Frédéric avait fait ses aumôniers, selon l'expression plaisante d'un de ses aumôniers mêmes. Il y devint lecteur du roi, membre de son académie, et le jouet d'un grand nombre de courtisans, qu'il amusait beaucoup par ses saillies fantasques et par sa gourmandise.

La mort le surprit dans cette ville, en 1751, à l'âge de quarante-huit ans. Elle fut la suite d'un de ces traits de folie qui perçaient dans toute sa conduite. Il avait une fièvre d'indigestion ; car il ne s'épargnait pas en fait de plaisirs de tous les genres : il prit les bains, et se fit saigner huit fois, contre toutes les règles de l'art. Cette opération ne produisit pas le même effet que celle de Médée sur le vieux Eson : la Mettrie en fut la victime, et laissa par ce moyen sa place de lecteur du roi de Prusse au fameux abbé de Prades, que sa thèse impie avait aussi forcé de chercher un refuge à Berlin.

Au reste, notre Malouin ne traitait guères mieux les autres, qu'il ne se traitait lui-même. Milord Tyrconnel, ambassadeur de France, succomba également aux fréquentes saignées qu'il lui donna. Frédéric dit à ce sujet : Qui aurait cru que la Mettrie trouverait encore quelqu'un plus fou que lui ? Comment, en effet, Tyrconnel avait-il pu donner sa confiance à un médecin qui avait passé sa vie à décrier la médecine, comme la religion ?

Quelques écrivains ont prétendu [Note : « Si la Mettrie, dit M. Sabatier, a donné dans quelques-uns de ses ouvrages l'exemple monstrueux des derniers excès d'une absurde philosophie, la raison est venue éclairer du moins ses derniers momens. Le premier hommage, de cette raison désabusée a été un retour sincère vers la religion, et le désaveu public de toutes ses erreurs. Habitant d'un pays libre, rien ne l'obligeait à rétracter ses travers : il a voulu cependant constater son repentir par des preuves non équivoques. L'approche de sa dernière heure lui fit comprendre que le triste honneur de mourir dans l'impiété ne valait pas le sacrifice de ses lumières et de ses sentimens. Au reste, s’il eût persisté, comme quelques-uns de ses semblables, à lutter contre l'évidence, et à étouffer les cris du remords, qu'en eût-on pu conclure ? C'eût été un insensé de plus à compter parmi les victimes du fanatisme philosophique »] que la Mettrie, quoique assiégé dans son lit funèbre par le patriarche de Ferney, qui avait été constamment son démon obsesseur, s'était repenti dans ses derniers momens ; et que les philosophes de Berlin avaient dit qu'il les avait déshonorés pendant sa vie et à sa mort. D'autres auteurs au contraire ont assuré qu'il n'avait jamais cessé de se montrer zélateur ardent de l'honneur philosophique ; qu'il était sorti du monde à peu près comme un acteur quitte le théâtre, sans autre regret que celui de perdre le plaisir d'y briller ; et peut-être ces derniers n'ont-ils dit que trop vrai. Quoi qu'il en soit de cette palinodie réelle ou fausse, toujours est-il sûr que ce héros de l'incrédulité fut un des êtres les plus singuliers que la nature eût produits depuis longtemps. D'un caractère extrêmement vif, sa conversation plaisait assez lorsque sa gaîté n'allait pas jusqu'à l'extravagance ; et elle y allait souvent. On voyait quelquefois cet homme qui se paraît du nom de sage, jeter sa perruque par terre, se déshabiller, et se mettre presque tout nu au milieu d'une grande compagnie.

Il était dans ses écrits ce qu'il était dans ses actions. Se figurant un jour que le baron de Haller, un des plus savans hommes et des plus vertueux médecins de l'Allemagne, était un athée ; il imagina une histoire, et la publia. Il raconta qu'il avait vu cet individu respectable à Gottingue, dans un mauvais lieu, combattant l'existence de l'Être-Suprême : ce qui ne lui valut que quelques coups de canne. On trouve dans ses productions du feu, de l'imagination, du brillant même quelque­fois : mais peu de justesse, peu de logique, peu de précision, peu de goût, peu de raison enfin, et encore moins de foi.

On a recueilli à Berlin, en 1751, in-4, et en 2 vol. in-12, ses OEuvres philosophiques, renfermant l'Homme machine, l'Homme plante, l'Histoire naturelle de l'ame, l’Art de jouir, Discours sur le bonheur, etc. Dans ce dernier traité, la Mettrie est, selon Diderot, qui, comme on sait, valait encore moins que lui, « un écrivain sans jugement, qui confond partout les peines du sage avec les tourmens du méchant, les inconvéniens légers de la science avec les suites funestes de l'ignorance ; dont on reconnaît la frivolité de l'esprit dans ce qu'il dit, et la corruption du coeur dans ce qu'il n'ose pas dire ; qui prononce ici que l'homme est pervers par sa nature, et qui fait ailleurs de la nature des êtres la règle de leurs devoirs, la source de leur félicité ; qui semble s'occuper à tranquilliser le scélérat dans le crime, le corrompu dans ses vices ; dont les sophismes grossiers, mais dangereux par la gaîté dont il les assaisonne, décèlent un écrivain qui n'a pas les premières idées des vrais fondemens de la morale. Le cahos de raison et d'extravagance de cet auteur (ajoute Diderot, qui a été lui-même un des plus inconséquens et des plus extravagans écrivains de son siècle), ne peut être regardé sans dégoût, que par ces lecteurs futiles qui confondent la plaisanterie avec l'évidence ; et à qui l'on a tout prouvé quand on les a fait rire ». Ses principes poussés jusqu'à leurs dernières conséquences (poursuivent les auteurs du Nouveau dictionnaire historique), renverseraient la législation, dispenseraient les parens de l'éducation de leurs enfans, renfermeraient aux petites-maisons l'homme courageux qui lutte fortement contre ses penchans déréglés, et assureraient l'immortalité au méchant qui s'abandonne sans remords aux siens. La tête de la Mettrie est si troublée, et ses idées sont à tel point décousues, que dans la même page une assertion sensée est heurtée par une assertion folle, et une assertion folle par une assertion sensée ; en sorte qu'il est aussi facile de le défendre que de l'attaquer.

On a encore de lui : Systême de Boërhave, sur les maladies vénériennes, Paris, 1735, in-12, avec des notes et une dissertation du traducteur sur l'origine, la nature, et la cure de ces maladies. Traité du vertige, avec la description d'une catalepsie hystérique, et une réponse à M. Astruc, Paris, 1737, in-12. Mémoires sur la dyssenterie, in-12. Lettre sur l'art de conserver la santé, et de prolonger la vie, Paris, 1738, in-12, Aphorismes de médecine, traduits du latin de Boërhave Paris, 1738, in-8°. Traité de la matière médicale de Boërhave, Paris, 1738 , in-12. Traité de la petite vérole, avec la manière de guérir cette maladie, Paris, 1740, in-12. Institutions de médecine, traduites du latin de Boërhave, Paris, 1740, 2 vol. in-8°. Abrégé de la théorie chymique de la terre, tiré des écrits de Boërhave, Paris, 1741, in-12. Les élémens de chymie de Boërhave, 6 vol. in-12. Commentaires sur les institutions de médecine de Boërhave, Paris, 1743, 6 vol. in-12 ; ouvrage qui, quoi qu'en ait dit Voltaire, n'est pas le meilleur qu'on ait donné sur cet auteur. Il y a copié Haller, qui avait travaillé sur le même sujet : mais il a gâté sa version par quantité de fautes et de bévues, mêlées à quelques remarques vraies et justes. Observations de médecine pratique, Paris, 1743, in-12. Il y donne la description de plusieurs maladies, entre autres du cholera, dont il fut lui-même attaqué. Il y fait parade de son goût pour les remèdes violens, pour les fortes saignées, etc. OEuvres de médecine, dédiées au roi de Prusse, in-4, avec figures. Réflexions philosophiques sur l'origine des animaux, Berlin, sous le nom de Londres, 1750, in-4. La Mettrie y pousse sa manie pour les paradoxes, jusqu'à vouloir trouver que la terre peut produire des animaux : mais on sent bien que tout ce qu'il avance en faveur de cette opinion absurde, est frappé au coin de la singularité qui déraisonne, et de la bizarrerie qui renverse l'ordre naturel des choses.

Certaines gens, continue le Dictionnaire historique, nous reprocheront peut-être d'avoir peint ce médecin matérialiste trop désavantageusement. Nous l'avons peint tel qu'il était. C'était, suivant Voltaire, un fou qui n'écrivait que dans l'ivresse. Maupertuis, son compatriote, et président de l'Académie de Berlin, dit à peu près la même chose dans sa lettre à Haller (t. 3 de ses OEuvres, édit. de Lyon). Le marquis d'Argens, qui n'a eu aucun intérêt d'en dire du mal, le représente précisément comme nous (Journal encycl., 1762, page 35).

Le roi de Prusse, séparant dans la Mettrie le médecin et l'écrivain de l'impie et du satirique, daigna faire son éloge funèbre. Cet éloge fut lu à l'Académie par un secrétaire de ses commandemens. Frédéric, digne panégyriste d'un tel héros, ne manqua pas sans doute d'être applaudi par ses complaisans : mais les applaudissemens donnés alors à ce tour de force, ont bien tombé depuis.

Avant de finir cet article, nous rapellerons un trait de la façon de la Mettrie, qui suffirait seul pour le peindre. Le savant naturaliste Linné, qui jouissait dès-lors, et qui jouit encore en Europe d'une estime générale, ayant rangé dans la même classe l'hippopotame, le porc et le cheval, l'emporté Malouin s'oublia jusqu'à lui dire, cheval toi-même ! Voltaire lui répondit finement : Vous m'avouerez que si M. Linné est un cheval, c'est du moins le premier des chevaux ! La leçon était sèche et juste : mais elle ne fit aucun fruit ; tant il est dangereux de s'être accoutumé à s'estimer exclusivement soi-même.

Le fait suivant, que nous donnons pour incontestable, achèvera le portrait, et fera suite à tant d'autres qui serviront à prouver les égaremens de l'esprit humain dans le dix-huitième siècle. C'était en 1734, époque où le grand oeuvre des convulsions était en plein succès dans toute la France en général, et à Saint-Malo en particulier. Ces farces jansénistiques ne se faisaient pas chez nous avec moins d'édification, qu'on n'en avait remarqué au cimetière de Saint-Médard, à Paris, sur le tombeau du prétendu saint diacre où elles avaient pris naissance. Le principal théâtre où s'exerçaient en nos murs ces pieuses folies, était au haut de la rue des Cimetières, chez, une couturière nommée la veuve Duval. Quelques pauvres têtes s'y réunissaient régulièrement, et y répétaient de leur mieux les leçons de leurs maîtres. Les unes avaient le talent singulier d'aboyer très au naturel dans leurs extases ; les autres, de mâcher et de ruminer dans la même perfection que la vache et le bœuf ; d'autres encore, et en plus grand nombre, de s'agiter d'une façon parfois trop indécente, lorsqu'on leur faisait l'application de quelque morceau de la calotte du bienheureux Pâris, de quelques fragmens de son bois de lit, ou de quelque sachet rempli de la terre de son tombeau. Les plus spirituelles se mêlaient même de feindre l'inspiration et de prophétiser. Ces dévotes représentations avaient lieu à diverses heures du jour, mais spécialement le soir ; et ce qu'on aurait peine à croire, si le fameux incrédule Montgeron n'en eût fait autant au su de toute la capitale, notre jeune médecin venait exactement y préluder par des sottises mystiques de sa façon, aux sottises impies qu'il devait bientôt répandre avec profusion dans la société.

Voyez la juste sentence qu'a portée contre lui l'auteur des Trois siècles de notre littérature (F.-G.-P. Manet).

 

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