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HISTOIRE DE L'ILE FEYDEAU A NANTES.

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L’île Feydeau est une ancienne île, située au centre de Nantes, qui fut aménagée à partir des années 1721 dans le cadre d'une opération immobilière menée sous le patronage de Paul Esprit Feydeau de Brou, conseiller d'État et qui fut intendant de Bretagne de 1716 à 1728, à qui elle doit son nom. A noter que l'île Feydeau a cessé d'être une île suite aux comblements du fleuve dans les années 1930, mais le nom d'« île » lui a été conservé dans l'usage courant.

Ville de Nantes : l'île Feydeau.

Nous nous proposons de parler ici de la création du quartier de l'Ile-Feydeau, belle et utile entreprise que Gérard Mellier sut pareillement concevoir, et qu'avec sa volonté énergique, il réussit à mener à bonne fin.

En nous reportant toujours au commencement du XVIIIème siècle, nous trouvons la vieille rue de la Poissonnerie, avec ses boutiques basses et ses maisons en bois du moyen-âge, se présentant comme point d'arrivée de la rive gauche de la Loire. Du côté du fleuve, deux tours, qui portent son nom, en forment l'entrée, et le pont, construit en 1670, la relie ensuite à la rue de la Saulzaie. A l'extrémité du pont et en avant de cette dernière rue, se trouve la porte Bon-Secours, que 1711 verra démolir ; puis s'étend la longue voie des ponts, bordée de Petites maisons, et tellement angustiée, que dans presque tout son parcours elle n'offre guère passage qu'à une seule voiture.

Entre le pont de la Poissonnerie et celui de la Belle-Croix se trouvait donc, comme aujourd'hui, la rue appelée alors de la Saulzaie, et que nous nommons maintenant rue Bon-Secours. Au Nord, les maisons étaient baignées par la Loire. Au Sud, se présentait d'abord la cohue aux poissons. Puis un groupe de maisons sans aucune régularité et auxquelles on n'arrivait que par de petites ruelles, s'étendait à peu près jusqu'au point où se trouve actuellement la rue de Clisson. C'était un terrain bas que souvent les eaux du fleuve venaient couvrir. A l'autre extrémité de la rue de la Saulzaie s'élevait la chapelle Bon-Secours, et un peu plus loin, joignant le pont, de la Belle-Croix, existait le moulin à eau, appelé le moulin Grognard.

Mais tout l'espace qui s'étendait depuis les maisons jusqu'à la pointe de l'Ile n'était qu'un amas de sables auquel on avait donné le nom de grève de la Saulzaie.

Un pareil emplacement si heureusement situé, près, de la Bourse et du Port maritime, ne pouvait manquer de fixer l'attention d'un homme tel que Mellier, sans cesse préoccupé de tout ce qui tendait à favoriser les intérêts de Nantes.

Aussi à peine était-il nommé chef de l'Administration municipale, qu'il conçut le dessein de l'acquérir pour compte de la Ville, et qu'il s'occupa des moyens de réaliser ce projet.

Dans les premiers mois de 1721, il en entretint l'Intendant général de Bretagne, Feydeau de Brou, que se montra très disposé à seconder cette idée. Déjà, en effet, ce terrain était vivement convoité par des spéculateurs qui en avaient fait la demande.

Sur l'invitation de M. Feydeau de Brou, le Bureau de Ville s'empressa donc de faire dresser le plan des lieux, et la grève en question fut reconnue contenir :
En longueur.... 132 toises.
En largeur...........40
Soit, en superficie, 5.280 toises, ou 3 arpents 7/20es.

Ce toisé n'était pas absolument exact, comme nous le verrons plus tard, mais néanmoins il fut toujours reconnu comme seul officiel.

Le 17 septembre 1721, la Communauté se réunit et prit une délibération pour décider que la grève de la Saulzaie serait acquise pour compte de la Ville, et dès le lendemain, le maire Gérard Mellier écrivait à l'Intendant général :

« Je m'empresse de vous envoyer la délibération de notre Communauté du 17 de ce mois, pour vous supplier de lui procurer l'arrentement qu'elle demande au Roi, du terrain vain et vague de la grève de la Saulzaie, pour le nombre de 3 arpents 7/20es qu'elle contient, suivant le plan ci-joint, dressé par M. Delafond, ingénieur du Roi.

Rien n'est plus convenable au bien public de cette ville que d'accorder cet arrentement, soit pour y former une promenade entourée d'arbres, soit pour y bâtir des quais et des magasins. Et enfin, si les états se trouvent un jour en disposition de nous accorder la statue équestre du Roi, elle y serait placée avec décence. D'ailleurs, il paraît juste de préférer la Communauté pour cet arrentement, à raison de 10 # par an, aucun particulier n'en ayant offert autant jusqu'à présent ».

M. de Brou, avons-nous dit, était très sympathique à cette affaire, qui, du reste, par son peu d'importance apparent, ne pouvait entraîner ni difficultés, ni lenteurs. Aussi, dès le 14 octobre suivant, intervenait un arrêt du Conseil portant :

« Le Roi, en son conseil, de l'avis de M. le duc d'Orléans, régent, et conformément à celui du sieur de Brou, a ordonné et ordonne que la Communauté de la ville de Nantes jouira du terrain vain et vague de la grève de la Saulzaie, dépendant du domaine, contenant 3 arpents 7/20es, avec faculté de l'employer aux usages qui seront jugés le plus convenables au bien de la ville, à la charge par ladite Communauté, suivant ses offres, de payer annuellement au domaine de Sa Majesté la somme de 10 # ».

Des lettres-patentes confirmatives de cet arrêt furent délivrées le 20 novembre de la même année, et enregistrées au Parlement, le 20 décembre suivant.

Enfin, le 14 août 1722, arrêt d'enregistrement de ces lettres-patentes à la Chambre des Comptes de Nantes.

Avant de procéder à cet enregistrement, la Cour des Comptes avait voulu qu'un nouveau toisé fût fait de la grève de la Saulzaie, et avait même paru attacher une certaine importance à cette opération. Elle délégua à cet effet l'un de ses membres M. Langlois, et Laillaud, architecte, procéda au débornement auquel durent également assister les membres de la Communauté et le Procureur du Roi, Syndic.

Ce mesurage, fait avec un soin scrupuleux, eut lieu les 17 et 18 juillet, et il fut reconnu que le périmètre de la grève de la Saulzaie comprenait en réalité une superficie de 6.180 toises carrées de 36 pieds chacune, soit 4 arpents 1/4 et 7/20es, non compris l'espace nécessaire pour ouvrir une rue de 20 pieds dans toute la longueur du terrain.

Ville de Nantes : l'île Feydeau.

La Cour des Comptes tint à ce que cette différence fût constatée. Mais l'enregistrement n'en eut pas moins lieu, car l'on comprit que l'intention de l'arrêt était bien positivement que la totalité du terrain fût concédée à la Ville.

Ainsi, à cette époque de 1722, la Communauté de Nantes se trouvait avoir la libre disposition de la grève entière de la Saulzaie.

Comme on l'a vu, lorsque Mellier avait songé à faire cette acquisition, il n'était pas bien fixé sur l'emploi que l'on en pourrait faire.

On avait d'abord pensé à employer ce terrain à l'établissement d'une promenade, et l'on ne peut disconvenir que c'était là une pensée heureuse.

On avait aussi songé à y établir des magasins de dépôt ; la situation de cet emplacement entre deux cours d'eau en rendait les abords faciles, et cette destination semblait naturellement indiquée.

Mais ces deux projets n'eussent qu'imparfaitement rempli le double but que l'on voulait atteindre, celui d'embellir la ville, en créant en même temps des habitations devenues nécessaires.

Vers la fin de 1722, M. Goubert, architecte de la ville, reçut donc l'ordre, de préparer un plan de division du terrain sur lequel des constructions régulières seraient élevées et qui comprendraient des maisons d'habitations et des magasins.

M. Goubert se livra immédiatement à ce travail, et, bien que ses propositions n'aient point été adoptées, nous croyons devoir en dire un mot, car c'est là la première pensée relative à la construction de notre Ile-Feydeau. M. Goubert était d'abord d'avis de diviser le terrain en seize emplacements.

Ville de Nantes : l'île Feydeau.

Il proposait ensuite que la Ville prit à sa charge :

1° La construction des quais, tant d'entrée, depuis le pont de la Belle-Croix, que d'enceinte jusqu'à l'ancien mur de ville, sur la grève, du côté de la ville ;

2° La construction d'un grand touc voûté sous la rue du Milieu et dans toute sa longueur ;

3° L'établissement d'un mur pour fermer la voie du moulin Grognard, et celui d'un autre mur, depuis l'arche bouchée dudit moulin, jusqu'à l'ancien mur de ville, pour former le quai d'entrée ;

4° La construction de toutes les cales et l'établissement du pavé en entier pour le quai d'entrée, les cales et les plateformes, et pour moitié pour les autres quais vers la rivière.

Suivant le devis de M. Goubert, le montant de cette dépense que la Ville aurait eu à supporter, se serait élevé à 160.000 #.

Et, pour couvrir ces frais, il proposait de créer une loterie composée de 640 billets de 250 # chacun, et dont le montant eût ainsi fourni cette même somme de 160.000 #.

Sur ces 640 billets, il y en aurait eu 16 noirs, emportant chacun la propriété de l'un des 16 emplacements désignés par numéro sur le plan ; ce qui eut fait un billet gagnant sur 40 billets.

Ceux que le sort eût favorisés auraient été tenus de bâtir, au fur et à mesure que les quais construits par la Ville se seraient élevés.

Tel était le projet soumis à l'Administration par son architecte-voyer. Mais, comme nous venons de le dire, les idées de M. Goubert ne furent point définitivement accueillies.

Le Bureau de Ville s'était, en effet, attaché à un moyen plus simple, plus sûr, et qui devait en même temps le décharger de tous frais et en quelque sorte de tous soucis.

Dans l'état où se trouvaient ces terrains, la Communauté ne pouvait guère songer à en tirer profit en les cédant. Avant toute construction, il y avait nécessairement de grands frais à faire. Il fallait d'abord remblayer et niveler tout le terrain, de manière à le mettre à l'abri des eaux : pour le consolider, il fallait l'entourer d'une ceinture de quais ; des cales étaient à établir, une grande étendue de pavé à faire, etc. Puis enfin, toutes les constructions devaient être élevées sur pilotis, et c'était là une cause de nouvelles dépenses.

Aussi ne sera-t-on point surpris que la Ville, qui, dès lors avait entrepris d'autres travaux très importants et qui absorbaient toutes ses ressources, ne se montrât pas disposée à entrer pour son compte et à ses risques dans une entreprise aussi hasardeuse.

Elle s'arrêta donc à cette idée, d'offrir gratuitement ces terrains à une Compagnie qui s'engagerait à faire exécuter à ses frais tous les travaux de consolidation et de constructions, suivant un plan convenu et adopté.

Cependant, avant de prendre cette détermination, le Bureau de Ville voulut prendre l'avis du public sur le projet de M. Goubert. Cette idée d'une loterie n'était point en effet précisément repoussée, mais l’on semblait regarder le prix de chaque billet comme trop élevé, et l'on eut préféré voir ce prix plus réduit, tout en augmentant naturellement le nombre de billets.

Un autre changement semblait aussi indiqué par l'opinion, c'était qu'en laissant toujours subsister les alignements et dispositions des rues, quais, cales, etc., on divisât le terrain en vingt-quatre emplacements, au lieu de seize indiqués d'abord.

Sur l'autorisation de l'Intendant général, les plans, devis et projets dressés par l'architecte de la ville furent donc exposés pendant quinze jours à l'Hôtel-de-Ville, et chacun fut appelé à en prendre connaissance et à donner son avis.

Mais cette enquête prouva bientôt que le meilleur moyen d'arriver sûrement et promptement à la solution désirée, était, comme la Communauté l'avait pensé, la formation d'une Compagnie, agissant avec ses propres ressources et sa solidarité d'action.

Les premiers mois de 1793 se passèrent ainsi. Mais Mellier ne perdait pas un instant de vue la poursuite et la réalisation de son projet. A cet effet, il avait réuni plusieurs fois les principaux membres du commerce ; il s'éclairait de leurs avis, et lui-même apportait dans la discussion le poids de son expérience et de son patriotisme désintéressé.

Enfin, le 23 juillet, put écrire à l'intendant général de Brou :

« Après plusieurs conférences, l'affaire de la grève de la Saulzaie a eu un heureux succès. Vous trouverez ci-joint l'état de ceux qui ont souscrit chacun pour un emplacement et à la charge de construire des maisons et des quais, le tout à leurs frais. Ils commencent par une avance de 160.000 #, en espèces, pour la dépense des quais, cales, etc. J'aurai l'honneur de vous envoyer les soumissions, après qu'elles seront mises au net ; j'y joindrai le projet d'arrêt du Conseil, pour les homologuer et pour autoriser les Maire et Échevins à leur passer contrat pour raison desdits emplacements, à la charge par les acquéreurs de payer au Roi la même rente, dont nous sommes chargés de 10 # par an au total, pour raison de cette grève.

Voilà un des embellissements le plus considérable qu'on pouvait procurer dans le centre de cette ville. La dépense en sera élevée, mais il n'en coûtera rien au Roi ni à la Communauté, et le commerce en retirera beaucoup d'utilité. On manque ici de greniers et de magasins, et ces emplacements se trouvent favorablement situés pour la charge et la décharge des marchandises ».

Et le 5 août suivant, il écrivait encore à M. de Brou :
« Les actionnaires de l'emplacement de la grève de la Saulzaie s'assemblèrent tous, hier, à l'Hôtel-de-Ville. Nous y restâmes tous renfermés jusqu'après neuf heures du soir, et, après un sérieux examen, ils ont tous signé leur soumission, sans changer un seul mot à mon projet. Ils m'ont fait remettre ce matin, par le Juge-Consul en chef, l'original de la soumission, avec les plan, devis et élévations paraphés. Notre Communauté s'assemblera demain pour les accepter, et fera diligence pour vous envoyer le tout. On fait état que cette dépense, reviendra à 1.800.000 # ; ils paraissent s'y attendre. Jamais on n'a fait une entreprise de constructions de cette importance, ni témoigné une marque semblable de confiance à un Maire qu'ils ont voulu prendre d’un commun accord pour les rapprocher. Je crois que voilà le premier miracle qui se soit opéré à Nantes, de réunir vingt-quatre têtes au même point. Je joins ici la liste de ceux qui ont traité pour la construction de ces édifices ».

Et, en effet, le 4 août 1723, la soumission suivante avait été régulièrement signée et déposée aux mains du Maire de Nantes :

« Nous, soussignés, après avoir mûrement examiné les plans, profils, devis et élévations, dressés par M. Goubert, de lui signés, de la construction des maisons, des quais et cales à faire sur le terrain vain et vague de la grève de la Saulzaie, contenant trois arpents sept vingtièmes, dont il a plu à Sa Majesté d'accorder par arrêt du Conseil, du 19 novembre 1721, et lettres-patentes dûment enregistrées, la jouissance en faveur de la Communauté de cette ville, avec faculté de l'employer aux usages qui seront jugés les plus convenables au bien de ladite ville ;

Promettons et nous obligeons envers MM. les Maire et Echevins et Communauté de cette dite ville, chacun pour ce qui nous concerne, de faire construire à nos frais, des deniers qui seront par nous fournis, sans répétition vers ladite Communauté, les vingt-quatre maisons, ensemble les quais d'entrée, les quais d'enceinte, les cales et les rues mentionnés aux susdits plan, profils, devis et élévations, qui ont été de nous paraphés, aux clauses et conditions qui suivent, savoir :

1° D'exécuter lesdits plan , profils, devis et élévations, selon leur forme et teneur, en ce qui concerne la construction desdits quais, cales, rues et la façade uniforme des maisons y mentionnées, sans réservation, parce que nous aurons la liberté de distribuer les ouvrages de construction de l'intérieur des emplacements desdites maisons, de la manière que nous jugerons à propos.

2° De commencer à faire construire lesdits quais et cales lors des basses eaux, de les continuer et de les parfaire dans le cours de six années consécutives, à commencer dans l'année prochaine 1724, comme aussi de faire prendre les fondations des façades et des murs mitoyens desdites maisons, à la hauteur desdits quais, dans le même délai.

3° De payer annuellement à cette Ville et Communauté le nombre de 8 s 4 d de rente pour chacun desdits vingt-quatre emplacements de maisons, revenant au total à 10 # de rente annnelle, pour dédommager ladite Communauté de pareille somme qu'elle est tenue de payer au domaine du Roi, suivant ledit arrêt du Conseil, du 19 novembre 1721.

4° Au moyen duquel arrentement, nous jouirons desdites vingt-quatre maisons en pure et pleine propriété, chacun pour ce qui nous concerne.

Et, pour parvenir à l'exécution des clauses et conditions ci-dessus spécifiées, MM. les Maires et Echevins de ladite Communauté prendront une délibération pour les agréer et ratifier, et s'obligeront à faire démolir, aux frais de ladite Communauté, le moulin Grognard, sans pouvoir prétendre aucun dédommagement vers nous, à cause de l'abandon dudit moulin, sauf à la Communauté à profiter des matériaux qui proviendront de ladite démolition.
Et, pour sûreté du présent traité de la cession à notre profit desdits emplacements spécifiés auxdits plan, devis et élévations, MM. les Maire et Echevins se pourvoiront au Conseil, à l'effet d'obtenir un arrêt portant homologation des clauses et conditions ci-dessus ».

Cette soumission était signée de
MM. J.-C. Sauvaget,
Pierre et Jean Michel,
Charles Trochon,
Louis Jouanneaulx fils,
Grou,
De Beaulieu-Beloteau,
N. Valleton,
Pierre Charon,
Robin le jeune,
MM. Villesboisnet-Espivent,
Villettreux,
Pierre Bossinot,
Guillaume Bossinot,
Luc Shiell,
Sarrabourse-d'Audeville,
Berrouette,
G. Lecoq,
Joachim Darquistade,
Darquistade aîné,
Valéry,
F. Marcorelle l'aîné,
Charles Gellée,
Rivière,
Goubert.

Comme on peut le voir, cette concession ne laissait au compte de la Ville qu'une seule charge, celle de l´abandon du moulin Grognard. Mais ce n'était point là une perte réelle pour la Communauté, car ce moulin, qui gênait la navigation et la liberté de passage au pont de la Belle-Croix, ne fonctionnait plus depuis déjà assez longtemps.

Le 6 août, les membres du Bureau de Ville se réunirent, et, à l'unanimité, ils donnèrent leur adhésion au traité, qui fut immédiatement transmis à l'Intendant général, chargé de solliciter l'arrêt approbatif du Conseil.

M. Feydeau de Brou, de son côté, ne mit aucun retard à l'expédition de toutes ces pièces, et le 30 août, un arrêt du Conseil venait homologuer et la délibération du Bureau de Ville et le traité lui-même.

Ainsi, l'affaire avait marché avec toute l'activité désirable, et aujourd'hui, bien certainement, avec tous nos rouages administratifs, pareille question ne se trancherait ni si facilement ni si promptement.

Cette solution fut, du reste, reçue à Nantes avec un vif sentiment de satisfaction. Le Maire adressa à ce sujet, à M. de Brou, les remercîments les plus chaleureux, et, de leur côté, les futurs constructeurs décidèrent qu'en reconnaissance du zèle déployé par l'intendant général, son nom serait donné au nouveau quartier qui allait s'élever et qui serait ainsi appelé l'Ile-Feydeau.

Gérard Mellier, lui aussi, reçut de toute la population de vifs témoignages de gratitude. Aussi était-il fier et heureux d'un pareil succès. Dans sa correspondance, surtout avec M. de Brou, il ne cesse de témoigner le plaisir qu'il en éprouve. On y retrouve souvent ces mots :

« Jamais l'on a fait a Nantes un ouvrage de cette importance, aussi utile, aussi heureusement conduit, sans qu'il en coûte rien au Roi, au public et à la Communauté ».

Nous ne croyons pas utile, du reste, de reproduire le texte même de l'arrêt du 30 août car il ne fait, en quelque sorte, que relater le traité et la délibération de la Communauté. Voici les seules considérations qui y étaient ajoutées :

« Que la construction desdits quais est nécessaire pour resserrer en cet endroit le lit de la rivière de Loire, en rendre le cours plus rapide, et faciliter, par ce moyen, le nettoiement du port, pour leur le bien de la ville et du commerce ; que, d'ailleurs, les maisons que l'on doit construire sur ce terrain augmenteront le proche fief du Roi, à cause de la Prévoté de Nantes, attendu que le terrain de ladite grève est situé sous le même fief, qu'ainsi le sieur de Brou estime qu'il y a lieu d'homologuer ladite soumission du 4 août, etc. ».

Tout se préparait donc pour l'exécution du projet. Gérard Mellier surtout y dévouait toute son activité ; la population le secondait de ses sympathies, et les constructeurs eux-mêmes ne semblaient demander qu'à marcher. Quelques jours seulement après la réception de l'arrêt, le 9 septembre, Mellier écrivait à M. de Brou :

« Les soumissionnaires ont déjà pris leurs mesures pour l'achat de tous les pilotis et de plusieurs autres matériaux. Cet ouvrage ne languira pas entre leurs mains. Ils vont nommer entre eux quatre directeurs et un caissier. Notre Communauté n'a du reste d'intérêt que l'exécution de notre traité, qui me paraît être en bon chemin ».

La fin de 1723 ne fut signalée que par deux incidents dont nous devons parler.

Les actionnaires prenaient, comme nous venons de le voir, toutes leurs mesures pour commencer leurs travaux au printemps 1794. En disposant leurs emplacements, ils reconnurent qu'un petit terrain, contenant le tiers d'un arpent, et contigu à celui cédé à la Communauté, leur devenait nécessaire. Ce terrain dépendait aussi du domaine ; ils en demandèrent l'afféagement et offrirent d'en payer une rente annuelle de 3 #, ce qui leur fut accordé.

L'autre incident présenta plus de gravité, car il mettait en suspicion la bonne foi et la délicatesse d'un membre de l'Administration elle-même.

Voici le fait.
Lorsque le maire Mellier se fut décidé à faire appel au public pour la soumission des vingt-quatre emplacements, une première réunion avait eu lieu à la Bourse, en presence de M. Grou, l'un des membres du Bureau de Ville. Les vingt-quatre soumissions furent immédiatement couvertes, et MM. Laillaud frères, architectes, avaient entre autres souscrits pour une action. Cependant, quelques jours plus tard, une seconde réunion des actionnaires eut lieu l'Hôtel-de-Ville ; MM. Laillaud n'y furent point appelés, et à leur soumission fut substituée celle de M. Jouannaulx, alors échevin. L'arrêt du Conseil, qui parut peu de temps après, contenait en effet le nom de M. Jouannaulx.

MM. Laillaud s'en montrèrent fort irrités et présentèrent immédiatement une protestation au Conseil d'État, accompagnée d'un mémoire explicatif des faits.

Le Conseil ordonna une enquête et chargea l'intendant général Feydeau de Brou de la diriger. Celui-ci délégua à cet effet ses pouvoirs au maire Mellier. L'enquête eut lieu dans les mois de décembre 1723 et janvier 1724, et donna lieu aux récriminations les plus vives et les plus amères de la part des frères. Laillaud. La défense de M. Jouannaulx fut assez faible, et tout donne en effet à penser que, soit l'Administration, soit plutôt les autres actionnaires eux-mêmes, avaient réellement voulu évincer MM. Laillaud.

Mais enfin l'arrêt du Conseil était rendu, la société des actionnaires était constituée, et il y aurait eu positivement un certain danger à revenir sur ce qui avait été fait. L'avis de Mellier fut donc qu'une transaction devait mettre fin à ce fâcheux débat, et il proposa d'accorder à MM. Laillaud une indemnité de 1.200 #, à payer soit par M. Jouannaulx, soit, à son défaut, par la société des actionnaires. L'affaire, qui menaçait de faire scandale, se trouva ainsi terminée.

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Aux mois de mars et d'avril 1724, les travaux des quais commencent. Bientôt la grève de la Saulzaie se couvre d'ouvriers et se transforme en un vaste chantier. Partout se déploie la plus grande activité, et ce petit désert, si longtemps silencieux, retentit aujourd'hui du bruit incessant de la chèvre, qui bat et enfonce une forêt de pilotis. On s'y presse, comme à un lieu de rendez-vous, car chacun veut voir les travaux et en suit l'avancement avec un intérêt qui semble s'accroître chaque jour.

Plein d'enthousiasme Mellier écrit à M. de Brou : « Je ressens d'autant plus de satisfaction d'un travail si important, si utile au public et au commerce de Nantes, qu'il ne peut manquer d'immortaliser votre nom et votre mémoire. Ce résultat vous était d'ailleurs déjà acquis par les bontés et la protection dont vous voulez bien honorer notre Communauté. Aujourd'hui, on peut estimer la dépense à faire à au moins deux millions, mais tout est prêt pour y faire face ».

De son côté, l'Administration se mettait en mesure de remplir ses engagements. Le 4 juin 1724, elle prend une délibération à l'effet d'être autorisée à démolir immédiatement le moulin Grognard.

Elle fait plus .... A la suite de ce moulin, se trouvait un terrain d'environ cinquante toises carrées de superficie, dont l'arrêt du 30 août n'avait point disposé. Il est convenu que la Communauté en demandera l'arrentement. Ces divers emplacements, qui appartenaient ainsi à la ville, entrèrent plus tard dans la confection des quais.

Cependant, la société des actionnaires éprouvait un certain embarras à se procurer les remblais qui lui étaient nécessaires pour élever le sol de ce vaste périmètre, et elle voyait, menacée, pour cet objet, d'une dépense considérable. Au mois de juin, elle se décida donc à présenter à l'intendant général la requête, suivante :

« Supplient humblement les directeurs des ouvrages à faire à l'Ile-Feydeau, au nom de tous les intéressés, et vous représentent, Monseigneur, que lorsqu'ils s'engagèrent à la confection des quais sur ladite île, ils se flattèrent que, pour remplir et hausser le terrain, ils seraient aidés non-seulement des décombres et délivres de la ville, mais encore des délestages de tous les navires et barques qui arrivent en cette ville. Et, comme par les diligences qu'ils ont faites, ils sont maintenant en état de recevoir sur ledit terrain les décombres de la ville et les délestages ;
Ce considéré,

Qu'il vous plaise, Monseigneur, ordonner qu'à l'avenir tous les décombres et délivres de la ville seront portés à l'arche du moulin Grognard, près la chapelle de Bon-Secours, où les suppliants font faire un endroit commode pour les recevoir.

Et à l'égard des délestages des vaisseaux et barques, qu'il vous plaise, Monseigneur, ordonner au fermier du délestage, de les transporter, à la marée, sur ladite île, et les jeter aux endroits qui lui seront indiqués par les suppliants, et qui seront jugés les plus convenables et les plus commodes ».

Avec son obligeance ordinaire, M. Feydeau s'empressa, le 21 juin, de faire droit à cette requête.

Dans tout le cours de 1724, les travaux fortement organisés, marchèrent ainsi avec une remarquable activité. Des crues de la Loire les avaient bien ralentis pendant quelques mois, mais néanmoins, dans les premiers mois de 1725, de 1725, ils se trouvaient notablement avancés.

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C'est alors que les actionnaires comprirent qu'il manquerait quelque chose d'essentiel à leur oeuvre, et qu'elle serait incomplète, s'ils n'avaient un moyen de communication directe de la tête de l’île au centre de la ville. Dans ce but, ils présentèrent une nouvelle requête à l'Intendant général, à l'effet d'obtenir l'autorisation de construire un pont destiné à relier leur île au Port-au-Vin. Cette requête présente des détails sur les habitudes et la topographie de notre ville à cette époque, qui nous semblent dignes d'intérêt, et nous croyons que l'on nous saura gré de la reproduire dans ses principales parties.

Après avoir rappelé la concession qui leur a été faite, l'engagement qu'ils ont pris de faire les constructions désignées au plan, et avoir signalé l'avancement des travaux, les sociétaires continuaient ainsi :

« Mais une entreprise d'une si forte dépense, dans une île, ne peut être portée à un degré de perfection qui la rende avantageuse à la ville, au commerce de Nantes et à l’établissement des vingt-quatre maisons, si l’on ne construit un pont, à commencer vers la pointe de ladite île, pour aboutir à la place du Port-au-Vin. Cette réflexion est fondée sur plusieurs motifs que le plan rend sensibles.

1° Le faubourg de la Fosse est le centre du commerce de terre et de mer qui s'exerce à Nantes. De là vient que l’Hôtel de la Bourse a toujours été établi à la Fosse et que les principales foires et marchés se tiennent proche ledit terrain de la Fosse.

2° Les habitants du pays de Retz, des provinces d'Anjou, de Poitou, de la Rochelle et Pays-d'Aunis, de la Guyenne et du Languedoc et généralement tous ceux de la partie méridionale du comté nantais, n'ont d'autre entrée du côté de la terre, pour venir à Nantes, que par le pont et la Porte de la Poissonnerie, qui sont si étroits que deux carrosses ou charrettes ne peuvent y passer de front. C'est aussi le seul endroit, par où l'on introduit à Nantes, du même côté, les vins, eaux-de-vie, foins, pailles et les autres denrées et marchandises. C'est par là que les gens de pied et à cheval se rendent tous les jours de marché, à la place du Bouffay, celle des Changes, à la Blaiterie ; c'est par là que passent les négociants étrangers et autres établis dans l'île Gloriette, la Belle-Croix et dans les lieux de Biesse, de Vertais, de Pirmil, Pont-Rousseau et côte Saint-Sébastien, pour assister journellement à la Bourse ; c'est par les mêmes pont et porte de la Poissonnerie que l'on fait entrer les bœufs, achetés dans les foires du Poitou, et destinés, soit pour Paris, soit pour la consommation de la ville, et que l'on fait sortir chaque matin les moutons que les bouchers envoient en pâture sur la prairie de la Madeleine ; c'est auprès du même passage qu'est située la cohue aux poissons, en sorte que l'affluence de toutes personnes dans ce passage fait naître des encombrements qui sont encore augmentés par ceux qui conduisent les charrettes et autres voitures pour entrer dans la ville ou pour en sortir et par les gens de pied et à cheval qui s'y rencontrent en même temps. Ils s'affrontent, ils se poussent, ils se disputent le passage ; ils se battent, ils se querellent ; plusieurs s'estropient ; ils ébranlent les garde-corps dudit pont avec violence ; ils les dégradent souvent, ils les renversent, et quelqu'ordre qu'on y puisse apporter, cet unique passage du côté du midi devient impraticable les jours de vendredi, samedi et mercredi de chaque semaine et durant le carême.

3° Tous ceux qui sont chargés de conduire des denrées et marchandises à la Fosse, sont obligés, après leur entrée par ledit pont de la Poisonnerie, de traverser toute la ville et de passer par les porte et pont de Saint-Nicolas. Or, toutes les rues qui composent cette partie de la ville sont les plus étroites et les plus angustiées par les différents commerces de détail qu'on y practique, entre autres la vente et distribution des grains, des sardines et poissons secs et salés, des chanvres, résines, bray gras, des fers et des chaudronneries, merceries, quincailleries, drogueries et épiceries.

4° Lorsqu'on est obligé de réparer le pont de la Poissonnerie, et à cette fin, de fermer la porte de la Poissonnerie, et que, dans ces circonstances, les glaces ou les grandes eaux empêchent le trajet de la Loire, pour lors, la ville est inaccessible du côté du midi. Le commerce cesse ; le prix des denrées augmente et l'on ne peut assez exprimer tous les inconvénients et les dommages qui en résultent. D'ailleurs lesdits intérossés dans l'opération de l’Ile-Feydeau seraient hors de portée d'être secourus par les habitants de la Fosse et de leur rendre le même office en cas d'incendie, si l'on n'établit une communication réciproque par le pont proposé.

C'est pour y remédier que les suppliants veulent bien redoubler leurs forces avec les autres intéressés, pour faire construire à leurs coûts et dépens, et sans aucune répétition, le pont figuré sur le plan, pour entretenir une communication perpauelle, entre le faubourg de la Saulzaie, l’île Feydeau y adjacente et le faubourg de la Fosse.

Ce Pont sera bâti en pierre et composé de trois arches, dont l’une de quarante pieds, les deux autres de trente-six pieds, ce qui suffit et au-delà pour le passage de l'eau qui ne s'y rend que par les deux arches du pont de la Poissonnerie. La largeur du pont sera de vingt-quatre pieds, etc. ».

Pareille proposition avait un but d'utilité si évident qu'elle ne pouvait manquer d'être accueillie par un assentiment unanime.

L’Administration s’empressa d'y donner sa pleine adhésion. Déjà elle avait à pourvoir à l'entretien du vieux pont en bois de la Poissonnerie, qui était la source de dépenses continuelles, mais la seule charge qui lui fut imposée, celle d'entretenir le nouveau pont un an après son achèvement, était-de droit et ne pouvait d'ailleurs être onéreuse.

L'Intendant général, de son côté, ne manqua pas d'appuyer cette requête de toute son influence.

Aussi le succès ne se fit-il pas attendre, et, le 29 octobre 1725, un arrêt du Conseil venait autoriser, aux conditions offertes par les actionnaires, la construction du pont Feydeau, qui, plus tard, devait prendre le nom de Pont de la Bourse.

Longtemps encore l'Ile-Gloriette demeura isolée et n'eut de communication avec la ville que par le pont de la Belle-Croix. Ce ne fut qu'en 1778 qu'elle fut reliée à l'Ile-Feydeau par un pont en bois, que son exposition à tous les vents fit appeler le pont Maudit.

Ainsi les charges des actionnaires s'accroissaient, mais aussi l'entreprise semblait pleine d'avenir et recevait une nouvelle valeur du sacrifice que s'imposaient les intéressés. Ajoutons que le Bureau de Ville ne cessait de donner à l'opération l'appui le plus empressé, et que la population tout entière dont elle favorisait sans doute les intérêts, s'y montrait de plus en plus sympathique.

L'intendant général Feydeau s'était pareillement constamment montré animé des dispositions les plus bienveillantes. Aussi, dans le cours de cette année 1725, les actionnaires voulurent-ils lui donner une nouvelle marque de leur gratitude. Ils firent frapper des jetons en argent portant, d'un côté, ses armes, et de l'autre, le plan des constructions qu'ils exécutaient, et lui en offrirent une bourse richement brodée. M. de Brou se montra très sensible à ce témoignage de bon souvenir.

Ces jetons se distribuaient aux actionnaires eux-mêmes, pour constater leur présence aux réunions très fréquentes qu’ils avaient pour se concerter sur le bien de leur entreprise. Cette entreprise, en effet, s'agrandissait, et dès lors on pouvait prévoir que la dépense à faire excéderait deux millions.

Au projet du pont proposé figurait, sur l'un des côtés, une pyramide portant l'écusson de l'Intendant général et une inscription commémorative de son érection. Des circonstances que nous ferons bientôt connaître empêchèrent l'exécution de cette partie du projet.

A cette époque, la correspondance privée de Mellier avec M. de Brou est vraiment curieuse et pleine d'intérêt. Il l'entretient de tous les grands travaux dont il a la pensée : la construction du pont de Pirmil, celle du quartier de Chézine, des quais d'Estrées, des cours Saint-Pierre et Saint-André, etc. Partout on voit le zèle et le patriotisme de l'homme de bien, comme aussi le coup-d'oeil, les justes appréciations de l'Administrateur vraiment éclairé. Mais aussi il se confie avec un grand abandon à M. de Brou, et il lui dit sans détour que, pour réaliser tous ses projets, qui doivent être si utiles au bien général et auxquels il tient à honneur d'attacher son nom, il est nécessaire qu'il conserve encore quelque temps sa position de Maire et de subdélégué de l'intendance générale. Comme toujours, il y avait alors bien des petites passions, bien des intérêts privés qui se mettaient à la traverse des projets qui s'agitaient. Mellier le savait, et ne craint point de signaler des noms propres, même parmi les membres de son Administration. Sa volonté, son énergie en imposaient sans doute ; mais pour que cette volonté conservât toute son influence, il exprimait très nettement qu'il était indispensable qu'elle fût soutenue par le prestige de sa position. C'était, disait-il, la première condition de succès.

On voit, du reste, clairement que dans ce désir de rester à la tête de l'Administration, il n'y avait chez Mellier aucune pensée d'amour-propre, aucune idée d'ambition. De nombreux soucis, une grave et sérieuse responsabilité l'attendaient au contraire ; car, s'il méditait, s'il voulait réaliser de grandes choses, il ne pouvait ignorer, qu'en dehors même des autres difficultés, les ressources excessivement bornées dont la ville pouvait disposer, seraient pour ses vues un obstacle contre lequel il aurait constamment à lutter, et qui pouvaient rendre impuissants sa volonté et ses efforts. Mais un mobile noble, désintéressé le guidait ; il voulait être utile à la ville, dont l'administration lui était confiée, en réalisant les améliorations que lui suggérait son pur patriotisme ; et, quant aux difficultés, il ne s'en préoccupait qu'avec l'espoir de pouvoir les surmonter ou les détruire.

M. de Brou comprenait Meulier, et s'il avait pour lui une estime toute particulière, il avait également en lui la plus grande confiance. Toutes ses lettres en témoignent. Aussi, s'associant au désir de l'excellent Maire de Nantes, se fit-il un devoir de solliciter du Roi son maintien dans les fonctions de premier magistrat municipal.

Mellier avait alors les dignités suivantes :
Conseiller du Roi,
Trésorier de France,
Général des finances en Bretagne,
Chevalier des ordres royaux militaires et hospitaliers de Notre-Dame-du-Mont-Carmel et de Saint-Lazare de Jérusalem,
Maire et colonel de la milice bourgeoise de Nantes,
Commissaire et subdélégué de M. Feydeau de Brou, conseiller d'Etat, intendant de la province de Bretagne.

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Ville de Nantes : l'île Feydeau.

Pour l'entreprise dont nous nous occupons, le projet de construction du pont Feydeau fut l'acte le plus important de 1725. Dans le cours de cette même année, les toucs furent aussi achevés, et les habitants de la haute Saulzaie furent mis en demeure d'en construire eux-mêmes, afin que ces toucs pussent se déverser dans la Loire par des baies pratiques dans les quais.

Le 15 mai 1726, la construction du pont Feydeau fut l'objet d'un marché particulier. François Gasnier, architecte de Saumur, s'engagea, pour le prix de 30.000 #, à faire cette construction qui devait être achevée et livrée deux ans après. M. Gaubert, architecte de la ville, en avait dressé le plan. Le pont dut avoir vingt-une toises quatre pieds de longueur, et vingt-quatre pieds de largeur, et être composé de trois arches, dont deux de trente-quatre pieds, et l'autre de trente-huit. L'entrepreneur se mit bientôt en mesure de commencer son oeuvre, qui, comme nous le verrons plus tard, eut une bien triste fin.

Dans le courant de cette année, les travaux de ce pont furent poussés avec activité, et aucun incident ne vint les interrompre.

Au printemps de 1727, les autres travaux de ceinture étaient aussi arrivés à un certain degré d'avancement. Les quais et les cales s'élevaient déjà à la hauteur du sol.

Quant aux maisons, on ne s'en occupait pas encore.

Comme on en peut juger par ce que nous avons sous les yeux, le plan arrêté comportait deux corps de bâtiments, de chacun douze maisons, et sépares dans toute leur longueur par une rue qui prit le nom de rue du Milieu. Toutes les maisons auraient ainsi façade sur un quai et sur cette rue. Deux autres rues transversales étaient établies pour faciliter les abords et la circulation. C'étaient les rues Clisson et Duguesclin. Les maisons devaient avoir, au-dessus du rez-de-chaussée, un entresol et deux étages, dont le premier avec balcons ornés.

Vers le mois d'août, le pont Feydeau était déjà arrivé à la hauteur des voûtes. Mais alors une contestation sérieuse s'éleva entre l'entrepreneur et les actionnaires, qui prétendirent que Gasnier ne remplissait point les conditions de son marché. Le Bureau de Ville intervint et l'Intendant général lui-même fut saisi de la question. Sur sa demande, le premier Ingénieur des ponts et chaussées de France, M. Gabriel, fut envoyé a Nantes. Après un sérieux examen des travaux exécutés, M. Gabriel n'hésita pas à déclarer qu'en effet ce pont ne présentait point les conditions de solidité que l'on était en droit d'exiger. A son avis, tout eût été à démolir et à refaire ; mais enfin, comme palliatif, il indiqua de nouveaux travaux de consolidation qu'il jugeait indispensables, et qui devaient s'élever à environ 8.000 #.

Un procès allait ainsi s'engager entre les actionnaires et l'entrepreneur, mais Mellier réussit à les concilier. Toutefois, les observations de M. Gabriel n'en subsistaient pas moins dans toute leur force, et il s'agissait de savoir si on leur donnerait satisfaction.

Mais malheureusement ce ne fut pas tout. Pendant son séjour à Nantes, M. Gabriel fut pareillement chargé de contrôler l'état de construction des quais qui s'élevaient de chaque côté de l'Ile-Feydeau. Il ne s'en montra pas plus satisfait, et constata que ces travaux manquaient de la solidité nécessaire pour résister à la force du courant du fleuve. Des travaux supplémentaires furent ainsi indiqués par lui, travaux qui ne devaient pas s'élever à moins de 41.660 #.

M. Gabriel rédigea à cet égard un rapport très circonstancié, et en saisit et l'Administration municipale et l'Intendant général lui-même. Ce dernier en référa au Contrôleur général, et dès lors l'affaire prit un caractère sérieux.

Les actionnaires furent naturellement fort effrayés de ce surcroît de dépenses que l'on voulait mettre à leur charge, et se crurent fondés à résister à une exigence que leur paraissait injuste ou du moins exagérée. MM. Goubert et Laillaud, architectes, qui avaient dirigé les travaux, les entretenaient dans cette pensée.

Le 6 mars 1728, ils prèsentèrent donc à l'Intendant Général un mémoire en réponse au rapport de M. Gabriel. Ce mémoire combattait avec une certaine adresse les objections de M. Gabriel, et faisait naturellement ressortir tous les arguments qui, dans l'opinion des actionnaires, plaidaient en faveur des travaux exécutés.

Ils terminaient ainsi :

« Que déjà ils avaient rempli leurs engagements au-dessus de leurs forces ; qu'ils étaient hors d'état de faire aucune dépense par augmentation, et que, s'il se trouvait une autre compagnie qui voulût entrer dans leur entreprise à leurs lieu et place, ils étaient très disposés à la céder ».

Cette dernière proposition n'était peut-être pas bien sincère, mais néanmoins les calculs les plus exacts portaient alors le montant de la dépense totale à plus de 2.200.000 #, et c'était une charge bien lourde à cette époque.

Quoi qu'il en soit, la réponse de M. Gabriel à ce mémoire ne se fit pas attendre, et cette fois c'était dans les termes les plus énergiques qu'il formulait son opinion. L'on put voir dès lors que la lutte n'était point égale et que les actionnaires ne pourraient la soutenir longtemps.

Cependant, ils crurent devoir répliquer encore à M. Gabriel ; mais déjà ils faiblissaient, et tout en maintenant leurs premières observations, ils offraient comme moyen de conciliation de demeurer responsables de tous les travaux pendant 10 ans, ce à quoi ils n'étaient point obligés par leur traité.

Cette proposition fut encore combattue et repoussée par M. Gabriel.

M. Feydeau de Brou avait cessé d'être Intendant général. Son successeur, M. de la Tour, connaissait fort peu l'affaire et restait en quelque sorte simple spectateur du débat. L'Administration municipale aurait bien voulu tout concilier, et Mellier, qui prévoyait l'issue d'un pareil conflit, s’y employait avec beaucoup de soins et d'activité ; mais les actionnaires ne pouvaient se décider à prendre encore à leur charge une dépense aussi importante.

Les choses en étaient là, lorsque, le 27 décembre 1728, parut l'arrêt suivant du Conseil :

« Sa Majesté étant en son conseil, a ordonné et ordonne que les actionnaires et intéressés dans la construction de l'île et du pont Feydeau, seront tenus de faire incessamment envelopper les deux piles dudit pont de crèches ou risbernes, et d'en faire encore au devant de chaque culée, pour former un encaissement qui maintienne les sables et le terrain sous lesdites piles et culées ; ordonne pareillement qu'il sera fait aussi deux piliers buttants derrière chaque culée, vis-à-vis les têtes droites des arches suivantes et conformément au procès-verbal du sieur Gabriel, du 28 septembre 1727. Autrement et à faute d'y satisfaire, ordonne Sa Majesté, que par ledit sieur de la Tour, il sera procédé au bail et adjudication desdits ouvrages, aux frais et dépens desdits actionnaires et intéressés dans ladite construction.

Ordonne en outre Sa Majesté que lesdits actionnaires et intéressés se soumettront à l'entretien à perpétuité des quais de ladite Ile-Feydeau, sur l'hypothèque de leurs maisons, dont ils feront leur soumission par devant ledit sieur de la Tour, auquel Sa Majesté enjoint de tenir la main à l'exécution du présent arrêt ».

Tel fut le dernier fait de 1728, relatif à l'entreprise de l'Ile-Feydeau, fait qui grevait cette opération de frais et d'une responsabilité auxquels les actionnaires n'avaient évidemment point dû s'attendre.

Les premiers mois de 1729 se passèrent sans incident nouveau. L'arrêt du 27 décembre avait été signifié aux actionnaires qui s'en montraient vivement préoccupés et qui décidèrent qu'ils y feraient opposition. En attendant les travaux, ceux du pont surtout marchaient toujours, sans que l'on se fût mis en mesure de satisfaire aux prescriptions de l'arrêt. Mellier s'en était plaint, et l'Intendant général se montrait disposé à faire procéder à l'adjudication des travaux supplémentaires, mis à la charge de la compagnie.

L'entrepreneur Gasnier, de son côté, qui déjà avait reçu 21.000, # en avances sur ses travaux, réclamait vivement de nouveaux acomptes, et les actionnaires résistaient à sa demande par ce motif très juste que les obligations prescrites par l'arrêt devaient naturellement retomber en grande partie sur lui.

Le temps marchait ainsi, lorsque, le 4 juillet, le pont Feydeau, évidemment mal construit, s'écroula.

Les membres du Bureau de Ville et les autres autorités locales se transportèrent immédiatement sur les lieux, et un procès-verbal fut aussitôt rédigé.

« Nous avons vu, disait ce rapport, l'arche de la culée attenante à l’île, entièrement ruinée et abattue dans l'eau, ce qui bouche le passage, et avons remarqué que les deux piles se sont enfoncées dans le lit de la rivière, de manière que les deux autres sont démantibulées et ne se soutiennent que par les ceintres qui sont en partie brisés, en sorte que la navigation en cette partie de la rivière est entièrement fermée ».

En un mot, le pont Feydeau n'existait, plus. Mellier en donna immédiatement avis à l'Intendant général. « Ce pont, disait-il, était à peu près fini, mais la Communauté ne court aucun risque, attendu que les actionnaires sont solvables et ont fait leur soumission au greffe de la Ville d'être garants de la solidité du pont pendant 10 années. Cependant il est fâcheux pour ces actionnaires d'essuyer cette perte, et qu'ils aient choisi Gasnier, mauvais entrepreneur, en le préférant, par économie, à d'autres qui s'en seraient bien acquittés, et qui ne demandaient que 3.000 # au delà du marché conclu avec lui ».

A la suite de la chute de son pont, Gasnier avait pris la fuite ; mais, mieux inspiré, il reparut bientôt, et alors la lutte la plus vive s'engagea entre lui et les actionnaires. Ces derniers l'attaquèrent en responsabilité, et demandaient qu'il fût contraint de déblayer, d'abord la rivière des matériaux qui l'obstruaient, et ensuite de procéder à ses frais à la reconstruction du pont.

Gasnier repoussait cette double demande et prétendait qu'aucune garantie ne pouvait l'atteindre ; qu'il s'était en tout point conformé au devis qui formait la base de son marché ; que la chute du pont ne provenait point ainsi de sa faute, mais du peu de solidité du terrain, dont les actionnaires ne s'étaient point assurés et qu'ils n'avaient point prévu. En un mot, il se refusait à toute responsabilité et réclamait paiement de ce qui lui restait dû.

Des mémoires, où l'on approchait de bien près de l'injure, furent lancés de part et d'autre, et pour éclaircir la question, l'Intendant général ordonna qu'une enquête aurait lieu et serait confiée aux soins de M. Mellier.

Cette enquête se fit et ne prouva qu'une chose, c'est que le pont avait été évidemment mal construit. Mais à qui en faire remonter la faute ?

Mellier hésitait à se prononcer lui-même, et il conseilla M. de la Tour de consulter M. Gabriel, qui déjà avait vu les travaux en cours d'exécution, et avait pu ainsi s'en former une opinion.

M. Gabriel, dans sa réponse, fut très explicite. Il était d'avis de décharger Gasnier de toute responsabilité, et de laisser la perte entière au compte des actionnaires, qui avaient, disait- il, négligé les plus simples précautions pour assurer la solidité, dans le devis qu'ils avaient fait dresser, et que l'entrepreneur avait exécuté aux termes de son marché. Et il ajoutait :

« J'avais raison, comme vous le voyez, de demander que les actionnaires fussent responsables de leur pont, ainsi que de leurs quais qui feront de même la révérence. Aussi sont-ils jolis garçons aujourd'hui. Quand même leur entrepreneur ne serait pas en fuite, quelles ressources auraient-ils tant qu'ils suivront les mêmes conseils ? ».

Malgré cet avis, peut-être un peu tranché de M. Gabriel, il semblait juste que cette question de responsabilité demeurât suspendue et fût l'objet de nouvelles études. Mais une autre question urgente était à vider, c'était le déblaiement du fleuve que l’encombrement des matériaux rendait innavigable. Des plaintes s'élevaient de toutes parts, et l'on pouvait craindre l'intervention de la justice. Les actionnaires, aussi bien que Gasnier, se refusaient positivement à procéder à ce travail, avant la décision touchant la responsabilité ; on était au mois de septembre, et la mauvaise saison approchait. Mellier, d'accord avec M. de la Tour, fut donc forcé de rendre une ordonnance pour mettre ces travaux de déblaiement en adjudication.

Le 6 octobre, le sieur Louis Laillaud fut déclaré adjudicataire pour le prix de 1.350 #.

Mais la question principale, celle de savoir à qui incomberait la responsabilité de la chute du pont Feydeau, restait toujours pendante. L'enquête n'ayant produit que des contradictions, le seul moyen de porter la lumière dans cette affaire était une expertise. On se décida à y avoir recours, et une ordonnance de M. de la Tour, du 16 octobre, prescrivit « qu'avant faire droit aux parties, au principal et sans y préjudicier, les parties nommerairnt chacune un expert, qui, conjointement avec M. Delafond, ingénieur du Roi, auraient à procéder en la présence desdites parties, à la visite, qualité et état où se trouve actuellement ledit pont Feydeau, des ouvrages faits pour sa confection, et de ce qui peut avoir donné lieu à sa chute et ruine, circonstances et dépendances ».

En conformité de cette ordonnance, les actionnaires présentèrent pour leur expert M. de Vensbourg, architecte à Rennes, et Gasnier, M. Georges Maury, ingénieur à Saumur.

On arriva ainsi en 1730. A cette époque, Nantes fit une grande perte : Gérard Mellier mourut. L'Intendant general lui substitua dans sa délégation M. Verdier, général des finances, qu'il chargea spécialement du soin de suivre l'affaire du pont Feydeau.

L'expertise ordonnée ne put avoir lieu qu'au mois de juillet, et après de longues et minutieuses expériences, les experts tombèrent d'accord pour décider que le défaut d'enfoncement des pilotis jusqu'au fond solide avait seul provoqué l'accident.

Sur ce rapport, M. Verdier donna son avis, et conclut à ce que la chute du pont ayant été la suite de l'incurie de l'entrepreneur, ce dernier devait en supporter les conséquences et reconstruire le pont à ses frais.

Disons enfin que le 4 juin 1731, l'Intendant général de la Tour rendit une ordonnance qui « condamnait le sieur François Gasnier et Ambroise Gasnier, sa caution solidairement et par corps, à réédifier le pont Feydeau, et, en cas de défaut, décidait que l'adjudication en serait faite aux risques, périls et fortune desdits Gasnier ».

Mis en demeure de remplir cette nouvelle obligation, les frères Gasnier s'y refusèrent, et par suite, une adjudication eut lieu en août 1731. Le sieur Louis Laillaud fut déclaré adjudicataire pour le prix de 25.500 #. Le projet de 1726 servit encore de base à ce nouveau marché, seulement on en supprima la pyramide et l'inscription qu'elle devait porter.

C'est donc réellement à cette époque que remonte la construction de notre pont de la Bourse, que, comme on le voit, ne coûta rien à la Ville.

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Ville de Nantes : l'île Feydeau.

Pour suivre cette affaire dans toutes ses phases, nous avons un instant cessé de parler des constructions principales, celles des maisons de l'Ile-Feydeau. Nous devons maintenant y revenir, mais ce que nous avons à en dire va nécessairement témoigner du découragement qui s'était alors emparé de l'esprit des actionnaires.

Obligés par leur traité de faire à leur compte tous les quais, cales, etc. , ils avaient vu cette dépense excéder de à plus de moitié les premières prévisions. On sait que ces travaux avaient été évalués à 160.000 #, et ils y avaient consacré une somme de plus de 360.000 #, ce qui avait été pour eux une charge énorme. La construction du pont Feydeau avait encore accru cette charge. Enfin, la contestation qui s'en était suivie avait achevé de porter au plus haut point leur mécontentement. Aussi hésitaient-ils à se lancer de nouveau dans la construction des maisons, craignant encore d'y trouver un autre sujet de mécompte.

Cependant, MM. Valleton et Charron s'étaient décidés à bâtir. M. Villetreux les avait bientôt suivis ; mais les frais qu'ils avaient eu à supporter pour l'établissement des pilotis, le temps qu'avait nécessité cette opération, dans un sol où l'on ne pouvait atteindre un fond solide qu'à 25 et 30 pieds, avaient complètement éloigné les autres acquéreurs du projet de construire.

Aussi plus de 20 années s'écoulèrent et deux maisons seulement se trouvaient achevées, et deux autres avaient à peine leurs fondations hors de terre.

Malgré tous les sacrifices qui avaient été faits, les emplacements étaient tombés dans un discrédit complet : et vers 1740, on en aurait obtenu au prix de 3.000 #. Et peut-être encore ce prix se fût-il réduit, si l'on n'eût mis en oeuvre une manière de bâtir moins coûteuse, plus prompte, et que l'on jugea aussi solide.

Ce fut M. Rousseau qui, le premier, eut cette pensée. Il jugea qu'au lieu de pilotis, un grillage en bois coûterait peu, serait promptement fait et présenterait autant de solidité. Il acheta donc un emplacement et y fit bâtir une maison dans ces conditions.

Cet essai parut réussir, et aussitôt l'opinion se modifia. MM. Doudet, de Rappet et Leroux, achetèrent également des emplacements qu'ils payèrent 5.000 # chacun, et bientôt trois nouvelles maisons furent en construction.

Peu de temps après, MM. Grou, Geslin et Beauvai Razeau en firent autant.

Puis vint M. Berrouette.

Enfin, M. Rousseau fit l'acquisition de trois nouveaux emplacements, et en 1753, ses constructions étaient en pleine activité.

L'élan était ainsi donné ; et les emplacements tombés, comme nous venons de le dire, quelques années auparavant à 3.000 #, se payaient alors jusqu'à 15.000 #. La construction de l'Ile-Feydeau marche dès ce moment avec entrain et ne tarde pas à se compléter.

Mais, pour faciliter ce résultat, une concession avait dû être faite par la Communauté.

Comme on a pu le voir dans le premier traité, les actionnaires s'étaient réservé la faculté de disposer à leur convenance l'intérieur de leurs constructions, cela était naturel, et sur ce point toute liberté fut en effet laissée aux intéressés.

Mais aussi une autre condition du traité portait que toutes les maisons devaient être uniformes et avoir une facade régulière. Cette condition parut gênante et onéreuse à quelques constructeurs, qui demandèrent qu'elle ne fût pas rigoureusement imposée. Pour tout concilier, on décida donc que, tout en respectant fidèlement l'alignement, on tolérait, quelques changements dans la hauteur et la façade des maisons.

Ainsi l'oeuvre entreprise par Mellier, en 1720, se réalisa à peu près en 40 années, et vers 1760, Nantes comptait un beau quartier de plus.

Nous pourrions nous arrêter là, mais nous croyons utile de poursuivre encore un peu notre récit, et de donner quelques autres détails se rattachant à notre Ile-Feydeau.

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En traçant l'état des lieux, avant la création du quartier de l'Ile-Feydeau, nous avons fait connaître qu'en avant de la grève cédée à la ville et joignant la rue de la Saulzaie, se trouvait un groupe de maisons bâties sans régularité et s'étendant jusqu'à la rue de Clisson. Par suite de leur traité, les actionnaires avaient bien établi les quais d'entrée à partir d'un côté du pont de la Poissonnerie, et de l'autre du pont de la Belle-Croix, mais l'état de ces vieilles constructions n'avait pas changé, et ces quais demeuraient naturellement sans façade. Cela était fort disgracieux et rendait incomplète l'oeuvre si bien commencée.

Aussi, dans le cours de l'année 1765, la Communauté présenta-t-elle requête à l'Intendant-général, à l'effet d'être autorisée à provoquer des constructions sur les deux quais, dans la partie restée en dehors de la première concession.

Cette requête eut tout son effet, et un arrêt du Conseil du 19 mars 1766 autorisa la Communauté à rectifier le plan de la ville et à rendre obligatoire la construction de maisons sur les deux quais en prolongement et dans l'alignement de celles déjà construites.

Résolu à seconder ce projet de tout son pouvoir, le Bureau de Ville acheta dans la basse Saulzaie plusieurs maisons et divers emplacements des sieurs Chopin, Taillebois, Pion veuve Pionneau, Tual, etc., afin de pouvoir disposer de ces terrains.

En 1771, M. Ceineray, architecte-voyer en chef, fut chargé de dresser le devis des travaux à faire au compte de la Ville ; ce devis s'élevait à 20.337 # 10 s 4 d.

Les terrains acquis par la Ville furent alors aliénés ; les propriétaires furent pressés de bâtir et de 1774 à 1780, les maisons s'élevèrent successivement. A cette dernière époque enfin, l'Ile-Feydeau offrait à peu près l'aspect qu'elle présente aujourd'hui.

Nous avons vu l'opinon Gabriel, en 1726, sur la construction des quais et cales élevés par les actionnaires. L'expérience prouva que cette opinion était empreinte d'une grande exagération, car ces quais avaient parfaitement résisté et avaient également rempli de la manière la plus satisfaisante le but pour lequel ils avalent été établis. A peine, en effet, avaient-ils été achevés, que le commerce s'en était aussitôt emparé pour y charger et décharger ses marchandises, et cet empressement même était tel que certains jours il était difficile d'avoir accès aux cales.

Par suite de cet usage public, la question de responsabilité des frais d'entretien avait évidemment changé de face. L'allia du 27 décembre 1728 avait bien mis à perpétuité cet entretien à la charge des actionnaires. Mais ces derniers eussent été fondés à dire que, qui crée une chose et l'entretient en est naturellement propriétaire exclusif et seul aussi il a droit à en avoir la jouissance. Or, ces cales et quais n'étaient pas seulement à l'usage des propriétaires de l'Ile-Feydeau, mais encore de tout le commerce de Nantes. Et la conséquence à en tirer était que cet usage étant commun, la dépense d'entretien devait être commune, c'est-à-dire retomber à la charge et au compte de la Communauté.

Le Bureau de Ville l'avait bien senti, et déjà il avait fait faire à ses frais quelques réparations partielles à des cales, sur lesquelles il avait fait placer des rampes en fer.

Cependant, en 1770, les quais et cales de l'Ile-Feydeau qui, depuis leur création, c'est-à-dire depuis plus de 45 ans, n'avaient point reçu de réparations complètes, commençaient à se dégrader. Des réclamations assez vives s'élevaient à cet, égard, et la Communauté, qui ne contestai ni l'utilité de ces réparations, ni même l'obligation pour elle de les faire, ne pouvait y satisfaire faute de ressources. Une somme d'environ 8.000 #, qui semblait nécessaire, lui fut alors offerte par les principaux propriétaires de l'Ile-Feydeau, à la condition que cette somme serait exclusivement employée à ces réparations. La Communauté accepta, et une souscription mit promptement à sa disposition cette somme qu'elle devait rembourser en deux années, sans intérêt.

En 1781, se vida aussi une autre question qui, cette fois, eut une issue fort onéreuse pour les propriétaires de l'Ile-Feydeau. Il est vrai qu'ils avaient affaire au fisc, qui n'a pas pour habitude de transiger sur ses droits.

Dès 1758, le domaine avait voulu soumettre aux droits de lods et ventes tous les terrains de l'Ile-Feydeau, objets d'une cession quelconque. Quelques propriétaires s'étaient soumis à cette prétention, mais la plupart avaient résisté et appuyaient leur refus sur les termes très précis de l'arrêt du 8 avril 1732, qui exemptait de ce droit toutes les propriétés, qui, comme celles de l'Ile-Feydeau, ressortaient du fief de la Prévôté.

Un procès s'engagea et dura fort longtemps, car ce ne fut qu'en 1781 qu'il reçut sa solution, par un jugement de la Sénéchaussée, qui admit les prétentions du domaine et condamna les propriétaires au paiement d'une somme de 48.800 #. Cette somme fut payée par :

M. Lafiton, acquisition du 4 juin 1747, pour 5.120 l.
M. Rousseau, 4 acquisitions, 3 novembre 1745, 3 août 1750, 7 mars et 14 décembre 1752, pour 42.288 l.
M. Bouhier, acquisition du 29 novembre 1745, pour 10.000 l.
M. René Leroux, 2 acquisitions, 14 avril 1747, 22 mai 1756, pour 20.000 l.
Mme veuve Raimbaud, 3 acquisitions, juin 1748 et mars 1756, pour 37.396 l.
Mlle Rivière, 1 acquisition du 4 juillet 1749, pour 3.112 l.
Mme veuve René Geslin, 1 acquisition du 22 juillet 1750, pour 10.000 l.
Mme veuve Daller, 1 acquisition du 25 août 1751, pour 8.000 l.
M. J. B. Lefevre, 1 acquisition du 6 mars 1752, pour 25.000 l.
M. Pierre Pourret, 1 acquisition du 11 janvier 1755, pour 22.740 l.
Mme veuve Henri Allard, 1 acquisition du 15 décembre 1755, pour 25.000 l.
M. François Bonamy, médecin, 2 acquisitions des 21 mai 1756, 28 juillet 1761, pour 62.500 l.
M. Jean Ducoudra, 1 acquisition du 11 mars 1761, pour 5.000 l.
M. Nicolas Bernardeau, 1 acquisition du 3 mai 1763, pour 20.300 l.
Mme veuve Fleuriot, 1 acquisition du 3 mai 1763, pour 24.000 l.
M. Pierre Couillaud de la Piconnerie, 1 acquisition du 27 Juillet 1767, pour 22.000 l.
M. Auguste Deluynes, 1 acquisition du 11 avril 1770, pour 10.000 l.

Cette liste prouve que, dès cette époque, les propriétés de l'Ile-Feydeau avaient été l'objet de nombreuses transactions, car à peine si l'on y trouve le nom de quelques-uns des premiers fondateurs.

Jusqu'en 1780, la rue de la Saulzaie, qui avait pris le nom de la rue Poissonnerie, et qui, plus tard, reçut celui de rue Bon-Secours, resta ce qu'elle était, sombre et avec sa largeur de douze pieds. Lorsque la partie haute de l'Ile-Feydeau se construisit, quelques maisons s'élevèrent aussi aux deux extrémités de la rue. Mais ce ne fut véritablement que de 1820 à 1830 qu'elle reçut l'alignement qu'elle a aujourd'hui.

La chapelle Bon-Secours fut vendue, sous la République, comme bien national. A la place qu'elle occupait s'élève maintenant la maison qui fait l'angle de la rue Bon-Secours et du quai Turenne.

Le vieux quartier de la Saulzaie, bien qu'il eût ses facades bâties sur les deux quais, n'en demeura pas moins à son intérieur ce qu'il était depuis longtemps ; bas, humide et malsain. En 1791, sur les plaintes qui s'en élevaient, la police y fit plusieurs descentes et ordonna la démolition immédiate de quelques maisons qui menaçaient ruine. On fit aussi remblayer le terrain, ce qui donna aux habitations un peu plus de salubrité.

Mais le seul moyen d'arriver à ce dernier résultat eut été le prolongement de la rue du Milieu jusqu'à la rue Bon-Secours. Un arrêt du Conseil du 5 octobre 1748 avait décidé ce prolongement, et un procès-verbal du 11 mai 1778 constate, qu'à cette époque, l'acquisition de 246 pieds de terrain seulement eût permis de compléter cette ouverture. Une fausse économie empêcha de faire alors cette acquisition ; les choses en restèrent là, et ce ne fut que beaucoup plus tard, vers 1825, que l'on perça enfin ces vieilles constructions, et que la rue du Milieu, aujourd'hui la rue Kervégan, put s'étendre de la Poissonnerie à la Petite-Hollande. Cependant, aujourd'hui encore, dans une ruelle qui porte toujours le nom de Haute-Saulzaie, on trouve quelques maisons dont l'origine doit certainement être très ancienne.

Disons un mot aussi du pont, qui d’Aiguillon, qui prit son nom de celui du duc d'Aiguillon, alors intendant général en Bretagne.

En 1668, le vieux pont de la Poissonnerie menaçait ruine. Une adjudication fut faite au sieur, Bussonnière, au prix de 9.100 #, pour le réparer et y ajouter une arche. Un pont volant servait au passage pendant les travaux, et un droit de péage fut établi à raison de :
3 d. par personne et par voiture ;
2 d. par chaque bête à cornes ;
6 d. par douzaine de moutons.

Ces travaux consolidèrent le pont ; mais, construit uniquement en bois et soumis à un mouvement continuel de piétons et de voitures, ce pont nécessitait très souvent des réparations qui ne laissaient pas que d'être fort coûteuses. C'est ainsi qu'en 1699, 1721 et 1728, on y dépensa des sommes assez considérables.

En 1738, alors que les travaux de l'Ile-Feydeau étaient déjà fort avancés, la Communauté se décida à remplacer le pont en bois par un pont en pierre, et M. Abeille, ingénieur à Rennes, fut chargé d'en dresser le plan et le devis.

Ce devis s'élevait à la somme de 71.835# 14s 3d dont il y avait à déduire pour prix des matériaux de l'ancien pont et qui pouvaient être utilisés 10.000#. Montant de la dépense : 61.835# 14s 3d.

Le pont ne devait avoir qu'une seule arche, dont l'ouverture, prise entre les naissances de son ceintre, serait de treize toises, ayant vingt pieds de flèche, depuis le bas dudit ceintre jusque sous la clef. — Sa largeur, entre ses deux têtes, vingt-cinq pieds.

La Communauté adopta ce projet, qui reçut également la sanction de l'Intendant général et du Conseil. M. de Blaveau, ingénieur du Roi, fut chargé de diriger cette construction ; M. Laillaud eut la conduite des travaux.

Vers 1745, ces travaux commencèrent. La ville s'était crue de force à suffire à la dépense, et comme ses ressources étaient faibles, l'entreprise marchait bien lentement. Enfin, en 1759, ces ressources manquaient et l'on se trouva à la veille de tout suspendre.

La Communauté se décida alors à avoir recours à un moyen dont on trouve, à cette époque, plusieurs exemples, à un emprunt sous forme de loterie.

A la suite d'une délibération du 22 septembre 1759, elle demanda à être autorisée à émettre cent trente actions de 300#, formant un capital de 39.000#.

Ces actions, portant intérêt, devaient être remboursées en dix années, soit chaque année treize actions tirées au sort.

Ce projet d'emprunt fut autorisé par arrêt du Conseil du 18 décembre suivant.

Bientôt la souscription s'ouvrit et fut immédiatement couverte. Cette ressource permit de continuer et d'achever le pont d’Aiguillon, qui, en 1762, était livré à la circulation.

Ainsi que nous l'avons dit, la cohue aux poissons était établie à l'entrée de la rue de la Saulzaie. Comme par suite des constructions projetées, ce petit établissement devait disparaître, en 1741, la Communauté songea à faire construire une autre cohue aux poissons sur le quai Brancas. Ce projet, adopté et sanctionné par un arrêt du Conseil, avait même reçu en partie son exécution, lorsque des oppositions sérieuses vinrent la faire suspendre. Bientôt, en outre, les constructions du quai Brancas furent décidées, et le projet d'y établir la cohue aux poissons fut abandonné. Plus tard, lorsque la première cohue eut disparu, le marché aux poissons se tint près la place du Bouffay et sur lequai de la Tremperie. Mais on sentit bientôt que cet emplacement n'était nullement convenable à cette destination. En 1781, la Communauté reprit donc son projet de construction d'une nouvelle cohue, et fit choix à cet effet d'un terrain resté libre jusqu'alors, à l'extrémité nord de l'Ile-Feydeau. Pour ouvrir un passage du pont d'Aiguillon à ce marché, elle dut acquérir diverses maisons pour le prix de 12.785#.

Vers 1784 fut donc établie la Poissonnerie que nous avons connue, bâtiment en bois, incommode et de la plus chétive apparence. Cependant, à force de réparations, on put faire subsister ce disgracieux bâtiment jusqu'en 1849.

En 1851, fut construite la Poissonnerie actuelle sur les plans de M. Driollet.

A l'autre extrémité de l'Ile-Feydeau, se trouvait, après la construction des maisons et du pont, une pointe de grève.

En 1767, une Bourse provisoire en bois y fut établie pendant quelque temps.

Cet attérissement, résultat des travaux exécutés, était, vers 1780, d'une contenance de un journal huit cordes, et la Communauté, qui songeait dès lors à y établir la Bourse, résolut d'en faire l'acquisition.

En 1782, elle en demanda donc la concession et offrit d'en payer une redevance de 300# de blé, et d'acquitter le droit de lods et ventes tous les 40 ans, ou de payer une redevance double pour en tenir lieu.

Le Bureau de Ville était fondé à croire que son offre serait acceptée, lorsqu'il fut prévenu par l'Intendant général que des spéculateurs, représentés par M. Devachères, proposaient 1.200 # de rente annuelle de ce terrain, dont ils voulaient faire un chantier pour un dépôt de bois.

La Communauté fut vivement émue de cette concurrence, et, dans une délibération du 22 mai 1783, elle combattit vivement cette proposition, dont le but, suivant elle, était évidemment de nuire aux intérêts et aux embellissements de Nantes. Ces motifs prévalurent et la concession demandée fut faite à la ville.

Aussitôt on prépara et nivela la partie haute de cet attérissement, et on la planta d'arbres. De là, l'origine de cette petite promenade, qui prit le nom de Petite-Hollande, en souvenir d'une autre promenade du même nom, situé près de la rue Contrescarpe et, qui venait d'être détruite.

En 1784, la Communauté dut prendre quelques mesures de police pour la conservation des arbres. La promenade n'avait aucune clôture, était baignée par les eaux du fleuve, et les mariniers se servaient des arbres pour amarrer leurs bateaux. Défense leur fut faite d'en agir ainsi, et des pieux furent établis pour cet usage.

Ce ne fut qu'en 1803 que la promenade fut établie dans l'état où elle se trouve aujourd'hui.

Par suite des engagements pris par la Ville, le moulin Grognard, situé près le pont de la Belle-Croix, avait été détruit, et à la place qu'il occupait le sieur Jourdain avait été autorisé à créer un établissement de bains publics. Mais ces bains gênaient la navigation, et vers 1800 on décida de les supprimer.

Dans une délibération de l'Administration municipale, du 25 fructidor an IX, il fut arrêté que cet établissement de bains serait reporté à l'extrémité sud de la promenade de la Petite-Hollande, et un traité fut passé à cet effet avec le sieur Jourdain.

Suivant ce traité, Jourdain s’engageait à faire construire à ses frais le corps de bâtiment, et de le munir de tout ce qui était nécessaire à son exploitation, suivant plan et devis arrêtés.

Cet arrentement lui était concédé pour soixante-six ans, qui devaient prendre cours du 24 juin 1803, pour finir au au 24 juin 1869.

Il s'engageait de plus à payer à la Ville :
100 f. par année, dans le cours des 10 premières années,
200 f. par année, dans le cours des 10ème à 20ème années,
300 f. par année, dans le cours des 20ème à 30ème années,
400 f. par année, dans le cours des 30ème à 40ème années,
500 f. par année, dans le cours des 40ème à 50ème années,
600 f. par année, dans le cours des 50ème à 60ème années.

A l'expiration du délai fixé, les bâtiments et tous les ustensiles qui devaient le garnir deviendraient la propriété de la ville.

L'article 11 du traité mettait en outre à la charge de Jourdain la confection et l'entretien de la promenade. Il y était dit que :

« Jourdain était tenu de faire élever la promenade publique qui joint les bains, ainsi que les murs qui l'entourent, suivant les hauteurs données par l'architecte-voyer, la Commune devant seulement fournir les remblais, de faire sabler ladite promenade, ce qu'il devrait répéter tous les ans ; de faire replanter et fournir les arbres qui périraient pendant la durée de son bail ; de faire placer des marches en pierres aux entrées de la promenade ; en un mot, d'entretenir le tout dans le meilleur état, sans que, pour cela, il pût exiger plus de droits auxdites choses que le public. ».

Ville de Nantes : l'île Feydeau.

C'est par suite de cette clause que la promenade fut établie telle que nous la voyons maintenant.

Tels sont les détails que nous pouvons donner sur la création du quartier de l'Ile-Feydeau, détails qu'il nous a semblé utile de rappeler et de conserver, et qu'on ne lira pas, croyons-nous, sans un certain intérêt.

(J.-C. Rénoul).

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