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SITUATION FINANCIÈRE DES HÔPITAUX DE NANTES AUX DIFFÉRENTES ÉPOQUES

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Maintenant que nous avons passé en revue les différentes sources auxquelles s'est alimentée la caisse de nos hôpitaux, il nous reste à considérer l'ensemble de ces revenus et à voir dans quelle mesure ils ont contribué à éteindre les dettes. En parcourant la variété des chapitres qui composaient le budget de nos maisons hospitalières, on s'imaginerait facilement qu'il y avait abondance de ressources à Nantes ; mais dès qu'on prête un moment d'attention, on constate qu'en somme les profits étaient trop légers pour constituer une situation prospère à des établissements importants. De tous les produits éventuels, je n'en pourrais pas citer un dont le recouvrement fût facile. Tous donnaient lieu à de nombreuses contestations qui ne se résolvaient jamais sans de longs débats avec procédures, productions de pièces, démarches, sollicitations et mémoires qui exigeaient des soins incessants de la part des directeurs. L'origine, la nature et la durée de chaque privilège étaient sans cesse mis en cause par la jalousie des corporations, et quand les difficultés s'éteignaient de ce côté, elles renaissaient avec les fermiers qui se prétendaient écrasés par les conditions de leur bail.

A l'exception de quelques dons importants que j'ai eu soin de signaler, les libéralités ont toujours été d'un chiffre très-faible, et le plus souvent faites à titre onéreux. Le donateur ne manquait jamais de réclamer, en retour de sa générosité, des messes annuelles, mensuelles ou hebdomadaires, qui étaient autant de charges pour le trésorier. En 1759, l'Hôtel-Dieu, suivant le rapport de M. le chanoine de Regnon, avait alors 210 messes de fondation à acquitter.

Aux époques les moins mauvaises, les hôpitaux de Nantes n'ont connu qu'une médiocre aisance. Qu'on en juge par les chiffres suivants, empruntés aux livres de l'Hôtel-Dieu :

De 1526 à 1536, les recettes s'élevèrent à 4,208 livres, et les dépenses à 4,415 livres.

De 1540 à 1544. Recettes : 2,472 livres ; Dépenses : 2,898 livres.

En 1546-1547, le trésorier recueillit un boni toute-à-fait exceptionnel ; les recettes montèrent à 1,012 livres et les dépenses ne dépassèrent pas 771 livres. Ce reliquat fut bien vite absorbé par le déficit des années suivantes :

En 1583. Recettes : 5,055 livres ; Dépenses : 6,397 livres.
On voit que l'Hôtel-Dieu avait bien de la peine à équilibrer ses comptes au XVIème siècle. C'est l'époque où la ville lui fournissait une subvention de 60 livres et où les gouverneurs des pauvres prenaient dans leur bourse les avances dont ils avaient besoin. En 1554, l'Hôtel-Dieu se trouvait en retard de 900 livres vis-à-vis de ses administrateurs. C'est en raison de cette détresse qu'on eut recours à la taxe forcée contre ceux qui ne contribuaient pas à la subsistance des pauvres suivant leurs moyens.

Au XVIIèms siècle, la situation de l'Hôtel-Dieu ne fut pas différente, et au XVIIIème elle devint alarmante à plusieurs reprises, surtout sous la régence, où la dépréciation subite des billets de banque lui causa un préjudice considérable.

En 1721, pour solder un total de dépenses montant à 52,866 livres, le trésorier n'avait qu'une recette de 27,717 livres, il était donc urgent que le Roi vint à son secours en lui accordant l'octroi des 6 deniers par pot de vin. L'emprunt de 20,000 livres qu'il avait contracté en 1710, avait été si promptement absorbé qu'il eut encore volontiers fait un appel de fonds, mais les compagnies de la ville auraient mis leur veto. Pour tromper leur vigilance, les gouverneurs des pauvres faisaient des emprunts déguisés en recevant des placements à fonds perdu de personnes auxquelles ils servaient des rentes viagères. Il paraît qu'ils se montraient parfois trop généreux dans le calcul des intérêts, car le Roi intervint plusieurs fois pour réduire le taux qui avait été fixé. Les espérances qu'ils fondaient sur cette spéculation, au lieu de se réaliser, étaient souvent déjouées par les événements et se traduisaient par un accroissement de charges. Une autre déception vint encore augmenter leurs embarras. Les rentes dont ils jouissaient dans le principe, au taux du denier 16 et 18, furent réduites au denier cinquante pendant le XVIIIème siècle. Pour comble de malheur, les quelques immeubles composant la dotation de l'Hôtel-Dieu, étaient de mauvaises maisons en bois, d'une vétusté très-avancée, que le juge de police ordonna de réédifier en pierre.

Au lieu de se borner aux travaux indispensables, les administrateurs du bien des pauvres, séduits par la perspective d'un accroissement de locations avantageuses, firent élever des constructions neuves, même sur leurs terrains inoccupés de la chaussée de la Madelaine avec l'insouciance d'un propriétaire embarrassé dans l'emploi de ses fonds. Dans l'espace de 20 ans, de 1720 à 1740, ils augmentèrent ainsi leurs revenus fonciers de 10,000 livres, mais ils n'obtinrent ce résultat qu'en accumulant dettes sur dettes.

En 1738, les dépenses montant à 91,690 livres, n'étaient couvertes que par une recette de 44,000 livres.

Les rentes viagères à payer, qui étaient portées dans les comptes de 1721 pour une somme de 24,700 livres, absorbaient, en 1747, 32,106 livres. Malgré la subvention des droits d'octroi, ils auraient failli à leurs engagements s'ils n'avaient encore emprunté 18,900 livres en 1746.

L'année suivante, le passif arriéré s'élevait à 25,490 livres, et la balance des comptes de l'année se soldait par un déficit, de 2,141 livres.
Recettes : 56,419 livres.
Dépenses : 58,000 livres.

Et encore le trésorier n'avait pas compris dans le chiffre des dépenses les frais journaliers du traitement des pauvres malades. Une banqueroute scandaleuse seuil donc devenue inévitable si le Roi avait refusé de doubler la taxe de l'octroi.

L'Evêque, qui était ordinairement l'intercesseur des pauvres près du public, voulut bien faire un mandement, en 1748, dans lequel il retraçait la triste situation de l’Hôtel-Dieu et invitait les âmes pieuses à secourir les hôpitaux de tout leur pouvoir.

La quête qui suivit l'exhortation épiscopale produisit 13,728 livres. Cette recette, partagée entre deux établissements, était d'un appoint trop faible pour apporter un soulagement bien sensible à leur situation obérée. La Chambre des Comptes, en cette circonstance, montra son bon vouloir en empruntant 6,000 livres qu'elle offrit en prêt, sans intérêt, pour un délai illimité ; mais cet élan de générosité n'eut pas d'écho dans toutes les compagnies. Les chanoines de Saint-Pierre répondirent qu'étant dépourvus de ressources, ils redoubleraient de prières pour la guérison des pauvres malades.

Pour mettre fin à des embarras qui menaçaient de s'éterniser, il aurait fallu réduire la population à un chiffre si minime que l'Hôtel-Dieu pût suffire à son entretien avec le seul secours des charités ; c'est ce qui fut exécuté en 1748. Cent lits seulement furent réservés pour recevoir 70 hommes et 30 femmes. Après deux années d'essai, l'expérience démontra qu'il était impossible de limiter le nombre des admissions, et en 1750 les malades remplirent les salles, plus nombreux que jamais.

Les négociants, fatigués depuis longtemps de payer des taxes d'octroi, cherchaient tous les moyens d'en éviter le renouvellement ; ils auraient voulu que le produit de cette subvention ne fût pas détourné de sa destination primitive et rappelaient sans cesse au bureau de l'Hôtel-Dieu que le Roi l'avait établie uniquement pour acquitter les rentes viagères. A chaque fois qu'une prorogation était accordée, ils demandaient toujours qu'il fût interdit aux hôpitaux de recourir aux artifices financiers qui les obéraient ; mais leurs réclamations restèrent sans effet comme les ordres du Roi. A force d'instances, le corps consulaire obtint cependant, en 1747, la permission de faire la recette du doublement des droits d'octroi, afin d'en augmenter le profit et d'en surveiller l'emploi.

Malgré les critiques des marchands, le bureau de l'Hôtel-Dieu ne voulut pas un moment se départir de ses pratiques administratives ; il continuait ses folles dépenses, comme s'il eût été assuré de jouir à perpétuité des subventions extraordinaires qui lui étaient accordées. Sil faut en croire un mémoire rédigé en 1756, il aurait employé 100,000 livres à bâtir une maison qui ne rapportait pas 3,000 livres.

L'année suivante, l'autorité du Roi fut encore invoquée, pour qu'il fût interdit aux hôpitaux de recevoir des deniers à fonds perdus et de consacrer leurs ressources à construire des maisons.

On s'étonne que les directeurs de l'Hôtel-Dieu se soient obstinés dans une voie aussi périlleuse, car la détresse permanente, au milieu de laquelle ils vivaient, aurait dû leur inspirer des vues plus sages.

En 1756, voici quelles étaient leurs ressources :
Recettes : 61,796 livres.
Dépenses : 84,780 livres.

En 1769, Recettes : 93,958 livres.
Dépenses : 124,540 livres.

En 1772, les dépenses surpassaient les recettes de 13,325 et on craignait pour la fin de l'année un déficit de quarante-six mille livres. Cette fois encore l'Hôtel-Dieu mit sa confiance dans le produit des quêtes et fit un appel solennel au public dans les termes suivants :

État de l'Hôtel-Dieu de Nantes au commencement de 1772.

Cet hôpital, établi sans avoir aucuns revenus dans le principe, s'est accrû, par succession de temps, au point où nous le voyons aujourd'hui.

Il a éprouvé bien des révolutions depuis son origine ; l'insuffisance de ses revenus l'a mis plusieurs fois à la veille de son anéantissement ; mais les ressources qu'il trouvait dans les bienfaits de la piété du roi et dans les charités des habitants, augmentées en proportion de ses besoins connus, l'ont toujours garanti de l'état de décadence où il semblait prêt à tomber.

Ces temps de détresse sont revenus. La maison est hors d'état de fournir à ses dépenses indispensables sans de nouveaux secours. L'augmentation excessive du prix des vivres, la misère du peuple, qui en est la suite et qui multiplie nécessairement le nombre des malades, ont fait monter depuis les quatre ans derniers la dépense annuelle bien au-delà du produit des recettes, et la diminution frappante des aumônes qu'on recevait autrefois, a concouru à augmenter le vuide de chaque année.

Les directeurs espéraient d'abord y suppléer par quelques emprunts et en retirant de la caisse le fonds des épargnes faites dans des temps plus heureux. Ces ressources épuisées ils ont eu recours au retranchement de la dépense ; ils se sont rendus plus difficiles sur la réception des pauvres orphelins, enfin ils en sont venus jusqu'à supprimer le vin des malades, quelque secourable qu'il soit, surtout dans un hôpital où il n'entre que des pauvres dont la plupart des maladies sont occasionnées par l'épuisement. Les causes de l'indigence, qu'on se flattait de voir cesser, subsistant toujours, elles ne laissent entrevoir qu'une ruine prochaine.

Dans cette extrémité, les directeurs se sont adressés aux compagnies de la ville. Ils leur présentèrent des mémoires auxquels ils joignirent le tableau de la recette et de la dépense des trois années antérieures, en les priant de délibérer sur les moyens d'y pourvoir.

L'avis du plus grand nombre s'est réuni à conseiller une quête dans toutes les paroisses ; elles ont pensé que cette ressource tant de fois efficace ne serait pas infructueuse, elles se sont persuadées que tous les citoyens pénétrés de l'importance d'un établissement où l'orphelin et le malade trouvent un asile, s'attendriront à la vue de ses besoins pressants.

On ne saurait dire avec quel soin jaloux, les hôpitaux et le Sanitat en particulier exploitaient ce monopole des quêtes et avec quelle passion aveugle ils cherchaient à écarter les concurrents qui auraient pu leur causer le moindre préjudice de ce côté. S'il était question dans le public de fonder une institution charitable quelconque, on était sûr que les pères des pauvres y mettaient opposition en invoquant ce motif que le casuel des pauvres malades et renfermés en serait amoindri. Quand Mlle de la Bourdonnaie voulut, en 1704, ouvrir avec un don de douze mille livres un orphelinat destiné à former des institutrices pour les écoles de campagne, elle n'eut pas l'approbation du bureau du Sanitat, pas plus que les fondateurs des Pénitentes et du Bon-Pasteur.

Le tableau que je présenterai au lecteur de la situation financière de l'Hôpital général pour le XVIIIème siècle ne sera pas différent du précédent ; ce seront toujours les mêmes nécessités criantes, les mêmes alarmes, les mêmes témérités et les mêmes expédients. Si cet établissement était pourvu de monopoles plus nombreux, il avait aussi des charges plus lourdes à supporter. Ses revenus en biens-fonds en 1698 ne dépassaient pas la somme de trois mille neuf cent cinquante-deux livres. Voici un aperçu de ses recettes à cette date :

Rentes foncières : 477 livres.
Rentes constituées : 1,124 livres.
Fermes : 3,952 livres.
Pensions : 505 livres.
Confrérie de la Charité : 2,518 livres.
Boîtes et troncs : 197 livres.
Amendes de police : 306 livres.
Legs : 1,322 livres.
Dons et aumônes : 2,569 livres.
Délestage : 1,350 livres.
Convois funèbres : 352 livres.
Manufactures : 450 livres.
Quêtes : 317 livres.
Recettes diverses : 2,209 livres.

Aperçu des dépenses.
Gages : 530 livres.
Rentes foncières et constituées : 2,450 livres.
Renies viagères : 234 livres.
Grains : 8,800 livres.
Vin : 38 livres.
Viande : 1,520 livres.
Beurre : 834  livres.
Suif : 105 livres.
Chauffage : 1203 livres.
Vêtements : 695 livres.
Bois d'ouvrage : 266 livres.
Lestage : 1,151 livres.
Fournitures diverses : 1,078 livres.

Le total des recettes, qui montait en 1676 à 25,012 livres, monta successivement, en 1702, à 37,000 et en 1713 à 61,858 livres.

Durant cette période, les dépenses se sont maintenues à peu près dans les mêmes limites et en 1713 la balance des comptes se solda même par un boni de 10,000 livres. Cette prospérité ne fut pas de longue durée, elle commença à décroître sensiblement au moment du discrédit du papier monnaie. Les débiteurs de rentes ayant profité de l'abondance factice que répandaient alors les billets de banque pour amortir leurs dettes, le trésorier de l'Hôpital général se trouva tout-à-coup en possession d'un capital important en billets, sur lequel il éprouva une perte sérieuse. Pour couvrir une dépense de 43,000 livres, il n'avait plus, en 1721, qu'une recette de 14,000 livres. En 1735, la détresse fut telle au Sanitat que les gouverneurs n'auraient pu nourrir les pauvres s'ils n'avaient employé les capitaux des rentes viagères et puisé des avances dans leur propre bourse.

En 1740, la situation était si peu rassurante, que le bureau prit le parti de consulter les corps constitués de la ville, pour avoir leur avis sur les meilleurs moyens de créer des ressources.

En 1747, les recettes avaient à peine atteint 27,400 livres et les dépenses avaient monté à 40,000 livres. Sans espoir du côté de leurs concitoyens, dont ils avaient lassé la générosité par leurs quêtes répétées, les gouverneurs des pauvres renfermés tournèrent leurs instances avec l'Hôtel-Dieu, vers le pouvoir royal. Ils proposèrent à l'intendant de la province d'établir une taxe sur le trafic des grains et envoyèrent deux délégués à Paris pour appuyer leur projet. Le contrôleur général répondit qu'il n'admettrait pas un impôt dont le peuple aurait à souffrir, mais qu'il donnerait volontiers son adhésion à l'accroissement des taxes sur la consommation. C'est alors que fut imaginé le doublement des octrois qui permit aux hôpitaux, pendant quelques années, de lutter avec moins de peine contre la misère, sans leur assurer de sécurité. En 1756, tandis que les recettes restaient à 54,090 livres, les dépenses montaient à 62,476 livres.

Les pratiques financières n'étaient pas meilleures au Sanitat qu'a l'Hôtel-Dieu, les directeurs avaient contracté aussi l'habitude de prendre des capitaux à fonds perdu, en échange de rentes dont les bénéficiers vivaient toujours trop longtemps pour la caisse des pauvres. Ceux-ci, comme ceux-là, se plaisaient outre-mesure à entourer leur hôpital de bâtiments et de magasins neufs, dont les frais de construction et d'entretien ne s'acquittaient jamais qu'au détriment du bien-être intérieur de l'établissement. Après avoir amorti ses rentes viagères, grâce au doublement des octrois, le bureau du Sanitat, persuadé que cette ressource lui était désormais assurée, chercha de nouveaux moyens d'accroître ses domaines. Il acquit près de la Fosse un terrain qui lui coûta 14,000 livres, et afin d'y construire des magasins, il réclama au corps des marchands une somme de 60,000 livres sur les fonds réservés au paiement des rentes viagères de l'Hôtel-Dieu. Ceux-ci furieux de voir renaître des combinaisons qu'ils avaient toujours combattues comme désastreuses, dénoncèrent la manoeuvre à l'intendant, en disant que les hôpitaux de Nantes écraseraient le commerce par leur manie de bâtir. Alors s'engagea entre les uns et les autres une guerre de mémoires offensifs et défensifs, qui aboutit à cette imposition sur la bière et les vins étrangers, dont j'ai parlé plus haut.

Cependant l'Hôpital général ne voulait pas renoncer à l'entreprise qu'il avait projetée sur le pré l'Evêque. Il eut été forcé de l'abandonner et de revendre ce qu'il avait acheté, si la complaisance de son trésorier n'était venue à son aide. M. Grou Senicourt consentit à lui faire des avances qui l'entraînèrent à emprunter jusqu'à 40,000 livres ; tel était du moins le chiffre de la créance du trésorier en 1764. Le déficit de chaque année était alors de 8,600 livres et plus tard on le voit encore augmenter.

Dans le tableau de situation que le bureau envoya au roi en 1781, pour solliciter de nouveaux secours, le revenu, année moyenne, était évalué à 45,639 livres, et les dépenses à 92,350 livres.

Le produit des rentes et des fermages n'entrait au total des recettes que pour une somme de 3,000 livres ; le patrimoine de l'Hôpital général était donc encore moins solidement établi que celui de l'Hôtel-Dieu. L'existence de l'un comme celle de l'autre, jusqu'à la fin du XVIIIème siècle, n'a été qu'une lutte incessante contre la détresse.

La période révolutionnaire de 1790 à 1800 fut encore plus remplie d'angoisses que les précédentes pour les hôpitaux de Nantes. Après les avoir privés de leurs revenus casuels, la Nation leur enleva même la jouissance de la plupart de leurs immeubles, en leur promettant des secours qui se faisaient toujours attendre fort longtemps. Par la suppression des droits féodaux, des priviléges et des rentes perpétuelles, des monopoles et des droits d'octroi, l'Hôtel-Dieu perdit un revenu casuel de 18,757 livres et général 26,439 livres. Les versements de la trésorerie nationale venaient avec une telle lenteur que les administrateurs se voyaient sans cesse obligés de rappeler leurs besoins au directoire du département, ou aux représentants du peuple. Voici la pétition qui fut rédigée en l'an III :

Petition aux représentants du peuple adressée par tous les administrateurs.

C'est dans l'amertume de nos cœurs que nous venons encore vous exposer les malheurs dont sont menacés les trois hospices civils de Nantes. Ils sont sans subsistances et sans moyens pour s'en procurer. Dix fois nous vous avons dit que la commission des secours, quoiqu'instruite par nos pressantes et itératives solicitations de l'état de misère de ces établissements, persistait à garder le plus grand silence. (Nous exceptons cependant l'annonce stérile d'une somme de 160,000 livres, faite le 13 pluviose). Quatre mois et demi se sont écoulés sans qu'elle ait songé à nous faire parvenir le moindre fonds et sans les secours provisoires obtenus de votre justice, depuis longtemps la malheureuse Nantes eut eu l'affreux spectacle de contempler dans ses rues des milliers d'enfants, de vieillards, de malades privés d'asile et hors d'état de pourvoir à leurs besoins, expirer de faim et de douleurs...

Les dépenses des trois hospices civils sont aujourd'hui à un période effrayant, et l'on ne peut se dissimuler qu'elles ne s'élèvent encore à un taux dont il est impossible de calculer le terme, et surtout si l'on songe qu'on ne peut plus se procurer de grains qu'avec des espèces sonnantes. Les trois hospices n'ont aucune espèce d'approvisionnement, ils n'ont ni bois, ni mottes, ni beurre, ni vin, ni foin, etc. Ils vivent au jour le jour, ce qui contribue singulièrement à l'augmentation de leurs dépenses et à multiplier les risques qu'ils courent de manquer du nécessaire. |Note : Les trois hôpitaux contenaient alors 1,400 individus et le blé valait 9 francs la livre, et les autres subsistances en proportion].

Si la loi du 16 vendémiaire an V, qui dispose (art. 8) que les biens vendus seront remplacés par d'autres de même valeur eût été exécutée, les hôpitaux auraient sans doute pu éteindre une partie de leurs dettes, mais son application fut retardée par des atermoiements sans fin. En l'an X, ils n'avaient encore obtenu que la concession d'une certaine quantité de rentes dont le recouvrement était très-difficile. Après avoir longtemps hésité, l'Etat les envoya en 1806 et en 1807, en possession de quelques immeubles et d'une certaine somme de rentes, dont la valeur en revenus était estimée à 19,142 livres. Cette tardive réparation ne comblait qu'en partie les vides causés par la Révolution, car les immeubles patrimoniaux aliénés produisaient un revenu de 28,885 livres.

Sous le premier Empire, le trésorier des hospices n'eut pas moins de peine à équilibrer ses comptes qu'aux époques antérieures. Malgré la subvention de 200,000 francs qu'il percevait sur le produit de l'octroi municipal, il accusait encore en 1806 un déficit de 41,372 francs. Les dépenses montaient alors à 369,045 francs.

En 1813, il demandait 239,000 francs à l'octroi pour couvrir ses dépenses, qui s'élevaient à 378,483 francs.

En parcourant les états de situation qui ont été dressés depuis cette époque, on voit que cette subvention n'a pas cessé de figurer parmi les recettes des hôpitaux de Nantes, et que le chiffre n'a fait que croître avec les années. En 1866, les administrateurs demandaient encore à la ville 400,000 francs, pour soutenir leurs établissements de l'Hôtel-Dieu et de Saint-Jacques.

(Léon Maître).

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