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| ETAT DE LA VILLE DE NANTES EN 1736. | 
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Nantes est la ville capitale du comté de ce nom, sur la rivière de Loire et sur celle d'Erdre ; elle a un évêché suffragant de Tours, marqué sur l'ancien Pouillé 22,000 livres, et sur le nouveau 30,000 livres. Son premier évêque fut saint Clair ; c'est M. de Sansay qui l'est actuellement.
La ville est ancienne, puisque César en parle avantageusement ; elle est considérable par son commerce, et appelée par les anciens l'Œil de la Bretagne : elle a eu autrefois ses comtes particuliers, et depuis elle a été le siége des ducs de Bretagne.
La ville, quoique très resserrée, contient une grande quantité de monde, car l'on y compte plus de cent mille personnes, tant dans son enceinte que dans ses faubourgs.
Il y a dans la ville une porte qui se nomme la Poterne, qui donne sur la rivière de Loire, où l'on a construit un quai qui conduit le long des murs de la ville, sur lequel il y aura deux ponts, sous l'un desquels passe la petite rivière d'Erdre qui passe dans le milieu de la ville ; et l'autre pont est pour laisser passer l'eau qui, quand la mer monte, pase pour nettoyer les fossés de la ville jusqu'à la porte Saint-Nicolas, pour en retirer avec des bateaux toutes les immondices que les jocquetiers ou ramasseurs de boues transportent dans ces fossés, afin de tenir la ville plus propre. Ce pont est aussi pour la commodité des habitants qui veulent aller de la Fosse à la ville, et de même à ceux de la ville pour aller à la Bourse par le Port-au-Vin.
Il y a aussi une porte neuve qui se nomme la porte de Brancas, que l'on a construite pour passer de la place Sainte-Catherine sur ce même quai, et de là à la Bourse.
La cathédrale de Nantes est Saint-Pierre ; l'église est très bien bâtie : elle a présentement pour évêque Mgr Christophe-Louis Turpin Crissé de Sansay. Le chapitre est composé de dix-neuf chanoines, non compris les dignités qui sont : le doyen, deux archidiacres, le chantre, le scholastique et le trésorier. La collégiale est l'église de Notre-Dame, qui en est proche. On vient d'y faire un autel à la romaine et un nouveau chœur : elle a un chefcier, un chantre, dix-sept chanoines. Il y a dix paroisses dans la ville, une dans la cathédrale et l'autre dans la collégiale. Elle renferme les couvents des Jacobins, Cordeliers et Carmes ; dans le chœur de l'église de ces derniers, est le tombeau de François II, duc de Bretagne, l'un des plus beaux de l'Europe. Les Jésuites y ont un très-beau bâtiment, pour la retraite des hommes. Les Saintes-Claires, les Carmélites et les filles de Sainte-Marie-Magdelaine sont aussi dans la ville.
Dans le faubourg St-Clément se trouvent la paroisse qui en porte le nom, une communauté d'ecclésiastiques, les Chartreux, les prêtres de l'Oratoire qui ont le collége, les Dames de la Visitation, les Minimes, les Ursulines, le séminaire, la communauté des Dames de Saint-Charles : un endroit qu'on nomme la Motte-Saint-Pierre, la seule promenade de la ville, qui prend depuis la porte du même nom, jusqu'au bord de la rivière de Loire, et le long des murs de la ville jusqu'à la porte du château. Cette place a été applanie, entourée de murs et ornée de siéges, d'espace en espace, pour la commodité des habitants. Elle a été embellie de six rangs d'arbres : cette dépense a été faite au frais de la ville et communauté de Nantes. Au bas de la Motte-Saint-Pierre, il y a un faubourg, nommé Richebourg, qui conduit à la prairie de Mauves, où il y a plusieurs raffineries ; il est le long de la rivière de Loire.
La Fosse, ainsi appelée vulgairement, est le port où se fait le grand commerce : les navires marchands, qui s'y trouvent toujours en grand nombre, y arrivent avec le flux de la mer. Elle consiste en un quai très-large et long à proportion, bordé d'un côté de maisons magnifiques, où logent les marchands qui trafiquent sur mer : la plupart de ces maisons ressemblent à des palais. La Bourse est une place proche le Port-au-Vin, en entrant à la Fosse, où les marchands s'assemblent tous les jours, depuis onze heures jusqu'à une heure, pour parler de leur commerce. On y a construit un édifice d'un ordre d'architecture très-rare. Il y a aussi une place nommée la Hollande, garnie de bancs et de jeunes arbres, ce qui la rendra plus agréable. Ce quai conduit au quai d'Estrées, qui dépasse un quart de lieue : il y a de belles maisons tout le long. Il y a dans ce quartier autant de monde que dans la ville, et il dépend de la paroisse Saint-Nicolas, qui est dans l'enceinte de la ville. Il y a aussi dans ce faubourg un couvent de capucins, qui sont au nombre de soixante religieux. A l'extrémité de ce quai est l'hôpital général, dit Sanitat, où l'on retire les vieillards et enfants sans aveu, rempli de très-beaux édifices. Proche de là, dans un endroit appelé le Pré-l'Evêque, on a fait un quai, et planté deux rangs d'arbres du côté de la rivière, et, de l'autre, on y construira quinze maisons magnifiques : on appelle cet endroit le quartier d'Estrées. Un peu plus loin sont des magasins : ce lieu se nomme Chésine, où l'on construit des vaisseaux ; et ensuite on voit l'Hermitage, sur un rocher, où les capucins ont fait bâtir un très-beau couvent, quoique petit. On y respire un air fort sain, et la vue y est très agréable ; d'un côté on découvre la ville ; on y voit en face une campagne ornée de prairies et de vignes, et la rivière de Loire entre les deux ; des autres côtés, on aperçoit de plus de six lieues les vaisseaux monter et descendre sur la Loire. A la droite de ce faubourg est un quartier appelé le Bignon-Letard, où est le couvent des religieuses du Calvaire, et une communauté de demoiselles, nommée le Bon-Pasteur.
Le faubourg du Marchix est fort grand, et il ressemble en quelque façon à une ville, car il a deux portes et des fossés, et d'un autre côté des murailles et boulevards, et un grand faubourg appelé les Haut-Pavés, par où l'on va à Rennes, à Vannes et dans toute la Bretagne. Il y a là une paroisse sous le vocable de Saint-Similien, où est le corps de ce saint. Il y a aussi le monastère des Dames de Sainte-Elisabeth, derrière lequel on a bâti quantité de belles maisons. Les frères des Ecoles chrétiennes, qui ont obtenu une permission du roi, y vont faire bâtir une maison pour enseigner les enfants.
L'autre faubourg contient plusieurs îles et ponts, qui traversent la Loire et portent différents noms.
La première est la Sauzaie, qui renferme la chapelle de Notre-Dame de Bon-Secours, et la Poissonnerie qui est très-belle. On a construit au bas de cette île un quai superbe, où il y aura vingt-quatre maisons uniformes, dont chacune aura deux façades ; il y en a déjà plusieurs de construites. On y a aussi bâti un pont de trois arches, qui traverse de cette île à la Bourse : on la nomme l'île Feydeau.
La seconde île est la Belle-Croix : d'un côté est la prairie de la Magdelaine, avec sa chapelle, qui est toute environnée de la rivière de Loire ; et, de l'autre, est un très bel hôpital, où les malades sont traités par des sœurs qui les gouvernent avec beaucoup de soin. Il y a aussi plusieurs belles maisons. Au bout de cette île, on construit de gros vaisseaux.
La troisième est au bout des ponts de la Magdelaine. Il y a une rue qu'on nomme Grande-Biesse, et des maisons des deux côtés ; on trouve au bout une aide de la paroisse, qui est Toussaints. Des deux côtés il y a de grandes prairies, une entr'autres qui est la Prairie-au-Duc.
La quatrième est encore celle de Petite-Biesse, qui est fort longue, et a aussi des maisons des deux côtés. Il y demeure plusieurs négociants étrangers ; les Récollets y ont un beau couvent, dont les jardins sont très bien cultivés ; il y a près de quarante religieux. Les grands ponts sont après, qui sont très-beaux et bâtis à neuf, avant lesquels est le faubourg de Vertais, et après est la ville de Pirmil, qui avait autrefois trois portes, un prieuré de bénédictins et une aide de paroisse nommée Saint-Jacques. Il y avait là jadis une très-belle tour, dont on voit encore les débris, et un petit fort pour sa défense : M. de Brancas en est le gouverneur ; elle a deux compagnies de milice bourgeoise.
Il y a dans la ville un château fort ancien ; la rivière de Loire flotte le long de ses murs. Il a une porte pour descendre à la dite rivière, qu'on nomme la Poterne ; du même côté est un bastion sur lequel sont plusieurs pièces de canon, ensuite une tour et un fer-à-cheval avec du canon. Du côté de la Motte-Saint-Pierre est le pont du secours, avec une barrière, deux ponts-levis, et de grands et profonds fossés remplis d'eau. Du même côté, il y a un demi fer-à-cheval et une plate-forme. Du côté de la ville est le pont pour entrer dans le château, une porte sur le milieu du pont, deux ponts-levis, un grand et un petit, des fossés, quatre tours garnies d'artillerie, avec deux plates-formes. M. le maréchal de Brancas en est le gouverneur ; M. le comte de Menou, lieutenant de roi ; M. Rousseau de Livernière, chevalier de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis, major ; M. Reinal, aide-major. Il y a pour garnison deux compagnies d'invalides, dont chacune est de soixante hommes.
M. de Princé, commissaire provincial des guerres pour la province de Bretagne, rue Basse du Château. (Extrait des Etrennes nantoises et de la province de Bretagne, pour l'année 1746. p. 42-9. Nantes, Nic. Verger, in- 24. Ce même Etat de la ville de Nantes, inséré déjà dans les précédentes Etrennes, avec quelques variantes, notamment en celles de 1736, est reproduit dans plusieurs des années suivantes. Les premières Etrennes de Nantes connues datent de 1732. On ne pense pas qu'il y en ait d'antérieures, car on n'a pu en découvrir, nonobstant toutes les recherches qu'on a faites, et personne n'en a jamais vu. Quoiqu'il n'existât plus dès lors, l'initiative de cette utile publication, qui fut un jalon planté dans la voie du progrès, paraît cependant devoir remonter au maire Gérard Mellier).
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