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Caractéristiques de la Contractation de Nantes.

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A priori, la Contractation de Nantes peut se définir ainsi : une association ou confrérie ayant existé, du début du XVIème siècle à 1733, entre certains négociants, courtiers, capitaines de navires, nantais ou espagnols résidant à Nantes, formant un groupement particulier, et l'ensemble des négociants, capitaines de navires, etc., faisant tous partie obligatoirement de la « Universidad de mercaderes y maestres de navios » de Bilbao.

L'histoire très résumée de cette association franco-espagnole, la place de celle-ci dans l'activité de Bilbao, tels sont les deux grands phénomènes que nous devons examiner pour connaître sa véritable physionomie.

§ 1. — Histoire sommaire de la Contractation.

Bien que M. Mathorez [Note : Sauf indications contraires, se reporter à M. MATHOREZ, op. cit., pp. 3-8, 9-15, 39-46 an sujet de l'histoire générale de la Contractation de Nantes], dans ses pages si pénétrantes sur la Contractation, soit parvenu à. débrouiller les origines de cette dernière, on ignore encore sa date de naissance exacte.

La fréquence des pèlerinages bretons à Saint-Jacques de Compostelle, en Espagne, et la participation des soldats espagnols dans les rangs bretons, pendant la guerre de la Succession de Bretagne, auraient provoqué, le 18 avril 1372, la conclusion d'un traité (Cf. LA BORDERIE, Histoire de Bretagne. t. IV, 1906, p. 126) entre le duc Jean IV et les villes du comté de Biscaye. M. Guiard y Larrauri (GUIARD Y LARRAURI, op. cit., t. Ier, p. XXXIII) pense que la position occupée par le commerce nantais à Bruges serait la cause déterminante des premières relations Nantes-Bilbao. En outre, nous croyons que le trafic effectué sur la Loire par la Communauté des Marchands fréquentant la rivière de Loire [Note : Voir sur ce sujet, MANTELLIER, Histoire de la Communauté des Marchands Fréquentant la rivière de Loire et fleuves descendant en icelle (Mémoires Soc. Archéol. de l'Orléanais, t. VII, 1867) et le résumé donné par Paul JEULIN, op. cit., pp. 44-45 et 137-139] ne fut pas étranger à cette détermination de Bilbao. Quoi qu'il en soit, le duc Jean V, à l'imitation du traité hispano-bourguignon [Note : Le duc de Bourgogne, Philippe le Hardi, avait été le tuteur du duc Jean V (LA BORDERIE, op. cit., p. 145). Cf. infra, p. 12] de 1428 au sujet de Bruges, conclut, en 1430, avec le roi de Castille et de Léon un traité de commerce, confirmé (Cf. Paul JEULIN, op. cit., pp. 39 et 94) en 1435, 1452, 1456, 1459, 1467, 1468 et 1483. Ce traité, non seulement modéra des droits fiscaux et supprima les lettres de marque, mais encore installa à Nantes un consul procureur et boursier d'Espagne, chargé de défendre les intérêts des Espagnols commerçant dans le duché, sans que Nantes reçût aucun avantage spécial. En même temps, un conservateur des alliances hispano-bretonnes, pratiquement le Chancelier de Bretagne [Note : Le Chancelier de Bretagne. au moment de la signature du traité, était l'évêque de Nantes, Jean de Malestroit. Sur ce personnage, consulter Thomas LACROIX, Jean de Malestroit, chancelier de Bretagne, évêque de Saint-Brieuc (1404-1419) et de Nantes (1419-1443) [Positions des thèses de l'Ecole des Chartes, promotion de 1925, pp. 119 et sqq.]], était institué. On ignore comment ce conservateur qui existait encore en 1466, et le premier consul espagnol établi auprès des officiers du duc, Ynigo d'Arceo de Burgues [Note : A côté du consul il y eut, en vertu du traité de 1430, un personnage nommé Chancho d'Escarre, chargé conjointement avec le chancelier de trancher les contestations nées depuis le 10 avril 1429 (Arch. Loire-Inférieure, B 4, fol. 76). Ce personnage s'appelait certainement Sancho d'Escarre tandis que Ynigo d'Arceo était, pensons-nous, originaire de Burgos, d'où sa qualification de Bourgues], exercèrent leur mission. En tous les cas, les représailles bretonnes répétées (Cf. Paul JEULIN, op. cit., pp. 46-47) et les dernières guerres pour la défense de l'Indépendance du duché amenèrent les Espagnols à transférer leur « Bourse et Estappe d'Espoigne » de Nantes à La Rochelle.

Cette Bourse, revenue à Nantes en vertu de lettres patentes du roi Charles VIII, du 29 décembre 1493, ne ramena pas immédiatement la colonie espagnole dans cette ville, si on en juge par la concession royale de la foire dite de l'Apparition [Note : Pour les lettres patentes de Charles VIII, voir leur teneur aux Archives mun. de Nantes HH 188. Cette foire se tenait auparavant à Lyon] aux Nantais, pour les dédommager de l'absence des Espagnols, que les guerres d'Italie tinrent encore éloignés jusqu'à l'ordonnance de Louis XII, rendant à ces derniers leurs privilèges, en leur appliquant les privilèges des marchands de Castille qui trafiquaient en France [Note : Cf. Paul JEULIN, op. cit., p. 103-104 et le texte de l'ordonnance dans les Ordonnances royales, t. XXI, pp. 225 et sqq.]. Aussitôt les Espagnols invoquèrent les anciens traités pour être exempts d'un certain droit.

Sous l'influence de l'augmentation de la colonie espagnole, à l'époque du roi François Ier, les habitants de Bilbao, en vue d'absorber à leur profit exclusif les avantages dont bénéficiaient les Espagnols à Nantes, accordèrent aux habitants de cette ville le droit de participer aux délibérations de leur propre Universidad de mercaderes y maestres de navios. Puis, divers avantages d'ordre fiscal suivirent cette mesure, ce qui établit une alliance commerciale tacite bilbaino-nantaise, d'autant plus que, dans la mesure de leurs moyens, les Nantais répondirent. à ces avances, en admettant notamment au sein de leur groupement les Bilbains de passage (D'après GUIARD Y LARRAURI, op. cit., t. I, p. 117 note). En effet, les armateurs français et les coûrtiers espagnols de Nantes créèrent bientôt une association pour affréter des navires en commun. Ce fut la « Compania de los Senores del Salvo Conduto » [Note : Traduction : Compagnie des Sieurs du Sauf Conduit], à la tête de laquelle se trouvait le consul espagnol de Nantes ou facteur général qui, comme nous le verrons plus loin, effectuait les affrètements. En fait, si elle n'en portait pas encore officiellement le nom, la Contractation de Nantes, estimons-nous, existait déjà en pratique [Note : Nous croyons devoir attirer l'attention sur ce fait, qui ne ressort d'aucun des travaux concernant de près ou de loin la Contractation de Nantes. Certains auteurs ont mémo cru, parce que le mot de Contractation n'apparait qu'au début du XVIIème siècle, que cette institution n'existait pas auparavant. C'est une erreur, à notre avis, car la Compania de los Senores del Salvo Conduto présentait déjà les caractères de la Contractation. Du reste, le vocable Contractation n'est que l'adaptation française du mot espagnol : " Contratacion " employé à Bilbao notamment et qui signifie d'une manière générale : commerce et trafic de choses vendables].

En 1601, pour la première fois, apparut le terme de Contractation, en tête du « Cahier pour enregistrer les ordonnances, mémoires et autres affaires de Messieurs de la Contractation » [Note : Registre de 227 feuillets (1601-1733) — Arch. mun. Nantes HH 194], Les membres de la Contractation avaient une organisation corporative, dirigée par un bureau comprenant un consul, un trésorier et des administrateurs élus parmi les membres de l'association [Note : MATHOREZ, op. cit., p. 46 a soutenu que le choix des membres du bureau de la Contractation s'opérait toujours parmi les négociants de la colonie espagnole de Nantes. Présenté ainsi, le fait est inexact, car, parmi les consuls connus, on trouve beaucoup plus de noms français qu'espagnols, comme on le verra plus loin, pp. 43-46, 66-69, 75-79], au cours de la réunion annuelle tenue le jour de la saint Sylvestre (31 décembre), au domicile du consul sortant de fonctions [Note : Tous ceux qui, après Mathorez, ont eu l'occasion de parler de ces réunions annuelles, les ont placées, comme lui-même, dans la chapelle des Cordeliers. C'est une erreur formellement démentie par les procès-verbaux des délibérations de l'Association (Arch. mun. Nantes, HH 194)]. A cette réunion, on votait le budget. Les recettes se composaient des droits d'entrée dans la confrérie, des cotisations des membres, des amendes pour violation des règlements, des taxes spéciales ou « averias » [Note : Le mot averia est le mot technique mentionné dans tous les documents] sur les marchandises entrées et sorties, des produits d'armements. Aux dépenses figuraient les frais de chargement des navires, de procès, les dons aux Cordeliers et les frais de cérémonies diverses. La chapelle « Notre-Dame d'Espaigne » au couvent des Cordeliers servait, en effet, à l'usage exclusif de la Contractation : offices solennels, procession du Saint-Sacrement à la Fête-Dieu et à son octave, puis, repas dans une salle contiguë, ainsi que M. l'abbé Brault et nous-même l'avons montré autre part [Note : Cf. dans l'abbé Ferdinand BRAULT, Le Couvent des Cordeliers de Nantes, Etude historique (1250 environ à 1791) dans le Bull. Soc. Archéol. de Nantes, 1925, pp. 181-182 et surtout pp. 184-185, les détails sur les assemblées et les cérémonies de la Contractation au couvent des Cordeliers de Nantes. Au sujet de la chapelle « Notre-Dame d'Espaigne », voir également Paul JEULIN, L'ancien couvent des Cordeliers de Nantes de 1791 à 1925 (étude archéologique) ibidem, pp. 193 (plan), 208-211, 213-214 et Le Couvent des Cordeliers de Nantes vers 1785 (Men. Soc. d'Hist. et d'Archéol. de Bretagne, 1927, 2ème partie, pp. 251-253)]. « Au milieu, devant l'autel majeur et un autel latéral, s'élève le tombeau de Dom Bernard Abral de Catalogne, ancien chanoine de Burgos, gravé sur une pierre jaune avec légende, non loin du tombeau de l'infortuné Chalais. A l'un des deux vitraux latéraux apparaissent les armes d'Espagne, auxquelles font face sur le mur opposé les blasons d'Espagne peints sur bois au milieu d'un champ de lys d'or et d'hermines. Les armes d'Espagne figurent en outre à droite et à gauche de l'autel, sur les bancs et la porte vers le choeur... ». Dans cette chapelle on y célébrait journellement une messe, en même temps que dans la chapelle Saint-Julien de la Fosse, du moins, au début du XVIIème siècle [Note : Archives munic. Nantes, HH 194. La moitié des amendes perçues sur les marchandises non chargées dans les navires affrétés par le consul servait à ces usages]. En outre, l'association soutenait des procès commerciaux d'intérêt commun et émettait assez souvent des voeux importants pour le commerce [Note : Il y aurait de quoi écrire une étude intéressante sur le rôle ainsi joué par la Contractation, dans la défense des intérêts du Commerce nantais].

Sans entrer dans les détails de sa vie et des difficultés qu'elle rencontra à Bilbao ou à Nantes, remarquons qu'au XVIIème siècle, la Contractation de Nantes, à la fois confrérie commerciale et groupement d'un caractère religieux, voire intellectuel [Note : Dans notre ouvrage sur le Port de Nantes, déjà cité, p. 143, nous avons sommairement indiqué que le facteur intellectuel et religieux, et même ethnique, donna aux membres de la Contractation une cohésion que les Hollandais si puissants à Nantes, pendant le XVIIème siècle, (ibidem. pp. 145-149) ne parvinrent pas à imiter], continua l'affrètement en commun des navires réservés aux commerçants nantais et aux facteurs espagnols, membres de la société. Les statuts subirent quelques modifications, au cours des XVIIème et XVIIIème siècles [Note : D'après Arch. mun. Nantes, HH 194, procès-verbaux des séances en 1642, 1662, 1680, 1703, 1714, 1729. MATHOREZ, op. cit., p. 46 a prétendu, à tort, que les statuts de la Contractation n'avaient pas subi de modifications notables avant 1714]. Ainsi, en 1642, les droits que devaient verser les sociétaires pour les marchandises expédiées ou reçues furent fixés. Puis, en 1662, on décida qu'à l'avenir nul n'entrerait dans l'association « qui ne soict originaire de la ville et fauxbourgs, ou mariez avecq fille ou femme de ladite ville », sans doute, à cause des abus provoqués par les demandes d'admissions excessives et des manoeuvres des Portugais qui, vers 1623, s'étaient servi des sociétaires comme prête-noms. A différentes reprises (1680, 1703, etc...), le nombre restreint des membres entraîna un déficit budgétaire, que chacun dut se répartir en sus de sa cotisation. Avec l'année 1714 apparut la mesure la plus grave prise vis-à-vis des statuts. Le nombre des adhérents, pratiquement de 66, se trouva limité à 90. A partir de 1729, on nomma, désormais, deux consuls chaque année, au lieu d'un seul. Mais cette disposition ne devait pas être de longue durée.

Bientôt, à la suite de nombreuses démissions qui faisaient porter une assez lourde charge sur chaque membre restant, le 26 janvier 1733 [Note : Arch. mun. Nantes, HH 194, délibération du 26 janvier 1733], la vieille Contractation des marchands de la Fosse disparut officiellement, en décidant d'aviser les Cordeliers que « la Compagnie cesse tout service de messes chez eux et se retire », d'autant plus que la chapelle de la confrérie avait besoin de grosses réparations. Les immenses services que la Contractation avait rendus à Nantes ne firent pas cesser pour cela toute relation entre ce port et Bilbao [Note : L'Archivo del Consulado de Bilbao nous a conservé les noms de nombreux navires et capitaines de Nantes].

 

§ 2. — Place de la Contractation dans l'activité de Bilbao.

Si M. Mathorez a souligné certains avantages offerts par Bilbao, tels que la suppression des péages au XIVème siècle, l'obtention de nombreuses exemptions fiscales à Séville et Malaga., etc..., et tels que l'entrée en franchise des toiles bretonnes partant par Nantes en Espagne, l'entrée en franchise des laines d'Espagne à Nantes, ce savant auteur n'a pas assez fait remarquer l'importance vraiment spéciale que présentait le port de Bilbao.

La Contractation de Nantes, à notre avis, n'était qu'un rouage considérable dans un système économique plus vaste, dont Bilbao constituait le pivot, grâce à son rayonnement très divergent : Malaga, Séville et le Portugal, Bayonne (pays de Labourd), La Rochelle et Saint-Malo (au XVIIème siècle) [Note : Sur La Rochelle et Saint-Malo au XVIIème siècle, cf. GUIARD Y LARRAURI, op. cit., t. I, pp. 397-406], Nantes et même Rouen, Bruges et les villes de la Hanse, l'Angleterre, enfin plus tard, Terre-Neuve, comme nous allons le voir.

Bilbao, port abrité au fond de la ria du même nom [Note : Bilbao est à 8 kilomètres de l'entrée de la ria (Portugalete), c'est-à-dire, de la mer], se trouvait admirablement située sur la côte nord de l'Espagne. Elle servait de débouché, non seulement à la seigneurie de Biscaye (Senorio de Vizcaya) à laquelle elle appartenait, mais encore à l'importent royaume de Castille avec son Universidad de mercaderes de Burgos (Voir infra et page suivante) et au royaume de Navarre, c'est-à-dire, à plus du tiers de l'Espagne.

La cofradia y universidad de mercaderes y maestres de navios de Bilbao [Note : Sauf indication contraire, sur toute l'histoire du Consulat de la Mer à Bilbao, consulter GUIARD Y LARRAURI. op. cit., t. I, pp. LXXXII-XCV, 1, 7-21, 24-28, 32-35, 59, 84 et sqq., 223-238] ayant un fiel et deux diputados remontait à une époque reculée, que les documents d'archives ne permettent pas de préciser. En tous les cas, ce corps soumis au Conseil de la Ville, maître en matière commerciale depuis 1399 au moins, fut défini en 1489, grâce à l'entente des deux organismes. Le Conseil de Ville permit à la cofradia d'élaborer des ordonnances relatives à l'affrètement, à la perception du dinero de Dios, aux licences de chargement, etc... La confrérie prit le nom de Casa de la Contratacion.

Erigé par une charte de Séville, du 22 juin 1511, à l'exemple de la « Universidad de mercaderes » de Valence (1283), de Barcelone (1347) et du Consulado de Burgos (1494) [Note : Cf. Ordenanzas del Consulado de Burgos de 1538 que ahora de nuevo se publican... por el Dr Eloy Garcia de Quevedo y Concellon, 1905, p. 10], le Consulat de la Mer de Bilbao vit son existence confirmée par une charte du 15 décembre 1560. Les ordonnances de 1561 complétant ces actes établirent les bases du Consulado, Casa de la Contratacion, Juzgado de los hombres de negocios de mar y tierra y Universidad de Bilbao (Voir aussi MOUSSET, op. cit., p. 2). Cette nouvelle institution dut lutter contre le Consulat de Burgos, qui s'inclina par la « capitulation » de 1499, où il est question du faible tonnage des navires utilisables pour le transport des laines, fers, aciers, etc..., de Burgos à destination de Nantes, en recourant à l'intermédiaire de huesped. Un nouvel accord conclu en 1513 avec Burgos fut vite rompu. D'autre part, Portugalète, placée à l'entrée de la ria, ne laissa à Bilbao une paix relative qu'en signant la convention du 5 mai 1573, qui intéressait aussi les navires de Nantes.

La compétence de Juzgado de la Contratacion englobait les différents entre marchands, les litiges soulevés par les transactions commerciales de toutes sortes : assurances, affrètement, règlements de facteurs, rapports entre associés. Sa juridiction était exercée par le prieur ou fiel et les consuls jugeant a estilo de mercaderes, c'est-à-dire, d'une façon sommaire, avec appel devant le corregidor prenant l'avis de deux membres de l'Universidad (Cf. MOUSSET, op. cit., pp. 4-5). Les fonctions annuelles du fiel et des deux consuls étaient conférées à l'élection, le 26 juillet, veille de la Saint-Jacques, par les négociants, les capitaines et maîtres de navires de Bilbao, seuls éligibles, et par les Nantais résidents. Ces derniers jouissaient ainsi d'une exception tacite à la règle de l'exclusion des étrangers, car l'ordonnance de 1531 sur les élections n'avait pas prévu ce privilège en faveur des Nantais. Le fiel et les consuls juraient « sur la croix et les évangiles de remplir loyalement leur mandat et d'administrer la justice avec équité » et recevaient « des mains de leurs prédécesseurs les clefs, le sceau, les archives et la comptabilité du Consulat ». Quatre conciliarios complétaient le Consejo. Les membres de ce dernier assuraient la gestion des affaires, à l'aide notamment d'ordonnances formant une sorte de code. L'assemblée générale de l'Université ne se réunissait guère que dans des cas exceptionnels [Note : Voir sur tous ces points, MOUSSET, op. cit., p. 5, et Arthur DESJARDINS, L'ancienne législation commerciale espagnole et le code de 1885, 1891 (tirage à part), pp. 6 et 9, montrant l'importance du règlement en 74 articles, publié en 1560 par le Consulat de Bilbao, et qui contient en germe des dispositions célèbres dans une partie de l'Espagne et des colonies espagnoles].

Toute une série d'officiers aidait le Consulat à accomplir sa mission. C'étaient : le sindico tesorero ou trésorier, l'escribano secretario ou greffier, l'agente de la corte (employé), le procurador en la corte qui s'occupait des procès du Consulat et défendait ses intérêts, la persona en Portugalete (courrier chargé de recevoir des capitaines les papiers de sortie délivrés par le Consulat), le piloto mayor ou chef des pilotes, les deux procuradores (procureurs pour les affaires à Portugalète), le villetero (porteur des billets pour le paiement des averias aux capitaines), le descargador préposé au déchargement des navires de Nantes, l'andador (sorte de surveillant général), le portero (huissier), le barquero (baliseur). Notons en passant que le pilotage et le lamanage étaient copiés sur ceux de Nantes.

Les ressources du Consulat se composaient surtout des averias ou dineros de nacion représentant un droit d'entrée sur les marchandises. Originairement acte récognitif de suzeraineté, ces averias avaient pour but de contribuer aux dépenses de sûreté des transactions [Note : Se reporter, infra, pp. 52-56, pour le détail des averias sur les navires nantais].

Enfin, pour ne rien omettre d'essentiel, il convient de remarquer que le Consulat de la Mer de Bilbao survécut longtemps à la Contractation de Nantes, puisqu'il ne disparut qu'en 1829, au moment de la promulgation du Codigo general de Comercio (code de Commerce espagnol) [Note : D'après MOUSSET, op. cit., p. 6, et Arthur DESJARDINS, op. cit., p. 11].

De son côté, Nantes, ainsi que nous l'avons montré ailleurs [Note : Paul JEULIN (Port de Nantes), op. cit., pp. 27-29 et p. 23], était une sorte de plaque tournante de la France. Elle servait de principal débouché à la Bretagne. Sa situation à l'embouchure de la Loire qui arrosait les riches provinces du Berry, de l'Orléanais, de la Touraine, de l'Anjou, etc..., en faisait une porte d'entrée ou de sortie pour plus du tiers du royaume, à cause de la priorité donnée autrefois aux voies d'eau sur les routes.

Si la Contractation de Nantes constitmait ainsi l'un des pôles de sous-rayonnement de Bilbao [Note : Pour les relations de Bilbao avec les autres pays d'Europe, voir les détails dans GUIARD Y LARRAURI, op. cit., t. I, pp. XIX, XXIV-XXXII, XXXIV-XL, XLIV-LX, LXXVIII-LXXIX, 128-129, 132, 385-397, 421-425], Bruges avec sa Contractation formait l'autre pôle revêtant une importance toute particulière pour le Nord de l'Europe [Note : Sur Bruges au XVIIème siècle, voir aussi GUIARD Y LARRAURI, op. cit., pp. 442-445 et infra, note 48]. Bruges, en effet, était la principale issue de la Flandre, aussi bien française (Lille, Dunkerque) qu'espagnole (Flandre belge actuelle). En outre, elle servait d'escale naturelle aux ports de la Hanse et de l'Allemagne : Lubeck, Hambourg, Brême, voire des pays scandinaves.

A la suite de relations commerciales entre Bilbao et la Flandre, qui entraînèrent l'octroi de différents privilèges [Note : Les principaux privilèges furent par ordre chronologique : un traité douanier en 1254, l'ordonnance de Jerez (1267), les privilèges octroyés par le comte Guy de Dampierre en 1280, les négociations d'Ardembourg, les privilèges des comtes de Flandre Robert, Louis de Nevers (franchises importantes du 20 mars 1343), Louis de Mâlle (1348), confirmés par Philippe le Hardi (1384) et par Philippe le Bon, lors du traité hispano-bourguignon de 1428]. les marchands bilbains établis à Bruges constituèrent, au XVème siècle, une communauté ou « confrérie », sous l'autorité des consules de la nacion de Espana appelés aussi : consules de la costa de Espana y de Vizcaya. Cette confrérie forma bientôt deux Universités (Universidades), en procès jusqu'en 1465. Les marchands de Biscaye à Bruges, munis d'une charte de privilège, le 1er septembre 1493, édifièrent, aussitôt dans cette ville la Casa de Vizcaya ou Prœtorium Cantabricum, ce qui permit. aux Bilbains d'avoir la prééminence commerciale.

Cette Contratacion de Bruges, qui rappelle par bien des points celle de Nantes, profita certainement à ce dernier port. Tandis que Bilbao trouvait dans la Fosse une étape pour le commerce du Nord : Bruges, la Hanse et même l'Angleterre, Nantes, grâce à ce mécanisme, voyait ses relations commerciales singulièrement facilitées avec les pays précités, par l'intermédiaire des Espagnols de sa propre Contractation souvent apparentés à ceux de Bilbao, Bruges, etc..., ou en relations d'affaires avec les mêmes personnages [Note : On pourrait en donner de nombreux exemples, en confrontant les noms de négociants bilbains trafiquant avec Bruges ou y demeurant et les noms de ceux qui commerçaient avec Nantes ou y étaient établis]. Et ce qui le prouve bien, c'est qu'au XVIème siècle, sur deux flottes formées à Bilbao, l'une préparée en mai pour les Flandres se rendait à Bruges, après s'être arrêtée aux « estaples » de Nantes et de La Rochelle (Voir infra, p. 86). Mais le commerce de Bruges, d'une façon générale, ne devait pas tarder à diminuer au profit d'Anvers. C'est ce qui se produisit à la fin du XVIème siècle [Note : Cf. sur ce point, J.-A. GORIS, Etude sur les colonies marchandes méridionales (Portugais, Espagnols, Italiens) à Anvers de 1488 à 1567, 1928].

En outre, Bruges constituait un lieu de transit pour les ports de la Hanse et de l'Allemagne : Lubeck, Hambourg, Brême qui bénéficiaient d'accords spéciaux. Ces accords étaient : un traité de paix du 6 août 1443, une convention passée notamment en 1502 entre les Consules de Castilla y de Vizcaya à Bruges et les Osterlins et marchands allemands. Mais le commerce avec la Hanse déclina à la fin du XVIème siècle, malgré le traité signé en sa faveur par Philippe II, en 1551.

Quant à l'Angleterre, son trafic avec Bilbao remontait à la charte du 17 février 1294, aux conventions de 1345 pour les marchandises espagnoles venant de Bruges et de 1375, à des rapports unissant la société de navires bayonnais aux ports d'Hastings, Romney, Hythe, Douvre, Sandwich, à des trêves de 1351 à 1370 entre la côte Cantabrique et l'Angleterre, à la licence d'Edouard III, de 1474, etc... Ces relations commerciales grandirent au XVIème siècle, grâce aux propriétaires anglais des marchandises expédiées de Bilbao et à la pêche. Ce fut le cas principalement du trafic de Bristol et de Londres, qui servaient aux échanges réciproques de produits.

Si nous sommes mal renseignés sur l'origine des rapports commerciaux de Bilbao avec Dunkerque et surtout Rouen, La Rochelle, au contraire, on connaît assez bien l'origine des échanges bibaino-bayonnais. Ayant entrepris d'abord le commerce aux dépens des Castillans, Bayonne, possession anglaise au XIVème siècle, se tourna vers les Osterlins et les Flamands, puis, commença avec Bilbao aux XIVème et XVème siècles. Toutefois, au bout de deux siècles d'affaires, au milieu du XVIIIème siècle, la pêche à la baleine et à la morue devait susciter des difficultés entre le pays de Labourd (Saint-Jean-de-Luz, Ciboure) et Bilbao. Cependant, dès la première moitié du XVIIIème siècles, Nantes s'était livré à un commerce actif avec Bayonne, qui alors servit souvent d'intermédiaire entre le centre maritime de la Bretagne et la capitale économique de la Biscaye [Note : Sur le commerce entre Nantes et Bayonne dans la première moitié du XVIIIème siècle, consulter Henri SÉE, Le commerce des toiles du Bas-Maine dans la première moitié du XVIIIème siècle (Mémoires et documents J. Hayem, 10ème série, 1926 et Bull. de la Commission historique et archéologique de la Mayenne, 1926, n°s 149-152, pp. 106-107, et surtout, pp. 120-129)].

D'autre part, Bilbao entretenait de solides relations au Portugal, ce qui n'était pas sans avantage, croyons-nous, pour Nantes également en rapport avec ce pays.

Tout en jouant un rôle de premier ordre dans le trafic de Bilbao, la Contractation de Nantes fut donc uniquement le plus beau fleuron de la couronne de Bilbao, centre d'impulsion économique si considérable « qu'un vieil auteur comparait les bâtiments mouillés dans le Nervion à une cité mouvante » [Note : MOUSSET, op. cit., p. 6. Le Nervion, rappelons-le, est la rivière (ria) de Bilbao].

PAUL JEULIN.

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