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LES SEIGNEURS ET LA SEIGNEURIE DE LOURMOIS AU XVIIème SIÈCLE.

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La seigneurie de Lourmois était située dans la paroisse de Nivillac, évêché de Nantes.

On la voit encore de nos jours, sur un coteau, au-dessus du bourg de Nivillac, en face de la Vilaine et les murs en ruines, les douves comblées, les portes démantelées, et détruites donnent à l'esprit l’idée de son importance. Des fermiers habitent maintenant l'ancien manoir seigneurial qui tend à s’abîmer chaque jour davantage. Les brèches des murailles que le temps agrandit et que l'on n’a même pas fermées font craindre qu'à une époque non reculée, il ne reste plus de Lourmois que quelques pans de murs, à ras le sol. C'est ainsi que, du château de la Grée que possédaient aussi les anciens seigneurs de Lourmois, une chambre souterraine et quelques murs éboulés indiquent seuls à présent la place de cette célébre demeure.

A Lourmois, il y a quelque dix ans, il y avait encore de beaux arbres, de ces hautes futaies de châtaigniers séculaires qui ombrageaient l’ancien parc. C'était un lieu de réunion, un but de promenade. Les jeunes gens de la Roche-Bernard, garcons et filles allaient danser le dimanche sous les grands arbres. Ils portaient une collation qu'ils mangeaient sur l'herbe. Le bourgeois se mêlait au paysan : c'était le bon temps ! On s'amusait sans fausse honte, avec la plus franche gaîté. Quelques anciens me l'ont redit ce joyeux temps. Ils chantaient des refrains de circonstance et la chanson de le Roche-Bernard, qu'accompagnait le biniou, avait son couplet pour célébrer les charmes de Lourmois.

Aujourd'hui plus rien de tout cela. On ne se promène plus ; on ne danse plus comme jadis. Lourmois n'a plus ses grande arbres : on a tout abattu. L'affreux crin crin des campagnes a remplacé le biniou expressif, à la mélodie si langoureusement caressante. Sur les lèvres des jeunes gars, la ronde du pays a fait place à des chansons de café-concert ou de beuglant !

Mais quelques vieux, à cette évocation du lieu de leurs plaisirs et de leurs joies, tressailliront d'aise Ils reverront dans un lointain souvenir du passé les fraîches jupes, le clair mouchoir, la petite coiffe bien blanche, sautillant sur l'herbe moussue, alors que le soleil de juin semait d'or le gazon, à travere les jeunes pousses du feuillage... et que le biniou chantait …

Au début du XVIIème siècle, Lourmois appartenait à messire Jacques Troussier chevalier de l'ordre du Roi, gentilhomme ordinaire de sa chambre, mestre de camp d'un régiment entretenu pour le service de Sa Majesté, seigneur de Pontménard, Lournmois, la Joë, le Grée-Neuve, Kertouard et autres lieux. Mais au mois d'octore 1632, messire Jacques Troussier mourut. Damoiselle Lucrèce de Quincampoix, dame de Pontménard, sa veuve, fut nommée tutrice de ses enfants, héritiers sous bénéfice d'inventaire de la succession de leur père. C'est à ce titre que, sous l'autorité de son gendre, messire Julien de Porcaro, chevalier de l'ordre du Roi, seigneur de Porcaro, Silz, le Breil et autres lieux, la dame de Pontménard rendit aveu de la seigneurie de Lourmois au baron de la Roche-Bernard. Très haut et très puissant messire Claude de Lorraine, chevalier des ordres du Roi, capitaine de cent hommes d'armes de ses ordonnances, seigneur duc de Chevreuse, était à cette époque baron de la Roche-Bernard. Par cet acte, du 15 novembre 1632, messire Julien de Porcaro, comme subrogé-tuteur et au nom de la dame de Pontménard, tutrice des enfants issus de son mariage avec le seigneur de Pontménard, « bailloit le seigneur duc Chevreuse ou ses officiers et chastellains en sa barronie de la Roche-Bernard et la Bretesche, pour jouir, pour un an, au terme de la coustume, ou composer dudit rachept à l'option dudit seigneur duc, à la réserve touttes foys du tiers dudit revenu pour le droit de douaire apartenant à ladite dame de Pontménard sur lesdites choses tombées audit rachapt ».

La seigneurie de Lourmois était une terre très importante. Elle comprenait à cette époque toutes les maisons, terres, fiefs, seigneuries, rentes et prééminences d'église contenue dans l'aveu de 1632.

« La terre, seigneurie et jurisdiction de la Bouëxière en la paroisse de Nivilliac, consistante en un bois tailliff cerné de fossés et douves, dans lequel il y a de vieilles ruines ou aparoist y avoir autre foys eu maisons contenant le tout par fondz quattorze journaux de terre ou environ.

Item environ huict hommées de pré tant salées que doulces, situées en la paroisse de Nivilliac, entre le chemin qui conduist du port des Alliers au bourg de Nivilliac et la rivière de Villaine.

Item entre lesd, mottes une garaine et refuge a connilz [Note : On prononce connin, quoiqu’on écrive quelquefois ce mot par une l finale. Le connil est une peau de lapin ; c’est aussi un lapin (Richelet, 1778), ici il est employé dans ce dernier sens] deffansable sittué près le village de Trévineuc, contenant tant lad. garaine que landes aux environs dix journaux de terre ou environ.

Item deux moullins avecque leurs apartenances et despendances, l’un à eau qui est à présent ruiné avec les estangz, pescheries, bardeaux [Note : Petit ais dont on se sert au lieu de tuiles pour couvrir les maiscons (Idem)] chaussées et retenues d'eaux, et l'autre à vend, en bon et deub estat apellés les moullins de Bourigan vallantx communs ans quatre journaux de seigle, mesure de la Roche-Bernard, sur quoy il fault déduire le tiers pour les réparations. Lesd. moullins avec leurs distraict et droit de moulleaux sur les hommes subjectz et estagiers [Note : Vassaux obligés de faire le guet huit jours après un avoir été requis par leur seigneur] de la seigneurie de la Bouëxière ainsin que le fieff le requier, iceux sittués en la paroisse de Nivilliac.

Item, le roole rentier de lad. seigneurie de la Bouëxière avecque ses droitz de jurisdiction qui porte par denier sauf erreur 60 liv. 10 s. 5 d. monnoye, 36 bouexeaux trois quartz et deux tiers de quart d'avoine, 3 bouexaux 7 demy quartz seigle 22 poulles et demies et 6 chapons, lesd. rentes payables par les subjects raporter au roolle, de lad. seigneurie don est saisy Jan Guilloté, du village de Tilloué, sçavoir au premier terme qui est la my-aoust tous les grains et le tiers des deniers et le reste desd. deniers au terme de Noël et my-caresme par moitié et lesd. poulles et chapons au terme de Noël.

Item les manoirs, maisons, terres et seigneurie de Lourmois avec les douves et fossés dudit manoir scittué en ladite paroisse, près le bourg de Nivilliac contenat tan en maison, tours, pavillons chapelle, escuries, douves, fossés et basse court dans laquelle est le portail fuis et coulombier dudit lieu, environ 3 journaux de terre.

Item en la prée dudit lieu de Lourmois environs 12 hommées de pré en l’endroit et au derrière de l’escurye qui autre foys était en grange.

Item deux pièces de terre arable en jardin cerné de musrsilles fors l'aprochance de la prée qui ne l'est pas, les deux boutz autre foys apellés le vieux jardin contenant 4 journaux joignant ladite prée et basse court.

Item environ demy journée de terre où autre foys estoit la mettairye dudit lieu de Lourmois joignant le chemin qui conduisoit autre foys de Boceret audit bourg de Nivilliac.

Une pièce de terre arable, autre foys cernée de muraille, contenant deux journées de terre autre foys apellé le jardin de la mettairye de Lourmois.

Item une piece de terre qui est à présent dans l'enclos du parc de Lourmois contenant environs 2 journaux.

Item une autre pièce de terre au-dessus dudit verger de Lourmois estant à présent en bois de haulte futaye tant planté que semé, contenant environ 20 journaux de terre joignant au chemin qui canduist de la ville de la Roche-Bernard à la Croix-Ronde.

Item une autre pièce de terre vulgairement appellé le clos de la Garaine au costé de laquelle sont scittuées les faux et refuges à connilz dudit lieu et seigneurie de Lourmois contenant icelle pièce douze journées ou environ entre les chemins qui conduisent du bourg de Nivilliac à Boceret, l’autre de Lourmois à Boceret, d'un costé le chemin de le Saugrenière qui conduist de Quénéhac à la Croix-Ronde et d’autre costé le chemin de la Roche.

Item la dicte garaine et refuge à connilz deffansable contenant environ 2 journaux.

Item une pièce de terre de pré sallé, nommé le bande du Brossay size en la prée de Villaine paroisse de Sainct-Eloy et en la frairie de Larmor.

Item les logix et maisons de Coismeur sittués en la paroisse de Missilliac avec touttes leurs apartenances et despendances consistant aux maisons, manoirs et pourprix de Coismeur, escuryes et autres logis contenant par fondz une journée et demye de terre.

Item au derrière dudit logix un jardin cerné de murailles et contenant 3 journaux de terre.

Item une pièce de terre sous pré, labours et terre frost contenant environ 40 journaux.

Item une autre pièce de terre apellée le Clos-du-Bois contenant environ 8 journées de terre.

Item une autre pièce de bois et lande apellée la Bernardais contenant environ 30 journaux.

Item une pièce de terre ou autre foys fust le bois de haulte futaye de Coismeur contenant 3 journaux.

Item une pièce de terre sous bois tailliff contenant 70 journax de terre ou environ.

Touttes lesquellee choses tant jardins, prée, labour, bois tailliff et autres bois, landes, frotz et autres choses despendant dudit lieu de Coismeur sont à présent affermées pour chacun an pour la somme de 40 liv. tourn.

Item le lieu, maison, manoir, terre, jardin seigneurie préminance d’église de la Joë, sittuée paroisse de Nivillac consistant tant en mettairye, jardins, bois de haulte futaye prée, pastures, terre de labour, tailliffz le tout en un tenant contenant environ 100 iournaux de terre, laquelle mettairye est affermée à Vincent Gréo, metayer, fors le bois tailliff, pour le nombre de 15 bouexaux de grain, mesure de la Roche-Bernard, 10 bouexaux seigle et 5 de froment et led. bois tailliff pouvant valloir une foys les huit ans loursqu’ils sont en couppe 200 livres tournoys.

Item le moulin de la seigneurie de la Joë avecque son estang, chaussée bardeaux, pescheries, refoul d'eaux et son distraict hommes subjets estagiers aud. moullin, affermés communs ans 15 bouexaux de seigle mesure de le Roche-Bernard, sur quoy il faut deduire le tiers pour les réparations.

Item le roole rentier de la terre et seigneurie de la Joë qui porte, sauf erreur, par deniers 17 liv. 10 s. 8 d. mon. et 10 bouexaux un quart avoine, mesure de la Roche, 7 poulles et un chapon, dont est saisy Jean Bonnier.

Item le roole rentier et seigneurial de Marionais qui porte sauf erreur 12 liv. 12 s. 6 d. mon. 11 bouexaux avoine mesure de la Roche et 3 poulles, dont est saisy Michel Rio et Gréo.

Item le roole rentier de la seigneurie de la Ville Grignon qui porte sauf erreur 8 liv. 3 s, 6 d. mon. un bouexau avoine mesure de la Roche, deux quartz seigle et une poulle, dont est saisy Guillaume Blanchard.

Item le roole rentier apellé le roole du Brossay, en Missilliac qui porte par deniers, sauf erreur 16 liv. 12 s. 7 d. mon. 6 bouexaux un quart et demy et tiers de quart avoine grosse, et grande mesure et 7 poulles, dont est saisy Michel Rio.

Item autre roole aussy apellé le Brossay en Nivilliac qui se monte par deniers, sauf erreur, à 19 liv. 13 s. 6 den. mon. 17 bouexaux un quart avoine dicte messure, 13 poulles et tiers de poulles, 2 bouexaux seigle, duquel est saisy Aubin Henry.

Item le roole rentier de Trongar qui se monte sauf erreur à 62 s. 2 d. mon. dont est saisy Jullien Moricet.

Toutes les rentes reportées auxd. rooles scavoir la Bouëxière, la Joë, Marionais, la Ville Grignon, le Brossay, en Misslliac, le Brossay, en Nivilliac, et Trongar, sur lesquels fiefs, rooles et baillages appartiennent aux héritiers du feu seigneur de Pontménard qui font droit de jurisdiction basse et moïenne et que de ce, leurs prédécesseurs, seigneurs de Lourmois, la Joë, Coismeur et desd. baillages cy-devant mentionnés, estoient en bonne possession sur leurs homme, et subjetz en leurs dits fieffz et jurisdiction, etc., et tous autres droiz apartenans aux nobles personnes ayantz droit de jurisdiction basse et moïenne ».

Tous ces héritage, contenus dans l'aveu de la seigneurie de Lourmois de 1632 rendu au baron de la Roche-Bernard, échurent, à foy, hommage et rachapt à demoiselle Renée Troussier, épouse de messire Jullien de Porcaro, chevalier. l'ordre du Roi, seigneur de Porcaro, Silz, le Breil, la Landelle, Lourmois, la Bouëxière et autres lieux. Le manoir seigneurial de Porcaro où résidaient habituellement M. et Mme de Porcaro était situé dans la paroisse de Guer, évêché de Saint-Malo. Aussi le château de Lourmois qui n'était plus habité par son seigneur fut cédé à un fermier général.

La dame de Pontménard ne survécut que quelques années à son mari, et son douaire sur la seigneurie de Lourmois fut éteint. Le rachat de son héritage fut payé par messire Julien de Porcaro pour une somme de mille livres, au fermier général de la baronnie de la Roche-Bernard, Jean Philippes, sieur de Boisrond, demeurant au château de la Bretesche, paroisse de Missillac, évêché de Nantes.

Messire Julien de Porcaro et dame Renée Troussier, son épouse, eurent trois enfants ; le chevalier Jacques de Porcaro, sieur de Silz, fils aîné, héritier principal et noble ; écuyer Jean de Porcaro, sieur de la Coudraye, et demoiselle Anne de Porcaro, dame de Guer, qui épousa écuyer Sébastien de Lozanne, sieur dudit lieu, déjà deux fois veuf.

Par acte du 28 mars 1661, au rapport de Me Allayre, notaire royal, la dame de Porcaro et son mari baillèrent à écuyer Jean de la Brousse, sieur dudit lieu, Launay en Camoël, etc..., demeurant à la Roche-Bernard, pour le prix de 5.000 livres par an, les terres, maisons et dépendance de la seigneurie de Lourmois, et, pour la somme aussi annuelle de 500 livres, le droit de péage sur la rivière à la Roche-Bernard, dont était précédemment fermier Jean Mesnard, marchand à Redon. A la signature du contrat, le sieur de la Brousse offrit pour épingles à la dame de Guer « quatre pistolles parce que le dit sieur de la Brousse poura faire pescher dans les estangs despandans de laditte maizon pour la subsistance de sa maizon seullement, à charge de faire peupler le fuye de la maison de la Grée, de laquelle il jouira pendant le temps de ladite ferme ». Le 30 mars suivant, messire Julien de Porcaro, qui était demeuré à son château de Porcaro, ratifia l'acte passé par son épouse. Le sieur de la Brousse donna à nouveau à la dame de Guer « pour pot de vin et denier à Dieu le nombre de dix louys d’or ».

Sur ces entrefaites, dame Renée Troussier mourut, laissent à son fils une fortune passablement ébréchée et la terre et seigneurie de Loarmois grevée d'une hypothèque de 60.000 livres. Et cependant, messire Julien Porcaro, son mari, avait déjà payé plus de 60.000 livres de dettes. Messire Jecques de Porcaro, chevalier, seigneur de Silz, fils aîné, héritier principal et noble, sous bénéfice d’inventaire, accepta la succession de sa mère et paya à la seigneurie de la Roche-Bernard 3.000 livres pour le rachat de ses héritages.

Le 7 mai 1661, messire Jacques de Porcaro passa un second acte avec le sieur de la Brousse, qui résiliait d'abord l'acte du 28 mars 1661, Ensuite il afferma à nouveau au sieur de le Brousse la totalité de la terre et seigneurie de Lourmois, sans rien réserver, pour six ans, à dater du 7 mai, pour le prix 5.000 livres payables en un seul terme au jour de la Saint-Jean. Cette ferme comprenait, en plus de la précédente, la dixme du péage de la rivière de Vilaine, la jouissance d'une maison, sise à la Roche-Bernard, rue Notre-Dame, occupée par Vincente Chambily, veuve de M. Yves Le Gentil, sieur du Prateau, hôtesse et marchande, le grenier de Lourmois, même rue, à la Roche-Bernard, le moulin à eau de la Dame avec son moulin à fouler le drap, le moulin du Rodoir et la coupe du bois taillis de la Bauge-Potin.

Peu après la formation de cette ferme, le sieur de Porcaro, intenta un procès contre le sieur de Silz, son fils aîné, et se fit adjuger par le Parlement de Bretagne, sur la terre de Lourmois et ses dépendances, une somme annuelle de 3.000 livres.

Messire Jacques de Porcaro, chevalier de Silz, crut que son père ne tiendrait pas compte de cet arrêt du Parlement. Il se trompait. Messire Julien de Porcaro, ayant payé déjà des sommes considérables pour dégrever une partie de la seigneurie de Lourmois, y prétendait quelque chose, ainsi que l'avait d'ailleurs jugé le Parlement. Le 25 juillet 1662, il toucha des mains du sieur de la Brousse les 3.000 livres qui lui revenaient sur les fruits et revenus de Lourmois.

Le sieur de la Brousse, fermier général de la seigneurie de Lourmois, avait sous-affermé à nobles gens Jacques Deschevaux et Merie Guignard son épouse, sieur et dame de la Rivière, la maison et le pourpris de la seigneurie de Lourmois qui consistait en prés, jardins, pâtures du verger et des environs, bois, châtaigners, les jardins et la maison du bourg de Nivillac, et généralement tout ce qui était dans l'enclos du château de Lourmois.

Le chevalier de Silz, fâché que le sieur Porcaro, son père, prétendit tirer conséquence de l'arrêt du Parlement et se fut fait payer 3.000 liv. sur les 5.000 liv., prix de la ferme du sieur de la Brousse, voulut, à force ouverte, jouir quand même de la maison de Lourmois. Il pensait ainsi exclure son père des revenus de la seigneurie. A cet effet, il s'introduisit dans le manoir avec quantité de valets et fit au sieur de la Rivière, qui entrait à peine en jouissance du pourpris, toutes sortes de violences et de troubles. Ceci se passait à la fin de l'année 1661. Un peu plus tard, dans les premiers mois de l'année 1662, le chevalier de Silz recommença de nouvelles violence. Il avait été cependant déjà condamné par les juges de la baronnie de la Roche-Bernard à laisser le sieur de la Brousse jouir paisiblement de sa ferme, et le jugement portait expresse défense au sieur de Silz ou à ses gens d'occasionner aucun dommage sur la terre et les dépendances de Lourmois.

Le sieur de Silz ou pour mieux dire missire Guillaume Billlard, son chapelain, chef de ses domestiques, qui occupait par force le manoir de Lourmois, voyant que le sieur de la Brousse avait obtenu un arrêt qui le protégeait lui et ses sous-fermiers, eut une idée criminelle. Il fit tirer plusieurs coups de fusil sur le sieur Deschevaux, dans l'appartement qu’il occupait à la maison de Lourmois. Un coup porta et atteignit le sieur de la Rivière dans la poitrine. Mais celui-ci fut protégé par la peau de buffle qu'il portait sur lui comme archer de maréchaussée. Lourmois pouvait devenir le théâtre d'un crime. Le sieur de la Rivière porta plainte devant les juges de la juridiction de la Roche-Bernard. Je laisse au procès toute sa saveur en reproduisant intégralement et dans l'orthographe du temps les différentes pièces qui le composent.

11 septembre 1661.
A Messieurs les Juges de la baronnye de la Roche-Bernard.
« Messieurs,
Supplye humblement noble homme Jacques Deschevaux, sieur de la Rivière, archer de la maréchaussée de Bretaigne, soubz fermier du pourprix de la maison noble de Lourmois soubz et de par noble homme Jean de la Brousse sieur dudict lieu, fermier général de la dicte terre.

Et vous remontre comme du depuis les trois mois derniers il avoit esté troublé sur la jouissance de ladite ferme par un prestre apellé Guillaume Billard, accompagné de deux estaffiers, l'un apellé François, et l’autre Allain et plusieurs autres geans incogneus, lesquels par force, et viollance ont joui et jouissent encore du tout des fruicts et levée dudit pourprix.

Et non content de ce, menassent journellement de tuer et asseziner vostre supplyant et entraultre le jour d'hier, dixsiesme du present mois, ledit Billard, Francois et Allain en l'aide d'un aultre à luy incogneu, avoint, environ les cinq à six heures du soir, faict plusieurs menaces avecque blasphemes exécrables, et entraultre ledit Billard dizant en ses mots, par la mordieu et sacredieu, que jamais il neust consacré qu'il nauroict tué ledit supplyant avant la nuict ensuivant, et, en effaict, tachant de mettre leurs pernicieux dessain à exécution auroint enffermé hors la court de ladite maison ledit supplyant et sa compagne, continuant tousjours leurs blasphemes et menaces, en sorte que ledit supplyant et sa compagne, qui est ensainte preste d'accoucher, feurent obligé par parolles douces et civilles de supplyer ledit Billard de les lesser entrer, attendu la grossesse de sadite compagne et qu'il estait heure indüe pour aller ailleurs, jouinct mesme que tous leurs meubles estoint en ladite maison, surquoy ledit Billard fist ouvrir la porte de ladite court, ledit supplyant et sa compagne, voullant en toutte diligence se retirer en leur despartement, avoint estez poursuivys par ledit susnommé ayant en main fuzil et pistoletz bandée, et, apprês avoir fermé et baricquadé les portes de ladite court, avoinct tiré plus de trante coups de fuzils, dont un d’eux toucha le buffle, dudit supplyant, continuant leurs jurements, dizant qu'il falloit tout tuer tant ledit supplyant que sa famille, lequel se renfferma dans sondit despartement avecque sadite compagne laquelle d'apréhansion en est allitée en sorte qu’ilz ne son en sureté de leurs personnes. Sy vous remontre le supplyant que les desnommée en cette plainte sont geans qui tiennent le peuple en subjection exigent d'eux des sommes notables soubz pretexte de prizes de bestail et autres pretextes par menasse et auttrement, portent journellement des armes à feu et mesme des pistolez de poche et autre armes. Mesme depuis qu’ilz sont en ladite, maison de Lourmois, il est faict aux environs d'icelle plusieurs crimes de vols dont on soubsonne ces geans incogneus tellement que vostre supplyant est contraint d'abandonner ladite maison, ce considéré :

Vous plaize mesdits sieurs recepvoir ledit supplyant information d'office de tout ce que dessus par touttes espèces de preuve, mesme par lettre monitoriale et cependant mettre ledit supplyant et sa compagne en la protection et sauvegarde du Roy et de la Justice requérant au tout l'adjonction de Monsieur le procureur fiscal de cette jurisdiction et ferez justice. Ainsy signé : Jan Movet, procureur et Deschevaux ; et en marge est escrit : soit informé d'office et permis au supplyant de faire fulminer lestre monitoirialle et pendant le supplyant mis en la protection et sauvegarde du Roy et de la Justice à la Roche Bernard à unziesme jour de septembre 1662 Ainsy, signé : Delorme.Signé : PIERRE PRIER, LECOINTE, commis au greffe ».

Comme on le voit par cette plainte, on pouvait être à la veille d’un crime à Lourmois.

********

Le procureur s'émut et après avoir mis sous la sauvegarde de la justice les sieur et dame de la Rivière, il ordonna aussitôt une enquête. Dès le lendemain, le lieutenant de police Pierre Prier, alloué de la baronnie de la Roche-Bernard, descendit sur les lieux avec son greffier.

« 12, 13, 19 septembre 1662.
Enquête d'office faicte par la baronnye de la Roche-Bernard à requeste de noble homme Jacques Deschevaux, archer de mon Sieur le grand Provost, demandeur et accusateur vers et à l’encontre de missire Guillaume Billard et un appelé François et Allain demeurant dans la maison noble de Lourmois, à laquelle a esté vacqué par nous, Pierre Prier, alloué et lieutenant du général et du particulier de la baronnye de la Rocbe-Bernard et avecque nous pour adjonct le greffier ordinaire d'icelle.

Du 12e de septembre 1662. — Premier tesmoin. Sebastien Le Doré, tessier en toile, demenrant serviteur domestique chez le sieur et dame de la Haultière [Note : Messire Ollivier de Kermeno, chevalier, seigneur de la Haultière, Bodeuc et autres lieux, demeurant en sa maison, manoir noble de Bodeuc, paroisse de Nivillac, évêché de Nantes], âgé de 29 à 30 ans, ainsy qu’il a dict, présent tesmoin, juré dire vérité, purgé de conseil, examiné et enquis sur les faicts de la plainte dudit Deschevaux, a dict le connoistre, ne luy estre parent, allié, tenu ny obbligé et dépose que dimanche dernier environ les trois ou quatre heures de l’après midi, la dame de la Haultière estant allée le mesme jour aux nopces de la fille de Pierre Nepvou, métaier en le métayrie de Méro appartenant audit seigneur et dame de la Haultière, en s’en retournant des dites nopces elle passa et entra en le maison de Lournois, auquel lieu ledit déposant la suivit et, y estant, un des gents y demeurants, à luy inconneu, fors qu'il a entendu dire qu’ils estoient de la part du sieur de Silx de Porcaro, luy dist qu'il eust mis le cheval de ladite dame de le Haultière à l’escurie, ce que voiant le déposant ly avoit mené et en sortant de ladite escurie et estant resté à parler audit homme à luy inconneu, il auroit veu arriver un prestre appelé dom Guillaume, demeurant en ladite maison, et avecque qui estoit Jean Trémant, mercier du bourg de Nivillac, lequel dom Guillaume arrivant, entra en sa chambre et ledit Trémant, et quelque temps apres sortit et rencontrant un petit garson, valet du sieur de la Rivière, lui dist qu'il avoit trouvé un cochon dans du froument ou de la mille, ne scait lequel des deux, et qu’il eust donné des coups de fuzils audit cochon, ce qu'il répéta per deux ou trois fois et après, ledit garson de la Rivière luy aiant dict que ce n’estoit point à luy à qui il se dehvoit plaindre et que c'estoit à son maistre, il luy dist qu'il ne se soucioit de luy, ni de son maistre, ni de quoi que ce soit et que l’on menaçoit de faire decréter contre luy et le faire suspendre, qu'il ne se soucioit de décret, de sergent, ni d'estre suspens et que il avoit auy dire qua monsieur de la Brousse debvoit venir à Lourmois, mais que s'il y fust venu, par la teste ! je renie, y emploiant le sainct nom de Dieu et en plusieurs aultres sortes de facon, qu'il l'en eust bien empesché et répliquant ces jurements, qu'il avoit des armes pour se deffandre et dist que il avait ouy dire que la Rivière le vouloit empescher de porler des fusils, mais qu'il en eust porté en dépit de qui que ce soit sur ses terres, et qu'il ne se soucioit ni de Dieu, ni de diable et ensuilte rentra dans sa chambre et prit un fusil et sortit hors de la court avecque ledit Jean Trémant, lequel Trémant dist au déposant qu'il estoit venu pour acheter des genets dudit dom Guillaume prestre et le deposant estant allé pour prendra son cheval dans l’escurie, y avait trouvé un garson estan en ladite maison de Lourmois avecque ledit dom Guillaume, lequel le voiant prendre son cheval luy auroit dict qu'il eust paié le foin et que s’il ne le paioit, qu’il eust pris ledit cheval et qu'il l’eust tant galopé par la prée qu'il l’eust crevé ; et ensuilte enferma le déposant dans l'écurie avecque ledit cheval, et quelque temps après la porte de l’escurie luy fut ouverte, ne scait par quy, où en mesme temps le petit garson de la Rivière entra et luy auroit dict que ledit homme auroit dict que s’il se fust fâché, qu'il eust donné des coupe de pistolets dans le ventre dudit cheval et dict oultre le déposant, que lors que ledit homme faisoit ses menaces, il luy vit un pistolet dans sa poche ; dépose de plus qu'il vit une femme venir chercher des chevaux en ladite maison de Lourmois et vit à un des gents luy inconneu, demeurant en ladite maison, mettre quatre ou cinq chevaux hors la court et dire à ladite femme qu’elle eust paié un escu de la pièce desdits chevaux : et est sa déposition, de laquelle lecture luy faicte au long, a dict icelle contenir vérité par son dit serment et ne scavoir signer. Ainsi signé : Pierre Prier et Lecointe, commis greffier.

Continuation d'enquête d’office, faite à la requeste de noble homme Jacques Deschevaux., etc ......

Du 13e jour de septembre 1662 — 2ème témoin.
René Dupont, fils Jan, natif de la paroisse de Venef, proche Château-Giron, âgé de 20 ans ou environ, demeurent à présent avecque le sieur de la Rivière Deschevaux, présent témoin, juré dire vérité, purgé de conseil, examiné et enquis : dépose que dimanche dernier, environ midy ou une heure après, dom Guillaume Billard prestre, demeurant à la maison de Lourmois, se disant au sieur de Silz de Porcaro, estant assis en la cour du lieu de Lourmois avecque lequel estoit Jan Trémant, mercier, un appellé Allain, valet dudit sieur de Silz et un tessier demeurant avecque la dame de la Haultière, ne scait son nom, icelluy Billard prestre, jurant excécrablement le sainct nom de Dieu en ces mots, par la teste, par la mort, ventre, sacré, y emploiyant le sainct nom de Dieu et quand il eust deu jamais ne dire la messe, il eust tué le dit sieur de La Rivière avant que eust esté deux jours passés, et ensuilte auroit entré dans la maison dudit Lourmois et en rentrant auroit dict au déposant voiant un cochon qui estoit dans la cour dudit lieu de Lourmois, appartenant au sieur de la Rivière, en répétant les mesmes blasphèsmes : va-t’en dire à ton maistre et à ta maitresse que je tuerai ce cochon, lequel va dans du bled noir, et qu'il ne vouloit point qu'ils eussent demeuré et ladite maison de Lourmois et qu'il vouloit y estre maistre et quelque temps après avoir rentré en ladite maison, il auroit sorti avec un fusil à la main, accomgagné dudit Allain qui avoit un gros baston à la main et un aultre garson, se disant audit sieur de Silz, appelé François et s'en allant hors la court dudit lieu, et environ une heure après, ledit Billard et Allain retournant en ladite maison et peu de temps après, ledit Francois et iceux Billard et Allain, auroint encore et derecheff sorti avecque leursdits fusils et baston et s’en allèrent, à ce qu'il croit, au bourg de Nivillac et ledit François qui estoit demeuré dans ladite maison avoit sorty, lequel avoit un pistolet en sa pochette et seroit allé en l'escurie où il auroit cellé un petit cheval gris, appartenant audit Billard, et en le callant auroit fait plusieurs jurements en ces mots : teste, mort Dieu, ventre Dieu, il y a une quevale [Note : Pour cavale, femelle du cheval] dans l'escurie, appartenant à la dame de la Haultière : Je luy donnerois un coup de fusil ou un coup de pistolet dans le ventre ; et ensuilte auroit monté sur ledit cheval et seroit allé, à ce qu'il croit audit bourg de Nivillac et sur le soir, environ deux heures avant soleil couché, ledit Billard, prestre, accompagné dudit Allain et dudit François et d'un aultre garson quy seroit arrivé le matin dudit jour audit lieu de Lourmois, seroient retournés à ladite maison et aiant entré en icelle, auroint aussy tost ressorti avecque deux fusil et auroint tiré plusieurs coups dans ladite court, et la femme dudit sieur de la Rivière et le déposant, venants de la prée de Lourmois et entrant en ladite maison, auroint tiré deux coups sur eux, ne scait s'il y avoit des dragées
[Note : Dragée, petille balle de plomb en fome de petits pois, dont on se sert pour tirer le gibier. (Richelet, Dict., 1728)] ou nom. Ce que voiant, ladite femme de la Rivière et ledit déposant auroint sortis et allés en ladite prée où estoit ledit sieur de la Rivière, et quelque temps après ledit sieur de la Rivière, sa femme et ledit déposant, aiant rentré en ladite maison, virent lesdits Billard, Allain, François et l'autre garson à luy inconneu qui estoint en la cour de ladite maison, et ledit sieur de la Rivière, sa femme et le déposant estant dans la salle dudit lieu de Lourmois où ledit sieur de la Rivière se pourmenait, ledit Billard, prestre, et lesdits Allain, François et l’autre garson inconneu, estants à la porte de leur despartement icelluy Billard, voiant ledit sieur de la Rivière se pourmener, luy auroit tiré un coup de fusil qu’il tenoit à la main, lequel luy auroit porté en l'estomac, lequel l’auroit peu tuer, sans un poupoint de buffle qu'il avoit, ce que voiant, ledit sieur de la Rivière auroit faict fermer les portes de ladite salle vers laquelle ledit Billard et ceux qui l'accompagnoint auroint ensuilte tiré plusieurs coups et en tirant disoit ceux qui l'accompagnoient : mort, teste, ventre Dieu, tuons, et lesdits sieur et dame de la Rivière et le déposant n'auroint osé sortir et auroint esté contraints de laisser tous leurs bestiaux coucher la nuict dehors ; et est sa déposition, dont lecture luy faicte au long, a dict icelle contenir vérité par sondit serment et ne scavoir signer. Ainsy signé : Pierre Prier et Lecointe, commis greffier.

Troisième tesmoin.
Maistre Guillaume Le Roux sieur de la Houssaye, nottaire et procureur postulant en cette baronnye, demeurant au bourg paroissial de Nivillac, âgé de 38 ans ou environ, présent tesmoin, juré dire vérité, purgé de conseil, examiné et enquis : dépose et déclare n'avoir connaissance des faicts mentionnés en la requeste dudit Deschevaux, fors qu'il a entendu dire par bruict commun que dom Guillaume Billard, prestre, demeurant en la maison de Lourmois et le sieur de la Rivière Deschevaux avoint différent et que de jeunes garsons, ne scait leur nom, qui demeurent audit lieu de Lourmois et se disant au sieur de Silz de Porcano, portent par la campaigne des fusils : et est sa déposition, etc.....

Quatrième tesmoin.
Sieur Jan Trémant, marchand mercier, demeurant au bourg paroissial de Nivillac, âgé de 40 ans ou environ, présent tesmoin, juré dire vérité, purgé de conseil, examiné et enquis : dépose que dimanche dernier du matin, aiant demandé à dom Guillaume Billart, prestre, demeurant en la maison de Lourmois, s’il luy vouloit vendre un petit quanton
[Note : Petite mesure de terrain] de genets qui est proche ladite maison de Lourmois et y estant, il entendit audit Billard dire au petit garson du sieur de la Riviere qu’il eust retiré son cochon du bled noir et qu’il y faisoit grand dommage ; et n'avoir jamais veu ledit Billard, ni autres de la maison de Lourmois porter aucun fusil ny aultres arme : et est sa déposition, etc....

Cinquième tesmoin.
Honorable femme Janne de le Métairie, femme de maistre Guillaume Le Roux, notaire et procureur postulant en cette baronnye, avecque luy demeurante au bourg paroissial de Nivillac, âgée de 27 ans, ainsy qu’elle a dict, présente tesmoin, jurée dire vérité, purgée de conseil, examinée et enquise - fait une déposition identique à celle de son mari.

Continuation d'enqueste d'office faicte à la requeste de noble homme Jacques Deschevaux, etc. Du 19e jour de septembre.

Sixième tesmoin.
François Tabo, laboureur, demeurant métayer en la métairye, de la Ville-Jossie, paroisse de Nivillac, âgé de 52 ans ou environ, juré de dire vérité, examiné et enquis, a dict cognoistre les partyes et ne leur estre parent allié, ny obligé, dépose que il y a de dimanche huict jours, que estant à se promener dans une pièce de terre, despendant de ladite matairye ensemencés en mille, il entendit tirer nombre de coupe de fuzils proche le bourg de Nivillac et entendit le lendemain dire aux valletz du sieur de la Rivière que c’estoient le prestre et les vallletz de Monsieur de Silz de Porcaro qui avoient tiré sur son maistre dans l'appartement où il estoit logé. Et est sa déposition, etc... Ainsy signé : Pierre Prier et Lecointe, commis greffier, et plus bas est escrit : soict communicqué au sieur procureur fiscal pour iceluy, ouy en ses conclusions, estre ordonné ce que de raison. Signé : PIERRE PATER ».

Le procureur fiscal, maître Guy Chotard, après l'enquête du lieutenant et alloué de la Roche-Bernard, ordonna que missire Guillame Billard, et les nommés Francois et Allain, demeurant en la maison de Lourmois, fussent appréhendés au corps et constitués prisonniers dans les prisons de la baronnie à la Roche-Bernard. Le 16 octobre 1662, le lieutenant voulut exécuter la sentence ; mais les accusés firent défaut. Sur ces entrefaites, le sieur de la Rivière avait intenté un procès au sieur de la Brousse pour lui demander des dommages et intérêts, à cause des troubles occasionnée dans sa ferme par les gens de messire Jacques de Porcaro de Silz. Mais après les menaces de mort prononcées contre lui, il ne voulut pas se contenter des dommages que lui avait accordée les juges de la baronnie de la Roche-Bemard ; il résilia sa ferme et quitta Lourmois. Ce fut noble homme Gilles Fontaine, sieur de Champbarré, qui le remplaca, dès le 29 octobre 1662.

Toutefois missire Billard et ses gens revinrent à Lourmois et y séjournèrent aussitôt après que la justice se fût dessaisie de l'affaire.

Le sieur de la Brousse en appela à la police du roi à Guérande et ce ne fut que par la force que dom Guillaume Billard et ses gens purent être expulsés de Lourmois, Voici le procés-verbal d’expulsion :

« 5 avril 1663, François Martin, escuyer, seigneur de Beaulieu, conseiller du Roy et son sénéchal à Guérande, scavoir faisons : que par vertu d’arrest de la cour de nosseigneurs de Parlement, estant en date du premier jour de mars dernier, donné et rendu à la poursuite et requeste de noble homme Jan de la Brousse, sieur dudit lieu, en exécution d’aultre précédemment par luy obtenu le 7 octobre 1662, à l’encontre de Mre Jaques de Porcaro, seigneur de Silz et de la requeste par escrit, à me présentée le 3 d'apvril, par Thomas Jan, son procureur, portant nostre commission, de nous respondue et demeurée au greffe avecq ledit arrest, nous nous sommes ce jour jeudy, cinquiesme d'apvril, dict an 1663, transporté à cheval avec maître Jan Duhil nostre greffier et adjoinct de ladite ville de Guerrande, où est nostre domicille, environ les sept heures du matin, en la ville de la Roche-Bernard, distant de quatre lieues et estant arrivés, environ les unze heures du matin en ladite ville, avons descendu et mis pied à terre au logis où demeure honorable femme Vincente Chambily, où pend pour enseigne la Teste noire pour y prendre nostre logement et disner, et là arrivés, environ une heure après, nous est venu trouver le sieur de la Brousse assisté de maître Morice Chambily son procureur et conseil en la jurisdiction et baronnye, de la Roche-Bernard, lesquels, après estre demeurés d’accord de notre dessente et assignation, nous ont requis à nostre commodité nous vouloir transporter en la maison de Lourmois, sittuée à une petite demye lieue de ceste ville, proche le bourg paroissial de Nivillac, pour le faict et exécution dudit arrest ; ce que nous luy avons accordé, et environ une heure de l’après-midy, nous nous sommes, avecq nostre dict adjoinct, en compagnie de messiere Frarncois de Derval, sieur de l’Espinefort, gendre dudit sieur de la Brousse, attendu son incommodité et dudit Chambily, leur procureur, ayant pris et appellé avecq nous, pour tenir ayde et main forte à nostre commission et ordonnance, maître Paul Hamelin, sergent royal. André Godefroy, Paul Gallais et Jan Rialin, sergents, en ladite maison de Lournois, et sommes entrés par le portal donnant sur le grand chemin dudit lieu de la Roche-Bernard à Redon, dans une advenue d'icelle ou basse-cour, jusques à la grande porte principale de ladite maison par dessus un pont de bois, et là estant, ont comparus noble homme Gilles Fontaine et damoiselle Roberte Pied, sieur et dame de Champharré, quy ont dict avoir intérest en nostre dessente et commission, pour avoir soubz affermé le pourpris et logement de ladite maison d’avecq ledit sieur de la Brousse quy est obligé à leur garantage et les faire jouir ; de quoy le dit sieur de l'Espinefort et son procureur estant demeurez d'accord, nous avons en présence des dessus dicts, faict frapper au grand portal d’ycelle maison et à la petite porte au joignant que nous avons veue et trouvée fermée de cleff et barricade, et après avoir faict plusieurs fois redoubler à frayer et heurter contre les aultres portes, sans que personne ayt paru pour respondre, ledit sieur de l'Espinefort nous a dict que c’estoit une rebellion continuelle que portaient les gentz dudit seigneur de Silz aux exécutions des arrests de la Cour quy leurs ont estés plusieurs foys notifiés, et que l'appellé Billard, prestre, sachant l'heure de nostre dessente, s’est exprès enfermé ou absenté pour esluder la force desdits arrestz ; et à l'instant, sur le doutte que ledit Billard et aultres qui habitaient en ladite maison estoient absents, et qu'ils pourroient estre au bourg de Nivillac quy est proche, nous aurions différé de faire faire ouverture, jusques à nous estre informés audit bourg de la vérité, pourquoy nons y serions de compaignye allé, et y estant, nous aurions appris qu'icelluy Billard estoit en une maison, appartenant à mademoiselle Guillaume Le Roux vendant vin audit lieu et y estant entré et parlant audit Billard, prestre que nous trouvé avecq plusieurs aultres à boire, après luy avoir faict entendre nostre quallité et la teneur de nostre commission et sommé de nous dire s’il n’est pas vray qu'il demeure en ladite maison de Lourmois a respondu qu'ouy ; nous aurions faict injonction de nous représenter les clefs des fermetures de ladite maison et de nous en venir faire ouverture et d’assister à nostre procès-verbal en tant que besoin, pour ensuilte vuider et delivrer ladite maison de corps et biens, ce qu'il a reffusé faire, disant n'estre saisy des clefs, mais bien le sieur de Porcaro de Silz quy a plusieurs meubles actes et papiers de conséquence ; et sur ce reffus audit Billard de venir avecq, nous, sommes nous de compaignye transportés en ladite maison, avecq outilz et ferementz pour en faire ouverture, et comme nous estions près de le faire, est arrivé et survenu ledit Billard, avecq un autre prestre, à nous incogneu, auquel avons faict sommation de faire ouverture du grand portal de ladite maison, de la cleff dont il doibt estre saisi, laquelle après quelques diffuges il a exibé et ouvert ladite porte de la cour dans laquelle nous sommes entrés avecq luy, et ce faict, ledit Billard s’est évadé et avecq luy a emporté la cleff de ladite porte, et voulant entrer dans un corps et despartement de ladite maison, situé sur le pavillon, à main gauche en entrant, nous l’avons, aussy trouvé fermée de cleff. C'est pourquoy ledit Chambily et les sieurs et dame de Champbarré ont requis de faire venir ledit Billard pour représenter la cleff dudit portal par luy emportée avecq les autres dudit logement ce quy nous a obligés de nous transporter en personnes audit bourg de Nivillac, chez ledit Le Roux, vendant vin, où nous l'aurions trouvé avecq d'autres prestres à boire, auquel nous avons faict commandement de nous délivrer la cleff de ladite maison, ce qu'il a reffusé faire par plusieurs fois ; et l’y voulant faire contraindre par corps, pour ensuilte à son emprisonnement, il a fait offre de la représenter et, à l’instant, est venu avecq nous dans ladite maison, en compaignye des mesmes Guillaume Guilloté, Laurent Desbois, Jacques Fréour et Jan Fréour, laboureurs, où estant, il a exibé tant la cleff de ladite porte qu'il avoit emportée que celle de l’entrée sur le pavillon, à main gauche par laquelle sommes entrée dans une petite chambre, dans laquelle aient faict exacte perquisition, avons faict oster et emporter tous les meubles trouvés en icelle, etc.....

Et après, ayant faict injonction audit Billard d'oster et emporter ses linges, livres, habitz et provisions nous avons veu qu'il s’est et emparé d'un habit noir, quelques linges, bas de chausses et de quelques livres, d'un pot de beurre, quelque farine, d’un fusil et un bassin qu'il a dict luy appartenir, et ce faict, avons fermé ladite chambre avec le loquet d'icelle et sur la clavure, faict apposer le scel et cachet de nos armes par le deffaut du scel de la juricdiction de Guerrande, etc, .....

Et faisant après, avoir faict sortir ledit Billard de ladite maison et les aultres prestres de sa compaignye, avecq deffense à luy faicte de non plus y entrer, pour y demeurer, jusques à ce qu'aultrement par justice n’ay testé ordonné ; nous avons introduit lesdits sieurs de l'Espinefort et Chambily audit nom en la réelle et actuelle possession de ladite maison, pour en jouir bien et deubment, suyvant les arrest de ladite cour de nos seigneurs de Parlement et pour marquer l’effaict, nous luy avons delivré trois clefs, sçavoir : celle de la grande porte, celle de l’entrée dudit logis et l’aultre de la porte de la grande prée pour aller audit bourg de Nivillac, sauff à se servir d’aultres comme il voira, lesquelles clefs, ledit sieur de l'Espinefort à l'endroit a dellivré au sieur et damoiselle de Champbarré pour s'en servir aux fins de sa sous-ferme, et lesquelles il a acceptés ; et sont lesdits sieur et damoiselle de Champbarré restés audit lieu pour en prendre possession. Et nostre commission faicte et parachevée, en ce qu'il en a esté requis, la nuict survenue, sommes retournés coucher à nostre hostel audit lieu de le Roche-Bernard.

De tout quoy nous avons faict rediger le présent protcès-verbal. Ainsy signé : F. Martin, de la Brousse, François Derval, Fontaines, Me Chambily, Hamelin, A. Godefroy, J. Rialin et Duhil adjoinct, et en marge est escript de la main de mondit sieur le sénéchal, vacations de nostre dessente pour deux journées, dix escus et quartz seulement au greffier.

Signé DUHIL : reçu 32 livres, payées par ledit sieur de la Brousse ».

Toutes les violences que faisait commettre le sieur de Silz de Porcaro avaient pour but d'empêcher le sieur de la Brousse de jouir paisiblement de sa ferme. Il espérait frustrer le sieur de Porcaro, son père, de la provision de 3.000 livres que la cour lui avait adjugée sur le revenu de la seigneurie de Lourmois. Il ne réussit par ce moyen, qu'à faire chasser son chapelain et ses gens, du château de Lourmois. Il ne se tint pas pour battu et imagina un autre système. Il prétendit que l'acte de ferme qu'il avait passé avec le sieur de la Brousse n'était pas un acte authentique, mais seulement un projet d'acte. De plus, il ajoutait que, simple dépositaire de la succesion de sa mère, vis-à-vis de ses créanciers, il n’avait pas le droit d'établir un acte authentique et que la somme de 5.000 livres n'était qu'un prix de ferme dérisoire pour la seigneurie de Lourmois. Il fit tant et si bien que plusieurs créanciers que lésait le provision de 3.000 livres du père du sieur de Silz acquiescèrent à son dessein. On bannit à nouveau le bail de la terre et seigneurie de Lourmois, avec l'autorisation de la Chambre des requêtes du Palais. Le sieur de Silz porta le bail à la somme de 5.300 livres et Messieurs des requêtes lui baillèront la terre de Lourmois le 4 juillet 1662. Dès le lendemain, le sieur de la Brousse interjeta appel devant la Cour qui jugea qu'il y avait eu surprise dans l'adjudication du bail, et le sieur de la Brousse fut remis en possession de sa ferme. Le sieur de Silz était à jamais déboutté, de sa demande.

Les violences et la procédure n'avaient pas réussi à messire Jacques de Porcaro sieur de Silz ; il tenta une dernière démarche pour ôter au sieur de la Brousse la libre jouissance de sa ferme. Il déposa en Tournelle une instance criminelle. Dans sa requête, il disait que le sieur de la Brousse avait fait « esbrancher quantité d'arbres de décoration de ladite maison de Lourmois ». Il demandait qu'un de ces Messieurs de la Chambre fût commis pour descendre sur les lieux et dresser le procès-verbal des dégradations. Sur cette requête M. Huteau, conseiller, fut commis et descendit sur les lieux. Le sieur de la Brousse devait être entendu dans cette enquête. Il se rendit aussitôt à la demande de la Cour et convainquit le juge, de l'imposture du sieur de Silz. Il lui montra qu'il n'avait fait qu'user des droits de son bail. Son bail lui donnait en effet la liberté d’émonder tous les arbres qui l'avaient été précédemment. C’est ce qu'il avait fait sur les arbres des rabines qui étaient tous arbres d'émonde. Tel était son seul crime. Le 23 mai 1663, les parties furent réglées civilement par arrêt de la Cour qui déboutta le sieur de Silz de ses conclusions.

Toutes ces allées et venues, ces contestations ces procès, n'étaient point faits pour rassurer les créanciers de la succession de dame Renée Troussier. Aucun des intéressés n'y trouvait son compte. Ils se décidèrent alors à poursuivre aux requêtes du Palais la vente de la terre et seigneurie de Lourmois. Le 24 février 1664, la terre fut vendue judiciellement et achetée pour la somme de 120.000 livres par messire Germain de Talbouët, seigneur de Bonamour, conseiller en la Cour et président aux requêtes du Palais à Rennes. Cette somme fut tout entière distribuée aux créanciers de la dame de Porcaro.

Le président de Talhouët de Bonamour, nouveau seigneur châtelain de Lourmois, continua à écuyer Jean de Brousse la ferme qu’il tenait précédemment du sieur de Silz de Porcaro. Mais bientôt le sieur de la Brousse mourut, laissant pour héritière, sa fille, Françoise de le Brousse, dame de la Haye-Eder, épouse de messire Francois de Derval, chevalier, sieur d'Espinefort qui résilia la ferme de son pére et vint habiter le château de la Haye-Eder, paroisse de Missillac.

En 1667, messire Julien de Porcaro, chevalier, mourut et ses enfants : messire Jacques de Silz de Porcaro et demoiselle Anne de Porcaro de Guer, dame de Lozanne, essayèrent d'arracher des mains des créanciers, quelques lambeaux de la succession obérée de leur père.

Messire Jacques da Silz se retira à son château de Silz, sur la Vilaine ; Mme de Lozanne demeura à Porcaro, dans la paroisse de Guer.

Au moment où le président de Talhouët acheta la seigneurie de Lourmois, il est intéressant de savoir quelles étaient exactement les terres qui en relevaient. Huit ans après la vente de Lourmois, une estimation des revenus de cette seigneurie fut faite, à la requête du seigneur de Bonamour le 12 juillet 1672. Les commissaires, priseurs nobles, nommés d'office, étaient : écuyer Nicolas Le Long, seigueur de la Coudraye, demeurat en sa maison à la ville de la Roche-Bernard ; Jean Rogon seigneur des Gautrais, demeurant à sa maison de Bélébat, paroisse de Crossac ; et Jacques Le Mintier, écuyer seigneur de Bignon Lehellec, demeurant en la ville de Guérande, tous trois de l'évêché de Nantes. Les autres priseurs qui prêtèrent serment devant les juges de la baronnie de la Roche-Bernard furent : Michel Lethiec, laboureur, du village de Caumont, paroisse de Saint-Dolay Jacques Rio, laboureur, demeurant à la métairie de la Porte, près la ville de la Roche-Bernard, et Pierre Lepvraut daboureur, du village de Tilloué, paroisse de Nivillac, tous aussi de l'évêché de Nantes. Ils se réunirent à la Roche-Bernard, en la maison du sieur Aubrée, hôtelier, où pendait pour enseigne la Croix Verte et de là, se rendirent ensemble à Lourmois. Voici quelle fut l'évaluation des revenus de la seigneurie de Lourmois pour une année :
Le pourpris de Lourmois, 610 liv.
La métairie de la Garenne, 292 liv. 17 s. 6 d.
La métairie du Vivier, 1004 liv.
La métairie de la Joë, 750 liv.
Le métairie de la Villeneuve, 130 liv. 16 d.
La métairie de la Coudraye, 269 liv. 15 s.
La métairie de Coismeur, 96 liv. 16 s. 6 d.
Le métairie de le Ville-Blouin, 300 liv.
Le rôle de la Bouëxière. 313 liv. 12 s. 6 d.
Le rôle du Brossay, en Nivillac 103 liv. 6 s. 6 d.
Le rôle de la Ville-Grignon, 29 liv. 4 s. 3 d.
Le rôle du Brossey, en Missillac, 44 liv. 2 s.
Le rôle de Marionnais, 51 liv. 12 s.
Le rôle de la Joë, 73 liv. 1 s. 6 d.
Le dixme de la Ville-Grignon, 348 liv.
Le moulin de la Joë, 226 liv, 7 s.
Le taillis de la Ville-Lucas 123 liv. 4 s. 9 d.
Le parc de la Joë, 21 liv. 8 s. 7 d,
Le taillis de Coismeur, 34 liv. 5 s. 9 d.
Le taillis de la Boissière, 42 liv. 7s. 1 d.
Les moulins de Bourrriguan et de la Dame, 1064 liv. 10 s.
Le moulin à fouler du Rodoir, 50 liv.
Les château et métairie de le Grée, 168 liv. 3 s.
La métairie de la Basse-Grée, 356 liv. 14 s.
Le rôle de Moutonnac, 73 liv. 10 s.
Le devoir de la Grée-Neuve, 540 liv.
Un petit droit de dixme de la seigneurie du Brossay, en Missillac, 35 liv. 14 s.

Les ventes, lots et rachats dus à la dite seigneurie, mémoire.
D'après cette estimation, le retenu de la terre et seigneurie de Lourmois était supérieur à une somme de 7.153 liv. 1 s. 14 d. Les taillis n’y étaient comptés que pour un septième du prix de vente, les coupes ne se faisant qu'une seule fois par sept ans.

Lourmois avait donc encore une fois changé de seigneur. Pendant la fin du XVIIème siècle et même jusqu'eux jours troublés de la fin du XVIIIème qui amenèrent la ruine des terres féodeles, cette seigneurie resta dans la maison des comtes de Bonamour.

Messire Germain de Talhouët, comte de Bonamour, conseiller du roi en ses conseils et président de sa chambre des requêtes du Palais à Rennes, était fils de messire Louis Redon de Talhouët, seigneur dudit lieu Boishorand et autres lieux. gouverneur de la ville de Redon, et de dame Le Levier, comtesse de Telhouët, dame de Kerédrin, la Bérichére et autres lieux.

Cette famille de Talbouët était puissante et riche ; mais on sait qu’à cette époque, tous les seigneurs bretons qui voulaient faire figure, soit à la cour, soit au parlement, soit chez les grands ou les puissants d’alors, contractèrent d'énormes dettes qui causèrent, leur ruine un peu plus tard. Les Troussier de Pontménard et les Porcaro de Silz, seigneurs de Lourmois, s'étaient ruinés. Il en fut de même des Talhouët, dont le fils aîné, messire Germain, comte de Bonamour seigneur de Lourmois, la Joë, la Grée et autres lieux, fut obligé de payer les dettes.

Dame Le Levier, comtesse de Talhouët, vivait séparée de biens d'avec son mari. Elle possédait la terre de Kerédrin, située en la paroisse de Questembert, la métairie de la Berrichère et une maison sise à Rennes, rue Vieille-Filanderie, où se tenait l'hôtellerie de la Belle Armée. Mais comme elle dépenssait des sommes considérables, tous ces biens ne tardèrent pas à devenir la proie des créanciers.

Lorsque Mre Redon de Talhouët était gouverneur de Redon, en l'année 1661, la comtesse de Talhouët, sous son autorité, acheta du vin. « Elle fit vendre en détail, au pot et à la pinte, saubz son nom, par la nommée Marie Le Clerc sa femme de chambre, le nombre de cinquante barriques de vin de Grave, aux quartiers de janvier et d'apvril 1661 ; les commis des devoirs des estats en chargèrent leurs papiers de marques et la dame de Talhouët paya, à valloir sur les devoirs qui portaient à la somme de 1000 livres, une somme de 140 livres marquée sur l’un desdits papiers ».

Le fermier du devoir des Etats au baillage de Redon, était messire François de Derval, chevalier seigneur d’Espinefort ; chose curieuse il ne fut pas surpris de voir une personne de qualité se faire par autorité, débitante de vins dans sa propre maison. Il paraît que, dans plusieurs villes da la province de Bretagne, cette facon d'agir était en usage parmi les nobles qui ne rougissaient pas d’augmenter ainsi leurs revenus. Toutefois ce qui est le plus étrange: c’est que trente ans après, la comtesse de Talhouët n’avait pas encore payé sa dette à Mre Francois de Derval ou plutôt à son héritier Mre Jean-Louis de Derval, chevalier, seigneur d’Espinefort, malgré plusieurs jugements qui l’y condamnaient. Enfin, en 1694, la Cour de Rennes autorisa les sieur de Derval à mettre arrêt et saisie sur les revenus de la terre de Kerédrin et de l'hôtellerie de la Belle-Armée à Rennes. Par sentence de le Cour, rendue au rapport de M. de la Bouëcière, Mre Jean-Louis de Derval put faire vendre les grains des fermiers de la seigneurie de Kerédrin. Alors le comte Germain de Talhouët, seigneur de Bonamour, Lourmois, etc... , usa d’un subterfuge pour empêcher cette vente d'avoir lieu. « Il se rendit en la ville de Quintembert, où se tient le marché et où la vente desdits grains se devoit faire, attroupé de dix à douze valletz, et le sieur Maury [Note : Me Jean Maury, général d’armes de la juridiction de Rochefort, demeurant à Questembert] faisant son devoir de mettre la sentance obtenue exécution, en banissant que ceux qui eussent voulu faire valloir et acheter les grains dont il représentoit les échantillons ; l’un des valletz dudit sieur de Talhouët, qui avoit porté une caisse et tembourg, le battoit pour empescher qu'on eust entendu la voix dudit Maury, et lorsque quelqu'un s'approchoit et mettoit le main dans les échantillons que ledit Maury avoit apportés ce valler leur donnoit des coups de baguettes sur les doibs, en leur demandant s'ils vouloint venir au service du Roy et qu'il avait le pouvoir de les enroller ; et de cette manière aucun marchand n'oza enchérir, et comme ledit sieur de Talhouët, qui vouloit avoir les dits grains à bas prix pour en dispozer, il fit à l’appellé Théraud, les faire valloir et en demeura adjudicataire à 35 liv. le thonneau de seigle, et les autres espèces d'avoinne et bled noir au prix porté par le procez- verbal dudit Maury ».

Enfin, au mois d'octobre 1693, les terres de Kerédrin et les autres biens de la comtesse de Talhouët furent saisis à la requête de Mre Henry Amproust, chevalier, seigneur de la Masais, baron du Parc-Soubise, colonel du régiment d'infanterie de l'Isle de France et inspecteur général de l’infanterie en Flandre, héritier en partie, sous bénéfice d'inventaire, de Mre Jacques Amproust, seigneurie de Loma, créancier de la comtesee de Talhouët, pour plus de 300.000 liv. de principal et intérêts. Car pendant les dernières années de vie la comtesse habitait Paris où elle faisait de grandes dépenses. Elle mourut en 1699. Le comte de Bonamour, son fils aîné, héritier principal et noble, fut obligé de payer les dettes de son père et de sa mère : entre autres, celle düe à Mre Jean-Louis de Derval, seigneur d'Espinefort chancelier de la province de Bretagne, qu'il acheva de payer le 7 décembre 1702.

Le cadre de cette étude se trouve rempli. J'ai suivi les différents seigneurs de Lourmois dans leur passage, à travers le XVIIème siècle, et j’ai relevé les petite détails que j’ai cru intéressants pour la connaissance de la seigneurie et de ses différents seigneurs.

Pour ma part, il résulte de tous ces détails, dont un grand nombre m’étaient complétement inconnue, que les seigneurs d’autrefois, de ce XVIIème siècle par exemple, semblaient assez peu scrupuleux et délicats sur le payement de leurs dette. Je sais qu’à cette époque c'était presque dans l’air, ce souffle processif qui animait tout le monde ; on faisait un procès interminable à propos de rien. Mais cependant je ne puis que qualifier de déshonnêtes et de criminelles les tentatives faites par certains seigneurs pour éluder le payement de leurs dettes. Le chevalier Jacques de Silz de Porcaro est allé presque jusqu’au crime pour empêcher son père de toucher les revenus que la Cour lui avait reconnus ; la comtesse de Talhouët jouait de son honneur et de sa qualité, pour une somme de quelques centaines de livres. Imagine-t-on la comtesse de Talhouët, femme du gouverneur de Redon, qui occupait un bel hôtel à Paris, débitante de vins à Redon, chez elle ; et forcant les gens à boire dans ce nouveau débit ! Et le comte Germain de Talhouët de Bonamour quelle figure pouvait-il faire sur le marché de Questembert, avec son valet battant de la caisse et menaçant d'enrôler des soldats, pour empêcher la vente des grains de sa mère ! C'était là une place bien peu digne pour un premier président de la chambre des Requêtes du Palais. Mais la considération dont les seigneurs faisaient marché était justement là leur sauvegarde. On n’osait pas poursuivre des gens de qualité. Le receveur des Etats au bailliage de Redon avait attendu vingt ans avant d'entreprendre civilement la femme du comte, gouverneur de la ville. La considération qui était due au Président des Requêtes du Palais empêcha le sieur Thérault de Derval de poursuivre criminellement le comte Germain de Talhouët, lors de la vente des grains, à Questembert.

Le comte Germain de Talhouët de Bonamour fut donc le denier possesseur de la seigneurie da Lourmois, au XVIIème siècle. Elle fut ensuite la propriété de sa famille pendant tout le XVIIIème, mais c'est au comte Germain de Talhouët que remontent les deux branches des Talhouët qui donnèrent, au milieu de ce XVIIIème siècle : haut et puissant seigneur Jean-Jacques de Talhouët, comte de Bonamour, marquis d'Assigné, la Hélardière, la Chapelle-aux-Fillemains, Guébriac, la Touche-Trébrie, Collinais, Lourmois et autres lieux, et messire Joseph-Marie-Francois-Louis de Talhouët, chevalier, marquis de Talhouët, Boishorand, seigneur Ville-Quéno, Quellenauc, la Herviais, le Boschet, Sévérac et autres lieux. Le premier résidait à Lourmois et le second au château de la Ville-Quéno dans la paroisse de Carentoir, évêché de Vannes.

(Vicomte Odon du Hautais).

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