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LES PRÊTRES IRLANDAIS RÉFUGIÉS A NANTES AUX XVIIème ET XVIIIème SIÈCLES.

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A la suite de la lutte religieuse qui se produisit en Angleterre et en Irlande entre catholiques et protestants, la reine Élisabeth avait complètement modifié sa politique religieuse. Jusqu'aux environs de l'année 1570, elle s'était montrée tolérante ; à dater de cette époque, au contraire, des mesures de rigueur furent prises contre le clergé et les catholiques. Les séminaires furent fermés dans le royaume et il fallut fonder à Douai un collège ecclésiastique destiné à s'assurer l'éducation des futurs membres du clergé anglais, irlandais et écossais [Note : Ce collège, établi à Douai, c'est-à-dire sur le territoire des Pays-Bas espagnols, fut ensuite transféré à Reims. Le 27 mars 1575, D. Luis de Zaniga y Requesens, gouverneur des Pays-Bas, cédant aux représentations d'Élisabeth, ordonna la dissolution du collège catholique]. Après avoir achevé leurs études dans cet établissement, les jeunes prêtres passaient la Manche et venaient exercer leur ministère en Grande-Bretagne. Le Parlement vit d'un mauvais œil cette nouvelle création et vota l'acte du Test, déclarant de haute trahison toute personne qui aurait aidé un prêtre à débarquer sur le territoire anglais.

Cette mesure serait peut-être restée lettre morte si les Jésuites n'avaient entrepris une campagne très vive contre les protestants anglais. Le P. Campians entama une série de prédications qui aboutit à la conversion de quelques grandes familles. Il fut poursuivi, pris et mis à mort. Ce fut le signal d'une extermination impitoyable et systématique du clergé catholique. Les prêtres et les religieuses qu'on ne massacra point sortirent en masse des trois royaumes. En Irlande, la majeure partie des évêques et des prêtres avait disparu en 1580 : Ab anno 1580, vix unus vel alter episcopus in Hibernia supererat [Note : Gains, Series episcoporum, cf. Hybernia].

En attendant de recevoir les émigrés catholiques irlandais spoliés de leurs biens, la Bretagne accueillit un grand nombre de prêtres « hybernois » et, parmi ceux-ci, beaucoup vinrent se fixer à Nantes [Note : Malgré les mesures prises en 1603 et en 1622 par le Parlement de Bretagne et par diverses municipalités, tous les émigrants irlandais ne furent pas chassés de la province. Nous aurons occasion, sur ce point, de réformer les assertions de quelques historiens. A Nantes, tout au moins, antérieurement à la chute définitive de Jacques II, il existait dès le milieu du XVIIème siècle une colonie irlandaise assez nombreuse]. Ils y furent généralement bien accueillis et trouvèrent dans cette ville des facilités d'existence. Après avoir fondé une communauté, ils demandèrent et obtinrent l'autorisation de transformer celle-ci en un séminaire. Les religieuses irlandaises furent, au contraire, moins bien traitées et l'association qu'elles avaient formée dut se dissoudre.

Les premières arrivées à Nantes de dignitaires de l'Église irlandaise peuvent être fixées aux environs de l'année 1580. L'évêque de Majo, Adam, avait dû fuir sans ressources et vivait misérablement à Nantes. En 1587, le « miseur » fit dépense d'une somme de « 6 esculz solz à luy ordenés par aulmosne que la ville lui auroict faicte en considération de sa pauvreté et vieillesse et de son exil et bannissement de son pays par la force et violence des héréticques du dict pays d'Irlande et de la royne d'Angleterre qui l'auroit chassé, spolié et mys hors de son pays et bénéfice ... » (Arch. mun. de Nantes, GG 127).

Durant tout le cours du XVIIème siècle, on constate à Nantes la présence d'un certain nombre de prêtres irlandais. Daniel Cara, prêtre hybernois, décède à l'hôpital le 9 juin 1655 (Arch. mun. de Nantes, GG 210). Patrice Cornerford, de son vivant évêque de Waterford et de Lismeur, frère religieux des ermites de Saint-Augustin, mourut à Nantes le dimanche 10 mars 1652 et fut inhumé à la cathédrale [Note : Gams, Series episcoporum, donne comme date du décès : 1649 (circa). La date exacte de la mort de cet évêque se retrouve à Nantes dans les registres de décès de la paroisse, aux archives municipales]. Robert Bary (Arch. mun. de Nantes, GG 197), directeur des Bénédictines, bénit en 1664 le mariage de Marie d'Oüyr, originaire de Cassel, et d'Ignace Dartigan, originaire de Limerick. Il est possible que Robert Bary ait été l'ancien évêque de Cork que Gams signale comme mort en exil.

Richard Bary, natif de Cork, prêtre hybernois, mourut à Nantes le 19 novembre 1677 (Arch. mun. de Nantes, GG 216).

La présence d'un religieux récollet, d'origine irlandaise, nous est attestée par un procès-verbal du 17 juillet 1650, dressé par deux commissaires du bureau de la ville. La municipalité, ayant appris que quelques religieuses irlandaises demeuraient à Riche-bourg, à la maison de la Bigrolière, délégua pour se renseigner sur l'exactitude des faits le sous-maire de Nantes, de la Grunnerre-Rabeau, et Touraine, procureur-syndic. Ceux-ci constatèrent que huit religieuses de l'ordre de Sainte-Élisabeth vivaient en communauté, ayant pour supérieure sœur Marie-Baptiste et pour interprète Catherine des Roches, native d'Irlande, arrivée depuis quatre ans. Elles avaient pour aumônier un récollet qui avait fui l'Irlande avec elles. Ces religieuses vivaient de charités. Elles affirmèrent aux enquêteurs qu'elles ne désiraient point s'habituer en communauté à Nantes ni y demeurer et que leur vœu le plus cher était de repartir en leur pays « où elles souhaitent s'en aller sitôt qu'elles sauront qu'il y a sûreté » (Travers, Histoire de Nantes, t. III, p. 341). L'historien Travers, qui rapporte tout au long le procès-verbal d'enquête, dit qu'à la suite de cette information les religieuses irlandaises repassèrent dans leur pays. Quelques années plus tard, des religieuses de l'ordre de Sainte-Élisabeth durent revenir à Nantes. Elles furent recueillies au logis de la Touche, appartenant à l'évêque. En effet, sous la date du 30 septembre 1718, nous lisons dans les registres de la paroisse Saint-Nicolas la mention du décès de Révérende Jeanne Schiel, « âgée de cinquante ans, religieuse professe de l'ordre de Saint-François de Sainte-Élisabeth, laquelle a été obligée de sortir d'Irlande pour la foi catholique et portait dans la religion le nom de Jeanne de Saint-Antoine, décédée au logis de la Touche » (Arch. mun. de Nantes, GG 232).

Les réfugiés irlandais qui avaient établi leur domicile à Nantes, qu'ils fussent prêtres ou laïcs, espéraient que leur séjour dans cette ville serait de courte durée. Ils souhaitaient la fin du régime des persécutions de toutes sortes que le gouvernement de Cromwell avait encore développé. Leurs espérances semblèrent un moment devoir se réaliser lorsque Jacques II monta sur le trône. Mais, après le débarquement de Guillaume d'Orange, les insuccès des Troupes de Jacques II et sa retraite définitive à Saint-Germain, les Irlandais émigrèrent en France plus nombreux que jamais. On estime à près de vingt mille le nombre des Jacobites qui débarquèrent, en 1690, sur les côtes bretonnes. Parmi ces nouveaux arrivants, on comptait des membres de la vieille aristocratie, des officiers, des prêtres et des marchands. Beaucoup abordèrent à Nantes. Tout d'abord l'existence de ces réfugiés fut souvent précaire et on dut leur distribuer des secours ; mais l'énergie des Irlandais eut vite fait de vaincre les difficultés matérielles de la vie. Les uns s'engagèrent dans l'armée, les autres s'adonnèrent au commerce, fondèrent des maisons importantes et réalisrent des fortunes considérables. Les membres du clergé, abandonnant pour longtemps toute idée de regagner l'Irlande [Note : Gams, Series episcoporum, cf. Hybernia. « Pulso tamen Jacobo II, dirissimœ contra religionem catholicam editze sunt leges ita ut neque episcopi, neque monachi in terra possent habitare. Ab anno circa 1690 latitabant episcopi in silvis, cavernis, in domibus aliorum, locum habitationis sure sepissime mutantes... » etc], organisèrent rapidement leur nouvelle existence. Ils s'établirent tout d'abord à l'hôtellerie du Chapeau-Rouge.

L'évêque de Nantes offrit ensuite l'hospitalité aux religieux irlandais dans une demeure qui lui appartenait. Cette maison, dite du Bois de la Touche, jouxtait l'hôpital général de la ville : le Sanitat. Les prêtres étrangers y fondèrent une communauté où ils vécurent, associant leurs ressources matérielles et se réconfortant les uns les autres. Forts de la bienveillance de Louis XIV, qui les avait autorisés à se fixer dans quelques villes du royaume, ils entreprirent même de donner l'instruction religieuse à de jeunes clercs arrivés d'Irlande ou aux fils des négociants irlandais de Nantes. Plusieurs d'entre eux entrèrent comme aumôniers au service des armées de terre et de mer, d'autres exercèrent leur ministère dans les paroisses de la ville ou dans les hôpitaux (Arch. de la Loire-Inférieure, G 296).

Florence Mac-Carthy fut vicaire de l'église de Sainte-Croix. Le livre des baptêmes et sépultures de cette paroisse, sous la date du 3 janvier 1699, porte la mention suivante : Ce livre a été fini par moi, vicaire de Sainte-Croix, F. M. C., Coriagiensis, sacerdos hybernus, in sacra theologia doctor (Arch. mun. de Nantes, GG 437). Corneille O'Kyff, docteur en Sorbonne, fut curé de Saint-Similien entre les années 1706 et 1715. Par la suite, il fut élu évêque de Limerick et remplacé dans ses fonctions par un autre prêtre irlandais, Mathieu Burke, curé de Paulx (Arch. mun. de Nantes, GG, paroisse Saint-Similien). Ce dernier mourut en 1724. Thomas Sparke, chapelain de Saint-Julien à la Fosse, succéda à Jean Hegan, prêtre irlandais (Arch. mun. de Nantes, GG 232). Michel O'Neill fut curé de Fontaine-Larivière (Arch. de la Loire-Inférieure, E 1084), et Hugues Crow, aumônier de l'hôpital de Paimbœuf (Parfouru, Annales de Bretagne, t. IX). Les documents d'archives signalent encore la présence à Nantes de Jean Mac-Nemara, Corneil Lyne, David White, mais n'indiquent pas les fonctions qu'ils occupèrent.

Tous les religieux irlandais qui vécurent à la communauté des prêtres irlandais n'arrivèrent pas d'outre-mer. Quelques-uns des fils des émigrés entrèrent dans les ordres, quelques filles embrassèrent également la vie religieuse. Honorée Walsh, fille de Gérard Walsh, négociant, mourut à l'Hôtel-Dieu le 27 janvier 1785 (Arch. mun. de Nantes, GG 502). Elle avait été religieuse de cette maison pendant cinquante-deux ans et supérieure pendant vingt ans. Le curé de la Chapelle-sur-Erdre, Mac-Carthy, qui fut mis à mort en 1793, était aussi le fils de réfugiés irlandais.

Ces religieux ne se retirèrent pas tous à la communauté des prêtres irlandais. Ceux qui appartenaient au clergé régulier se rapprochèrent des ordres similaires à ceux auxquels ils étaient attachés ou vécurent isolément. Le P. François, cordelier hybernois, décéda à la Grille et fut inhumé au couvent des Cordeliers.

La situation des prêtres irlandais ne paraît pas avoir été très nettement définie au XVIIIème siècle sous le rapport administratif. Malgré les autorisations de séjour qui leur avaient été octroyées, ils demeuraient passibles du droit d'aubaine et leurs héritiers étaient tenus de solliciter le don de ce droit. En 1719, David White étant mort, les prêtres durent demander qu'on leur fît remise du droit d'aubaine ; ils en obtinrent l'exemption et requirent la Chambre des Comptes de Bretagne d'enregistrer les lettres d'octroi qui leur avaient été accordées (Arch. de la Loire-Inférieure, B 1759). Un arrêt du Conseil du roi, en date du 15 mars 1747, avait d'une manière générale exempté du droit d'aubaine tous les Irlandais établis en France. Nonobstant ces décisions, nous avons rencontré un certain nombre de lettres de naturalité délivrées à des prêtres irlandais. Nous sommes fondés à penser que ceux-ci demandèrent la modification de leur statut personnel pour pouvoir entrer au service des paroisses dans lesquelles ils n'auraient sans doute pas été admis en qualité d'étrangers. Furent naturalisés Jacques Fitz-Simon, Patrice de Cuzac, Jacques Mac-Mahon Gillach, Martin O'Meagher, Patrice Jacques O'Byrne, Patrice Jacques O'Bryen, tous qualifiés prêtres irlandais dans les lettres de naturalisation [Note : Arch. de la Loire-Inférieure, B 1274, 1753, 1848, 1860, 1883, 1915. ANALECTA, 1912, t. III].

Favorisée par le pouvoir royal, soutenue par la municipalité de Nantes, débarrassée des soucis matériels, la communauté des prêtres irlandais n'avait pas tardé à prendre de l'extension. Aux débuts de la guerre de Sept ans, Louis XV avait donné l'ordre de chasser de France tous les Anglais qui y résidaient. Le subdélégué de Nantes, Gellée de Premion, crut pouvoir comprendre dans cette mesure tous les Irlandais de la ville. Ceux-ci rédigèrent un mémoire de protestations, firent valoir leurs droits et démontrèrent que les ordres royaux ne pouvaient les atteindre. A cette occasion, on dressa un rôle de tous les Irlandais habitant à Nantes. Celui-ci est nominatif, sauf en ce qui concerne les prêtres, mais il indique le chiffre d'environ cinquante religieux vivant en commun. Dans ce nombre, il y avait des prêtres âgés sans doute, mais aussi des maîtres et des élèves. En effet, peu à peu, la communauté des prêtres s'était transformée en séminaire où de jeunes clercs recevaient l'éducation. Ce séminaire n'avait pas encore l'investiture officielle, mais il n'allait pas tarder à recevoir sa consécration définitive.

Le supérieur de l'institution, Daniel O'Byrne, se chargea de toutes les démarches à effectuer auprès du pouvoir royal, de la municipalité et de l'université de Nantes. En 1765, il obtint de Louis XV des lettres confirmatives de l'existence du séminaire des prêtres irlandais. Nous reproduisons ce document : Louis, par la grâce de Dieu, roy de France et de Navarre, à tous présents et à venir salut. Notre cher et bien aimé le sieur Daniel Byrne, prêtre, supérieur du séminaire irlandais de la ville de Nantes, nous a fait représenter que le feu roi Louis Quatorze, notre très honoré seigneur et bisayeul, auroit autorisé l'établissement des prêtres irlandois dans plusieurs villes de notre royaume et leur auroit donné des maisons et différens biens fonds pour pouvoir s'y soutenir ; que plusieurs prêtres de la même nation persécutés dans leur pays à cause de la religion catholique se seroient réfugiés à Nantes en l'année mil six cent quatre-vingt-quinze et auroient été reçus par les évêques de cette ville dans une maison nommée Bois de la Touche et dépendante de l'évêché de Nantes ; que la dite maison où ces prêtres ont vécu d'abord en communauté a été érigée ensuite en séminaire où ils sont actuellement près de soixante, que leurs principales fonctions consistent dans la desserte de plusieurs paroisses où ils exercent avec beaucoup de zèle les fonctions du saint ministère ; qu'ils sont encore employés en qualité d'aumôniers dans les hôpitaux, sur nos vaisseaux, sur ceux de la Compagnie des Indes et sur les navires marchands ; mais comme leur établissement n'a pas encore été par nous autorisé et que par cette raison il n'a pu jusqu'à présent être pourvu à sa dotation, l'exposant nous a très humblement fait suplier de vouloir bien approuver et confirmer par lettres patentes le dit séminaire, ensemble lui permettre de recevoir et acquérir par dons, legs et donnations, et par nos lettres autoriser le sieur évêque de Nantes à procéder suivant les règles en forme canonique, après toutefois le décès de l'exposant, à la supression du titre du prieuré de Saint-Crépin en Bas Anjou, diocèse de Nantes, dont le dit exposant est actuellement pourvu ; pour les fruits et revenus du dit prieuré être mis à perpétuité au profit dudit séminaire, permettre en outre audit siour évêque de Nantes de faire tel règlement qu'il jugera convenable, tant pour le spirituel que pour le temporel dudit séminaire où la philosophie, de même que la théologie, pourra être enseignée par des professeurs de la nation irlandoise, attendu l'éloignement du collège et du séminaire du diocèse ; accorder à cet effet aux étudians la faculté de prendre leurs degrés dans l'université de Nantes, en subissant les examens et soutenant les thèses ordinaires, et du surplus ordonner que le dit séminaire jouira à l'avenir des mêmes privilèges dont jouissent dans notre royaume les établissemens de même nature. A ces causes, après nous être fait informer plus particulièrement de l'utilité dudit séminaire en la dite ville de Nantes, de l'avis de notre Conseil et de notre grâce spéciale, pleine puissance et autorité royale, nous avons approuvé et confirmé, et par ces présentes signées de notre main approuvons et confirmons le dit séminaire des prêtres irlandais établis en la dite ville de Nantes, comme aussi lui permettons de recevoir et acquérir par dons, legs et donnations, à la charge par les prêtres du dit séminaire de se conformer aux dispositions de notre édit du mois d'août mil sept cent quarante-neuf, et pour assurer audit établissement partie de sa dotation, autorisons notre amé et féal conseiller en nos conseils, le sieur évêque de Nantes, à procéder, suivant les règles et formes canoniques, à la supression du titre du prieuré de Saint-Crépin en Bas Anjou, diocèse de Nantes, après le décès du dit sieur Byrne, exposant, qui en est actuellement pourvu, pour les fruits et revenus du dit prieuré être mis à perpétuité au profit du dit séminaire.

Permettons en outre au dit sieur évêque de Nantes de faire tel règlement qu'il jugera convenable, tant pour le spirituel que pour le temporel du dit séminaire, où la philosophie, de même que la théologie, pourra être enseignée par des professeurs de la nation irlandoise ; accordons à cet effet aux étudians la faculté de prendre leurs degrés dans l'université de Nantes en subissant les examens et soutenant les thèses ordinaires, sans toutefois que nos présentes lettres puissent préjudicier ni porter atteinte aux droits des évêques de Nantes, à ceux de l'université de la dite ville et à ceux du recteur de la paroisse de Saint-Nicolas de Nantes, sur le territoire de laquelle le dit séminaire est situé. Voulons au surplus que le dit séminaire jouisse à l'avenir des mêmes privilèges dont les autres séminaires de notre royaume ont droit et coutume de jouir. Si, donnons en mandement à nos amés et féaux conseillers, les gens tenans notre Cour de Parlement à Rennes et à tous autres nos officiers et justiciers qu'il appartiendra que ces présentes ils ayent à faire registrer et du contenu en icelles jouir et user le dit séminaire des prêtres irlandois de la ville de Nantes, pleinement, paisiblement et perpétuellement, cessant et faisant cesser tous troubles et empêchement et nonobstant toutes choses à ce contraires, car tel est notre plaisir ; et afin que ce soit chose stable et ferme à toujours nous avons fait mettre notre scel à ces dites présentes.

Donné à Fontainebleau, l'an de grâce 1765 et de notre règne le cinquante-unième (Arch. de la Loire-Inférieure, B 1765).

L'autorisation royale obtenue, il ne restait plus qu'à solliciter celle du bureau de la ville. Plusieurs intérêts étaient en présence et il convenait de les concilier. L'université de Nantes possédait une chaire de théologie et de droit canon. Il en existait une autre au séminaire et les professeurs de l'université étaient seuls autorisés à y enseigner ces matières. Un concordat intervint entre le bureau de l'université et Daniel O'Byrne. Il fut stipulé que les deux professeurs de philosophie du séminaire irlandais seraient reçus maîtres ès arts, que les deux professeurs de théologie devraient avoir le bonnet de docteur. L'université se réservait un droit d'inspection sur les études du séminaire, mais deux professeurs de cet établissement auraient droit de prendre place dans les conseils de l'université [Note : Léon Maître, L'instruction publique dans le comté nantais, 1882, p. 252 sq.].

On tomba d'accord également sur les points suivants. Le séminaire irlandais ne devait donner l'enseignement qu'aux jeunes gens destinés à passer en Irlande. Les étudiants étaient tenus de soumettre leurs plans de thèses et de travaux à la Faculté des Arts qui s'assurerait de la conformité de leurs doctrines avec les saints canons et la Déclaration de 1682.

Le séminaire irlandais fut définitivement constitué en 1766. Il posséda des classes régulières, des revenus certains, une chapelle qui fut placée sous le vocable de Saint-Patrice. Étant donné sa situation toute proche du Sanitat, les malades furent soignés dans cet hospice comme ils l'avaient toujours été jusqu'alors. Les registres de décès de cet hôpital nous font connaître les noms et les dates de la mort d'un certain nombre de prêtres ou d'élèves du séminaire irlandais. Denis O'Mahony, sous-diacre, originaire de Cork, âgé de vingt-quatre ans, Jean Burke, né à Kiltomus, Guillaume Baret, natif de Killala, étudiant au séminaire, Thomas Chidy Mac-Nemara, décédèrent au Sanitat (Arch. mun. de Nantes, Registres du Sanitat, GG passim.).

Depuis le moment de sa constitution définitive jusqu'à la Révolution, l'histoire du séminaire irlandais de Nantes n'offre aucun fait digne de retenir l'attention. Les catholiques irlandais s'étaient peu à peu habitués à leur nouvelle patrie, heureux d'échapper aux misères que subissaient leurs coreligionnaires qui, n'ayant pu quitter leur île, étaient devenus les « bûcherons et les porteurs d'eau » de leurs maîtres protestants. Une ère nouvelle de liberté allait s'ouvrir pour les catholiques d'Irlande avec le gouvernement de Pitt lorsque la Révolution française vint détruire toutes les illusions des prêtres irlandais. Ils s'étaient réfugiés en France pour échapper aux persécutions anglaises ; ils n'évitèrent pas celles que déchaînèrent les membres du Comité de Salut public.

Le 13 février 1793, le bureau du Comité de Salut public de Nantes se présenta au séminaire irlandais. Il fut reçu par le supérieur, Patrice Duigan. Sous sa dictée fut dressé l'état des dix-sept prêtres qui habitaient encore la maison commune. A quelques jours de là, le 27 février, tous étaient transférés aux Carmélites. Ils avaient nom : Patrice Duigan, Jean Marc Évilly, Antoine Burke, Orcavy, Jean Foley, Patrice Durphy, O'Schiell, Antoine Dunleavy, Pierre Marty, François Mounhelly, Patrice Gribbin, Jean O'Hegan, Thomas Kelly, Charles Mequade, Constance Macartin, Therence O'Bryan, Jean Mahomy (Arch. de la Loire-Inférieure, L 732). Ils échappèrent aux fureurs de Carrier et furent autorisés à regagner l'Irlande sur le navire Peggi (Lallié, Le diocèse de Nantes pendant la Révolution, t. I, p. 346). Moins heureux que les prêtres du séminaire, le recteur du Bignon, O'Dea, le curé de la Chapelle-sur-Erdre, Mac-Carthy, furent mis à mort (Arch. de la Loire-Inférieure, L 680).

Les biens du séminaire furent saisis et, le 2 thermidor an VI (1796), l'enclos de la Touche fut vendu moyennant 81000 livres.

Jusqu'à ces dernières années, le souvenir du séminaire des Irlandais avait été consacré à Nantes par une rue dite des Irlandais. Les nouveaux travaux nécessités par le dégagement du musée Dobrée ont fait disparaître les derniers vestiges de cette institution.

(J. MATHOREZ).

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