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NOTICE HISTORIQUE SUR NANTES (XVIIIème siècle).

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Nous avons reproduit son texte le plus fidèlement possible. Nous ne nous sommes permis que de légères retouches de style, pour le rendre supportable ; mais sans rien changer à l'esprit dans lequel il avait écrit. Afin qu'il parût aussi moins insuffisant, on y a intercalé, sous guillemets, dans l'ordre chronologique, quelques extraits empruntés surtout aux anciens registres d'état civil de Nantes, qui s'y marient complètement. C'est en effet la même facture.

CONTINUATION INÉDITE DE L'HISTOIRE DE NANTES.

En 1750, le Parlement de Bretagne supprima, par son arrêt du .... le droit de neufme ou de la neuvième partie des meubles prétendu par les curés de la ville de Nantes sur la succession de tous les roturiers mariés, toutes dettes mobilières et frais funéraires payés [Note : Voir sur cette sorte de dîme des morts, qui avait déjà été réduite, au commencement du XIVème siècle, à la neuvième partie, au lieu du tiers que ces ecclésiastiques prenaient auparavant, dom Lobineau, Histoire de Bretagne, t. Ier, p. 294 ; Travers, t. II, p. 426, et les recueils d'arrêts du Parlement de Bretagne].

M. l'évêque de la Muzanchère alla, quelques jours avant la Fête-Dieu de l'année 1750, voir M. le Meneust des Treilles, président à la Chambre des comptes, qui lors se trouvait à la tête de sa compagnie. Il lui représenta les inconvénients qu'il y avait d'aller, le jour de la Fête-Dieu, en procession à St-Nicolas, et lui dit que son intention serait, si la Chambre s'y prêtait, de passer désormais de la rue de la Casserie en celle de la Clavurerie, et, de là, dans celle des Halles ; ce qui, ayant été proposé dans une assemblée des semestres, fut agréé et exécuté cette année 1750 et depuis.

Dans la nuit du 14 au 15 mars 1751, la force du vent fut si violente, que de tous côtés elle renversa les églises et les maisons, brisa et arracha un très-grand nombre d'arbres. (Registre de la famille Francheteau, de Legé). Guimar, abréviateur et continuateur de l'abbé Travers, dit seulement sur cette même année : « Un ouragan terrible s'est fait sentir dans la ville » (Annales nantaises, p. 515).

En 1753, M. le duc de Chaulnes ayant vendu sa charge de lieutenant-général du comté nantais à M. le duc d'Aiguillon, le roi honora ce dernier de la place de commandant-général en Bretagne. Pendant le temps qu'il l'a occupée, il a donné ses soins à la construction et perfection de presque tous les grands chemins de la province, qui avaient été commencés plus de dix ans auparavant par la corvée des paroisses voisines, où chaque paysan qui payait 20# de capitation était taxé une toise. La province a fait le surplus, de même que les arches et arceaux pour l'écoulement des eaux [Note : Voir Règlement pour les grands chemins de la province de Bretagne ; Rennes, Jos. Vatar, 1754, in-8° de 69 p. - Autre Règlement pour les grands chemins de la province de Bretagne, du 30 octobre 1757 ; s. I., in-8° de 24 p.].

PROJET DE LA BIBLI0TÉQUE PUBLIQUE.
A été représenté par un de Messieurs, que le moment de procurer à la ville de Nantes une bibliotéque publique, paroît enfin arrivé : le goût de Mgr l'Intendant pour les sciences, et son zèle pour en hâter les progrès en cette province, sont un sûr garant que loin de désaprouver un semblable projet, il le favorisera au contraire autant qu'il sera possible. Ceux qui composent actuellement le bureau, sentent dans toute son étenduë l'utilité d'un pareil établissement, et les Pères de l'Oratoire, qui possedent une collection considérable de livres dans tous les genres, et un bâtiment très-propre à placer une bibliotéque publique, offrent de concourir à l'exécution d'un dessein aussi louable non-seulement en cédant dès à présent à la communauté de ville l'usage de tous leurs livres et du bâtiment où ils sont placés, mais encore en offrant de fournir un bibliotécaire. Il n'y a pas d'aparence que la providence eût rassemblé tant de circonstances favorables, si elle n'eût voulu en tirer l'effet qu'elles semblent promettre.
Il est question maintenant de rendre compte au bureau du plan qui a été fait pour cet établissement, d'après les instructions qui ont été prises par son ordre a Paris et à Rennes, et même à Orléans. Afin de le faire en ordre, il est nécessaire de le ranger sous plusieurs articles.
ARTICLE PREMER. Les Peres de l'Oratoire de cette ville fourniront à la communauté de Nantes, la salle où leur bibliotéque est actuellement placée, même les chambres qui sont au bout de ladite salle et dans le même cours, afin de la prolonger, si dans la suite cela est jugé nécessaire. La communauté de son côté se chargera d'entretenir ladite salle de toutes reparations, ainsi que le plancher qui la soutient, et la couverture au dessus de ladite salle ; et en cas que ladite salle soit prolongée, et qu'on y comprenne les chambres qui sont dans le même cours, elle les remplacera équivalament, pour le service des Pères de l'Oratoire, en tel autre endroit de leur maison qui sera par eux indiqué.
II. Les Peres de l'Oratoire consentiront que les livres qui composent actuellement leur bibliotéque, servent à l'usage de la bibliotéque publique, à laquelle ils demeureront destinés, et feront ainsi le premier fonds de la bibtiotéque publique, et pour fixer le nombre et l'espèce des livres dont l'usage aura été abandonné par les Peres de l'Oratoire, il en sera fait en double un catalogue exact dont un restera aux Peres de l'Oratoire, et l'autre sera déposé aux archives de l'hôtel de ville.
III. Le bibliotécaire ne pourra être choisi que dans la congrégation des Peres de l'Oratoire, qui proposeront à Messieurs du bureau trois sujets au moins pour remplir cette place, entre lesquels le bureau en choisira un ; ce qui s'observera successivement dans tous les tems, en cas de vacance par mort ou changement.
La communauté paiera par chaque année aux Peres do l'Oratoire de Nantes, la somme de cinq cens livres nette et quitte de dixième, vingtième et deux sols pour livre du dixième, pour pension et entretien du bibliotécaire, et en outre celle de trois cens livres aussi nette et quitte pour apointemens du garçon de la bibliotéque qui sous la direction du bibliotécaire, aura soin de remettre les livres en leur place, de les battre, époudrer. etc. toutes les fois qu'il en sera besoin.
IV. Afin d'augmenter le nombre des livres qui composeront la bibliotéque publique, la communauté de Nantes y emploiera chaque année la somme de trois cens livres, et on se pourvoira au conseil pour obtenir un arrêt, par lequel il sera ordonné qu'à l'avenir, et à compter depuis l'obtention dudit arrêt :
1° tous les juges royaux, les maires et échevins, et les juges-consuls qui seront reçus à Nantes, contribueront chacun pour une somme de dix libres ;
2° que les avocats qui se présenteront pour militer à Nantes, les médecins qui voudront y exercer leur profession, les procureurs du présidial, les officiers de milice bourgeoise, lorsqu'ils seront admis pour la première fois dans le corps desdits officiers, et les capitaines de navires qui prêteront serment en cette qualité à l'amirauté, y contribueront chacun pour une somme de six livres ; le tout une fois payé.
Sa Majesté sera aussi supliée d'ordonner par le même arrêt, que la bibliotéque publique sera capable de dons et legs, pour l'augmentation de lad. bibliotéque.
V. Il sera nommé par les maires et échevins un receveur des sommes ci-dessus, lequel le premier août de chaque année, présentera son compte à Messieurs du bureau, et leur remettra en même temps le produit de sa recette.
VI. Le montant de ladite recette sera employé ; sçavoir : un tiers en livres de belles-lettres, dans lesquels on comprend l'histoire et tout ce qui appartient à la physique et aux mathématiques ; un tiers en livres de jurisprudence, médecine et chirurgie, et l'autre tiers en livres de commerce et navigation, ou en cartes maritimes.
Les Peres de l'Oratoire, qui composent la Faculté des Arts à Nantes, feront la liste des livres de belles lettres qu'ils jugeront devoir être achetés.
Les avocats militans à Nantes, celle des livres de jurisprudence ; les médecins qui y exercent la médecine, celle des livres de médecine et chirurgie, et les juges-consuls en exercice, la liste des livres de commerce et navigation, ainsi que des cartes maritimes.
Ces listes seront présentées, s'il est possible, immédiatement après la St-Martin, à Messieurs du bureau, qui les aprouveront et y feront les changements qui leur paroîtront convenables. Les listes ainsi arrêtécs, Messieurs du bureau seront chargés de faire achetter les livres, et de les faire conduire à Nantes, après quoi ils seront délivrés au bibliotécaire, pour les placer dans la bibliotéque publique, et il s'en chargera au pied de deux inventaires, dont l'un restera à la bibliotéque, et l'autre sera déposé aux archives de l'hôtel de ville.
VII. Les livres achetés des fonds apartenans à la bibliotéque seront marqués en ancre rouge au frontispice et à la dernière page, avec une estampille, au milieu de laquelle les armes de la ville seront, et à l'entour ces mots : BIBLOTHECA PUBLICA CIVITATIS NANNETENSIS, et cette marque sera renduë publique par des affiches et publications, ou autrement, afin que personne n'en puisse prétendre cause d'ignorance, et que les livres sur lesquels elle se trouvera, puissent être perpétuellement réclamés.
VIII. La bibtiotéque publique sera ouverte tous les lundi, mercredi et vendredi de chaque semaine, depuis deux heures de l'après-midi jusqu'à six en été, et en hiver jusqu'à cinq, à l'exception du mois de septembre, à commencer depuis la Nativité de la Vierge, du mois d'octobre tout entier, et du mois de novembre jusqu'à la St-Martin. Lorsque quelqu'un des jours indiqués sera une fête, l'ouverture de la bibliotéque sera renvoyée au premier jour ouvrable-précédent.
IX. Les livres de la bibliotéque publique ne pourront en sortir ni être prêtés à qui que ce soit pour les emporter, sans une permission expresse du bureau, laquelle ne sera accordée qu'en connoissance de cause, et par une délibération, au pied de laquelle celui qui voudra emporter le livre hors de la maison, s'obligera de le rapporter bien conditionné, dans le temps qui aura été prescrit.
X. Le bibliotécaire veillera à ce que dans aucun tems, ni sous aucun prétexte, on ne porte point de feu, ni même de lumière dans la salle de la bibliotéque.
XI. Le nom de ceux qui auront fait des présents de livres ou d'argent, pour l'augmentation de lad. bibliotéque, sera écrit sur les deux inventaires de livres, afin de transmettre à la postérité la mémoire de leur bienfait.
XII. Tous les ans à la St-Martin, il sera fait un récolement général des livres de la bibliotéque publique, tant de ceux dont la propriété est réservée aux Peres de l'Oratoire, et dont l'usage seulement appartiendra à la ville et communauté de Nantes, que de ceux achetés des fonds de la bibliotéque. Ce récolement sera fait par un ou plusieurs commissaires du bureau, en présence du bibliotécaire, et pour y vaquer, les commissaires se feront représenter le catalogue des livres dont la propriété est éservée aux Pères de l'Oratoire, ainsi que l'inventaire de ceux apartenans à la bibliotéque publique ; il sera fait un procès-verbal dud. récolement, et deux expéditions dudit procès-verbal, dont une restera à la bibliotéque, et l'autre sera déposée aux archives de l'hôtel de ville.
XIII. On se conformera, autant qu'il sera possible, pour l'arangement des livres, à ce qui se pratique pour la bibliotéque publique des avocats à Rennes, et l'on en fera imprimer un répertoire ou catalogue général, dressé sur le modèle de celui qui a été fait en 1750 pour la même bibliotéque.
Fait et arrêté au bureau de la Maison commune de l'hôtel de ville de Nantes, le premier mars mil sept cent cinquante-trois.
Ainsi signé, BELLABRE, maire. MARCE, sous-maire. P. BELLABRE. ALEXANDRE. BALLAIS. BERNIER DE LA RICHARDIERE. GIRAUD DE LA PRESTIERE, procureur du Roi sindic.
« Le lundi 19 novembre 1753, MM. les maire et échevins de la ville de Nantes firent l’ouverture de la bibliotheque publique chez les Peres de l'Oratoire. Le P. Giraud, bibliothécaire, prononça le matin, en leur présence, un discours français sur l'utilité des bibliothèques. Le P. Berbizotte, professeur de rhétorique, fit le soir une harangue latine sur le même sujet. La bibliothèque sera ouverte au public les lundi, mercredi et vendredi, depuis deux heures jusqu'à cinq en hyver, et depuis deux heures jusqu'à six en été ; et, lorsque le jour de l'ouverture tombera un jour de fête, la bibliothèque sera ouverte le lendemains »
(Etrennes nantaises, civiles et ecclesiastiques, pour l’année 1754, p. 142 ; Nantes, Jos. Vatar, in-18 de 144 p., titre encadré).

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La communauté de ville, qui désire depuis longtemps le dessèchement des marais de la rivière d'Erdre, tant pour le profit des riverains, que parce qu'il y aurait nécessité de couper la chaussée de Barbin pour faciliter l'apport de toutes les denrées qui viennent à Nantes par cette rivière, l'a achetée de M. l'évêque de la Muzanchère, avec les moulins, logements et pêcheries, pour la somme de 1.800# de rente foncière. Le traité est homologué et registré à la Chambre, le 4 juillet 1754.

En 1754, sur la représentation des administrateurs du Sanitat, qui exposèrent à la Chambre le pressant besoin où il était d'être secouru, elle lui donna 1.200#.
« Cette année 1755 fut fameuse en événements :
1° La guerre s'alluma au Canada entre les colonies anglaises et les nôtres. Or, comme l'avantage était de notre côté, la marine d'Angleterre usa d'un procédé inouï et contraire au droit des gens : ce fut de s'emparer de tous les navires français dont elle put approcher, dans toutes les mers où il s'en rencontra, et ce sans déclaration de guerre. Le commerce de Nantes y perdit considérablement, et les colonies d'Amérique en souffrirent beaucoup.
2° Des tremblements de terre se firent sentir, d'un pôle à l'autre, dans les quatre parties du monde, et ils y causèrent la ruine de plusieurs villes riches et peuplées, entre autres de Lisbonne, qui fut presque entièrement engloutie, avec ses trésors, le jour de la Toussaint ; de sorte que son roi et ses habitants, échappés au péril, furent obligés de demeurer sous des tentes dans la rase campagne pendant tout l'hyver, qui heureusement ne fut pas rude cette année. Cadix souffrit aussi de la mer enflée, qui manqua le submerger, etc., etc. La France, par une protection singulière du Tout-Puissant, n'a rien éprouvé de fâcheux de la part des tremblements de terre ; c'est pour nous un motif d'actions de grâce.
3° Quant à notre ville de Nantes en particulier, on y a fait plusieurs travaux et plusieurs démolitions. Je ne vois rien de fini que le pont du Port-Communeau, qui traverse l'Erdre au-dessous des Cordeliers pour conduire à Saint-Similien, et au-dessus duquel on pratique actuellement un chemin qui sera la route de Rennes. On continue de bâtir partout dans les fossés, d'en abattre les murs, d'en détruire les tours, dit-on, pour l'embellir. Mais j'aurai toujours regret aux superbes tours qui gardaient la porte de la Poissonnerie. Cette porte fut ôtée et le chemin du Poitou ouvert, même pour la nuit, le 10 avril 1756, et au moment que j'écris, on achève de démolir, par de grands efforts, ces belles tours, deux ornements dont le duc Jean le Conquérant paraît avoir été le fondateur, car son écusson, aux armes pleines de Bretagne sans mélange, était au-dessus de la porte en pierre de grison fin. J'ai ouï dire que les gens du corps de ville avaient fait conduire cet écusson à l'Hôtel commun, vulgairement appelé Maison de ville.
On vient aussi d'ouvrir le mur près du château, pour y faire une communication avec la Motte St-Pierre, promenade ordinaire des citoyens. Il se fait bien d'autres particularités, dont l'histoire ne manquera pas de nous instruire, car on doit bientôt mettre au jour le manuscrit qu'a laissé sur l'antiquité de notre ville le célèbre Travers, prêtre, originaire de Nantes, inhumé à Sainte-Croix il y a quatre ou cinq ans, manuscrit que la ville fait corriger et mettre au net, et auquel elle fera sans doute ajouter ce qui se passe de nos jours par rapport à Nantes. Arrêté ce jour, 1er mai 1756. DUPAS, docteur en théologie, vice-gérant de St-Vincent de Nantes »
(Registre d'état-civil de St-Vincent, pour l'année 1755, à la fin).

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Le dais de la Chambre, que les officiers de cette compagnie sont en usage de porter à la procession du Saint-Sacrement, le jour de la Fête-Dieu, qui était de satin blanc brodé or avec des perles, commençant à être rouillé, elle en fit faire un autre à Paris de velours cramoisi, avec franges et fleurs de lys brodées or mêlées d'hermines, qui coûta près de 7.000# et servit la première fois à la procession de l'année 1755. MM. de la Chambre avaient commencé à le porter en 1615.

Au mois de septembre, les Pères Cordeliers de Nantes, voulant réédiifier leur grand autel, supplièrent MM. de la Chambre d'en poser la première pierre. Elle leur fit présent de 600# et nomma M. le premier président et les doyens de chaque semestre pour la placer, ce qu'ils firent, le 1er octobre suivant 1756, conjointement avec M. de la Tullaye, procureur-général. Les noms des commissaires et le don sont inscrits dessous.

Plus de six mois avant la déclaration de la guerre de 1756, les Anglais prirent une très grande quantité de navires français, et ainsi ruinèrent le commerce de Nantes avant que l'on eut eu le temps de se mettre en défense. Les Français signalèrent cependant le commencement de cette guerre par la prise de l'île Minorque, dans la Méditerranée, et de la forte citadelle de Mahon ; la suite n'en fut pas si heureuse.

En 1757, le 5 janvier, Louis XV fut blessé d'un coup de couteau dans le côté gauche, par Robert-François Damiens, qui, en punition de cet attentat, fut tenaillé et tiré à quatre chevaux en place de Grève, le 28 mars suivant, sans avoir, dit-on, rien révélé. MM. les évêques de Bretagne, se trouvant tous alors à Rennes, la tenue des Etats de la province, instituèrent la fête des St-Anges-Gardiens, audit jour 5 janvier de chaque année, en reconnaissance de la protection qu'ils avaient accordée à S. M. en cette occasion. Les prélats ne furent, pas universellement approuvés de perpétuer à la postérité une action qu'on eût peut-être dû ensevelir dans l'oubli [Note : Mandement de Mgrs les évêques de Bretagne, assemblés à Rennes pour les Etats de la province, par lequel ils instituent à perpétuité une fête en l'honneur des Sts-Anges-Gardiens, pour remercier Dieu d'avoir sauvé le roi de l'horrible attentat commis contre sa personne sacrée le 5 janvier de la présente année. A Rennes, chez Joseph Vatar, 1757, in-4° de 8 p.].

En 1757, la communauté fit assez inutilement lever et graver un plan général de la ville et banlieue de Nantes [Note : C'est le Plan de la ville de Nantes et de ses faux-bourgs, levé, d'après l'ordre de MM. les maire, échevins et procureur du Roi syndic de cette ville, par l'ingénieur-voyer François Cacault, en 1756 et 57, gravé par Jean Lattré, en 1759. L'ouvrage, qui forme quatre feuilles in-fol., est dédié au marquis de Brancas, gouverneur des ville et château de Nantes, par ces magistrats municipaux], ayant fait dès l'année suivante renverser une partie de ses murs, donné de nouveaux alignements où l'on a construit de belles maisons, qui font méconnaître ce qu'elle était avant ce temps.

Au mois de septembre 1758, Joseph Ier, roi de Portugal, fut blessé dans son carrosse de plusieurs coups de fusil par le duc d'Anciro et plusieurs autres grands de sa cour. Ils subirent la punition due à cet attentat, avec plusieurs jésuites qui furent convaincus d'être leurs complices. Tous les profès furent bannis du royaume, les novices sécularisés, la société éteinte, leurs biens confisqués et donnés partie aux pauvres et l'autre des ecclésiastiques pour le service des fondations.

« A la St-Jean 1758, les jésuites commencèrent à bâtir leur église, en démolissant la salle qui leur en avait servi jusqu'alors. Cette spacieuse salle de l'hôtel de Briord, sur cette paroisse, étoit le lieu où se tenait le conseil des finances du duché de Bretagne, du temps du trésorier Pierre Landois, sous le duc François Il, vers 1480 ». (Registre d'état-civil de la paroisse St-Vincent de Nantes, pour l'année 1758, à la fin).

Inscrition pour la fontaine de l’hôpital général de Nantes, dtt Sanitat, en 1758 :
Nympha benigna suas fundit sitientibus undas ;
Pauperibus dives fundere discat opes.

On la traduisit ainsi dans le temps :

La nymphe bonne et charitable,
En prodiguant son onde aux pauvres altérés,
Apprend aux opulents de trésors entourés,
A secounr le misérable.

Cette inscription lapidaire, attribuée à Chevaye, est évidemment une imitation ou réminiscence de celle de Santeuil pour la fontaine située près de l'hospice de la Charité, à Paris :
Quem pietas aperit miserorum in commoda fontem, - Instar aquœ largas fundere monstrat opes.

Elle a été ainsi traduite par Maultrot:

Cette eau, que des infirmités
Est un soulagement utile,
Montre que, d’une main libérale et facile,
Doivent couler les charités.

En 1758, la communauté de la ville de Nantes, voulant faire plusieurs embellissements, demanda au roi la permission de démolir les murs de ville dans tous les endroits qui pourraient gêner. En conséquence, elle fit raser, en 1759, les deux tours de la porte de la Poissonnerie et fit construire l'arche d'Aiguillon ; mais la communauté n'ayant pas les fonds suffisants pour cette entreprise, plusieurs habitants prirent des actions de 300# chacune, qui furent remboursées avec intérêts en cinq ans. Cette arche a soixante-huit pieds de large sur vingt de hauteur. La pile du côté de la ville est fondée sur roc ; celle vers les ponts l'est sur des pilotis de cinq à six pieds de long : aussi dit-on que cette arche, quoique très-solide, a une jambe de bois.

« Nous devons à l'architecte Louis Laillaud la belle arche de la Poissonnerie, de 68 pieds d'ouverture et 20 d'élévation, depuis les basses eaux jusqu'à la clef. Ce pont, large de 32 pieds, non compris les banquettes ou trottoirs de chaque côté, présentait les plus grandes difficultés dans sa construction ; une culée est assise sur un vieux mur de ville, et l'autre repose sur des sables d'alluvion. On prédit à Laillaud qu'il croulerait avant d'être achevé, d'après la disconvenance des deux assiettes opposées : Mettez, répondit cet habile architecte, autant de pièces de six liards, les unes sur les autres, qu'il y aura d'assises à la culée sur la grève de la Saulzaie, et vous verrez, quand celle-ci sera finie, qu'elle n'aura pas tassé de la hauteur de la petite colonne métallique. Ce fut cette dernière prédiction qui se trouva réalisée » (Notes sur la ville de Nantes, par J.-J. Lecadre, p. 83 ; Nantes, Vict. Mangin, 1824, in-8°).

En 1759, fut ouverte la rue de Prémion, près du château ; c'était avant ce temps un jardin.

Les Anglais prirent, cette année 1761, l'île et la citadelle de Belle-Ile-en-Mer. Cette perte avait été précédée, à la fin de novembre de 1759, de celle d'une partie de la marine royale. Vingt et un vaisseaux du roi étant sortis de Brest, commandés par M. le maréchal de Conflans, pour gagner le Morbihan, furent prévenus par la flotte anglaise, qui, par son habileté, ou plutôt par la mésintelligence des chefs français, trouva le moyen de les séparer. Malgré notre résistance, la France perdit six vaisseaux, dont deux furent pris, deux coulèrent bas, et deux s'étant échoués se brûlèrent. Entre ces derniers était le Soleil-Royal, que montait M. de Conflans, armé de 80 canons de fonte. Il sortait de dessus les chantiers, et était le plus beau et le plus riche vaisseau que la France ait jamais fait construire. Sept autres se réfugièrent dans la Vilaine.

En 1760, les Etats tinrent à Nantes ; ils ouvrirent le 8 septembre et finirent le 6 décembre. M. d'Aiguillon, qui y représenta en qualité de premier commissaire du roi, arriva le 5 au soir, et, conformément à l'usage qui se pratique à Rennes en pareil cas, alla descendre chez M. de Becdelièvre, premier président de la Chambre, où il ne trouva que Mme avec nombre d'autres. Après les avoir toutes embrassées et une courte visite, il se rendit au château où il logeait, et où tous les offciers de la Chambre des comptes s'étaient rendus en robes, dans la seconde salle où on avait laissé entrer que M. l'Evêque de Nantes, M. l'Intendant et le Présidial en corps. La noblesse était restée dans la première salle, que le duc d'Aiguillon traversa rapidement pour se rendre la seconde. Il soupa également que Mme chez M. de Becdelièvre, avec environ cent cinquante personnes. Les Etats donnèrent, dès le commencement de la tenue, 30.000# pour la perfection des promenades des mottes de St-Pierre et de St-André. On y travailla à force, mais cette somme n'ayant pu suffire, les aplanissements, embellissements et plantations ne furent perfectionnés qu'en 1764. Alors on établit une souscription de 720 actions de 50# chacune, dont plusieurs, citoyens prirent ce qu'ils voulurent, remboursables en six ans, sans intérêts, raison de 120# par an. Comme, les Etats avaient le plus contribué à cet ouvrage, il fut naturel de le nommer le cours des Etats.

La rue nommée des Etats, qui prend de la porte du château rendre au quai des Jacobins, fut ouverte en cette année 1760. Il fallut pour cela renverser plusieurs petites maisons, mais surtout l'infirmerie des Jacobins. On leur donna, pour dédommagement, des avances considérables le long du quai du port Maillard.

Cette même année, le bureau de ville fit attacher au coin de chaque rue le nom qu'elles portent, pour faciliter aux étrangers la demeure d'un chacun [Note : « Les écriteaux du nom des rues à Paris, me datent que de 1728. Avant cette époque, la tradition seule désignait chaque rue. On avait commencé par une plaque de ferblanc ; mais le temps et la pluie effaçaient les caractères tracés dessus et l'on prit le parti de les graver dans la pierre même. Une amélioration notable a été réalisée par l'adoption des plaques en lave remaillée en usage aujourd'hui ; il ne restait plus, pour la compléter, qu'a rendre les inscriptions lisibles la nuit aussi bien que le jour. C'est ce résultat qu'on se propose d'atteindre avec les nouveaux appareils dont on termine en ce moment la pose, etc. » (Le Siècle, du 7 décembre 1860)].

Le roi accorda, en 1760, à la réquisition des administrateurs du Sanitat et de la communauté de ville, des lettres-patentes concernant l'administration de cet hôpital, registrées au Parlement le 20 août 1760, et à la Chambre le 22 mai 1761.

Attendu la caducité du palais de la Chambre des comptes, constatée par différents procés-verbaux, et en conséquence de différents arrêts du Conseil, la Chambre des comptes fut transférée aux Cordeliers jusqu'à sa reconstruction. Cette compagnie a fait les frais de la translation des meubles et papiers, et le roi s'est obligé de pourvoir au loyer.

Lorsque l'on travailla au cours des Etats, la ville dédommagea quelques particuliers qui avaient de petites maisons et boutiques au-delà des ponts de la porte de St-Pierre, et surtout le sieur Minée, chirurgien, qui y en avait une considérable, en paiement de laquelle elle lui donna tout l'emplacement qui est à dos du jardin des Minimes vis-à-vis le cours, entre la rue qui conduit au Séminaire et celle qui va aux Minimes, qui avant ce temps était plantée d'ormeaux émondables. Le sieur Minée y fit aussitôt bâtir une fort belle maison, et continue d'y en faire construire [Note : Il s'agit de la maison centrale du cours Saint-Pierre, rue Saint-Félix. La fenêtre principale du fronton est décorée d'un cartouche portant l'inscription, datée : HIC DE VITA VITA, 1768 ; dont le sens qu'Ici on vit de la vie (qu'on procure aux autres, sous-entendu), implique une allusion à l'état de celui qui bâtit et occupa cette maison jusqu'à sa mort. Chacun sait, en effet, que les médecins vivent aux dépens des malades. Julien Minée, qui avait longtemps été professeur d'anatomie et d'opérations chirurgicales obtint, de son temps, une grande vogue et réunit une clientèle considérable. Il eut pour fils l'évêque constitutionnel de Nantes, qui n'a point laissé violer odieusement, à la révolution, le cercueil de son père dans la cathédrale de Saint-Pierre, comme on l'a prétendu sur la foi de quelque réfractaire vindicatif et calomniateur effronté ; et cela par la raison péremptoire qu'il fut inhumé au cimetière commun où ses cendres reposent encore, ainsi qu'il résulte du registre d'état-civil de Saint-Clément, sa paroisse, à la date du 1er mars 1785. M. de La Quériere, de Rouen, a rapporté la susdite inscription dans ses Recherches historiques sur les enseignes des maisons particulières, suivies de quelques inscriptions murales prises en divers lieux, p. 121. Paris, Didot, 1852, in-8°, avec planches]. En 1770, il s'éleva une discussion entre le chapitre de St-Pierre et le Domaine, au sujet de la mouvance de ce terrain : les premiers la prétendaient par une possession, et le Domaine parce que ce terrain faisait autrefois partie du jardin du Duc, et qu'ainsi il devait relever du roi. Les conclusions étaient favorables au Domaine ; cependant le parlement décida provisoirement que cela relevait du chapitre.

La Chambre des comptes avait été semoncée, à la manière accoutumée, pour assister à un Te Deum à St-Pierre, le 20 mai 1759. Rendue sur la place, la grande porte de l'église étant encore fermée, elle envoya pour avertir qu'on l'eût ouverte un huissier, lequel étant à la sacristie s'adressa à différentes fois à plusieurs chanoines qui lui tinrent à ce sujet des propos déplacés, desquels ayant fait son rapport, la compagnie se retira, en dressa son procès-verbal, qu'elle envoya à M. de St-Florentin, ministre de la religion de la province, qui, en réponse, assura la Chambre que le roi désapprouvait la conduite du chapitre, lui ordonnant de ne pas récidiver.

En 1762, les Parlements de France s'étant fait représenter les constitutions des jésuites, après l'examen qu'ils en tirent ainsi que de leur morale, cette société fut détruite par les arrêts que chacun rendit dans son ressort ; ce qui fut depuis confirmé par les lettres patentes du roi ; et enfin absolument éteinte dans toute la chrétienté par la bulle de Clément XIV, du mois de juillet 1773.

En 1762, Louis XV fit cadeau de son portrait à la communauté de la ville, qui le fit encadrer et placer dans la grande salle d'assemblée.

Il y avait plusieurs années que la communauté de ville avait abandonné aux chirurgiens la tour du Connétable, très-anciennement nommée la tour de Chevigné, pour y établir leur école de chirurgie. Ayant, cette année 1763, formé le projet de vendre à différents particuliers tout le terrain, depuis cette tour jusque la rivière d'Erdre, pour y bâtir des maisons, elle transporta cette école dans la rue et presque vis-à-vis de l'église de Saint-Léonard ; et tout l'emplacement le long de la Loire, nommé depuis le quai Brancas, fut fini de bâtir en 1767, et la tour des Chirurgiens démolie.

La paix avec l'Angleterre fut signée le 3 juin 1763.

M. le duc d'Aiguillon, commandant en Bretagne et lieutenant général au comté nantais, posa la première pierre du palais de la Chambre des comptes, avec Mme Danviray, épouse de M. de Becdelièvre, premier président, le 6 septembre 1763 ; sous laquelle est une lame de cuivre où est marqué l'année, les noms des commissaires de la Chambre à qui le roi a confié les soins économiques de cette bâtisse, qui s'est faite à frais égaux de la part du roi et des Etats de la province. Il y est encore parlé de la difficulté que l'on a eue pour épuiser les eaux, des fondations qui sont à 48 pieds 9 pouces de profondeur à compter du sol du vestibule, où enfin on a trouvé le roc, tandis que dans la partie de l'est, il est à trois pieds seulement. Ce palais n'a été fini, faute de fonds, qu'en 1782, et a coûté .....

Par les soins de M. d'Aiguillon, on reprit à Nantes le dessein de finir le cours des Etats. Il engagea tous les gens aisés à prendre les actions dont est parlé à la page 158 ; la Chambre en corps en prit quatre-vingt-douze. Il est surprenant les terres qui furent remuées en cette occasion ; on en jugera facilement quand on saura qu'elles étaient à deux pieds au-dessous du niveau du pavé de l'église de l'Oratoire. Avec cet argent il fut absolument poussé à la fin en 1764.

Les Chartreux étaient propriétaires, par la cession que la duchesse. Anne leur avait faite le 26 décembre 1498, de l'étang de Barbin, qui sont les eaux, pêcheries, marais et bac renfermés entre la chaussée de Barbin et les moulins des halles ; par traité du 28 octobre 1752, la ville acquit tout ce domaine pour 600# de rente foncière. Ce traité fut homologué par arrêt du Conseil et lettres patentes vérifiées à la Chambre le 28 juin 1754. En conséquence de cet acquêt, la ville fit démolir la chaussée du Port-Communeau, la tour du moulin Harnois et ledit moulin, construire le pont, ouvrir le chemin de Talensac et dégager la place nommée d'Aiguillon.

En 1764, les Etats ouvrirent à Nantes, le 1er octobre, et ne finirent que le 1er avril 1765 ; ce qui fit six mois un jour. Le cours des Etats fut, en cette année, poussé à sa perfection ; et le quai, depuis Chézine jusque sous le couvent des petits capucins de l'hermitage, fut ouvert et fini peu d'années après.

La communauté de ville, désirant aligner autant qu'il serait possible la rue de St-Clément avec la place de St-Pierre, acheta, en 1763, de M. l'évêque de la Muzanchère, tout le terrain, maisons, jardins, et audience où étaient situés ce que l'on nommait les regaires (juridiction temporelle des évêques en Bretagne), pour la somme de 1.200# de rente foncière, avec faculté à la communauté de démolir l'audience actuelle quand elle voudra, afin d'ouvrir une nouvelle rue pour conduire au palais de la Chambre des comptes, à la charge d'en réédifier une autre sur un terrain désigné, et, par contre-échange, la ville abandonne à l'évêque en toute propriété la tour et emplacement de la porte St-Pierre, la plus proche de son palais, et tout le terrain du même côté qui joindra la rue alignée de St-Clément à la susdite place St-Pierre : le traité et l'homologation sont registrés à la Chambre, le 14 août 1767.

L'autre tour, sur laquelle doit passer la rue, fut donnée pour la démolition au sieur Minée, chirurgien, qui ne finit de la détruire qu'en 1772.

Le roi ayant exigé, en 1764, que le Parlement de Bretagne eut enregistré une déclaration portant levée d'une nouvelle imposition et contraire aux priviléges de la province, presque tous les conseillers et présidents aimèrent mieux donner leur démission que d'y consentir ; ce qu'ils exécutèrent le 22 mai 1765. La cour, animée par M. le duc d'Aiguillon, qui commandait dans la province et qui était brouillé avec cette compagnie, surtout avec MM. de Caradeuc de la Chalotais père et fils, procureurs généraux, retint tous ces officiers sans fonctions à Rennes, pendant près d'un an, à l'exception de MM. de la Gascherie-Charette, son neveu de la Collinière, de Kersalaun, Piquet de Montreuil, conseillers, et les procureurs généraux, qui furent enlevés, la nuit du 10 au 11 novembre 1765, rigoureusement emprisonnés et leur procès criminel commencé à Rennes par une commission de maîtres des requêtes, dont le tribunal fut ensuite transporté à Saint-Malo, où ces six magistrats furent sur le point de perdre la tête ; mais, par un heureux contre-ordre, ils furent transférés à la Bastille, où, après avoir passé quelques mois et avoir habité, pendant plus de deux ans, des prisons les plus affreuses, ils furent exilés en différentes villes du royaume. Très-peu de conseillers dévoués à M. d'Aiguillon reprirent leurs charges ; les autres en bien plus grand nombre furent exilés en différentes petites villes et gros bourgs de la province. Presque pendant tout ce temps il y eut cessation de justice en Bretagne. Enfin à la sollicitation des Etats, aux remontrances de la Chambre et de tous les Parlements du royaume, le roi leva, le 18 février 1769, les lettres de cachet de ceux qui étaient exilés dans la province, les renvoyant chez eux. Ils ne rentrèrent en fonctions qu'en 1769. L'époque de cette affaire est la source de tous les malheureux événements arrivés aux Parlements du royaume et à toute la magistrature, ainsi qu'il est porté la page.

Les ennemis du Parlement de Bretagne ayant répandu à la cour que toute la province était en feu et même en armes, M. de Choiseul, duc de Praslin, ministre de la marine, prétexta, en 1766, un voyage à Brest ; mais il n'aperçut, dans toute sa tournée, qu'une tranquillité parfaite et une entière soumission. Il arriva à Nantes, le 31 août ; deux compagnies de cavalerie, formées par des jeunes gens de la Fosse, allèrent au devant de lui jusques au-delà de la Bouvardière ; il fut salué de deux salves de 21 coups de canon, par Mrs du commerce, et de 12 du château où il logea. Il mangea toujours chez M. de Menou, lieutenant de roi, promena beaucoup sur les quais de la Fosse, le 1er septembre, et partit le 2, à six heures du matin, paraissant très-satisfait. Il avait été complimenté, en arrivant, par le Bureau de ville, les consuls et le lieutenant général de l'amirauté.

Les Etats tinrent à Rennes en 1766. M. le duc d'Aiguillon y parut en qualité de premier commissaire du roi. Les derniers jours de cette tenue, il fit lire un long règlement pour être observé à l'avenir, concernant l'ordre des séances et la matière des délibérations, etc., qu'il fit enregistrer d'autorité, mais contre lequel l'assemblée protesta aussitôt. Le peu de membres du Parlement qui siégeaient à Rennes, et qui étaient tous dévoués à M. d'Aiguillon, l'enregistrèrent, après de très-légères représentations. Ayant été envoyé à la Chambre des comptes à même fin, cette compagnie fit au roi de si fortes remontrances sur l'impossibilité de son exécution, qu'elle reçut ordre de la cour d'y surseoir ; et, depuis, il fut absolument anéanti aux Etats de 1768, qui firent faire, en 1770, des remerciments à la Chambre ; par ses députés aux petits Etats, de son zèle à soutenir les intérêts de la province.

Cette année 1766, les carrosses nommés fiacres s'établirent à Nantes, à raison de 24 sols pour la première heure et 20 sols les autres [Note : Le père Labat, jésuite, né en 1668 et mort en 1738, dit en parlant des fiacres : « Je me souviens d'avoir vu le premier carrosse de louage qu'il y ait eu à Paris. On l'appela le carrosse à cinq sous, parce qu'on ne payait que cinq sous par heure. Six personnes y pouvaient tenir, parce qu'il y avait des portières qui se baissaient, comme on en avait aux coches et carrosses de voyage. Le carrosse avait une lanterne, placée sur une verge de fer au coin de l'impériale, sur la gauche du cocher. Il logeait à l'image Saint-Fiacre, d'où il prit son nom en peu de temps, nom qu'il a ensuite communiqué à tous ceux qui l'ont suivi ». Voir aussi le curieux opuscule de Monmerqué, intitulé : les Carrosses à cinq sols, ou les Omnibus du dix-septième siècle. Paris, Firmin Didot, 1828, in-12 de 75 pages].

DIEU AIDANT,
ET SOUS LES AUSPICES DE NOSSEIGNEURS LES ÉTATS DE BRETAGNE. François Etieuvrin, maître-ès-arts et en chirurgie, à Nantes, professeur-démonstrateur élu au concours, commencera le cours d'accouchemens, des maladies des femmes grosses, nouvellement accouchées, etc., mercredi 8 avril 1767, deux heures de l'après-midi, aux écoles de chirurgie situées rue St-Léonard, et continuera tous les lundis, mercredis et vendredis, à la même heure.
Sumite materiam vestris, qui scribitis, aequam viribus…. (HORAT. d e Arte poet.)
(Affiche originale en placard in-fol.)

Vingt ans après, ce même chirurgien recevait des Etats de Bretagne une bourse de jetons, en témoignage de satisfaction de son enseignement. (GUIMAR, Annales nantaises, sous l'an 1786, p. 531).

Le premier hôtel de la Bourse, bâti a Nantes, fut construit près de l'ancienne chapelle de St-Julien, en 1641. Le renable en fut rendu sept ans après et coûta 8.300#. Il fut démoli en 1724, et un autre rebâti, cette même année, qui coûta 95.000#, y compris la chapelle de St-Julien ; mais leur peu de solidité obligea de les détruire en 1767, et, en attendant qu'on les pût rebâtir, on construisit une baraque à peu près dans le même endroit ou était la première Bourse.

Le 18 février 1768, fut ouverte, à St-Brieuc, une assemblée extraordinaire des Etats pour délibérer sur le nouveau règlement dont est parlé ci-dessus. Le sr Ogier, conseiller d'Etat, ancien président au Parlement de Paris, fut le premier commissaire du roi ; ils finirent le 1er avril, on n'y traita absolument d'aucune autre affaire.

Le mois de mai suivant, M. l'abbé de la Tullaye, grand vicaire et chanoine de St-Pierre, reporta solennellement à St-Donatien partie des reliques de ce saint, qui étaient gardées dans la cathédrale.

Le 12 décembre 1768, l'ouverture des Etats ordinaires de la province se fit à St-Brieuc, par M. le duc de Duras, commandant en Bretagne, lieutenant-général des armées du roi et premier gentilhomme de sa chambre. Depuis longtemps on n'avait vu régner tant de liberté dans cette assemblée ; la bonté et la franchise de ce duc gagnèrent tous les cœurs, facilitèrent les opérations et engagèrent la province d'accorder, par acclamation, toutes les demandes du roi. Les fermes des devoirs y furent adjugées à 7.650.000#.

Quelque temps avant les Etats, M. le duc d'Aiguillon s'était démis entre les mains du roi de sa commission de commandant général en la province de Bretagne, avec rétention de sa charge de lieutenant-général au comté nantais.

Le 1er mai 1768, les religieuses de la Visitation solennisèrent la canonisation de Mme de Chantal, fondatrice de leur ordre. Cette fête dura huit jours.

Au mois de juillet suivant, les religieuses ursulines en firent autant, pendant trois jours, pour la béatification de la bienheureuse Angèle.

En 1768, furent commencées toutes les maisons du quai Flesselles, nom de l'intendant qui était alors en Bretagne ; elles furent finies l'année suivante.

Le 18 février 1769, furent expédiées des lettres de cachet qui permirent à M. le président de Robien et à environ cinquante conseillers au Parlement, qui avaient donné les démissions de leurs charges, d'aller où ils voudraient. MM. de la Chalotais père et fils, exilés à Saintes ; MM. de la Gascherie et la Collinière, exilés à Autun ; M. de Kersalaun, au Mans, et M. de Montreuil, à Angers, non plus que M. du Parc-Porée, exilé dans ses terres, ne furent point compris en cette faveur. M. du Parc-Porée, avocat-général, n'eut permission de se rendre à Rennes qu'à la fin d'avril, pour exercer les fonctions de procureur général, attendu son ancienneté.

M. Daguay avait été depuis peu nommé à l'intendance de Bretagne. Il vint à Nantes, le 13 mai 1769 ; il logea à l'Hôtel-de-Ville, et y passa sept jours, pendant lesquels il fut fêté matin et soir. Il est le huitième intendant en Bretagne ; le premier fut M. de Bechameil de Nointel, ensuite MM. Ferrand, de la Tour, Feydeau de Brou, Pontcarré de Viarmes, le Bret, de Flesselles, M. Daguay, et, enfin, M. Duplex de Balquancour, en 1771.

En 1769, fut commencée la façade de maisons qui prend depuis le coin de la rue St-Clément, à descendre vers le faubourg de St-André. Les trois premières ont été finies en 1771. A cette occasion, l'entrée de la rue St-Clément fut baissée de plus de six pieds, pour donner une pente plus douce à l'entrée de la ville.

Le 7 juillet 1769, fut décidé, par le conseil du roi, le rappel des membres du Parlement de Bretagne, qui avaient donné leur démission le 22 mai 1765.

Le 10 juillet même année, M. de Duras, commandant en Bretagne, arriva à Rennes et apporta les lettres patentes du rappel, et les lettres de cachet pour le rappel de MM. de la Gascherie, la Collinière, de Kersalaun et de Montreuil ; le duc remit à M. le président de Robien les lettres patentes pour les communiquer aux magistrats démis qui étaient à Rennes, et, sur leur promesse de les enregistrer, il leur fit porter des lettres de cachet, le 14 au soir, pour qu'ils entrassent le lendemain samedi 15 au Parlement, et fit mettre à la poste les lettres de cachet pour le rappel des exilés. M. le président de Robien étant le seul de son ordre qui eût persisté dans sa démission, les conseillers démis se rendirent à son hôtel à huit heures du matin ; il se mit à leur tête et ils marchèrent solennellement au palais, au nombre de quarante-neuf, suivis de tous les procureurs et d'une troupe infinie de peuple. M. du Parc-Porée présenta aux chambres assemblées l'édit du roi pour le rappel et en requit l'enregistrement; ce qui fut fait sans difficulté, mais MM. les procureurs généraux restèrent exilés à Saintes.

Dès le jour de la rentrée du Parlement, il reçut, par députation, les compliments de tous les corps et compagnies de la ville de Rennes. Un si bon exemple fut suivi, pendant plus d'un mois, de toutes celles de la province sur son heureux retour.

Le premier soin du Parlement fut d'écrire, dès le jour de sa rentrée, une lettre de remercîment au roi, à MM. le chancelier et de Saint-Florentin, ministre de la province. Il écrivit aussi, le 28 juillet, à la Chambre des comptes, pour la remercier d'avoir porté sa justification au pied du trône.

Depuis le 10 juillet jusqu'au 22 août suivant, M. et Mme de Duras demeurèrent à Rennes et arrivèrent à Nantes ledit jour 22 août, au bruit du canon et des acclamations universelles. M. l'évêque étant absent, il leur avait offert son palais, où ils logèrent jusqu'au 26 qu'ils partirent. Deux compagnies de jeunes gens du commerce, l'une de cinquante hussards et l'autre de cent dragons, en uniforme, allèrent au devant d'eux. Un détachement de chacune s'empara des portières du carrosse de M. le comte de Menou, qui était allé, avec sa dame, jusqu'à la Sausinière, au-devant du duc et de la duchesse. La milice bourgeoise formait deux haies, depuis le Marchix jusqu'à l'évêché. A la porte St-Nicolas, on avait dressé un arc de triomphe sous lequel M. Libault, maire, accompagné du bureau, présenta à M. le duc les clefs de la ville. Après que M. et Mme de Duras eurent reçu, à l'évêché, les députations et visites des MM. et dames, ils allèrent souper au château. Le 23, il y eut une fête magnifique à l'Hôtel-de-Ville, où ils soupèrent, avec quatre-vingt-treize dames, dans la grande salle. Il y eut plusieurs autres tables servies dans les autres appartements, illumination, bal et feu d'artifice. Le 24, le duc et la duchesse soupèrent chez M. de Becdelièvre, premier président de la Chambre des comptes, avec trente autres dames. Il y eut aussi illumination. Le 25, ce fut chez M. de la Tullaye, procureur général de la Chambre, d'où, en sortant de table, le duc partit pour Chanteloup, près de Blois, château appartenant au duc de Choiseul. La duchesse de Duras partit, le même jour, à huit heures du matin, pour Rennes, et, de là, à St-Malo [Note : Voir pour plus de détails la Description des fêtes données par le corps de ville et celui du commerce de Nantes, les 22 et 23 août 1769, à l'occasion de l'arrivée et du séjour de M. le duc de Duras en cette ville. (Nantes, Vatar, in-8° de 8 p.)].

Le vendredi 25, sur les quatre heures de l'après-midi, arrivèrent MM. de la Gascherie et de la Collinière, revenant de leur exil d'Autun. Ils avaient descendu la Loire en bateau, et deux carrosses de leur famille allèrent les attendre sur la prairie de Mauves. Les hussards demandèrent permission à M. de Duras d'aller à leur rencontre, et un détachement les alla attendre à l'arche du gué aux Chèvres. Ils firent ainsi leur entrée à pied, au milieu de cette troupe et accompagnés de beaucoup de noblesse, dont le nombre augmentait à mesure qu'ils avançaient vers la ville. Les hussards les conduisirent à leurs hôtels, où toute la ville les alla embrasser, et où nombre de députés des différents corps se rendirent sur-le-champ pour les saluer. Ils allèrent, au milieu des acclamations et d'un cortége nombreux de noblesse, sur les six heures, saluer M. et Mme la duchesse, qui leur firent l'accueil le plus obligeant. Le dimanche 27, le maire, à la tête de la milice bourgeoise, alla leur témoigner la joie qu'il avait de leur retour.

Par arrêt du conseil du 7 mai 1770, conformément à une délibération des Etats, le roi supprima tous les papegauts de Bretagne, à l'exception de celui de St-Malo, pour les droits en provenant être attachés aux hôpitaux, à condition de nourrir les enfants trouvés.

En 1770, la communauté de ville vendit à M. d'Aux, gentilhomme demeurant à Nantes, tant pour lui que consorts, un emplacement situé sur le cours St-André faisant face au faubourg St-Clément, contenant 90.000 et tant de pieds carrés, à raison de onze sols le pied, à la charge de déblayer la montagne de terre dont cet emplacement est couvert, et à condition d'y construire des hôtels ou maisons avec des jardins, dont les façades sur le cours seront élevées en six ans et données par l'architecte de la ville. Le chapitre de St-Pierre, de qui ce terrain relève, fit remise de la moitié des lots et ventes, avec promesse de n'en point prendre de nouvelles, en cas que la première mutation se fasse avant quatre ans. Le déblaiement des terres, commencé le 14 mai 1770, avec hottes et tombereaux, a duré trois mois et a coûté environ 20.000# ; les terres ont été jetées au bout du cours, dans le marais d'Erdre.

Le 2 septembre 1770, la communauté de ville donna au même M. d'Aux 4.975# pour démolir et déblayer la grosse tour du Papegaut et le bastion adjacent.

L'exportation des grains à l'étranger, quelque rares qu'ils eussent été, avait été regardée comme un bien et un aiguillon pour l'agriculture [Note : Voir la Liberté du commerce des grains, toujours utile et jamais nuisible (par Guil.-Franç. Le Trosne, avocat du roi à Orléans, ami de Pothier). Paris, 1764 ou 65, in-8°, et la Correspondance de Grimm et Diderot, t. VI, p. 324] ; les Etats de la province avaient même demandé au roi qu'il l'eût autorisée. L'expérience fit voir, en 1770, qu'on s'était trompé : la récolte n'ayant pas été bonne, en 1769, dans tout le royaume, les seigles montèrent, à Nantes, où ils étaient encore plus communs que partout ailleurs, à 210 et 220# le tonneau. Ainsi les pauvres eussent eu beaucoup à souffrir, sans une quête générale que l'on fit dans la ville. La Chambre des comptes donna 1.000 écus, la communauté des notaires et celle des procureurs chacune 800#, chaque avocat un louis, M. l'évêque 600#, les chirurgiens, tous les gentilshommes et bourgeois selon leurs moyens. On ne sait par quel motif le corps du présidial ne voulut rien donner, et, sous prétexte que le chapitre de St-Pierre prétend être un des administrateurs de ces sortes de charités, il refusa constamment d'y contribuer [Note : « En 1746, MM. de Saint-Pierre ne voulurent rien donner non plus, alléguant qu'ils n'avaient point d'argent, mais disant qu'ils redoubleraient de prières pour la paix et pour la guérison des pauvres » (Proust de la Gironnière)]. MM. du commerce firent venir une quantité prodigieuse de blés de Dantzic, dont une grande partie passa dans l'intérieur du royaume, ce qui le fit un peu diminuer, et, de leur quête, firent distribuer gratuitement soixante-dix tonneaux de grains dans les campagnes, à cinq ou six lieues à la ronde de Nantes. Celle faite dans la ville fut remise aux maire et échevins, qui firent boulanger et distribuer le pain aux pauvres. Elle se monta à 11.000#, et celle de la Fosse à 14.000#. Le Parlement emprunta 90.000# pour être employées en achats de blés venant de l'étranger, pour être vendus dans les lieux les plus nécessiteux de la province. Les 1.200# destinées au dîner d'installation des maire et échevins furent ménagées pour les pauvres. Enfin, la quantité de grains arrivés de Dantzic, dont une partie avait été envoyée à propos dans l'intérieur du royaume, fit ouvrir les greniers, de façon qu'en moins d'un mois, le seigle tomba à 15# le setier.

En 1770, les pluies continuelles de l'automne firent tellement déborder les eaux, surtout des petites rivières qui tombent à Nantes, qu'elles montèrent à quatre pieds moins haut qu'en 1711. Celles de la Sèvre firent des ravages affreux à Clisson, en renversant plusieurs maisons et tous les moulins à papier. Elles culbutèrent le pont et la pyramide de Pont-Rousseau, construit en 1658. La ville y entretint à ses frais un bac jusqu'à sa reconstruction [Note : Nous lisons ce qui suit dans un manuscrit intitulé : Topographie médicale de la ville de Clisson en Bretagne, et de ses environs, par le docteur Michel Duboueix, correspondant de la Société de médecine de Paris et membre de l'ancienne Faculté de médecine de Paris et membre de l'ancienne Faculté de médecine de Nantes : « Il ne se passe guère d'année que nos deux rivières de la Sèvre et de la Moine ne sortent de leur lit et ne montent de 5, 6, 8 et 10 pieds au-dessus de leur niveau ordinaire. Les grandes inondations sont heureusement plus rares. On assure ici qu'il en arrive, tous les trente ans, de semblables à la dernière dont j'ai été témoin. Des vieillards rapportent en avoir vu de pareilles, en 1710 et en 1740. Ce périodisme est un phénomène qui mériterait l'attention des physiciens. La fameuse inondation dont je veux parler arriva dans la nuit du 25 au 26 novembre 1770. Après trois jours de pluie continue, la rivière monta, en moins de six heures, à trente pieds au-dessus de son niveau. Les papeteries, les moulins à blé, à tan, à foulon et autres bâtiments établis sur son cours, furent détruits en totalité ou en grande partie par ce torrent épouvantable. Les maisons de Clisson, bâties dans la vallée, eurent le même sort. Nos ponts furent emportés. Enfin cette inondation causa des ravages terribles dans tout le trajet des deux rivières ». (P. 8 et 9). On voit encore sur une pierre de taille, placée à l'angle d'une maison de la ruelle conduisant de l'ancien pont de Clisson à la Garenne, cette inscription commémorative : L'EAU A MONTÉ A CETTE HAUTEUR, DU 25 AU 26 NOVEMBRE 1770. POSÉE PAR M. P. PERERE, 1771].

Le père Félicité, de Lamballe, premier français et breton qui fut général des Capucins, vint à Nantes, le 5 janvier 1771, et y passa huit jours. M. l'Evêque envoya son carrosse au-devant de lui jusqu'à Pont-Rousseau, avec un grand vicaire et un de ses aumôniers. Pendant son séjour, aucun corps politique ne lui rendit d'honneurs ; le lieutenant de roi du château n'eut pas même ordre, contre la coutume, de faire tirer son canon.

Le roi, ou plutôt ceux qui l'approchaient le plus intimement, et surtout le chancelier Maupeou, ci-devant premier président du Parlement de Paris, ennuyés des remontrances réitérées de tous les Parlements du royaume sur le long exil de MM. Caradeuc de la Chalotais, procureurs généraux de celui de Bretagne, manda celui de Paris à Versailles, le 7 décembre 1770, où, dans son lit de justice, il fit enregistrer un édit, du même mois et an, qui défend, entre autres choses et en toutes circonstances, de lui faire d'itératives remontrances. Mais le Parlement de retour protesta et remontra de nouveau que cet édit, avilissant la magistrature et renversant les lois fondamentales de l'Etat, tous ses membres réunis lui offraient plutôt leurs têtes et leurs démissions que de souscrire à tout ce qui avait été fait en son lit de justice. En conséquence, on leur signifia à chacun, la nuit du 20 au 21 janvier 1771, des lettres de cachet portant ordre de partir, dans le jour, pour le lieu de leur exil, qui était les endroits les plus reculés du ressort de ce Parlement. Le roi, voulant cependant pourvoir à la justice qu'il doit à ses sujets, distribua, par ses lettres patentes du 23 du même mois, tous les conseillers d'Etat et maîtres des requêtes pour composer une espèce de Parlement. Enfin, le 23 février suivant, le chancelier s'y rendit lui-même et y fit enregistrer un édit portant création de six conseils supérieurs dans le ressort du Parlement de Paris, pour y rendre, également qu'au Parlement, la justice gratuite.

Par autre lit de justice du 13 avril dit an 1771, le roi fit enregistrer son édit, du même mois et an, portant suppression de son ancien Parlement de Paris et création du nouveau, pour y rendre entre autres choses la justice gratuite, et encore, par édit de même date, il supprima, sans recréer, la Cour des aides de Paris, avec attribution des affaires qui s'y traitaient aux conseils supérieurs du ressort de ce Parlement.

Dans la même année 1771 et sous différentes dates, tous les autres du royaume furent supprimés. Celui de Bretagne subit ce sort, le 25 octobre. La Chambre des vacations étant finie et tous les membres de cette cour étant séparés reçurent des lettres de cachet, leur ordonnant de se trouver, le 24, à Rennes ; dans le soir, on leur en signifia d'autres pour se rendre, le lendemain à huit heures du matin, au palais, en robe, où M. le duc de Fitz-James fit d'abord enregistrer ses lettres de commandant en la province, au lieu et place de M. le duc de Duras, qui avait refusé cette commission ; il passa ensuite à l'édit de la suppression du Parlement, en date du mois de septembre précédent, qui fut également enregistré, et fit distribuer à chacun des présidents et conseillers d'autres lettres de cachet, pour retourner chacun dans leurs hôtels, sans y recevoir qui que ce soit. La nuit suivante, ils en reçurent d'autres qui les exilèrent chacun dans leurs terres, avec ordre de sortir de Rennes dans le jour.

Le lendemain 25, ce même duc et M. Bastard, commissaire du conseil, rentrèrent au Parlement avec quelques membres de l'ancien et y firent enregistrer autre édit, du même mois de septembre, portant création d'offices dans le Parlement de Bretagne.

La plupart des officiers de l'ancien Parlement, prévoyant le coup qu'on voulait leur porter en les rassemblant, s'étaient rendus, dès le 23 octobre, à Rennes, où ils dressèrent un acte de protestation contre la violence qu'ils jugeaient que la Cour leur voulait faire, en les dépouillant de leur état, sans avoir délinqué ni prévariqué. Cette protestation est signée de soixante-cinq. Par lettres de cachet ils furent tous exilés dans leurs terres, pendant plus de trois ans, n'ayant été rappelés à leurs fonctions qu'à la mi-décembre 1774.

En décembre 1771, on amena à Nantes un éléphant qu'on faisait voir, à 24 sols et 12s par place. Il était couleur d'ardoise et avait sept pieds de haut, quoiqu'il n'eut encore que cinq ans et demi. On lui faisait faire le chemin d'une ville à l'autre, partie à pied et partie dans une espèce de voiture plate faite exprès. Il y avait environ quatre-vingts ans qu'il n'en était venu.

Les revenus de la communauté de ville n'étant pas suffisants pour la reconstruction du pont Rousseau, le premier bac n'étant pas assez grand pour l'affluence des passants, elle en fit construire, en 1772, un qui coûta 10.000#. On y a vus ouvent huit charrettes chargées de vin, attelées de quatre bœufs, leurs charretiers et plusieurs chevaux chargés.

Le 11 mars 1772, trois maisons qui formaient partie de la rue du Bois-Tortu, du côté de la rivière d'Erdre, fondirent tout-à-coup et tombèrent dans l'eau.

Le 20 février 1772, la communauté du Bon-Pasteur fit enregistrer à la Chambre des lettres patentes obtenues sur arrêt du Conseil, qui amortit le terrain de cette communauté, à la charge de recevoir et nourrir gratuitement les filles pénitentes qui s'y présenteraient, et encore parce qu'on ne fera en faveur de cette maison aucune quête. Le procès-verbal d'amortissement est joint à cet enregistrement.

Il y a quelques années qu'un particulier avait fait construire, dans un très-grand bateau, des bains publics que le feu incendia. En 1772, un autre entreprit, par la permission de la communauté de ville et en vertu d'arrêt du Conseil, d'autres bains sur une des piles du pont de la Belle-Croix.

Au mois de mars 1772, MM. les administrateurs de l'hôpital ayant représenté au public, par un tableau des recettes et dépenses de cette maison, combien il était obéré, on fit dans la ville une quête générale qui se monta à près de 30.000#. La Chambre donna en corps 1.200#.

En 1771 et 1772, toutes les rues de la ville furent repavées à neuf, aux dépens des particuliers, à raison de 7# 10s la toise de six pieds. On en exhaussa dans la basse ville, et on en excava plusieurs dans la haute, entre autres celles des Cordeliers et de Notre-Dame. Cette dernière fut baissée de trois pieds vis-à-vis la petite porte de cette église.

Le bail de la viande de carême, de 1773, fut adjuge à 6.250#, partables entre les deux hôpitaux ; l'année précédente il avait été porté à 7.000#.

En janvier 1773, il vint a Nantes un Anglais, avec quelques chevaux de son pays. Il était si agile et si bien dressé qu'étant en selle et galopant à l'ordinaire, il ramassait un écu, se mettait et tenait debout sur son cheval, galopait même en cette situation sur deux chevaux, leur faisant en même temps franchir une barrière de quatre pieds de haut. Il prenait 3# par personne.

Le pape Clément XIV éteignit, par sa bulle du 21 juillet 1773, tous les jésuites de la chrétienté, les dispensant du premier vœu, sécularisant ceux qui étaient dans les ordres sacrés, donnant aux dépens de la Chambre apostolique des habits séculiers à ceux qui résidaient à Rome. Le bref leur en fut notifié en cette ville, où ils avaient dix maisons, colléges ou hospices, le 16 août suivant, à neuf heures du soir, avec les plus grandes précautions, de peur d'émeute. Le lendemain, d'autres religieux ou prêtres séculiers célébrèrent des messes dans leurs églises ou chapelles. Cette bulle fut envoyée à tous les évêques de la chrétienté, par la poste ; le port en coûta a celui de Nantes 24#.

En 1770, MM. du chapitre de St-Pierre obtinrent un arrêt du Conseil, qui leur permettait de vendre les bois situés sur les terres vagues, étant sous leur fief dans la paroisse de St-Luce, sous prétexte d'en employer le produit à élever dans le chœur de leur église un maître-autel de marbre. Ils en vendirent l'année suivante, tant futaies que têtards, près les maisons de la Thébaudière, la Nobilière et le Linot, pour plus de 7.000#, sans qu'ils paraissent avoir fait, jusqu'en 1774, aucune démarche pour les employer. Et l'annnée suivante, à peu près pour la même somme en celle de Vigneux.

Le 10 mai 1774 mourut à Versailles, de la petite vérole, le roi Louis XV, âgé de soixante-trois ans et deux mois. Son petit-fils, Louis XVI, âgé de dix-neuf ans et neuf mois, lui succéda. Par lettres de cachet du même jour, il donna avis à M. l'Evêque de Nantes de la mort de son aïeul, lui enjoignant de faire prier Dieu pour lui, le plus tôt possible, dans sa cathédrale, et d'y convoquer les compagnies qui ont coutume d'y assister. En conséquence, il donna un mandement qui fixait le jour au vendredi 20, et par lequel il ordonnait à tous les prêtres de son diocèse de dire une messe à l'intention du défunt et à toutes les religieuses de faire une communion. La Chambre ayant aussi reçu ses lettres de cachet, de même date et à même fin, s'assembla le jour précédent, quoique en vacances, pour recevoir la semonce de M. l'abbé de la Tullaye, vicaire-général, et assista, le lendemain, à la grand'messe qui fut célébrée par M. l'Evêque, Les piliers de l'église étaient tendus de noir, avec un catafalque, le tout aux dépens du chapitre. Le corps de ville ne fit aucun service.

En 1774, plusieurs particuliers ayant afféagé des terrains dans la prairie de la Madeleine, le long des ponts de pierre, depuis le pont de la Belle-Croix jusqu'à ladite chapelle, y bâtirent des maisons qui, par leur alignement, élargirent de ce côté la le pont de neuf pieds.

D'autres particutiers ayant pris des emplacements dans cette prairie, y faisaient différents établissements, ce qui engagea la communauté de ville à y tracer des alignements pour y laisser des rues.

« Le seigneur d'un village deux lieues de Nantes étant mort, on crut, pour placer son cercueil plus honorablement, devoir en déranger plusieurs, entre autres celui d'un de ses parents, décédé trois mois auparavant. Une odeur des plus fétides se répandit dans l'église ; quinze des assistants moururent peu de temps après. Les quatre personnes qui avaient remué les cercueils succombèrent les premières, et six cents présentes à cette cérémonie manquèrent de périr » (Extrait de la Gazette de santé, du 10 février 1774, rapporté par Vicq-d'Azyr dans le discours préliminaire, page 42, de, sa traduction de l'Essai sur les lieux et les dangers des sépulture ; Paris, Didot, 1778, in-12.).

La population ayant, depuis quelque temps considérablement augmenté dans la ville de Nantes, et la défense d'enterrer dans les églises, engagèrent, en 1774, les habitants des paroisses de, St-Croix, de St-Saturnin, de St-Léonard, Notre-Dame, St-Denis, St-Vincent, St-Laurent et de St-Radégonde, d'acheter des Chartreux de cette ville deux journaux de terre, situés derrière l'enclos du couvent des Ursules, à raison de 200# de rente foncière, pour faire un cimetière général. Il en coûta 6.000# pour le clore et paver le chemin, lesquelles furent répartis au marc la livre sur les propriétaires desdites paroisses. Il fut béni en octobre, et M. l'Evêque fixa les honoraires des ecclésiastiques pour les convois [Note : La bénédiction du cimetière de la Bouteillerie eut lieu le 25 octobre 1774, et le même jour on y enterra le corps d'un certain René Jannequin, âgé d'environ treize ans. Une note en latin, de J. Moyon, aumônier de l'hôpital à cette époque et depuis député du clergé du diocèse de Nantes aux Etats généraux de 1789, fait connaître que cette inhumation fut la première : Cimiterium commune pro sepulturâ defunctorum omnium hujusce urbis parochiarum, exceptis St-Nicolai parochiae defunctis, benedictum fuit die 25 octobris hujusce anni, et primus in eo sepultus adolescens epilepticus hujusce Xenodochii, Renatus nomine, annorum 13 circiter natus, qui, morbo actus, furtim egressus, cum ad suos supra pontes tenderet, undis se Ligerio fluminis submersit, ubi aquis projectum cadaver ejus inventum est, etc. (Registre d'état-civil de St-Croix, année 1774].

« M. de Fontanes, inspecteur des manufactures des provinces de Poitou et Aunis, associé de la Société d'agriculture de la Rochelle, qui avait fixé sa résidence à Niort, mourut à Nantes en septembre 1774. Plusieurs mémoires imprimés ou manuscrits, un entre autres, trés-estimé, servant d'instruction sur la culture de la garance imprimé à Poitiers ; une garancière, avantageusement établie par ses soins dans le bas Poitou ; des desséchements sur les laisses de la mer dans la même contrée ; une correspondance assidue avec le Ministre, qui connaissait et estimait son mérite ; des projets, des vues utiles et patriotiques ; du zèle, de l'activité, des connaissances ; un caractère sensible et l'assemblage de toutes les vertus sociales, ont distingué M. de Fontanes, lui assurent les regrets de tous ceux qui l'ont connu et rendront sa mémoire chère à tous les bons citoyens » (Affiches du Poitou, du 27 octobre 1774, n° 43, p. 184).

Au mois de novembre de cette année 1774 mourut M. Grou, très-riche citoyen, qui laissa 4.430.000#, dont 200.000# pour fonder un hôpital pour les enfants trouvés à la décharge de l'Hôtel-Dieu.

En 1774, mourut Laurent Ganganelli, cordelier, élu pape en 1769, sous le pontificat duquel l'ordre des jésuites fut dissous ; il avait pris le nom de Clément XIV et fut empoisonné malgré les inutiles précautions qu'il prit pour s'en garantir.

Par édit de décembre 1774, le Parlement de Bretagne fut rétabli en ses fonctions, après trois ans d'exil. Pendant cet intervalle, la justice s'y est exercée par des officiers postiches, qui furent renvoyés. Ils n'avaient que des commissions en forme de provisions. Le roi ne leur accorda d'autres dédommagements que de conserver les titres et qualités d'anciens officiers du Parlement.

La sonnerie de St-Pierre passe pour une des plus belles du royaume, par les accords et par la grosseur de ses cloches qui sont au nombre de treize, dont deux au clocher du côté de l'évêché. La plus grosse, nommée Charles, donnée en 1522, par Jean Desnos, chanoine, ainsi que le porte son inscription, fut refondue et augmentée de plus de la moitié, en 1652, par la libéralité de Louis XIII, et nommée par le maréchal de la Meilleraye, Charles de la Porte, gouverneur de la ville et château de, Nantes [Note : « Le mercredy 15ème jour de juillet 1653, M. le doyen do Nantes, environ les deux à trois heures de l'après-midi, fist la cérémonie de la bénédiction de la grosse cloche de St-Pierre de Nantes, qui avoit esté fondue dès la vigile de la feste de la Pentecoste dernière 18e mai 1652. M. le mareschal de la Melleraye estoit assistant à ladite bénédiction, et le lendemain 16 dudit mois, elle fut montée en haut pour estre mise à sa place ». (Mentions historiques, tirées des registres d'état-civil de l'aumônerie de Toussaint-lez-Nantes, conservés à la Mairie)] ; elle pèse 18.134 livres. La seconde, nommée Louise, a été refondue en 1708, parla munificnce de Louis XIV. M. le comte de Toulouse fut son parrain. La plus grosse de l'autre clocher se nomme Marie, et fut fondue en 1665, dont le duc de Mazarin (Armand-Charles de la Porte de la Meilleraye), gouverneur de la ville et château, fut parrain. C'est celle sur laquelle frappe l'horloge. La seconde qui se nomme Pierre, fut aussi fondue et 1665 et eut le même parrain. La troisième, fondue en 1708, s'appelle Victor, dont le duc d'Etrées fut parrain. La quatrième, Rogatienne, sans nom de parrain, fut fondue en 1687 ; c'est celle qui sonne le sermon, vêpres, l'Angelus, etc. Les quatre du carillon se nomment : Pierre, Paul, Similien et Gohard, furent fondues en 1663, sans nom de parrain ni de poids, comme toutes les précédentes, à l'exception de la première. Il faut quarante hommes pour les sonner pendant une demi-heure, parce que treize relèvent après un quart d'heure ceux des grosses cloches et du carillon. Enfin, deux autres, que l'on nomme de la Paroisse, fondues en 1743, dont M. le duc de Brancas fut parrain, et finalement deux appeaus de l'horloge et la commande.

Outre la beauté de la charpente de St-Pierre elle est encore remarquable en ce qu'étant de châtaignier, il ne s'y engendre jamais d'araignées. Il y a cent pas de marches, de six pouces chacune, du dallage de l'église à l'horloge ; cent quatre autres jusqu'aux cloches, et quatre-vingts autres jusqu'aux plates-formes.

Le bail exclusif de la viande de carême fut porté, en 1775, à 7.700# et 300# de faux frais.

La santé de M. Pierre Mauclerc de la Muzanchère, évêque de Nantes, s'affaiblissant de jour en jour, il demanda le 21 décembre 1774, le saint viatique, qui lui fut administré, dans son palais épiscopal, par M. le doyen de St-Pierre, en présence du chapitre assemblé à cet effet. En conséquence, MM. les vicaires-généraux rendirent, dès le jour, une ordonnance pour qu'il fût fait, jusqu'à nouvel ordre, des saluts dans toutes les églises de la ville pour sa conservation. Les vœux des riches et des pauvres, à qui il était également cher, ayant été exaucés, ces prières publiques ne durèrent que trois jours ; mais enfin le Seigneur l'appela à lui, le samedi matin 1er avril 1775, après vingt-neuf ans d'épiscopat, dans la soixante-quinzième année de son âge, après avoir reçu de nouveau les derniers sacrements, regretté de tous les diosésains, et surtout des pauvres, avec lesquels il partageait au moins la moitié de ses revenus, ayant légué tous ses meubles aux hôpitaux dont il établit les directeurs ses exécuteurs testamentaires, et laissé 30.000# en espèces, trois mois de son évêché pour frais funéraires, de justice et réparations. Trente et un coups sur la grosse cloche de St-Pierre annoncèrent son décès dans l'après-midi, le chapitre publia un mandement, par lequel il nomma pour vicaires-généraux, official et promoteur, les mêmes qui, du vivant du défunt, exerçaient ces dignités, et où, annonçant la perte que le diocèse venait de faire, indiquait au vendredi suivant, semaine de la Passion, son enterrement. Toutes les cloches de la cathédrale sonnèrent seules le soir, depuis huit heures et demie jusqu'à neuf ; mais, le jeudi, toutes celles de la ville en firent autant pendant une heure à midi, le soir. Vendredi, six heures du matin, pendant la procession et enterrement, auquel le chapitre, désirant ajouter le plus de solennité possible, chargea M. l'abbé de la Tullaye, un des vicaires-généraux, d'aller, le 5 dudit mois, inviter la Chambre d'y assister; ce qu'elle refusa, ainsi qu'elle avait fait lors de la mort de M. l'évêque de Sanzai, parce que la compagnie n'était dans l'usage d'assister qu'aux convois de ceux qui en sont membres, et que M. de la Muzanchère, étant maître des comptes-né, avait négligé d'y prendre place.

Le vendredi, jour indiqué pour la pompe funèbre, les enfants du Sanitat, le Sang glorieux [Note : La frairie du Sang glorieux ou de la Passion, fondée dans l'église de Sainte-Croix, imprima ses statuts en 1671, et les réimprima en 1763. Petit volume in-12, devenu rare, quoique deux fois édité] dont le défunt était confrère, les religieux et tout le clergé sortant de St-Pierre, à neuf heures et demie, prirent le corps qui était alors exposé dans le vestibule de l'évêché et formèrent la procession par les rues où elle passe le jour de la mi-août, toutes les croix des paroisses et autres couvertes de violet. Il était précédé de trois ecclésiastiques, l'un portant son cœur dans une boîte de plomb, l'autre sa crosse démontée, et le troisième une mître de tissu or ; le tout couvert de crêpes, ainsi que le bâton de chantre en dignité. Deux autres ecclésiastiques portaient une balle, où étaient jetés sans arrangement ses ornements d'église. Le corps était exposé sur un brancard porté sur les épaules par six ecclésiastiques, vêtu d'une mître de moire argent, de son chasuble violet brodé, chaussé et ganté de même, un petit crucifix entre les mains, sans drap mortuaire ni aumusse, le premier ayant été oublié ; à l'égard de l'autre, le chapitre n'en voulut pas user ainsi qu'à M. de Sanzai, parce que celui-ci en portait toujours une lorsqu'il se rendait de son palais à la sacristie pour officier, au lieu que l'autre négligeait ce cérémonial. Son cœur fut donné a la communauté du Bon-Pasteur. Enfin cette marche était fermée par les officiers municipaux. La procession de retour à St-Pierre, dont toute la nef était tendue de noir, la messe y fut chantée sans musique, selon l'intention du défunt, et célébrée par M. le doyen, les chanoines placés des deux côtés de l'autel qui était élevé entre les deux grilles. L'Université, dans une chapelle, assista seulement à la messe, à la fin de laquelle il fut mis dans une châsse de plomb sur laquelle les armes du défunt, son âge, le temps de son épiscopat et le jour de sa mort étaient gravés, qui fut déposée dans le caveau ordinaire des évêques, vis-à-vis de l'autel de St-Charles. Le chapitre hérita de tous ses ornements d'église et de ses croix pectorales, selon une convention faite entre les anciens évêques et ces MM. Son testament étant contraire à la coutume, fut réduit au tiers ; ses réparations furent estimées 34.000 livres, qui furent payées à son successeur en meubles et argent [Note : Il existe un dessin au pastel des funérailles de l'évêque Pierre Mauclerc de la Muzanchère représentant le devant de la cathédrale, par Antoine Hénon, architecte et dessinateur de la ville et communauté de Nantes. Une autre vue du même artiste représente le derrière de la même église, l'Évêché, une tour du mur de ville sur l'emplacement du corps-de-garde actuel, les cours St-Pierre et St-André. Ces deux vues, qui forment pendant, sont de la même époque, et appartiennent aujourd'hui au cercle des Beaux-Arts, qui les avait prêtées à l'exposition de 1856, dont elles n'étaient pas l'une des moindres curiosités].

A l'occasion de la mort de M. de la Muzanchère, MM. du Présidial prétendirent, ainsi qu'il s'était ci-devant pratiqué, même a la mort de M. de Sanzai, exercer la juridiction des regaires pendant la vacance. La contestation fut jugée au Parlement, et le Présidial débouté. Le sénéchal et procureur du roi voulurent aussi assister à l'inventaire et vente, s'il y en eut eu, des meubles du défunt, mais ils s'en désistèrent. Ils posèrent seulement les scellés, et le greffier inventoria les papiers.

Le roi nomma, le 8 avril 1775, pour remplir le siège de Nantes, M. Jean-Augustin Fretat de Sarra, originaire d'Auvergne, depuis dix-huit mois évêque de Tréguier, qui n'accepta sa translation que le 7 mai, par un troisième commandement de S. M., se faisant un point de conscience d'abandonner sa première place pour celle de Nantes, qui est d'un revenu bien plus considérable [Note : L'évêque de Belley, Camus, ami de St François de Sales, qui l'avait sacré et dont il nous a laissé l'Esprit et la Vie, refusa nettement deux évêchés considérables, Arras et Amiens, qui lui furent proposés par te cardinal de Richelieu. La petite femme que j'ai épousée, répondit-il en faisant un jeu de mots sur son nom, est assez belle pour un Camus. Fretat aurait bien pu répondre de même que sa première femme était assez bonne pour un fretin ; mais va-t-en voir. Aussi, quoique l'abbé Caron l'ait compris dans ses Modèles du Clergé, nous croyons qu'il était bien loin de St François de Sales et de Camus]. N'ayant été que très-peu évêque de Tréguier, il sollicita à Rome une diminution sur ses nouvelles bulles qui sont sur le pouillé de 33.000#, et ne put obtenir que 4.500#. Toutes ces longueurs ne lui permirent de se rendre à Nantes que le 10 novembre. Il le fit incognito, pour épargner la peine aux députés des chapitres de St-Pierre et de Notre-Dame d'aller, suivant l'usage, au-devant de lui à quatre ou cinq lieues. La grosse cloche de St-Pierre, nommé Louise, annonça son arrivée ; cet exemple fut suivi de celles des paroisses. Le lendemain matin, toutes les compagnies de la ville, à l'exception de la Chambre, prêtres et moines, allèrent le complimenter ; l'Université le fit en latin, suivant l'usage ; il lui répondit en même langue. Dans le soir, il alla voir M. le premier président de la Chambre et le lieutenant de roi, quoiqu'ils n'eussent pas fait la première démarche. M. de Sarra ne vendit ses charges de judicature que 18.000#, dont 12.000 celles de sénéchal, alloué et lieutenant, et 6.000 celle de procureur fiscal, pendant que feu M. de la Muzanchère les avait vendues 30.000#, quoique le fief se soit beaucoup amélioré depuis. La ville ne lui fit point les présents accoutumés.

Le 11 juin 1775, le roi Louis XVI fut sacré et couronné à Reims. Le lendemain, il en donna avis par lettres de cachet à tous les archevêques et évêques de son royaume, leur ordonnant de faire chanter des Te Deum dans leurs cathédrales et autres églises de leurs diocèses, et d'y inviter les compagnies qui ont coutume d'y assister. S. M. envoya pareilles lettres à la Chambre des comptes ; en conséquence, le 25 du même mois, elle se rendit St-Pierre. Le lieutenant de roi et, en son absence, le major, qui allument le feu de joie, n'étant pas dans ce moment à Nantes, le maire remplit cette fonction, malgré les protestations du sénéchal.

A la fin de décembre 1772 mourut M. de Laubrière, doyen de St-Pierre de Nantes. M. l'évêque, fondé sur l'alternative, se crut en droit de présenter cette première dignité à M. de Régnon, archidiacre de la Mée. Le pape pensant, au contraire, qu'elle lui était réservée en tous mois, la conféra à M. Gabriel, secrétaire de l'ambassadeur de France à Rome. On ne trouva point d'exemple qui décidât cette question sans réplique, cette place ayant passé depuis longtemps de résignation en résignation, ou étant tombée dans les mois réservés au pape. Le Parlement de Bretagne décida en faveur de M. de Régnon. M. Gabriel présenta sa requête au Conseil en cassation, où elle resta indécise par la transaction intervenue entre les parties, par laquelle ce dernier abandonna, ayant reçu quelques bénéfices en dédommagement de ses prétentions, et où le pape, se désistant aussi, des siennes, consentit pour cette fois seulement que cette question demeurât indécise et que M. de Régnon restât comme bien pourvu.

Le bail exclusif de la boucherie de carême a été porté en 1776, comme l'année précédente, à 8.700# et 300# de faux frais, et la viande taxée à 5s 6d.

La pluie et les orages ayant un peu dégradé la promenade du cours, du côté de St-Pierre, la communauté de ville le fit aplanir et sabler en 1776.

La chapelle de Bon-Secours étant très-caduque et indécente, fut démolie en 1776, en conséquence d'arrêt du Conseil, et, par quelques acquisitions, elle a aujourd'hui en dedans oeuvre 45 pieds de longueur sur 40 de large. M. Grou, riche négociant, avait légué pour partie de sa construction 6.000# ; sa veuve ajouta cent pistoles ; la reine de France 10.000# ; les charités ont suppléé au reste. Pendant le temps de la bâtisse, la représentation de la Vierge, qui excite la dévotion des fidèles, fut déposée à un autel de St-Croix. M. l'évêque de Nantes bénit, le soir du 28 janvier 1777, trois pierres, qui furent placées au maître-autel, l'une pour y incruster la pierre sacrée, et sous les deux collatérales sont des plaques de cuivre, qui désignent que MM. de la Tullaye sont présentateurs de cette chapelainie. On y dit la messe le jour de Pâques 1780.

Le 28 janvier 1777, M. Jean-Augustin Fretat de Sarra, évêque de Nantes, prit la place de doyen en la Chambre des comptes, ainsi qu'elle lui est acquise par sa dignité.

Le bail exclusif de la viande de carême n'a été porté, en 1777, qu'à 4.500#, et elle fut taxée à 5s 6d la livre.

L'établissement d'un cimetière général rendant celui de la paroisse de St-Vincent inutile, la communauté de ville l'acheta, en 1777, des paroissiens 1.200#, pour former une petite place vis-a-vis de cette église.

En 1776, on commença à bâtir, à Chésine, les six salorges du roi, de 350 pieds de long chacune sur ... de large. L'adjudication en a été faite à 375.000#, parce que les fondations n'auront que six pieds de profondeur, l'excédant sera payé en sus, et à condition que les pierres et autres déblaiements des anciennes seront transportés pour remblayer les quais sous le couvent des Petits-Capucins, et qu'elles seront finies en 1780.

Le commerce ayant considérablement augmenté depuis 1740, que la construction des navires marchands était établie vers le milieu de la Fosse, on fut obligé de la transporter en ce temps à Chésine, pour laisser les quais libres. Cette raison força, en 1776, d'en transférer la plus grande partie au-dessous de la pointe de l'Hermitage.

La même raison ayant porté la recette des deniers d'octroi, en 1776, à près de 250.000# de rente, sans y comprendre les deniers patrimoniaux, permit à la communauté de ville et à M. Gelée de Prémion, maire, de seconder les vues qu'ils avaient de faire des entreprises utiles et considérables. En conséquence, on démolit, en 1777, tous les murs de ville, depuis l'ancienne porte de St-Pierre jusqu'à la Chambre des comptes. On enleva tout le jardin des regaires, concédé, en 1767, par le défunt évêque à la ville, pour former la rue Royale et donner aux particuliers qui voudront bâtir des emplacements. Toutes les terres et graviers du déblaiement furent portés par tombereaux dans le marais de Barbin ; pour y former la levée qui conduit à cette chaussée ; elle doit avoir 54 pieds de large, et la rue 50.

Incriptions de deux pierres trouvées dans la fondation du mur de ville démoli en 1777, depuis la porte de Saint-Pierre jusqu’à la tour du Trépied [Note : Elle était située dans la cour de l'hôtel Bessard-du-Parc, n° 7, rue Royale aujourd'hui] : NUMINIBUS AUGUSTORUM - DEO MARTI - VEL ACCIPE - USSO TULLIANUS - V. S. L. M. - D. M. - MEMO - ONIXI. [Note : Cette ligne paraît corrompue dans la transcription que Proust en avait faite séparément sur deux cartes à jouer, où on lit : NOL ACCEPI. Nous l'avons ainsi corrigée pour lui donner un sens, sauf meilleur avis. Il n'y a, d'ailleurs, aucune importance à attacher à la leçon littérale de Proust, qui était incapable de relever exactement une inscription romaine tant soit peu difficile ou altérée. On ignore si les lettres différaient de grosseur de ligne en ligne, comme c'est probable, d'après les autres inscriptions analogues trouvées à Nantes. Voici comment nous les traduirions : Aux divinités des Augustes. Au dieu Mars. Qu'ils veuillent agréer le voeu dont Usson Tullien s’est acquitté de bon coeur et juste titre. - Aux dieux Mânes. A la mémoire d'Onixus].

En 1776, les biens fonds qu'avaient les jésuites à Nantes, consistant en l'hôtel de Briord où ils logeaient, l'église attenante qu'ils avaient fait bâtir, la retraite des hommes rue du Moulin, celle des femmes rue St-Léonard, une terre près la Boche-Bernard, 50 journaux de prés paroisse St-Julien, et pour 7 à 8.000# de contrats, furent vendus par un commissaire du Parlement de Rennes à la dame Cherail, veuve d'un cocher, pour elle et consorts, 237.000#. En 1777, elle céda à M. l'abbé de Mélient la retraite des femmes pour 61.100#, celle des hommes au sieur Piveteau pour 33.000#, enfin l'église, l'hôtel de Briord et quelques petites maisons sur la rue au sieur Armand pour 60.000# ; à la Roche-Bernard 50.000#, prés 20.000#.

La ville, qui entretenait une lieue de pavés sur chacune de ses banlieues, jugea à propos, pour diminuer ses frais, de les réduire à environ un quart et de ferrer solidement le reste avec du gravier passé à la claie. On finit, en 1778, celle de Rennes, la plus dispendieuse, par le roc qu'il fallut excaver et les terres qui furent transportées dans le marais près le pont du Port-Communeau. Pour aligner ces banlieues, on acheta les terrains et maisons des particuliers qu'on dédommagea, à dire d'experts.

Par édit de novembre 1764, le roi éteignit la société des jésuites ; par autre édit de mai 1777, il a confirmé cette première extinction, et, en outre, leur défend de vivre plusieurs ensemble, d'être curés ou vicaires dans les villes, d'être supérieurs de séminaires, régents de colléges, etc. ; et, par l'arrêt d'enregistrement, il leur est défendu de posséder canonicats ni dignités dans les cathédrales ou collégiales des villes.

Charles-Philippe de France, comte d'Artois, frère de Louis XVI, âgé de dix-neuf ans et sept mois, visitant les ports de Bretagne, revenant de Brest par Vannes où il coucha le 22 mai 1777, se rendit à Nantes le lendemain, suivi de cinq des principaux officiers de sa maison et de cinq seigneurs. Le bureau de ville avait été averti, un mois auparavant, par M. l'intendant, de son arrivée, avec ordre de ne faire d'autre dépense, pour lui et sa suite, que leur logement et ameublement. Le commerce voulant se distinguer en cette occasion, forma une compagnie de cent dragons et une de cinquante cuirassiers, tous en habits neufs et uniformes, qui l'attendaient vis-a-vis de la Bouvardière, ou il reçut le compliment de leur commandant, qui lui demanda que ces deux compagnies lui servissent de garde pendant son séjour ; ce que leur ayant poliment accordé, les dragons s'emparèrent de la droite de la voiture et les cuirassiers, de la gauche. Arrivé à l'entrée de la rue de Gorges, où il y avait un arc de triomphe, MM. les maire et échevins lui présentèrent les clefs de la ville qu'il refusa, n'en étant pas, dit-il, gouverneur, également que le dais ; enfin, arrivé au château, à six heures, où il logeait, il y reçut aussitôt les compliments de toutes les compagnies de la ville, M. l'évêque à la tête des deux chapitres ; alla à sept heures à pied à la comédie, retourna souper chez M. de Menou, lieutenant de roi de la ville et château de Nantes, où il mangea avec le prélat, Mme de la Muzanchère, comme ayant été présentée au roi, Mme de Menou, par une grâce spéciale, dit-il, les seigneurs de sa suite et six ou sept gentilshommes de la ville, au moins colonels ou en ayant commission. Le soir, de même que le suivant, toute la ville fut illuminée. Le lendemain sur les dix heures, MM. de la chambre, qui avaient formé la députation de la veille, conjointement avec M. le premier président, furent admis à lui faire leur cour, et le suivirent, selon l'usage, dans tous les lieux de la ville qu'il visita dans la journée, même à la messe à St-Pierre, où M. l'évêque, en habits pontificaux, ainsi que son clergé, le reçut à la grande porte, toutes cloches sonnantes, où, recevant l'eau bénite à genoux sur un prie-Dieu, baisant le crucifix, après le compliment qu'il lui fit, il monta au choeur, pendant qu'on chantait le Te Deum, se plaça sur un prie-Dieu, au-dessous de la lampe. Aussitôt un chanoine dit une messe basse, et finie, le prince voulut monter sur les tours du clocher, alla voir le cours des Etats, visiter le tombeau des Carmes, dîner chez M. de la Muzanchère, capitaine de ses gardes de la porte, ayant hôtel à Nantes, où sa dame dîna seule de femme. Après dîner, MM. de la chambre l'ayant rejoint, il joua trois parties de paume, avec M. le premier président, contre un seigneur de sa suite et un maître des comptes, alla visiter le couvent des Petits-Capucins et y voir lancer un navire à l'eau, vint ensuite souper chez M. l'évêque ; à onze heures, alla voir une magnifique illumination que MM. du commerce avaient fait faire sur la Bourse, et, de là, au bal paré et gratuit qu'ils lui donnèrent à la Comédie, où il resta jusqu'à quatre heures du matin. Le lendemain, sur les huit heures, M. l'évêque, la petite députation de la chambre en robe et quelques gentilshommes se trouvèrent à son départ, où il leur dit mille choses obligeantes sur les plaisirs qu'il avait eus à Nantes, qu'il eut bien désiré de prolonger au moins d'un jour, et partit pour St-Fulgent, où il dîna chez M. Fortin, seigneur du lieu. En mémoire de son séjour, on fonda une rosière [Note : Voir, pour plus de détails, le Journal abrégé du voyage de Son Altesse Royale le comte d'Artois en Bretagne ; Nantes, Vatar, 7 juin 1777, in-8° de 15 p. ; - et la Rosière d'Artois, ou la vertueuse Nantaise, pastorale en vers ; Nantes, Despilly, Vatar, 1778, in-8° de 30 p. L'avis de l'imprimeur porte : « MM. du commerce de Nantes, pour consacrer à jamais l'heureuse époque de l'arrivée de Mgr le comte d'Artois dans cette ville, célébreront tous les ans une fête qui aura pour objet le couronnement d'une rosière, laquelle sera nommée par la dame Drouin, épouse de M. Drouin, colonel des deux compagnies de dragons et de cuirassiers, à qui la garde de la personne du prince fut confiée ».

Joseph II, empereur d'Allemagne, âgé de trente-six ans, aussi amateur des arts et des sciences que des voyages dont il retirait tout le profit possible, se rendit à Paris incognito, en 1777, n'ayant à sa suite que deux seigneurs, un secrétaire et un ou deux domestiques, sous le nom de comte de Falkinstein, étant vêtu très-modestement, couchant sur une paillasse couverte d'une peau de cerf, quand il était à Versailles ; quoique frère-de la reine, il logeait chez un baigneur, y mangeait souvent et frugalement. Après y avoir séjourné et dans la capitale environ six semaines, où il prenait soigneusement des notes sur tout ce qu'il voyait de remarquable, récompensant libéralement tous les artistes, visitant les hôpitaux, les savants, et particulièrement l'abbé de l'Epée qui avait un talent de faire comprendre et écrire les sourds et muets de naissance, il voulut voir les ports de France, et, revenant de Brest où il était resté plus de quatre heures sur un vaisseau, s'instruisant de tout, arriva à Nantes le 14 juin 1777, sur les deux heures de l'après-midi. Dès le soir, il se promena à pied le long de la Fosse jusqu'aux Petits-Capucins, accompagné de M. de Menou, lieutenant de roi de la ville et château, et du premier président. Il ne fut pas satisfait de cette course, tant il fut accablé par tous ceux qui désiraient connaître un souverain aussi rare qu'estimable. De retour à son auberge, rue de Gorges, il eut une longue conversation avec quelques fameux négociants sur le commerce de leur ville. Le lendemain dimanche, il alla, dès quatre heures du matin, entendre la messe aux Grands-Capucins ; de là, faire un tour dans le bois de Launay, où il vit les préparatifs d'une fête, que Mrs qui avaient pris l'uniforme de dragons, au passage de Mgr le comte d'Artois, donnaient aux dames et particulièrement à Mme Drouin, épouse de leur commandant. Ensuite il alla à la Chambre des comptes, et quoique les dedans ne fussent pas encore finis, il en admira l'architecture. Il avait dessein de voir et parcourir les deux cours St-André et St-Pierre ; mais la quantité de peuple qui l'y attendait l'en détourna. Il visita, se rendant chez lui, le tombeau des Carmes, et partit après dîner pour Poitiers, n'ayant passé que vingt-quatre heures à Nantes, où il fit plusieurs libéralités [Note :  Le 17 juin 1777, Joseph II, frère de la reine femme de Louis XVI, voyageant en France sous le nom de Falkinstein, arriva à Poitiers. On n'y avait pas vu d'empereur depuis le le voyage de Charles-Quint, qui, se confiant à la franchise et à la loyauté de François Ier, vint dans cette ville le 8 décembre 1539. Consulter sur cet autre séjour les Affiches du Poitou, de Jouyneau-Desloges, du 3 juillet suivant, n° 26, p. 103].

En 1777, la communauté de ville substitua des reverbères aux lanternes qui éclairent les rues la nuit. En conséquence, elle fit marché avec un particulier pour trois cents qu'il plaçât à ses frais, les fit nettoyer et allumer tous les jours, depuis le 1er novembre jusqu'au 1er avril, excepté quatre jours avant et quatre jours après les pleines lunes, fournir d'huile et entretenir pendant vingt ans, au bout desquels il les abandonnerait à la communauté, qui, pendant ce temps, lui paiera 15.000# par an ; et, en cas qu'elle en veuille augmenter le nombre, elle paiera audit entrepreneur 50# par chacun, aux mêmes clauses et conditions que ci-dessus. Dès cette même année 1777, elle en ajouta trente-six.

Les sieurs Fourmy et Perret, qui n'avaient acquis la faïencerie, située dans le fossé de ville, près la casemate, qu'à condition de l'abandonner lorsque la communauté voudrait faire ouvrir la rue Royale, qui est le fond sur laquelle est elle construite, les dédommageant en autres terrains, ayant arrenté, dans la prairie de l'Hôpital, vis-à-vis de la Magdelaine, cinq quarts de journal pour en payer à l'Hôtel-Dieu douze septiers du plus beau froment, ils en construisirent une nouvelle en 1777.

La quantité d'étrangers qui abondaient à Nantes et qui y prenaient des appartements, les rendant très-rares, quoique l'on bâtit continuellement dans la ville et aux environs, fit entreprendre à la communauté de fournir de nouveaux emplacements, et de faciliter en même temps une communication libre de la rivière d'Erdre à celle de Loire, en passant sous les rues des Halles et de la Casserie. En conséquence, elle fit, en 1777, aligner, autant que possible, un canal dans le marais d'Erdre, depuis l'arche du Port-Communeau jusqu'aux Petits-Murs, conformément au plan dressé par le sieur Devigny, autorisé par arrêt du conseil, du 22 avril 1755. Des terres qui en sortirent, on remblaya le côte des anciens murs de ville parallèle à la rue St-Léonard, en intention de vendre à des particuliers les terrains desséchés pour y bâtir.

La rareté des emplacements engagea aussi la communauté, en janvier 1778, à s'opposer au Parlement à l'enregistrement des lettres-patentes obtenues par M. l'abbé de Mélient, pour l'établissement d'une retraite de femmes dans la maison qui en servait ci-devant rue St-Léonard. L'avis du présidial y fut conforme.

Les revenus de la ville ne suffisant pas à tous les ouvrages publics que le bureau entreprenait pour l'embellissement et la commodité des citoyens ; considérant d'ailleurs que l'entretien gratuit du bac de Pont-Rousseau lui était très onéreux, et n'ayant pas de fonds assez considérables pour faire faire un pont de pierre, il en fit construire, par économie, un de bois de 24 pieds de large. Commencé en 1777 et fini en 1778, il a sept travées, y compris celle des deux culées, et conséquemment six piles de pilotis, dont les plus longs ont 50 à 52 pieds, tous enfoncés au refus d'un mouton de 1.250 livres. Il y a en chaque pile treize pilotis dont le haut est assujéti par un chapeau, sur lequel il y en a sept autres de 9 pieds de long posés de travers, sur lesquels portent sept poutres par travée saisies sur ce dernier chapeau avec boulons de fer, où sont cloués des madriers, et enfin le pavé. Si la travée du milieu a 35 pieds et les autres 28, 30 à 32, c'est qu'en observant une égalité parfaite, les pilotis n'eussent pu entrer dans la maçonne des piles de l'ancien pont. Celui-ci a coûté 93.062# 9s 11d. Cette réparation a engagé la communauté de ville d'acquérir plusieurs maisons de Dos-d'Ane, pour élargir la rue et l'élever de 3 pieds.

Les revenus de la ville de Nantes consistent en deniers patrimoniaux et d'octroi anciens et nouveaux ; les premiers sont les fermes des maisons, pêcheries, moulins, atterrissements, etc., évalués à environ 30.000# ; le revenu des octrois ne peut être fixe, parce qu'il dépend du plus ou moins de denrées qui entrent. La ville en a la régie depuis 1751 ; ils ont donné, en 1776, 300.912# ; mais que la guerre ou la paix peuvent faire varier. Ses dépenses ordinaires sont les gages, appointements, gratifications annuelles accordées au maire, procureur syndic, greffiers de la communauté, etc., logement du gouverneur, lieutenant de roi de la ville et château, etc., qui sont un objet très considérable ; les rentes constituées, tant anciennes que nouvelles, qui en font un de plus de 75.000#, y compris les taxes royales, frais de reddition de comptes, etc., et plusieurs autres qu'on ne veut articuler, forment en totalité un capital de plus de 180.000#. Conséquemment il reste à peu près 120.000# pour les travaux, acquisitions, dédommagements, pour l'utilité et embellissement de la ville et banlieue.

Les Srs le Roux et le Lièvre de Laubépin arrentèrent, en 1777, des Minimes de Nantes une lisière de leur jardin prolongeant la rue des Ursules jusqu'au mur du Séminaire, pour y bâtir des maisons, et condition de leur en payer de rente foncière et non franchissable 900#, attendu que ce terrain ainsi que tout leur enclos et maisons est noble, ce qui ne convenait poinf aux arrenteurs. Ces pères obtinrent des lettres patentes, qui rendent roturier la partie arrentée, les ayant présentées à la Chambre, elle nomma un commissaire pour vérifier si ce terrain n'excédait point les 420 pieds de long sur 76 de profondeur contenu dans les lettres patentes, et le deborner ; ce qui ayant été fait, elles y furent enregistrées le 7 février 1778. Ce terrain contient près de trois quarts de journal.

Le même Sr le Roux arrenta, en février 1778, la chapelle de St-Gildas, appartenant au général de la paroisse de St-Denis et qui lui servait de cimetière, pour y bâtir une maison et en payer 300# de rente foncière.

Le bail exclusif de la viande de carême fut porté, en 1778, à 6.000#, partables entre les deux hôpitaux, et la viande taxée 6s la livre.

La rue Royale fut commencée en 1777. Elle a 44 à 45 pieds de large entre les colonnes du palais de la Chambre des comptes, et doit aboutir à la place St-Pierre. A cet effet il faudra démolir deux maisons prébendales, en dédommagement desquelles la communauté de ville bâtira deux autres maisons de même valeur.

Les secours d'hommes, d'argent et même de munitions de guerre que l'Etat et les commerçants français fournissaient, depuis 1776, aux Bostoniens et autres Américains sujets de l'Angleterre, qui s'étaient soustraits de sa domination, occasionnèrent la déclaration de guerre que cette dernière puissance fit à la France, au mois de juillet 1778, surtout quand elle apprit qu'elle avait fait, avec ces Américains, un traité de commerce par lequel la France les reconnait libres.

En 1777, MM. les chanoines de la cathédrale pensèrent enfin à employer le produit des bois qu'ils avaient vendus en 1771 et 1772. En conséquence, ils firent marché pour blanchir toute leur église, refaire huit autels dans les bas-côtés de la nef, avec rétables de marbre de Laval, dix grilles en fer, et enfin un maître-autel de marbre de Gênes ; mais l'argent qu'ils avaient retiré de leurs bois vendus n'étant pas suffisant, M. de Sarra, évêque, y ajouta 6.000# et six chandeliers de bronze dorés d'or moulu, de 4.500#, pour le grand autel ; M. le doyen 1.000#, et tous les chanoines selon leur dévotion. M. l'Evêque donna encore un soleil garni de diamants, de près de 6.000#. Les réparations de l'église et autels coûtèrent 36.000#.

Les dragons et cuirassiers, qui avaient pris un uniforme pour l'arrivée de M. le comte d'Artois en 1777, voulant immortaliser cette fête, firent un fond de 10.000#, produisant 500# par an, pour établir une rosière. En conséquence, le 18 mai 1778, on maria, dans la chapelle de la Bourse, en grande cérémonie, un garçon et une fille servant depuis du temps sur la paroisse de St-Nicolas, à qui on délivra les 500#. Cet établissement n'a pas eu de suite.

La commodité du transport fit établir à Nantes, en 1775, une fonderie de petits canons ou pierriers, une autre sur la côte de St-Sébastien, et enfin une autre royale à Indret en 1778. Ceux-ci étaient fondus pleins, et ensuite forés par un moulin à eau construit sur la Loire. Le directeur de cette dernière fonderie était un anglais, à qui le gouvernement payait 27.000# de pension par an, avec promesse de 200.000# à la perfection de l'ouvrage. Cet établissement coûte au roi deux à trois millions.

Au mois de février 1778, le ministère de la guerre envoya à Nantes, pour construire des affûts de mer et de terre deux compagnies d'ouvriers canonniers, qui s'établirent dans les logements et cour du château, dont on abattit de très-gros ormeaux, sous lesquels Louis XIV avait reçu, le 1er septembre 1661, les compliments de toutes les compagnies de la ville, la chaleur étant extrême. On établit en même temps un parc d'artillerie sur le bas du cours St-Pierre.

Arrêts de la cour du Parlement de Bretagne en faveur de noble maître Pellerin, avocat au Parlement, contre les avocats au Parlement militans au présidial de Nantes, par lesquel la cour, après le stage de maître Pellerin, ordonne qu'il sera inscrit sur le tableau desdits avocats de Nantes.
VIENNENT DE GRAND'CHAMBRE
du 28 février 1778.
Entre noble maître Joseph-Michel Pellerin, avocat au Parlement, demandeur, en requête et lettres de commission et assignation en conséquence, des 19, 20 et 23 août 1777, et demandeur en requête verbale ; Me Bertier, procureur, d'une part.

La compagnie des avocats au Parlement, militans à Nantes, suite et diligence de noble maître Angebault, son syndic, défenderesse ; Me Herbert, procureur, plaidant par Me de la Rouxièrc du Châtelet, son avocat et bâtonnier de l'ordre des avocats de Rennes, d'autre part.

La cour, après avoir ouï, pendant quatre audiences Bertier, procureur, et Pellerin, avocat, dans sa cause, et du Châtelet, avocat, pour Herbert, procureur ensemble Duparc-Porée, avocat général, pour le procureur général du roi dans ses conclusions, a ordonné qu'il en sera délibéré, pour l'arrêt être prononcé sur-le-champ.

Et, après avoir délibéré, a restitué dans la forme les parties de Herbert, contre l'arrêt par défaut du 13 décembre dernier ; au principal, ordonne, avant faire droit, que la partie de Bertier continuera son stage pendant quatre mois, sous les yeux de la cour, pendant lequel temps les avocats continueront de plaider et de communiquer avec ladite partie de Bertier, pour, passé ledit délai, l'ordre desdits avocats délibérer, et le tout rapporté à la cour, être statué ce qui sera vu appartenir.
Extrait des registres du Parlement.
Signé L.-C. PICQUET. Du 15 juillet 1778
.

Entre noble maître Joseph-Michel Pellerin, avocat à la cour, demandeur aux fins de requête et lettres de commission, des 19, 20 et 23 août dernier, et en requête du 5 décembre aussi dernier, et encore demandeur en requête, du 10 de ce mois ; Me Bertier, procureur, ledit Me Pellerin, avocat dans sa cause, d'une part.

La compagnie des avocats, militans à Nantes, suite et diligence de noble Me Angebault, son syndic, défenderesse ; Me Herbert, procureur, d'autre part.

La cour, après avoir ouï Bertier, procureur, et Pellerin, avocat et partie ; ensemble Duparc-Porée, avocat général pour le procureur général du roi, a donné défaut contre Herbert, autre procureur, et par le profit, faisant définitivement droit dans les requêtes, lettres de commission et requête dudit Pellerin, en exécution de l'arrêt du 28 février dernier, ordonne à la compagnie des avocats, militans à Nantes, d'inscrire sur son tableau ledit Pellerin, ayant fait le serment d'avocat à la cour ; permet à ce dernier d'exercer pleinement et librement la profession d'avocat, de consulter, écrire, plaider, rédiger mémoires et les faire imprimer, et de faire généralement toutes les fonctions dépendantes de ladite profession ; ordonne qu'il sera appelé aux assemblées de ladite compagnie, comme membre d'icelle ; lui permet de jouir des rang, honneurs et prérogatives attachés à sa qualité d'avocat ; en conséquence, ordonne à ladite compagnie de donner rang parmi ses membres audit Pellerin, du 7 août 1775 ; condamne ladite compagnie des avocats de Nantes aux dépens de Pellerin, et a décerné acte à ce dernier de sa déclaration de renoncer à tous dommages et intérêts. Au surplus, lui permet de faire imprimer et afficher, partout où besoin sera, le présent, arrêt, et l'arrêt interventaire du 28 février dernier ; jusqu'à concurrence de quatre cents exemplaires, aux frais de la susdite compagnie.
Extrait des registres du Parlement.
Signé L.-C. PICQUET
.

NOTA. Ce dernier arrêt, par défaut, rendu en exécution de l'arrêt contradictoire du 28 février précédent, est lui-même devenu contradictoire, les avocats n'ayant pas cru devoir se restituer.

Rennes, de l'imp. de Nicolas-Paul Vatar ; à l'entrée du Palais, placard in–fol.

Le bail de la viande de carême fut porté, en 1779, à la somme de 8.250#, et elle se vendait 7s la livre. Idem en 1780.

Dans le mois de mars 1779, on maria, à St-Similien, une fille de dix ans, grosse de cinq mois du fait d'un jeune homme de douze ans.

En 1779, la communauté de ville obtint du roi les boutiques et terrains du pont de Saint-Nicolas, contenant 40.565 pieds, dont jouissait à vie Mme du Barry, à la charge de n'entrer en jouissance qu'à son décès, si mieux n'aimait acquérir d'elle a fonds perdu, et de payer à sa mort un cens au roi de 500# par an. Il lui fut permis d'expulser les locataires sans dédommagement, même d'acquérir quelques maisons et terrains propres à des particuliers, à dire d'experts. La même année, la communauté acquit cet usufruit pour 150.000#, et obtint autre arrêt du Conseil pour faire un emprunt de 160.000# afin de payer et de parer aux frais. Le plan est déposé à la Chambre. Faute d'argent, ce projet n'eut pas lieu.

En 1777, les habitants des îles américaines dépendantes de l'Angleterre, se voulant soustraire à la domination de leur métropole, s'étayèrent des secours de la France, qui voyait avec peine cette puissance se fortifier de plus en plus. On les secourut d'abord sourdement, mais la France ayant augmenté considérablement sa marine, fit sortir de Brest, en 1778, une flotte qui, sans déclaration de guerre préalable, ayant rencontré celle d'Angleterre à la hauteur d'Ouessant, se canonna vivement avec elle sans remporter de grands avantages. Les forces françaises ayant encore considérablement augmenté en 1779, par la construction de bien des vaisseaux et par la jonction des Espagnols, elles se montèrent à soixante-cinq vaisseaux de guerre, dont le moindre de 64 pièces de canon et plusieurs de 80, 90, 100 et 110. Les Anglais moins fort surent si bien se ménager, que cette flotte formidable, après avoir tenu la mer cent jours et perdu un nombre infini de matelots par la maladie, fut obligée de rentrer à Brest, le 15 septembre, pour se ravitailler, sans avoir tiré un seul coup de canon sur l'ennemi. En l'Amérique orientale, les Anglais prirent Pondichéry, et les Français, dans l'Amérique occidentale reprirent la Grenade perdue dans la dernière guerre.

Le pont de bois de l'île Feydeau, pour les piétons seulement, fut construit en 1779, des deniers des particuliers qui habitaient les maisons situées au-dessous de l'hôpital. M. Dainebrouc, riche négociant, donna seul 6.000#. Il en coûta 15.000 ; la communauté de ville s'obligea à l'entretien.

Le sieur Graslin, receveur général du tabac à Nantes, entreprit pour lui et compagnie, en 1779, une nouvelle branche de commerce, en achetant de différents, particuliers huit journaux ou environ de terre derrière la Fosse, dans un lieu nommé Bouvet, où étaient des jeux de boules, prairies et jardins, pour y bâtir des logements et maisons, prenant ce qu'il jugera à propos de garder et revendant le reste. Afin d'accréditer son entreprise, il engagea la communauté de ville à acheter deux maisons sur la Fosse, dont il fit les avances, pour ouvrir une rue qui donnera, avec cinq autres, sur la place située au milieu de son terrain. Il en abandonnera l'emplacement au public gratuitement, à la charge par la ville de la déblayer et paver également que les rues. Cette entreprise a augmenté et augmentera considérablement le fief de l'Evêché. En conséquence, la ville fut autorisée à emprunter 290.000#.

Au mois de mars 1780, on commença les établissements pour l'hôpital des Enfants-Trouvés, sur le fond d'un bénéfice nommé les Trois-Pendus. M. l'Evêque et Mme Grou y mirent la première pierre, le 22 mai 1780. Les enfants s'y établirent, le 2 mai 1782.

M. l'abbé de Régnon, doyen de St-Pierre, étant mort les derniers jours de janvier 1780, le Pape conféra une seconde fois ce bénéfice, sans aucune difficulté, à M. l'abbé Gabriel, encore secrétaire de l'ambassade de France à Rome, qui le resigna à M. l'abbé de Boissieu en 1781.

Les gros revenus de l'évêché mirent M. de Sarra en état de vivre honorablement dès le commencement de son épiscopat, mais sans luxe ; de faire clore de murs son parc de Chassais, de faire exécuter un plan figuratif de ses fiefs, et surtout d'assister abondamment ses pauvres. Les premières années de son épiscopat, il visita toutes les paroisses de son diocèse et finit, en 1780, par celles de la ville, prêchant en toutes et édifiant par ses bons exemples [Note : C'est à lui que sont adressées les Lettres à un évêque, sur divers points de morale et de discipline concernant l'épiscopat. Ouvrage posthume de J.-G. Le Franc de Pompignan, archevêque de Vienne, imprimé sur le manuscrit autographe, utile à tous les pasteurs ; précédé d'une Notice sur la vie et les écrits de l'auteur (par l'abbé Emery, supérieur du séminaire de Saint-Sulpice). Paris, Société typographique, 1802, 2.vol. in-8°. Fretât de Sarra avait commencé sa carrière ecclésiastique par être grand-vicaire de Le Franc de Pompignan, à l'évêché du Puy en Velay]. Touché du peu de valeur des canonicats de la collégiale de Notre-Dame, qui sont au plus de 300#, il proposa aux chanoines de s'employer pour faire réduire leurs prébendes à douze, au lieu de dix-huit qu'ils sont, d'annexer à la mense toutes les maisons prébendales, la chefcerie, la chantrerie et la cure, à mesure que les unes et les autres vaqueraient, et que tous ces revenus seraient partagés par assistances. La plus grande partie accepta, mais quelques-uns refusèrent.

M. l'évêque de Sarra, par son mandement du 1780, retrancha les demies fêtes du Vendredi-Saint et du jour des Morts, réservant cependant d'entendre la messe ledit jour des Morts, les fêtes de St-Clair, de St-André, le jeûne de la veille, celle de St-Jean l'évangéliste, et renvoya toutes les fêtes de patron au dimanche suivant. M. de la Baume le Blanc en avait déjà retranché quatorze en 1670 ; M. de Sanzay, quinze en 1730, et enfin M. de Sarra trois et deux demies, ce qui fait trente-trois [Note : Voir Travers, t. III, p. 302 ; – le Mémoire sur la nécessité de diminuer le nombre des fêtes et de changer le système des maisons religieuses (par le père Arcère, de l'Oratoire, historien de la Rochelle). S. I., 1763, in-12 ; - le Mémoire ecclésiastique et politique concernant la translation des fêtes aux dimanches. Philadelphie, 1765, in-12, - et dans les OEuvres de Voltaire la Requête à tous les magistrats du royaume, tome XXIX, p. 181-184 de l'édit. de Kell. L'extrait suivant des Instructions de Louis XIV au Dauphin fait connaître les motifs bien fondés qui déterminèrent alors le gouvernement, dirigé par Colbert, à prendre l'initiative de cette suppression : « Le grand nombre de fêtes qui s'étaient, de temps en temps, augmentées dans l'Eglise, occasionnoit un préjudice notable aux ouvriers, non-seulement en ce qu'ils ne gagnaient rien ces jours-là, mais en ce qu'ils dépensoient souvent plus qu'ils ne pouvoient gagner dans les autres ; car enfin, c'étoit une chose manifeste, que ces jours, qui, suivant l'intention de ceux qui les avoient établis, auroient dû être employés en prières et en actions pieuses, ne servoient plus aux gens de cette qualité que d'une occasion de débauche, dans laquelle ils consommoient incessamment tout le fruit de leur travail. C'est pourquoi je crus qu'il étoit tout ensemble, et du bien des particuliers, et de l'avantage du public, et du service de Dieu même, d'en diminuer le nombre autant qu'il se pourroit ; et faisant entendre ma pensée à l'archevêque de Paris, je l'invitai, comme pasteur de la capitale de mon royaume, à donner en cela l'exemple à ses confrères de ce qu'il croiroit pouvoir être fait ; ce qui fut par lui, bientôt après, exécuté de la manière que je l'avois jugé raisonnable » (OEuvres de Louis XIV, t. II, p. 238). L'idée d'avilissement de la matière et des œuvres serviles n'était pas étrangère à la multiplicité des fêtes et jours chômés outre mesure. Au lien de l'adage de nos sociétés industrielles : Qui travaille prie ; c'était cet autre proverbe de fainéants du moyen-âge qui prévalait : Ceux qui fêtent toujours le saint du jour ne chôment jamais.

En 1780, la Chambre des comptes ayant décreté de prise de corps le procureur du roi syndic de la communauté de Nantes, pour raison de désobéissance à ses arrêts, il se pourvut en cassation, alléguant plusieurs faussetés, sur quoi le ministère, sans demander le motif des arrêts de la Chambre, manda en cour le premier président, deux maîtres des comptes et le procureur général, et, avant d'être entendus, le roi rendit une déclaration, le 30 mai 1780, portant translation de la Chambre à Redon. Le 6 juin suivant, M. de Goyon, commandant de la province, arriva à Nantes, fit signifier à tous les officiers qui s'y trouvèrent des lettres de cachet portant ordre de se rendre à Redon en deux fois vingt-quatre heures, pour y exercer les fonctions de leurs charges, et fit passer aux officiers absents leurs lettres de cachet. Le grefier s'y rendit, avec le registre courant, pour y enregistrer seulement cette déclaration du 30 mai. La compagnie y resta jusqu'à la fin de juillet qu'elle revint à Nantes reprendre ses séances, sans avoir fait autre chose ; temps auquel les quatre mandés eurent permission de s'en revenir.

La cohue au poisson frais, bâtie en 1619 par la communauté de ville sur un terrain du domaine du roi, fut détruite en 1781. Partie de cet emplacement fut employée à élargir le quai qui conduit à l'île Feydeau, et le reste, contenant 886 pieds carrés, fut adjugé et vendu par le roi au sieur Massonneau, quincaillier, à la charge de payer au domaine une rente annuelle de 589#, emportant droits seigneuriaux aux mutations, et, en outre, le sol pour livre du principal de ladite rente.

Le pont du château, qui donne sur la porte du secours, n'était que de bois jusqu'en 1778. Cette année, le roi le fit reconstruire en terre-plein pour la solidité du transport des affûts et bois qui y entraient ou sortaient. En 1782, l'autre pont, qui n'était aussi que de bois, fut refait avec trois arches et garde-corps en fer. Il coûta 30.000# pour en embellir l'entrée, en formant devant une petite place régulière. La communauté de ville acheta deux petites maisons joignant le mur des religieuses carmélites, qu'elle fit raser.

Les écoles de charité de St-Charles avaient été fondées en 1694, par les soins de Mlle de Bras, mais sans lettres patentes. M. l'abbé de la Tullaye, archidiacre de la Mée, chanoine, vicaire général de Nantes et père spirituel de cette maison, se donna toutes les peines, soins et dépenses pour leur en obtenir, au mois de février 1782, qui furent enregistrées dans les cours de la province et même au bureau de la ville de Nantes. Elles permettent aux demoiselles d'instruire, quoiqu'elles ne fassent aucun voeu, et leur concèdent tous les bâtiments qu'elles occupent dans la paroisse de St-Donatien de Nantes, sans qu'elles en paient au roi et à ses successeurs aucun droit d'amortissement.

Le palais de la Chambre des comptes, commencé en 1762, fut enfin terminé en 1782. Le roi donna 10.000# pour le meubler, et en fit espérer autant des Etats dans leur prochaine assemblée. Les titres et papiers furent transportés, sur les deniers de la bâtisse, par les commissaires de la Chambre, et cette compagnie y tint sa première séance le 7 juin 1782. Le domaine paya les vacations des officiers ministériels qui vaquèrent à l'inventaire et arrangement. Ce transport dura trois mois. Les armoires destinées à ce dépôt n'étant pas à beaucoup près suffisantes (les Etats n'ayant pas agréé que l'on eût incendié des comptes du temps de la duchesse Anne, ni même les acquits des comptes rendus avant 1700), on fut obligé de faire monter d'autres armoires dans les salles des archives et autres lieux pour les y enfermer.

Cette particularité, par laquelle se termine le manuscrit du doyen Proust de la Gironnière, est assez curieuse. Il en resuite que la Chambre des comptes de Bretagne, d'ou est sortie tant de noblesse, avait voulu exécuter ce qu'on traite si amèrement de nos jours de vandalisme, quoiqu'on sache bien qu'il a été mis plus de choses en lumière qu'il n'en a été détruit, et qu'il ne manque aucun élément important d'histoire générale. Sans le veto des Etats, la besogne incriminée de la révolution eût été faite, dès lors, pour la Chambre des comptes et sur une plus vaste échelle. Tout eût été réduit à la plus simple expression, c'est-à-dire au dernier siècle, pour la prescription centenaire. C'est vraiment à n'y pas croire : Pends-toi, brave de Wismes, avec le trésor de la rue des Caves au cou !

Un dernier extrait des registres de l'ancien état-civil de Nantes servira de complément naturel à ces notes, dont l'écriture, en devenant de plus en plus mauvaise, indique bien que l'auteur touchait à sa fin :

Le 5 mai 1783 a été faite la bénédiction solemnelle de la chapelle et autel du palais de la Chambre des comptes de Bretagne, située paroisse St-Léonard de Nantes, par Mgr l'illustrissime et révérendissime Jean-Augustin Fretat de Sarra, évêque de Nantes, après laquelle cérémonie, il a célébré la Sainte Messe à basse voix, et chanté le Te Deum en actions de grâces, accompagné de nous, recteur, revêtu de notre surplis et en étole, et de plusieurs autres ecclésiastiques du clergé de notre paroisse, en présence de Messeigneurs de la Chambre des comptes. DE BECDELIÈVRE, premier président. THIERCELIN. (Registre d’état-civil de Saint-Léonard).

(Proust de la Gironnière).

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