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LA NOYADE DU 24-25 FRIMAIRE AN II (dite du Bouffay)

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Les Noyades de Nantes

Jean-Jacques Goullin et Michel Moreau-Grandmaison parvinrent enfin à mettre en route les premiers pelotons de victimes vers le lieu de l’embarquement. Il fallait, pour s’y rendre, suivre tout le quai de la Fosse sur un parcours de plus d’une demi-lieue. La nuit était très noire. Des fiacres devaient transporter les moins valides ; les autres, liés par groupes de dix-huit ou de vingt, allaient faire le chemin à pied.

Le premier groupe se mit en marche, encadré par les soldats qui le conduisirent jusqu’à la Fosse.

L’escorte put donc retourner au Bouffay pour y chercher un autre chaînon de prisonniers. Mais, à la Fosse, rien n’était prêt. Petit courut réveiller le charpentier Affilé.

Qu’on imagine l’angoisse des condamnés, attendant là, les poignets brisés par leurs liens, grelottant de peur et de froid sur le bord du fleuve qui va les engloutir et dont ils devinent dans l’ombre aux clapotis du bord, le grand courant rapide. Quelques-uns s’illusionnent encore : ce qu’ils redoutent, ce n’est pas la noyade improbable ; ils craignent d’être fusillés, là où on les mène. Ils supplient, tentent d’attendrir leurs bourreaux, demandent « à servir la patrie ».

Affilé pourtant ne paraît pas, et déjà le second groupe des victimes amenées du Bouffay s’est joint au premier ; un troisième arrive bientôt en tumulte.

Le dernier convoi est celui des estropiés, des malades et des moribonds, tirés de l’infirmerie du Bouffay et que les voitures amènent jusqu’à la Fosse où Goullin et Grandmaison s’impatientent. Les malheureux que l’attente affole et qui sont en nombre maintenant, geignent et protestent de façon inquiétante. Pour les calmer, on leur apprend « qu’ils seront employés à la construction d’un fort ». Puis on les promène à la recherche d’un bateau. De l’avenue du bois de Launay, Grandmaison les ramène au bas de la rue des Trois-Matelots...

La gabarre est prête, et Grandmaison rétablit la discipline en y empilant son bétail humain. Une échelle est appliquée au flanc du bateau pour faciliter le chargement. Comme il n’est pas possible de manoeuvrer ces grappes d’hommes enlacés, il faut bien couper les cordes qui les accouplent : leurs poignets restent liés, c’est l’essentiel. Mais descendre une échelle sans l’aide des mains, n’est pas chose aisée, et, pour accélérer l’embarquement, Grandmaison saisit les malheureux par le collet et les jette, l’un sur l’autre dans la gabarre. Ils s’y débattent, en tas, hurlant d’effroi, protestant, criant grâce : « Ah ! mon Dieu ! Ah ! miséricorde !. Est-ce donc des républicains qui se conduisent ainsi ? ».

Des Marats sont appelés pour mettre l’ordre dans cette mêlée palpitante : ils frappent au hasard à grands coups de crosse, en profitant pour fouiller à tâtons ces corps grouillants, et rafler les montres, les boucles d’argent, les souliers, les pièces de monnaie...

L’épouvantable arrimage s’achève dans cette confusion. Grandmaison a précipité les derniers, et l’on entend la voix gouailleuse de Jolly criant « qu’ils auront bon vent et seront vite arrivés ».

Les Noyades de Nantes

Les Marats se dégagent non sans peine, remontent ; aussitôt l’écoutille est fermée, les charpentiers la fixent à coups de marteaux ; mais, dans un suprême effort de désespoir, le cargaison rugissante s’entasse, se rue, opère sur les fragiles voliges une formidable poussée qui soulève le plancher du pont : les noyeurs clouent en hâte des cercles sur les panneaux et l’ordre est donné de démarrer.

La gabarre, dirigée par Affilé et ses charpentiers, a pris le courant ; elle a disparu dans la nuit, descendant le cours du fleuve. Sur le couvercle de ce grand coffre dérivant, plein de tumulte et de gémissements, sont assis Grandmaison et les hommes de sa bande : ils chantent à tue-tête, pour moins entendre les cris de leurs victimes.

A l'île Cheviré ! commande à voix basse Affilé.

La gabarre glisse au fil de l’eau, remorquant deux petites barques dont les noyeurs se serviront pour regagner la rive.

Elle est bientôt à la hauteur de Chantenay ; Affilé prévient que le moment approche.

Les Noyades de Nantes

Ses ouvriers descendent dans les batelets, se préparent à ouvrir les sabords par où l’eau entrera, mais, à l’intérieur de la gabarre, croissent le tumulte et les cris : « Sauvez-nous ! Sauvez-nous. Il est encore temps ! ».

La plupart des moribonds, encaqués dans cette oubliette flottante, ont réussi à dénouer leurs liens. Alors commence une effroyable scène : leurs doigts, agrippés, se cramponnent, écartent les planches, qui cèdent, laissant passer des mains, des bras, crispés en des gestes éperdus. Les Marats sont pris de peur, et pendant que les charpentiers, hachant le bordage, ouvrent les sabords dans lesquels le flot tourbillonnant s’engouffre, Grandmaison maniant son sabre comme une faux, abat ces mains suppliantes et ces bras convulsés, plonge sa lame dans les fentes, perçant au hasard ces adversaires invisibles dont la prison, envahie par l’eau, s’enfonce lentement, perpendiculairement, et qui jettent au moment de suffoquer des cris d’épouvante si formidables qu’ils furent entendus jusque dans la ville (d’après G. Lenotre, Les Noyades de Nantes, p. 131 à 138).

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