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Les « Senores del Salvo Conduto » ou débuts de la Contractation de Nantes (XVIème siècle)

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§ 1. — Les négociants.

Comme nous l'avons vu précédemment, la Contractation était formée par la réunion de négociants nantais, de courtiers espagnols résidant à Nantes et, exceptionnellement, par des commerçants bilbains de passage dans la ville. Mais si on s'en tenait à cette énumération, on n'aurait qu'une idée imparfaite des principaux négociants de la Contractation. Certains membres de l'association se rendaient parfois à Bilbao et même y résidaient pendant un certain laps de temps. A cette catégorie de personnes assez nombreuse, il convient d'ajouter les négociants indigènes de Bilbao, en rapports constants avec leurs collègues de Nantes.

La plupart des trafiquants espagnols de Nantes demeuraient sur le territoire de la paroisse Saint-Nicolas, en particulier sur la Fosse, si souvent mentionnée dans les registres de baptêmes (MATHOREZ, op. cit., p. 12) et dans les documents de l'Archivo del Consulado de Bilbao. Ils se mêlaient souvent à la population en s'alliant par mariage à des familles nantaises ou de la région. Ils remplissaient presque toujours l'office de facteurs et consignataires des marchandises bilbaines expédiées à Nantes par leurs parents, leurs amis, leurs compatriotes ou leurs collègues nantais résidant à Bilbao. Parfois cependant, ils s'adonnaient à la banque, au change, à la ferme des impôts (MATHOREZ, op. cit., p. 14), etc., se faisaient également naturaliser [Note : Cf. Paul JEULIN (Port de Nantes), op., cit., notamment p. 144] et occupèrent ainsi des emplois de maire, sous-maire, échevin, trésorier de Bretagne, conseiller de la Chambre des Comptes, etc. Quelques régnicoles français participaient aux opérations commerciales de la Contractation.

Aux environs de 1566-1567 [Note : Arch. mun. Nantes HH 188. Pour André Ruys, se reporter p. 2, note 5] figuraient comme consignataires espagnols, à Nantes :
François de la Presse,
Simon Ruys,
André Ruys,
Victor Ruys.

D'après de nombreux documents, vers 1569-1571 [Note : Arch. del Consulado (de Bilbao), séries Libros o cuentas de averia. Libro de los recibidos y descargos de la universidad de los mercaderes desta noble villa de Bilbao et carta de averia para Nantes. Cf. GUIARD y LARRAURI, op. cit., t. I, pp. 79-82, 117-118, note], le facteur et consignataire espagnol encore le plus important était le célèbre André Ruiz.
Jean de Anuncibay,
Jean de Jauregui,
Garcia de Aragon,
Balthasar de Lezama,
Antoine de Aranguren,
Diègue de Lezama,
Martin Ibanez de Artazubiaga,
Jean de Mendia,
Sanche de Gastanaga,
Garcia de Uriona,

voisinaient en qualité de facteurs et consignataires avec les Nantais :
René Aburot,
Nicolas Fur,
George Bernard,
Jean Gabori,
Jean Froneau (Fruneau ?),
Lucas Gabori,
Nicolas Frot,
Lecerf, etc.

A la même époque, les principaux chargeurs et manutentionnaires de laine, d'acier et de fer étaient, les uns d'origine espagnole, les autres nantais.

Les premiers comprenaient, par ordre alphabétique :
Martin Abarrategui,
Mathieu Aperribay,
Pierre Agurto,
Martin Ibanez de Artazubiaga.
Inigo Aperribay,
Bartholomé Barco,
Jean Benero,
Pierre Larrea,
Jean Bustinza,
Martin Larrea,
Bartholomé Catelinaga,
Sanche Martinez de Larrauri,
Jean Fano,
Jean Martinez de Mendia,
Ferdinand Galarza,
Jean Rego,
Martin Guemes,
Inigo Ugarte,
Jérôme Jauregui,
Ochoa Martinez de Uribarri,
Antoine Jugo,
Pierre Villareal,
Domingo Lezama,
Pierre Villaverdes,
Jean Lezama,
Diègue Vitoria,
Jean Larrea.

Les Nantais, beaucoup moins nombreux, se nommaient :
George Bernard,
Roger Jofresun,
Clément Beraot,
Jacques Leclerq,
Hervé Cristian,
Natalis Plumauguet,
Pierre Dodinet,
Gilles Perrin,
Jean Gabori.

Si les Espagnols semblaient presque tous spécialisés dans une dès branches de l'activité maritime : consignation ou chargement et manutention des marchandises, les Nantais, par contre, exerçaient parfois les deux professions.

Inversement, des négociants de Nantes résidaient momentanément ou en permanence à Bilbao, en qualité de chargeurs de fer et de laine.

Lorsqu'un commerçant français, et par conséquent nantais, voulait obtenir le droit de résider à Bilbao (D'après MOUSSET, op. cit., p. 20), il devait se soumettre à une procédure tripartite, dirigée par le procureur syndic de la ville. Ayant présenté une requête d'admission à résidence :

1° Le postulant demandait aux autorités municipales de vérifier par témoins le tableau généalogique annexé à sa requête ;

2° Une enquête était effectuée auprès notamment des compatriotes du postulant ;

3° Un « décret d'admission » était pris à la suite de cette enquête, lorsque de celle-ci il résultait « qu'il conste, d'après elle, que le postulant est vieux chrétien et pur de toute alliance ou tache de juifs, Maures ou nouveaux convertis ». Mais le bénéficiaire du décret devait se prêter aux serments et solennités requis.

De préférence les Nantais habitant à Bilbao demeuraient, comme les autres français, dans la paroisse de Santiago (saint Jacques) qui était celle de la « nation française » (Cf. ibidem, op. cit., p. 90).

Entre 1554 et 1597 [Note : Arch. del Consulado, série Libros de Decretos de la ilustre universidad y casa de contratacion et Testimonios diferentes, reproduit par GUIARD Y LARRAURI, op. cit., t. I, p. 180 et voir Arch. mun. Nantes HH 188 (Lettre datée des prisons de Bilbao, 1578)], on peut signaler la présence passagère ou non, à Bilbao, parfois avec leurs enfants, des Nantais :
Charles Abal,
Noël Lebreton,
George Bernard,
Gilles Perrin,
Charles Bloy,
Jean Perrin,
Pierre Butet,
Louis Poullain,
Thomas Dodinet,
Pierre Polain,
Jean Gabori,
Natalis Plumauguet,
Pierre Gabori,
Julien Ruiz de Ambitonal,
Pierre Gobin,
Jean Vincent (du Pouliguen),
Jean Hobier,

auxquels il faut ajouter au cours du XVIème siècle (Selon MOUSSET, op. cit., p. 90) :
André Bolis,
N. Hervé,
Richard Bossé,
François Mortirat,
Antoine Dumas,
Noël Plumet,
Jean Govin,
Jean Poulain.

En 1583 [Note : Arch. del Consulado, série Libros de Decretos.... judicature de 1583-1584. cf. GUIARD Y LARRAURI, op. cit., t. I, p. 167, note] notamment, les négociants nantais, sans doute de passage à Bilbao :
Jean Budoyn,
Noël Lebreton,
Hervé Cristian,
Herman Pache,
participèrent aux élections du Consulat de Bilbao.

Plus tard, en 1599, on trouve mentionné comme marchands français présents alors à Bilbao (D'après GUIARD Y LARRAURI, op. cit., t. I, p. 181) :
Jacques Baleton,
Jean Delaunay,
Jacques Béranger,
Julien Garreot (Garreau ?),
François Bodin,
Robert Govin,
Julien Boleo (Boyleau),
Jean de Guiraot,
Diègue de Burgos (d'origine espagnol),
François Huet,
espagnole),
Pierre Langloys,
François Callan,
Jean Salomon.

On peut être assuré sans crainte de se tromper beaucoup que presque tous ces marchands étaient Nantais.

Malgré la pluralité de Contrataciones ou de relations unissant le port de Bilbao, nous l'avons vu, à la Hanse, à Bruges, à l'Angleterre, Rouen, à La Rochelle, à Bayonne, etc., certains négociants espagnols de Bilbao s'étaient spécialisés, partiellement au moins, dans le trafic maritime de leur ville avec Nantes. Toutefois, on retrouve assez souvent les mêmes noms à propos dé Bruges, etc. Fréquemment on sait pour quel négociant le chargeur bilbain opérait.

Entre 1548 et 1564 les principaux consignataires et destinataires des marchandises d'André Ruys [Note : D'après Arch. mun. Nantes, HH 189 (papiers d'André Ruys)], à Bilbao, s'appelaient :
Martin de Anuncibay,
Barthélemy de Catalinaga,
Antonio de Bertendona,
André de la Sierra.

En outre, il existait d'autres consignataires comme :
Pierre de la Cuevas,
Jérôme de Vega.

Dans une carta de averias pour Nantes [Note : Arch. del Consulado. Carta de averias (1569)], de 1569, on relève les noms de chargeurs dont les trois plus importants étaient certainement :

Bartholome del Barco, agissant pour Pedro de Burgos, Fernando de Espinosa (de Burgos), Juan de Lago, Juan Bautista de la Moneda, Pedro de Porres.

Iohan de Lezama, mandataire de Miguel Cordero (de Najera), Pedro Garcia (de Najera), Gaspar Mines (de Najera)  et consul.

Diego de Vitoria, agissant pour Juan de Aguero (de Burgos).

Les autres chargeurs s'appelaient :
M[art]in de Abarrategui,
Juan de Arnedo,
Iohan de Benero, pour Diego de Agreda (de Burgos), Juan de la Ribera (de Torrezilla).

Juan de Bustinza, pour Miguel de Salamanca (de Burgos).

M[art]in de Guemes aîné, pour Bernardino Ruiz de Almansa (de Burgos), Sebastian Ruiz de Almansa (de Burgos).

Antonio de Jugo.

Iohan Martinez de Uribarri.

Pedro de Villareal.

Pour être complet, signalons que les Nantais Thomas Dodinet et Gilles Perrin rencontrés plus haut comme résidents à Bilbao, sont également mentionnés, en qualité de chargeurs, dans la même carta de afletamiento.

A l'imitation de certains ports français, en particulier, semble-t-il, de Bayonne, les courtiers espagnols de Bilbao pratiquèrent el estolaje ou coutume de hostellaige [Note : Sur l'hostellaige, consulter GUIARD y LARRAURI, op. cit., t.. I, p. 175-181]. Les marchandises de Burgos notamment, et, souvent aussi celles venant de Nantes étaient consignées à des habitants de Bilbao ou à leurs conjuntos. Les huespuedes de los mercaderes (hôtes des marchandises) les prenaient en charge, moyennant une commission basée sur le volume des marchandises et les soins à donner aux sacs de laines et aux autres produits.

Ainsi, entre 1565 et 1572, el estolaje au sujet de Nantes était exercé pour les laines et les fers par les négociants bilbains ci-après :
Lope Alday au nom de Garcia de Aragon, Diègue de Burgos.
Juan Bustinza au nom d'André Ruiz.
Juan Fano au nom de Francisco Carnero.
Juan Goicouria au nom de Francisco Carnero.
Martin Guemes au nom d'André Ruiz.

 

§ 2. — Affrètements de navires.

Le consul de la « nacion de Espana » de Nantes remettait aux capitaines de navires partant à destination de Bilbao le podron ou escritura de flete (avis de chargement au Consulat de Bilbao), la carta de afletamiento (contrat d'affrètement) et le connaissement [Note : Cf. Paul JEULIN (Port de Nantes), op. cit., p. 141 et note]. La carta de afletamiento était rédigée en espagnol, à l'adresse du fiel et des consuls de Bilbao [Note : D'après ce que l'on connaît pour le XVIIème siècle].

Si le contrat d'affrètement constituait le document capital vis-à-vis de la Contractation, qui exigeait de ses membres une taxe pour le chargement des marchandises, le navire ne pouvait pas, cependant, quitter les quais de Nantes avant que le capitaine ait rempli un certain nombre de formalités ou payé différents droits fiscaux, en dehors des taxes de l'association réglées à l'arrivée.

Au bureau installé dans la tour de la Prévôté, près de la porte de la Poissonnerie, le maître du navire acquittait les droits de la Traite domaniale [Note : Cf. Paul JEULIN (Port de Nantes), op. cit., p. 192] ou « debvoir d'issue », suivant un tarif approprié au genre de marchandises transportées. En outre, différents péages qui ont varié avec les époques étaient dus à Nantes même. Depuis un arrêt du 24 juillet 1561, ils étaient prélevés par un seul receveur dans un lieu unique pour la ville.

L'Amirauté [Note : Sur l'Amirauté, Cf. Paul JEULIN (Port de Nantes), op. cit., pp. 126-127] percevait, le droit de brieux [Note : Cf. Paul JEULIN (Port de Nantes), op. cit., p. 212], comprenant le « brief de sauveté » qui consistait dans un brevet de sauvetage, le « brieux d'année », le « brief de conduit », lorsqu'il y avait lieu, pour la protection du navire contre les pirates. Enfin, si le bateau devait faire relâche dans un port breton, le « brief de victuaille ». A cela s'ajoutaient le droit de passeport et le droit de visite [Note : Cf. Paul JEULIN (Port de Nantes), op. cit. p. 214], sans parler du droit de lestage, quand le navire avait eu besoin de cette opération. Et encore, de 1556 à 1559, le gouverneur royal Sanzay [Note : Sur cette question, Cf. Paul JEULIN (Port de Nantes), op. cit., p. 104] avait émis la prétention de visiter les navires et de délivrer arbitrairement passeports et congés, moyennant une rétribution. Mais, grâce à André Ruiz, ses compatriotes furent délivrés de cette exaction, en 1559.

Quoi qu'il en soit, après avoir versé tous les droits que nous venons de voir, le navire dirigé par un pilote reconnu officiellement [Note : Cf. Paul JEULIN (Port de Nantes), op. cit., p. 132] pouvait quitter la Fosse, pour faire escale et charger des marchandises dans l'un des petits ports situés le long de la Loire et des côtes du comté nantais ou pour gagner le large. Devant chaque lieu de péage [Note : Pour les péages maritimes ou plutôt en aval de Nantes. Cf. Paul JEULIN (Port de Nantes), op. cit., pp. 208-211, et pour la réglementation générale des péages, p. 204], sur le parcours fluvio-maritime suivi par le navire, il fallait que celui-ci s'arrête en vue de payer les redevances. fixées par la pancarte du péage mise bien en évidence, au bout d'un poteau, du moins en théorie, depuis un édit du 20 mars 1547 et un arrêt du 17 novembre 1570.

Ayant franchi l'entrée de la Loire et échappé aux pirates postés à l'embouchure du fleuve ou aux corsaires échelonnés tout le long du trajet, qui suivait en général le tracé des côtes, le navire affrété par la Contractation de Nantes arrivait heureusement en vue des côtes de Biscaye. Il pénétrait dans la ria de Bilbao en passant en face de Portugalète. Là, jusqu'en 1573 environ, des surprises l'attendaient.

Sous prétexte de s'assurer que le bateau ne contenait pas de marchandises prohibées, la ville de Portugalète exigeait un droit de six réaux par embarcation franchissant la barre, et cela, malgré les protestations, en particulier, de Bilbao. A partir de 1573, le navire entrant dans la ria put poursuivre sa route sans payer de droit. Un pilote lamaneur breveté par les fiel et consuls de Bilbao faisait remonter la ria au navire venant de Nantes. Celui-ci accostait dans les anses en dessous de Laciar ou aux rives et aux cales de Sestao, dans l'île San Nicolas de Ugarte, à Arriaga ou à Olaveaga, parfois entre l'Arenal et le. petit port de Barrencalle Barrena.

Aussitôt, le capitaine devait se rendre au siège du Consulado déclarer les marchandises qu'il apportait, en dépit des prétentions du Juez Mayor (grand juge) de Biscaye, en dépit des procès suscités au Consulat par Portugalète et Burgos à ce sujet, avant 1564.

Le Commissaire du Saint-Office ne se gênait pas pour venir dans une chaloupe visiter le navire, en compagnie de son alguacil mayor (huissier en chef), de son notaire et saisir, s'il y avait lieu, en remuant toutes les marchandises, les livres jugés dangereux pour la religion, comme c'était trop fréquemment le cas pour les navires arrivant de Nantes. Le capitaine, en cas de tentative de fraudes aux ordres sévères de l'Inquisition, était obligé de payer une amende.

D'autre part, le Juez de Saca (juge de la traité) veillait jalousement à ce qu'aucune marchandise n'entrât en contrebande. Il exerçait sa mission avec brutalité, en faisant subir de mauvais traitements au maître du navire qu'il contraignait, par l'intermédiaire de ses alguaciles (huissiers) et de ses officiers, à payer deux réaux pour obtenir la permission de décharger. Vers 1566 [Note : Arch. mun. Nantes, HH 188. Proclamation par Vezerra, juge des traites à Bilbao, des ordonnances royales au sujet des marchands étrangers (21 octobre 1566)], il obligeait les marchands étrangers non seulement à déclarer toutes leurs marchandises, mais encore à rendre compte de celles qu'ils avaient vendues, puis, de leurs emplettes de retour, avant leur départ, pour empêcher la sortie de numéraire du royaume. Parfois, un emprisonnement arbitraire, sous un prétexte quelconque, attendait le capitaine. Il en existe de nombreux échos dans les documents d'archives de Bilbao et même de Nantes [Note : Pour les détails sur les formalités et les habitudes du port de Bilbao à l'entrée des navires, se reporter à GUIARD Y LARRAURI, op. cit., t. I, pp. 32-35, 59-87, 282 et sqq. Sur les vexations à Bilbao, voir aussi Arch. mun. Nantes, HH 188], par exemple, une lettre de Noël Lebreton, Guillaume Poullain et autres aux maire et échevins de Nantes, avec la missive de ces derniers adressant une protestation aux « alcade et regiment de la noble ville de Vilvao ».

Enfin, on procédait au déchargement du bateau selon son tour d'arrivée dans le port. Les marchandises qui étaient remises au porteur de la marca de referencia [Note : Les documents d'archives nous ont conservé la représentation exacte de ces marques curieuses et si diverses des négociants nantais aussi bien que des négociants bilbains] ou signe distinctif de chaque négociant apposé sur les objets, et quelquefois à l'ordre d'un consignataire, comprenaient [Note : D'après Arch. mun. Nantes, HH 189-192 (papiers d'André Ruys). Cf. également à ce sujet MATHOREZ, op. cit., pp. 56-65 et MOUSSET, op. cit., pp. 15-16] du blé, souvent en grande quantité ; des eaux-de-vie par tonneaux de quatre barriques ; des poissons, notamment des lamproies fort appréciées ; des toiles bretonnes (en particulier des fardeaux de vitréennes, de Clissons, de brins) et des toiles de Laval, de Rouen, d'Anjou ; de nombreuses balles de livres provenant presque toutes de Lyon ; du papier, surtout de la tiarte ou papier de Thiers ; des cartes à jouer fabriquées à Nantes aux portraits d'Espagne (jeu de l'alouette probablement) ; de la mercerie, etc. Un grand nombre de marchandises ne faisait que transiter à Bilbao. Des consignataires les recevaient et se chargeaient de les acheminer [Note : Les liasses HH 189-192 des Arch. mun. de Nantes sont remplies de faits divers à l'égard des lieux de destination finale] par voiture à Burgos, le gros centre d'affaires de la Castille, ou dans d'autres directions de l'Espagne comme Valladolid, Tolosa, Alcala de Hénarés, Salamanque, Medina del Campo, Avila, etc.

Le règlement des averias spéciales de Nantes [Note : Sur les averias, voir GUIARD Y LARRAURI, op. cit., t. I, pp. 84-99] s'effectuait à la Casa de la Contratacion. Servant à entreprendre des travaux maritimes, à entretenir des oeuvres charitables et à payer les différents officiers du Consulat, ces averias variaient selon la nature des marchandises, en vertu de l'ordonnance de 1517. Puis, vers la fin du XVIème siècle, elles devinrent un droit proportionnel d'un maravedi par ducat. Mais il ne s'agissait là que de la part du Consulat dans les averias, car une autre partie revenait au capitaine pour les dépenses du voyage, dans lesquelles était comprise la taxe de 2 % de la Prévôté de Biscaye [Note : Cf. MOUSSET, op. cit., p. 10 et GUIARD Y LARRAURI, op. cit., t. I, pp. 99- 10] sur les comestibles, les liquides et les combustibles importés.

Malheureusement, la perte de presque toutes les pièces comptables en même temps que la plupart des autres papiers, durant la terrible inondation de 1593, ne permet pas de se faire une idée exacte des averias payées par un bateau nantais au cours du XVIème siècle et enregistrées sur des registres spéciaux pour les bâtiments de Nantes. A peine connaît-on les averias perçues sur les navires de Nantes de 1591 à 1596 :

1591 : 119.845 mrs. (maravedis)
1592 : 213.966 mrs.
1593 : 144.288 mrs.
1594 : 530.476 mrs.
1595 : 207.458 mrs.
1596 : 262.470 mrs.

Note : Mrs (mrs) est l'abréviation de maravedis. Cette monnaie valait la 34ème partie d'un réal, c'est-à-dire de 5 sous

En outre, les averias acquittées dans les mêmes conditions, en 1598, se décomposèrent ainsi :

Dinero de Dios : 215 mrs. (maravedis)
Santos y Pobres : 22.806 mrs.
Universidad : 102.133 mrs.
Caminos de ribera : 25.706 mrs.
Comisario : 12.616 mrs.
Dinero de nacion : 32.171 mrs.
Diligencias : 84.367 mrs.
Papel y tinta : 25.577 mrs.
Tesorero y registro : 22.530 mrs.
Descargador: 16.327 mrs.
Persona de Portugalete : 5.149 mrs.
Andador : 2.900 mrs.
San Anton : 649 mrs.

Total : 353.236 mrs (maravedis).

Sur un total de 900.000 mrs environ, les avarias de Nantes représentaient 353.236 mrs. Non seulement le Consulat de Bilbao recevait les navires nantais ou bilbains de retour, avec leur carta de afletamiento ou padron, réglait leurs averias, etc., mais encore il affrétait et donnait leurs papiers aux navires chargés dans la ria de Bilbao, se rendant à Nantes. Ceux-ci devaient se conformer à certaines règles en vigueur.

Jusque vers 1553, avec des intermittences dues aux ruptures entre Burgos et Bilbao 36, deux flottes régulières quittèrent Bilbao chaque année. Une de ces flottes gagnait La Rochelle et Nantes, l'autre, Bruges et la Flandre. Auparavant, le Consulat de Burgos avait été informé de la composition de chaque flotte et du prix des frets par le consul des Senores del Salvo Conduto à Nantes, comme par le consul de la Nacion de Vizcaya à Bruges. Mais Bilbao, en dehors de sa participation aux flottes régulières, pouvait spécialement affréter des navires pour Nantes et La Rochelle, en les chargeant de laines, d'acier, de fer ou d'autres marchandises. A partir de 1653, la moitié des sacs de laine de Burgos fut réservée au chargement des navires de la région bilbaine [Note : Sur toute cette question des affrètements de Burgos, voir GUIARD Y LARRAURI, op. cit., t. I, p. 68]. Par voie de conséquence, les navires nantais ne pouvaient donc embarquer que la moitié de ces sacs.

Une fois les marchandises remises à sa garde et le navire prêt à partir, le capitaine demandait à l'Alcalde de la ville, en présence du greffier de ce dernier, de faire connaître par trois fois, sur la place de Bilbao, que son navire repartirait bientôt, de manière à ce que si un naturel voulait charger son navire, celui-ci puisse le faire. La mesure était obligatoire à cause de la préférence de chargement, dont jouissaient les navires bilbains, les plus grands ayant la priorité sur tous les autres. Toutefois, à partir de l'ordonnance de 1573, les bateaux nantais, d'un port de 30 à 60 tonneaux, n'étaient pas toujours rigoureusement soumis à cette règle, car l'ordonnance y avait dérogé en autorisant le chargement des navires nantais dans leur ordre d'arrivée. En général, ils devaient observer la rotulacion ou répartition des marchandises, conformément aux désirs des négociants, entre les navires prêts à partir. Une place était assignée à chaque navire pour charger [Note : Pour les détails de ces formalités et les difficultés auxquelles elles donnaient lieu, se reporter à GUIARD Y LARRAURI, op. cit., t. I, pp. 63-66 et à MOUSSET. op. cit., p. 14 qui a bien mis en lumière l'ordonnance de 1573]. C'est seulement quand on était certain que le bateau chargeait telles et telles marchandises, que le Consulat, vraisemblablement, faisait rédiger par son greffier le contrat d'affrètement, appelé carta de afletamiento.

Un contrat d'affrètement de Bilbao pour Nantes et remontant à 1569 [Note : Arch. del Consulado. Carta de afletamiento (1569) reproduit in extenso par GUIARD Y LARRAURI, op. cit., t. I, pp. 78-84] nous révèle la forme particulière revêtue par cet acte. Après avoir invoqué Dieu, la sainte Vierge et l'apôtre saint Jacques, Z, maître du navire appartenant à Y, et ancré dans la « rivière de Bilbao » en vue de partir avec le premier beau temps à destination de Nantes en Bretagne, moyennant affrètement par le fiel et les consuls de la Universidad, reconnaissait (à la première personne) avoir chargé dans son navire les sacs de laine et les autres marchandises mentionnés dans l'énumération qui suivait. Différents paragraphes indiquaient chacun le nom du chargeur, ceux pour le compte desquels ce dernier agissait et le nom du destinataire à Nantes obligé de payer le fret et les « averias » correspondantes. Ensuite, les consuls de la Universidad témoignaient qu'ils avaient affrété le navire, pour qu'avec la bonne aventure, il se rende à Nantes, y décharge, intacte et bien « conditionnée », sa cargaison et perçoive le fret, les « averias », le guindage [Note : Levage de fardeaux au moyen du mât, dans le cas présent], l'assurance, dans les six jours du déchargement. Les averias représentaient x maravedis comptés à la Casa de Contratacion et y maravedis, soit en tout z maravedis faisant x livres, sous, deniers tournois. Puis, venait une longue déclaration du maître de navire avouant les obligations imposées par les consuls. Comme garantie de leur stricte observation, de l'abstention de la baraterie du patron et du dol, le maître donnait la caution d'un habitant dénommé de Bilbao. A son tour, celui-ci acceptait ce rôle, en renonçant à certains textes du droit romain, au bénéfice de discussion et de division des biens [Note : Les textes de droit romain invoqués dans le contrat d'affrètement et cités par leurs titres ou incipit sont estropiés au point d'être presque méconnaissables. Toutefois, sur les indications de notre maître M. Collinet, professeur de Droit romain à la Faculté de Droit de Paris, nous croyons être parvenu à les identifier d'après l'édition de Godefroi du Corpus Juris civilis (1607). Voici les références au Corpus correspondant aux textes cités : loi « de duobus rex debendit » ou « de duobus rex debendi », 48, 1, 40 ; « hoc ita de fide jussoribus », 46, 1, 10, § 1 ; loi « sit convenerit de juristionem omnium judicium » ou « sit convenerit de juridicione omnium judicium », 42, 1, 26 ; « de beneficio divisionis », 46, 1, 28 ; lettre du divin Adrien (non identifiée avec certitude)], en s'obligeant par tous les actes du maître de navire et en s'engageant à payer les intérêts, plus les dommages. Z., le maître du navire, s'obligeait aussitôt sur sa personne et sur ses biens à ne pas avoir recours à sa caution, sinon il paierait à celle-ci le double des dépenses, des dommages, etc... Comme si ces engagements ne suffisaient pas, les deux consuls de la Contractation, le maître du navire et la caution, pour couvrir les dommages aux chargeurs, engageaient leurs personnes, leurs biens présents et à venir, le navire, tout son matériel (apparaux, artillerie, munitions). Tous admettaient les pouvoirs des juges quelqu'ils fussent, déclinaient leurs privilèges de juridiction, de manière à être contraints d'exécuter le contrat comme si la décision était prononcée par leur propre juge compétent. Bien plus, ils abandonnaient les privilèges nouveaux et anciens, les usages, etc., et la loi interdisant la renonciation générale aux lois. Enfin le rédacteur de l'acte, c'est-à-dire l'« écrivain », mentionnait la présence de trois témoins au contrat passé à l'intérieur de la Casa de Contratacion. Signaient : les deux consuls, la caution et le maître du navire.

Dans un exemple de 1589 [Note : Arch. del Consulado. Carta de afletamiento (1589)], on voit que seul Dieu était invoqué. Les consuls de Bilbao faisaient savoir qu'étant dans la Casa de Contratacion, ils avaient affrété tel navire, du port de x tonneaux, appartenant à Y. de Portugalète et conduit par Z. maitre du navire. La destination s'exprimait ainsi : la cité de Nantes qui se trouve dans le duché de Bretagne [Note : Bien qu'il s'agisse de l'époque de la Ligue, on ne saurait voir ici une allusion politique quelconque, puisque dans le contrat de 1607 (p. 57) la mention du duché de Bretagne subsiste. Il faut plutôt penser que c'est l'ancien duché de Bretagne et non le reste du royaume de France qui jouit d'avantages économiques reconnus par traités avec l'Espagne et principalement en faveur de Bilbao]. Le maître devait, à ses risques et non aux risques des consuls ou de la Casa de Contratacion, trouver un chargement à Bilbao, en tenant compte de la Pragmatique concernant le droit de priorité des navires d'un port supérieur. Le taux du fret était de tant de réaux par sac de laine et de tant de réaux par quintal de fer ou d'acier remis en bon état aux négociants de Nantes, contraints de les recevoir et de payer le fret ainsi que les « averias », dans les six jours du déchargement. Le navire devait être « paré » [Note : L'expression maritime « paré », si employée dans la Marine de Guerre, signifie, prêt] (selon l'expression maritime encore en vigueur actuellement) pour recevoir les marchandises dont le maître avait à rendre compte, sinon ce dernier encourait une amende de 300 ducats [Note : Le ducat valait, sous Philippe II, 8 fr. 26 (base de 1870 environ). C'était aussi une monnaie de compte correspondant à 11 réaux d'argent ou de cuivre, suivant qu'il s'agissait de ducat d'argent ou de cuivre], moitié en faveur de l'Universidad, moitié en faveur des propriétaires de marchandises. La remise de ces dernières à un navire ayant priorité de chargement, à cause de son tonnage, s'effectuerait aux frais du maître de navire. Le dit personnage était tenu de se munir d'artillerie, d'un pilote, de dix marins avec arquebuses, etc., afin de pouvoir défendre le navire. Une peine de 100 ducats sanctionnait la surcharge du navire, qui devait naviguer de conserve avec trois navires français de Nantes en cours de chargement dans la « ria » de Bilbao. A défaut de respect de cette obligation le maître paierait 200 ducats. La non remise des marchandises aux destinataires donnerait le droit à ces derniers de toucher des dommages, payables si cela était nécessaire, au moyen du procédé coercitif de l'embargo. Le maître du navire et la caution étaient solidaires des sanctions prononcées par les consuls ou les employés de l'Universidad, nonobstant appel. Puis, la première seule de ces deux personnes prenait l'engagement personnel d'accomplir ponctuellement les conditions ci-dessus, que la caution acceptait également de garantir, toujours en renonçant au droit romain, à certains textes, etc., et en admettant la compétence des juges d'Espagne ou de France, malgré les privilèges de juridiction, etc... Pour terminer, on mentionnait que le contrat avait été fait à la Casa de Contratacion de Bilbao, le x jour de tel mois de 1589, en présence de trois témoins, habitants de la ville. L'écrivain déclarait connaître le fiel, les consuls, les acceptants et attestait que ces personnes avaient apposé leur nom sur l'acte.

Après avoir été chargé, le navire, qu'il fût nantais ou bilbain, partait avec ses papiers, notamment le contrat d'affrètement, et avec la permission du Consulat. Lorsque des laines se trouvaient à bord, il fallait, en outre, une guia (Littéralement, un guide) de l'administrateur qui avait assisté au chargement. Mais très souvent le Consulado imposait l'obligation au maître du navire de naviguer de concert avec plusieurs autres bateaux se rendant à Nantes. Dans ce cas, le navire était astreint par le contrat d'affrètement à respecter cette obligation et ne pouvait partir qu'en compagnie des embarcations désignées pour faire route avec lui. Cette mesure, en apparence assez draconienne, s'expliquait par le peu de sécurité qu'offrait la pleine mer à cette époque, à cause des pirates et des corsaires sillonnant l'Atlantique.

En descendant la ria sous la conduite d'un pilote lamaneur agréé par le Consulat, le navire passait devant Portugalète où, jusqu'en 1573, il était l'objet des vexations que nous connaissons déjà ; puis, isolément ou en groupe, selon les conditions maritimes de l'époque, il côtoyait les côtes de l'Océan pour gagner Nantes [Note : Sur l'ensemble des pratiques au départ des navires nantais de Bilbao, cf. GUIARD Y LARRAURI, op. cit., t. I, pp. 59-60, 117 note, etc... et les autres références au sujet du pilotage, des vexations à Portugalète].

L'embouchure de la Loire doublée, différents péages l'arrêtaient au passage pour l'acquittement des droits dus à ce titre. C'étaient, en particulier, selon la nature du chargement à bord, le grand ancrage, le petit ancrage, le devoir de Loire, le devoir de Sion, les droits d'escaffe, de motte, de Sainte-Croix en la Madeleine en Biesse, sans compter différents autres péages à Penhoet, entre Le Pellerin et Port-Launay, etc. [Note : Paul JEULIN (Port de Nantes), op. cit., tableau, pp. 209-210].

Conduit par un pilote officiel [Note : Paul JEULIN (Port de Nantes), op. cit., p. 132] depuis les environs de Saint-Nazaire, le bateau venant de Bilbao s'amarrait à la Fosse de Nantes. Le capitaine devait alors se mettre en règle au point de vue fiscal [Note : Paul JEULIN (Port de Nantes), op. cit., pp. 193-195, 201, 214], en payant les droits de la Prévôté de Nantes, appelés « debvoir d'entrée », vers 1565. D'après la pancarte du 25 juin 1565, ces droits, qui furent provisoirement très majorés, en 1590, par le duc de Mercœur et sous Henri IV, s'élevaient à six deniers par livre, soit le quarantième de la valeur des marchandises, en principe, car les marchandises espagnoles jouissaient d'un tarif réduit. En vertu de la pancarte de la Prévôté, le navire avait à acquitter également le droit de registre et congé, le droit de quillage et, au profit de l'Amirauté de Nantes, le droit de visite ; au profit des octrois de la ville, le droit de méage (2 sols par muid de marchandises mesurables).

S'étant mis en rapport avec le consul des Senores del Salvo Conduto, le capitaine faisait décharger les marchandises en remettant celles-ci aux négociants qui présentaient la marca de referencia correspondante ou qui en avaient l'ordre. Ces marchandises présentaient une assez grande variété [Note : Cf. MATHOREZ, op. cit., pp. 57-65 et MOUSSET, op. cit., pp. 15-16] : fers ouvrés et aciers destinés comme jadis aux « casseurs d'aciers » de Nantes [Note : D'après Arch. Loire-Inf., B 14, fol. 19], étain et plomb de Biscaye ou du reste de l'Espagne, fortes quantités de laine mérinos de Castille, toiles ou draps, soies plates, cuirs dont le maroquin, cire, fruits d'Andalousie, vins de Galice et des Asturies, armes, gants très longs fort recherchés, petits chevaux d'Espagne, produits des Indes. En même temps que la cargaison était débarquée, le consul réglait les averias conformément aux usages et au contrat d'affrètement. Ce règlement, dont nous ne possédons pas de types, donnait lieu parfois lui aussi à un échange de correspondance avec Bilbao. De plus, le négociant, membre de l'association, qui recevait les marchandises, devait acquitter une taxe déterminée au profit de la confrérie.

 

§ 3. — Navires de la Contractation.

Comme on se l'imagine aisément, les navires composant la flotte de la Contractation, autrement dit, des Senores del Salvo Conduto, n'étaient pas uniquement français ou espagnols et ne ressortissaient pas seulement à la région nantaise. En réalité, ils comprenaient aussi bien des bateaux armés à Nantes ou dans la région que des navires bilbains. Le premier groupe effectuait la rotation Nantes-Bilbao-Nantes, tandis que les bâtiments bilbains se livraient à la rotation Bilbao-Nantes-Bilbao.

Les embarcations nantaises [Note : Nous employons à dessein le mot embarcation, étant donné le faible tonnage de la plupart de ces bateaux] n'avaient pas toutes leur port d'attache à Nantes. Beaucoup, d'entre elles appartenaient aux petits ports situés sur la Basse-Loire maritime [Note : Voir Paul JEULIN, op. cit., p. 14 et sqq. ce que l'on doit entendre par Basse-Loire Maritime] ou sur les côtes du comté nantais : Martinière, Rohars, Lavau, Saint-Nazaire, Le Pouliguen, Le Croisic, etc., mais sans que ce lien fût toujours fixe, car des changements de ports s'opéraient parfois. En général, les navires de Nantes sont indiqués, dans les Archives du Consulat de Bilbao, comme provenant de la Fosse, alors, pratiquement, le principal quai maritime de Nantes [Note : Cf. Paul JEULIN, op. cit., pp. 172-174]. Selon le registre « de los Senores de la Compania del Salvo conduto » [Note : Arch. mun. Nantes, HH 190. Livre des marchandises qui, avec la grâce de Dieu, sont chargées pour l'Espagne au compte « de los senores de La Compania del Salvo Conduto » (1552-1555). Cf. aussi ibidem, HH 191 (1556-1558), HH 192 (1558-1561) dans les papiers d'André Ruiz] utilisé incomplètement par M. Dominique Barthélemy [Note : Dominique BARTHELEMY. Une cité ignorée de la Loire-Inférieure. La ville de Rohars (Bull. Soc. Archéol. Nantes, t. LXV, 1925, pp. 44-45) ne parle que d'une quinzaine de caboteurs, de 50 à 100 tonneaux] pour le port de Rohars, les Sieurs du Sauf conduit utilisaient une flotte assez importante : une trentaine de caboteurs, simultanément, au début de la seconde moitié du XVIème siècle.

De 1552 à, 1561, voici quelles étaient les appellations des navires avec l'indication de leur tonnage et de leur capitaine :
NANTES :  Maîtres :
La " Crecan " 60 t. : Guillaume Noblet.
La Française 45 t. : Jean Bécart, de Montoir. Vincent Mabillao.
La Française 50 t. : Guillaume Noblet
La Française 60 t. : Masé (Maté) Bécart. Sire Lagler (?).
La Jeannette 45 t. : Pierre Maguet, de Nantes. Guillaume Quelas, du Pouliguen.
La "Jofre"
60 t. : Louis Deniao (Deniau), de Nantes.
La Perrine 35 t.  : Louis Denio (Deniau). Pierre Guiarnaot.
La Perrine 40 t. : Julien Cullet (Coulet), de Rohars.
La Perrine 45 t.  : Pierre Debibonder (?). Jean Guiton, du Pellerin.
La Perrine 50 t. : Guillaume Noblet.
La Saint-Jacques 70 t. : Julien Cullet (Coulet). Hervé Loyseo (Loyseau) de St-Nazaire .

ROHARS :  Maîtres :
La Antoine 80 t. : Pierre Colin.
La Antoine 90 t. : Joachin Miret.
La Bonne-Aventure 45 t. : Jamet Colin. Yvon Joanes ou Jaone.
La Julienne 40 t. : Guillaume Colin.
La Marie 40 t. : Guillaume Colin.
La Marie 50 t. : Pierre Brunet.
La Marie 60 t. : Pierre Brunet. Julien Thomas.
La Marie 100 t. : Pierre Colin.
La Saint-Jacques 50 t. : Yvon Brunet.
La Saint-Jacques 60 t. : Dezbon Brunet. Julien Millet. Julien Thomas.
La Trinité 50 t. : Jean Amea (espagnol).
La Trinité 55 t. : Jamet Colin.
La Trinité 60 t. : Jean Lebian (Lebihan).
La Trinité (?) 95 t. : Jean Amea.

LAVAU.
La Anne 90 t. : Charles Trocart.
La Anne 100 t. : Mathelin Pohel. Jacques Trocart.
La Barbe 90 t. : Matelin (Mathelin) Bernart.
La Catherine (?) 90 t. : Michel Gazet.
La Française 90 t. : Matelin (Mathelin) Puel (Pohel).
La Gracieuse 65 t. : Pierre Besart.
La Gracieuse 70 t. : François Guiomar.
La Jeannette 45 t. : Pierre Javogn (?).
La Jeannette 50 t. : Jean Puel (Pohel). Pierre Besart.
La Jeannette 80 t. : Macé Guiomar.
La Marguerite 80 t. : Maese (Macé) Guiomar.
La Marie 70 t. : Jean Millet.
La Perrine 55 t. : André Cuetu (Coëtus ?).

DONGES.
La Barbe 45 t. : Pierre Quixart.

MONTOIR.
La Catherine 40 t. : Christophe Barbier.
La Croix 35 t. : Mixao (Michaud) Bernier.
La Française 45 t. : Macé Bécart.
La Française 90 t. : Michel Lebarbier..
La Jeannette 45 t. : Pierre Noblet.
La Julienne 50 t. : Jean Bécar (Bécart). Mase (Macé) Bécart jeune.
La Marguerite (?) 95 t. : Jean Bécart.
La Marie 60 t. : Robin Amea (espagnol).
La Perrine 50 t. : Jean Deniao (Deniaud).
La Perrine 60 t. : Pierre Picao (Picaud), de Mean.

LE POULIGUEN.
La Bonne-Aventure 45 t. : Jean Tonela.
La Bonne-Aventure 50 t. : Yvon Lefoer ou Lefuet.
La Catherine 60 t. : Raoul Lemason.
La Isabelle 50 t. : Pierre Juanot (Jeannot).
La Jeannette 45 t. : Rolan Martineo (Martineau).
La Michelle 45 t. : Jean Lebian (Lebihan).

LE CROISIC.
La Aliette 80 t. : Nuel Anrri (Noël Henri).
La " Craciente " 100 t. : Martin Enrri (Henri).
La Guillemette 90 t. : Louis Hervé.
La Isabelle 55 à. 60 t. : Pierre Bretania (Bretagne).
La Jacques 80 t. : Thomas Lemaguen.
La Jeannette 30 t. : Gilles Bretana (Bretagne).
La Marie 70 t. : Jean Lebostec.
La " Sacre " 100 t. : Mahé Le Nuel.
La " Vieta " 70 t. : Nuelan (Noël Henri).

PENERF.
La Marguerite 35 t. Roland Leguilart.

LA PLAINE.
La Marie 45 t. : Jean Rolan.
La Marie 50 t. : Jean Lolan (Lelan). Jean Rolan.
La Marie 70 t. : Julien Rolan.

PORNIC.
La Jeannette (?) 45 t. : Pierre Fourneo (Fourneau).

En somme, au début de la seconde moitié du XVIème siècle, les petits ports de Rohars et de Lavau armaient pour le commerce de la « Contractation » autant d'embarcations sinon davantage que Nantes proprement dit. Venaient ensuite, dans l'ordre d'importance : Montoir, Le Croisic, Le Pouliguen, puis La Plaine et les ports négligeables de Donges, Penerf, Pornic avec un seul navire. Les limites extrêmes du tonnage étaient représentées par les embarcations de 30 et 100 tonneaux. Mais la majorité de ces bateaux appartenait à la catégorie 40-50 tonneaux Bien qu'il ne faille peut-être pas en tirer une déduction péremptoire, il convient cependant de remarquer que le tonnage des navires de la Fosse était notablement plus faible que celui des navires de Rohars et surtout de Lavau. ll faut sans doute attribuer ce fait au mauvais état de la Basse-Loire maritime, qui déjà entravait quelque peu le port de Nantes et en interdisait l'accès facile aux barques dépassant 50 ou 60 tonneaux.

Souvent une même embarcation était commandée tour à tour par deux personnes, rarement trois, parfois parents. Parmi ceux-ci on ne trouve que deux capitaines espagnols. Jean et Robin Amea, de Rohars et de Montoir. Par contre, les noms locaux, principalement bretons, ne manquent pas. Presque toutes les appellations de navires étaient empruntées au calendrier chrétien : la Sainte Vierge, la Trinité et les saints ou saintes. Des vocables comme « la Bonne Aventure, la Gracieuse », etc., constituaient des exceptions.

Un peu plus tard, vers 1569-1572 [Note : Arch. del Consulado, série Libros o cuentas de averia (1569, 1570, 1571, 1572). Cf. GUIARD Y LARRAURI, op. cit., t. I, pp. 116-117], malgré les lacunes des documents, les principaux navires nantais connus et classés par ports de départ à destination de Bilbao étaient :

NANTES (la fosa de Nantes) : Marie, Vincent Mavillao (espagnol).
LE PELLERIN (Pelerin) : L'Espérance, Jean Collet.
LA MARTINIÈRE (La Martiniera) : L'Espérance, Jean Collet.
ROHARS (Roaz) : Bonaventure, Pierre Mauguer. Jeannette, Pierre Colin.
LAVAU (Lavao) : Bonaventure, Jean Liborne. Jean, Jacques Coëtu (Jacques Coëtus ?).
Marie, Guiomar.
MONTOIR (Montuer) : La Real-d'Espagne ou de Montoir, Jean Thomas.
SAINT-NAZAIRE (Salazar) : Jeannette, Guillaume Adannu. Pierre-de-Montoir, Pierre Alanburg.
LE POULIGUEN (Pouliguen) : Bonaventure, Louis Calvé. Bonaventure, Hervé Horneau. Jeannette, Jean Jagu. Le Lion, Jean Joanot. L'Espérance, Jean Collet. Pierre-de-Montoir, Pierre Alanburg.

Les navires de Rohars paraissaient avoir déjà diminué de nombre au profit notamment du Pouliguen, qui a pris de l'ampleur en matière d'armement franco-espagnol, à cause sans doute du sel de la presqu'île Guérandaise si apprécié par les Bilbains.

En 1573, deux navires de Rohars [Note : Arch. mun. Nantes, EE 183 (armements)] firent partie des quatre navires demandés par Charles IX pour reprendre Belle-Isle sur Montgomery. Ces deux navires, utilisés, semble-t-il, dans le trafic de Nantes avec Bilbao, se nommaient :
La Fleur-de-Lys : Guillaume Magouet.
L'Espérance : Pierre Brunel.

Entre 1594 et 1598 [Note : Arch. del Consulado, série Libros o cuentas de averias (1594, 1596, 1597, 1598), renseignements reproduits par GUIARD Y LARRAURI. op. cit., t. I, p. 118 et passim.], on relève, par ordre alphabétique, les noms suivants des maîtres de navires nantais les plus fréquemment venus à Bilbao :
Pierre Bécart, Raoul Lecors [Note : Les textes mentionnent Arul Lecors qui veut probablement dire Raoul Lecorre],
Gratien Burdiq, Jean Le Fahoer (Lefoer ?).
Lecorbian [Note : Ne serait-ce pas Lecorre Bihan ?], Jean Lelan,
Noël Lecors, Nazaire de Miau,
Pierre Lecors, François Perrotin,
Olivier Lecors, Pierre Quelas.

Les mouvements du port de Bilbao, grâce aux averias spéciales à Nantes [Note : Arch. del Consulado, série Libros o cuentas de averias (1598-1599). Cf. GUIARD Y LARRAURI, op. cit., t. I, pp. 165-166], nous révèlent par exemple l'arrivée successive des navires nantais, du 1er août 1598 au 4 août 1599.

18 septembre 1598, navire de Jan Fuor (Lefoer ?). François Perrotin. Pierre Quelas.
20 janvier 1599, navire de François Perrotin. Pierre Quelas.
23 janvier, navire de De Maudet.
28 février, navire de François Perrotin. Pierre Quelas.
31 mars, navire de Jean Busuneo (Boussineau ?). Gratien Burdiq. Jean Lemagun. Nazaire de Miau.
4 juillet, navire de Gratien Burdin [Note : Il y a peut-être identité de personne entre Gratien Burdiq et Gratien Burdin, dont le nom, en ce cas, serait mal écrit].
24 juillet, navire de  Rolland Jofre.
4 août navire de Pierre Lecors. Raoul Lecors.Nazaire de Miau. Pierre Quelas.

Cette énumération, tout en reproduisant des noms déjà rencontrés, nous fournit une indication approximative sur la fréquence des voyages de certains navires, tels que ceux de François Perrotin et Pierre Quelas, qui revenaient à Bilbao deux à trois mois après leur précédente arrivée dans ce port. D'autre part, on remarque que presque toujours les bateaux nantais naviguaient de concert, par groupe de deux, trois ou quatre bâtiments, à cause de l'insécurité des mers. Ce procédé facilitait, du reste, le retour groupé des navires exigé par le Consulat de Bilbao.

Avant de chercher à connaître le nom des principaux navires bilbains fréquentant le port de Nantes, il convient de souligner que l'Archivo del Consulado de Bilbao n'est généralement pas très explicite à ce sujet. Trop souvent, si on sait quels étaient les navires composant la flotte de Bilbao, on ignore, par contre, leur port de destination précis et le plus habituel. Aussi ne doit-on pas se dissimuler que de graves lacunes nous empêchent d'avoir une notion vraiment exacte de l'ampleur et de la composition des armements de Bilbao, dont les embarcations venaient mouiller assez fréquemment à la Fosse de Nantes.

Vers 1558-1561 [Note : D'après Arch. mun. Nantes. HH 192 (papiers d'André Ruiz)], on note l'existence à :
BILBAO :
La San Julian del Puerto, 20 t., P[edr]o Denoja.
Nra Senora de Begona, 35 t., Francisco Lastero.
Nra Senora de Mudança, 22 t., Miquelao de Cerveta (?).
Santa Maria de Begona, 65 t., Juan de La Llosa.

PORTUGALÈTE :
La Maria, 50 t., Sancho de Nosedal.
La San Pedro, 50 t., Pedro de Santurze.

Ces quelques noms, dans les papiers d'André Ruiz, en regard des multiples noms de bâtiments nantais à la même époque, attestent, à notre avis, l'infériorité très nette des armements bilbains par rapport à ceux de Nantes. Une pareille disproportion s'atténuera par la suite, comme on le verra.

Aux environs de 1570-1571 [Note : Arch. del Consulado, série Libros o cuentas de averia (1570, 1571). Voir aussi GUIARD Y LARRAURI, op. cit., pp. 116-117 et note], les principaux navires armés à Bilbao pour se rendre à Nantes et en repartir à destination de leur port d'origine, étaient les suivants :
El Angel : Juan del Valle.
La Concepcion : Juan de San Martin Solorzano.
Nuestra-Senora : Jorge Benerano.
Nuestra-Senora : Rodrigo Galbon.
Nuestra-Senora : Pedro de Revilla.
Nuestra-Senora de Begona : Felipe de Berriz.
Nuestra-Senora de Begona : Juan de La Llosa.
Nuestra-Senora de Begona : Juan de Larrea.
Nuestra-Senora del Camino : Pedro Ochoa de Duo.
San Andrés : Juan de Vallecilla Casal.
Santa Catalina : Diego de Zamal.
Santa Cruz : Pedro de Larrea.
San Martin : Santiago de Laredo.
Santiago : Sancho de Ugarte.
Trinidad : Martin de Aguirre.

En 1572, il était question, en-outre, de Pedro de Arandia.

Les Bilbains paraissent avoir eu une affection toute particulière pour l'appellation « Nuestra Senora » et même pour les noms de saints. Cette idée religieuse persistera dans les années très postérieures à 1572.

Vingt-six ans plus tard, c'est-à-dire en 1598, on relève la mention des embarcations de : Juan de Escalante, Pedro de Quixas [Note : On trouve aussi ce nom écrit : Pedro de Quixes], Pedro de Espina, Juan de Rador, Juan de Larrea.

Du 1er août 1598 au 4 août 1599, le nombre des navires bilbains rentrés à Bilbao après un voyage à Nantes ne s'éleva qu'à 10 unités, contre 18 bateaux nantais, pour la même période. Ces 10 navires. bilbains se répartirent ainsi dans le temps :

20 août 1598, navire de Graan.
15 septembre, navire de Juan de Escalante.
15 septembre, navire de Pedro de Espina.
15 septembre, navire de Pedro de Quixas.
15 septembre, navire de Juan de Rador.
9 octobre, navire de Pedro de Quixas.
13 novembre, navire de Juan de Escalante.

8 janvier 1599, navire de Juan de Herrador.
23 janvier, navire de Juan de Larrea.
23 mai, navire de Guilloma Urumes.

La durée du voyage aller et retour paraît avoir été alors d'un mois et demi à deux mois, pendant la belle saison, du moins pour ceux qui, comme Pedro de Quixas ou Juan de Escalante, effectuaient plusieurs circuits Bilbao-Nantes-Bilbao dans une année.

PAUL JEULIN.

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