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LES TRAVAUX DU PALAIS DE LA CHAMBRE DES COMPTES A NANTES

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Le choix de l'emplacement qu'occupe actuellement l'hôtel de la Préfecture est dû à de Vigny. Dans le plan qu'il dressa en 1755, « la Chambre des Comptes à reconstruire » est située le long du « quay neuf », aujourd'hui quai Ceineray.

Quand il fut question de commencer les travaux, il y eut à ce sujet quelques hésitations. Les sondages préliminaires accusaient, d'un côté, le roc presque à fleur de terre, de l'autre, un sol sans consistance, dans lequel il faudrait jeter des fondations de plus de quarante pieds de profondeur [Note : Un registre de ce temps, donné aux Archives du Chapitre, par M. de l'Epertière, parle « de la difficulté que l'on a eu pour épuiser les eaux des fondations qui sont à 48 pieds 9 pouces de profondeur, à compter du sol du vestibule, où enfin on a trouvé le roc pendant que dans la partie de l'Est, il est à 3 pieds »].

En présence de ces difficultés, on chercha si le voisinage ne présenterait pas des conditions de reconstruction moins coûteuse et plus solide ; et on songea un instant à établir le nouveau palais sur le terrain des Cordeliers. C'eût été détruire toute l'harmonie du quartier qui se réformait alors ; on eut la bonne pensée de ne pas s'arrêter à ce dessein et de revenir au premier projet.

Il fut donc décidé que le nouveau palais de la Chambre des Comptes serait acculé au fond du jardin de l'ancien palais, jusque sur le quai de l'Erdre, appelé alors quai Le Bret, et dont, dans cette circonstance, on modifia l'alignement. L'ancien palais qui était sur le devant de la cour, à la place marquée en 1898 par la grille de la Préfecture, devait tomber pour faire une place devant le nouveau.

Palais de la Chambre des Comptes de Nantes

Nous avons raconté par ailleurs toutes les démarches qui précédèrent le commencement des travaux. Le premier Président de la Chambre, M. de Becdelièvre, les résume avec une grande netteté dans la lettre suivante qui nous replacera rapidement sous les yeux l'ensemble de ces faits déjà connus.

A Nantes, le 12 novembre 1761. M. de la Tullaye vous a instruit, Monsieur, pendant mon absence, du travail que le sieur Ceineray a fait cet été et précédemment au sujet des plan et devis estimatifs du bâtiment de la Chambre des Comptes. Vous lui avés répondu de façon à nous confirmer dans l'opinion où nous étions que vous estiés très disposé à accelerer cette affaire, dont la terminaison est très importante, non seulement pour nous qui sommes très mal logés aux Cordeliers, mais pour le public dont nous avons dans notre depost les titres de famille et de terre. Ceineray a envoyé à M. le duc d'Aiguillon son ouvrage dès qu'il a été fini, et M. le Duc en passant hier, a raisonné avec moi sur les mesures qu'il y avoit à prendre pour mettre enfin la main à l'oeuvre. Il approuve fort les plan et devis estimatifs ; il m'a dit qu'il les avoit examinés, et qu'il les avoit fait examiner par les ingénieurs qui étoient avec lui au Port-Louis. Comme vous pourriés, Monsieur, avoir perdu de vue cette affaire qui même, je crois, avoit toujours été traitée directement par M. l'Intendant, je vous rappellerai en deux mots ce qui s'est passé à cet égard. La caducité dangereuse où étoit notre bâtiment nous ayant déterminé à en faire faire un procès-verbal par Ceineray et Bontou, auquel nous engageasmes M. Lefèvre, ingénieur de Roy, d'assister, nous l'envoyasmes à M. le Contrôleur général, c'était alors M. de Silhouette. Il l'envoya à M. Le Bret qui en fit faire un autre par le S. Villeminot. Les deux procès verbaux s'accordèrent parfaitement et conclurent l'un et l'autre à la nécessité absolue qu'il y avoit de reconstruire ce nouveau bâtiment. En conséquence, Ceineray eut ordre de faire un plan. M. Bertin, devenu contrôleur général, m'écrivit que le Roy consentoit à contribuer pour moitié aux frays de cette reconstruction, parce que les Etats fourniroient l'autre moitié, et qu'ainsy j'eusse à les engager à donner le plus qu'il seroit possible. Les Etats accordèrent 40.000 francs. J'en donnay sur le champ avis à M. le contrôleur général, M. de Courteille, qui écrivit à M. Le Bret, le 4 février dernier, et lui envoya un arrêt du Conseil du 26 décembre 1760, par lequel Sa Majesté accorde 20.000 fr. par an sur les bois de Bretagne. Comme aujourd'hui, Monsieur, vous partagés avec M. le duc d'Aiguillon les fonctions de M. l'Intendant absent, il me chargea hier de vous écrire aujourd'hui, pour vous prier de lui envoyer à Paris par le premier ordinaire et cette lettre et l'arrêt du Conseil et, en un mot, toutes les instructions que vous pourrés, afin qu'il puisse, pendant son séjour là haut, mettre cette affaire en train de finir. Je vous auray, Monsieur, bien de l'obligation de ce que vous voudrés bien faire pour une compagnie qui vous regarde toujours comme un de ses membres. M. le duc d'Aiguillon est bien changé : il avoit eu la fièvre samedi dernier, et depuis ce temps il a toujours des douleurs par tout le corps. Malgré cela il faut courir ; quel métier ! Je suis avec le plus sincère attachement, Monsieur. Votre humble et très obéissant serviteur, BECDELIÈVRE (Archives départementales, C. 490).

L'intérêt que M. de Becdelièvre témoignait à cette entreprise était tout naturel de la part du premier Président de la Chambre. La Chambre devait lui en exprimer sa reconnaissance, en associant la marquise de Becdelièvre au duc d'Aiguillon, dans une cérémonie toujours solennelle pour l'histoire d'une construction.

Les travaux, approuvés en 1762, commencèrent en 1763. Les fondations en furent jetées le 19 juillet de cette année. Les pluies continuelles vinrent augmenter les difficultés que l'architecte rencontrait dans la nature du terrain. Mais, par son habileté, il se tira heureusement des difficultés prévues et imprévues, et, le 6 septembre, le duc d'Aiguillon et la marquise de Becdelièvre, première présidente, purent poser la première pierre du nouveau bâtiment.

Pour perpétuer le souvenir d'un tel événement, on grava sur une plaque de cuivre incrustée dans cette première pierre l'inscription suivante :

REGNANTE LUDOVICO XV,
OPTIMO PRINCIPE,
LUD.-JOAN.-MAR. BORB. DUCE PENTHEVERIO
PROVINCIAM FELICITER GUBERNANTE,
ILL. AC FOT. DOM. EMM.-ARM. DUPLESSIS-RICHELIEU
DUX AIGUILLONIUS
PAR. FRANC. REG. ORD. EQ. TORQ. NOB. GEN.
MIL. LEGAT. GEN. ALSATIÆ PRÆSES,
REG. ARMORICÆ PRÆFECTUS, COMITAT. NANNET. PRÆTOR
PROVINCIÆ DEFENSOR FUSIS AD S. CATUODUM ANGLIS,
ARTIUM TUTOR ET CULTOR, NANNET. ALTER CONDITOR,
IN COMMUNI TEMPORUM DIFFICULTATE, REGE ET ARM. COMITIIS
OPES LARGIENTIBUS, etc.
ÆDIFICATÆ SUPREMÆ. HUJUS RATIONUM REGIARUM CURLÆ
PRIMUM HUNC-CE LAPIDEM POSUIT,
ANNO DOMINI M. DCC. LXIII, DIE SEPTEMBRIS VI.
PROTO-PRÆSIDE, D. D. HILARIONE-FRANCISCO MARCHIONE
DE BECDELIÈVRE
DECANIS. D. D. JACOBO LEONARD DE LA RABELAIS ET
CAROLO JOSEPHO JULIANO PROUST ;
MAGISTRIS COMPUTORUM D. D. JAC.-FRANC. ,DE LA GOURTIÈRE
PET.-JOAN. LE GRAND DE BEAUMONT
JOAN-BAPT.-LUD. CHOTARD DE LA LOUAIRIE
ET LUD. LE BONNETIER ;
SUMMO PROCURATORE REGIO D. HENRICO-ANNA-SALOMONE
DE LA TULLAIE
NOBILIBUS OPERIS MODERATORIBUS.
DUCE ET AUCTORE J.-B. CEINERAY, ARCHIT.

[Note : Nous empruntons le texte de cette inscription à Greslan. Il est plus complet que celui qu'en a donné Ogée].

On nous permettra de donner le sens de cette inscription pour ceux qui ne connaissent pas le latin.

« Sous le règne de Louis XV, excellent prince ; Louis-Jean-Marie de Bourbon, duc de Penthièvre, gouvernant heureusement cette province ; Illustre et puissant seigneur Emmanuel Armand Duplessis-Richelieu, duc d'Aiguillon, pair de France, chevalier de l'ordre du Roi, noble génois, lieutenant-général des armées, gouverneur de l'Alsace, commandant en Bretagne, lieutenant-général du comté nantais, défenseur de la Province, lors de la défaite des Anglais à Saint-Cast, protecteur et ami des arts, second fondateur de Nantes, a posé la première pierre de ce palais de la Chambre des Comptes, élevé grâce aux ressources fournies, au milieu de la difficulté générale des temps, par le Roi et les Etats de Bretagne, le sixième jour de septembre de l'an du Seigneur MDCCLXIII. Furent chargés de la conduite des travaux : le premier président, M. H. Franç. marquis de Beedelièvre ; les doyens MM. Jacq, Léonard de la Rablais, et Charl.-Jos.-Jul. Proust ; les maîtres des Comptes : MM. Jacq.-Franç. de la Gourtière, Pierre-Jean Le Grand de Beaumont, Jean-Bap.-Louis Chotard de la Louairie, et Louis Le Bonnetier, le procureur général du Roi, M. Henri-Anne-Salomon de la Tullaie ; sur les plans et sous la direction de J.-B. Ceineray, architecte ».

L'entreprise alla lentement, par suite des difficultés d'argent dont nous avons donné une idée par ailleurs. L'ensemble du bâtiment était cependant terminé en 1772. On en était alors à la toiture, comme nous le prouve ce récit d'un vol qui y fut fait :

« Le 12 novembre 1772, le sr. Jean-Baptiste Ceineray, architecte du palais de la Chambre aiant demandé à entrer au bureau, lui venu, a dit que visitant hier avec des ouvriers les réparations à faire sur le toit et comble du dudit palais neuf, ils auroient remarqué ensemble qu'il avoit été volé une plaque de plomb d'environ 8 pieds de long servant à couvrir une partie du faîtage d'icelui palais, et à demandé les ordres de la Chambre au sujet. Lui retiré et la Chambre y délibérant, mandé et venu au bureau les gens du Roy, la Chambre a ordonné et ordonne que par devant M. Jean-Baptiste-Louis Chotard et en présence de M. l'avocat général du Roy, il sera descendu demain, 8 h. du matin sur les lieux, pour faire état et procès verbal de l'état des choses ; accompagné dudit sr. Ceineray, pour le tout rapporté à la Chambre, être ordonné ce qu'il sera vu apartenir » (Archives départementales, B. 672, f° 121).

Dans la suite, les travaux traînèrent davantage encore. La lettre qui nous donne quelques détails sur l'incendie des archives en 1774, dit que « le nouveau palais de la Chambre dépérit tous les jours faute d'être fini ». En 1775, le conflit entre la commission intermédiaire des Etats et la commission de la Chambre, retarda encore les travaux. En 1776, le 23 octobre, on envoie des billets d'invitation pour la construction du grand escalier, à Laillaud, Peccot, Béranger, Berry, Biret le jeune, Suet et Perraudeau ; et pendant les années de 1777 et de 1778, on s'occupe de ce travail. Mais les tracasseries d'Hénon et la guerre avec les Anglais viennent en entraver la marche. Ceineray joue vraiment de malheur. Son fournisseur de pierres « M. Germain négotiant à Crazanne, à Saint-Savinien-du-Port », lui fait par mer une expédition de blocs de crazanne. Surviennent les Anglais qui coulent le vaisseau, et la pierre blanche va paver le fond de la mer (Archives départementales, C. 494).

Enfin les années 1780 et 178i voient la fin des travaux des différents chantiers. Le 10 février 1780, Antoine Peccot demande qu'on reçoive son ouvrage de maçonnerie. Les autres corps d'état l'imitent successivement. C'est le maître serrurier Julien Cosnier qui rend bientôt son renable ; puis le marbrier Sébastien Leysner, d'Angers, le sculpteur des anges de l'ancien autel de la cathédrale, adjudicataire de 8 cheminées de marbre au palais de la Chambre ; puis Charles Robinot qui demande qu'on reçoive ses sculptures, puis les menuisiers, les peintres et tous ceux qui ont pris part à la construction.

Le Palais n'était pas encore complètement terminé ; cependant il paraissait en état de servir : aussi le 5 octobre 1781, le Roi donna-t-il les lettres patentes pour le retour de la Chambre et des archives dans le local qui leur était destiné.

Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre, à nos amés et féaux conseillers les gens tenans notre Chambre des Comptes à Nantes, salut.

Tous les ouvrages qui restaient à faire au nouveau bâtiment qui a été construit dans notre ville de Nantes, pour y tenir vos séances, et pour le dépôt de vos archives, étant actuellement achevés, ou devant l'être incessament, nous n'avons pas jugé devoir différer de vous mettre en état de l'occuper conformément à sa destination, et nous avons ce jourd'hui rendu à cet effet, en notre Conseil, un arrêt, pour l'exécution duquel nous avons ordonné que toutes lettres seraient expédiées.

A ces causes, de l'avis de notre Conseil, et vu ledit arrêt cy attaché, sous le contrescel de notre chancellerie et conformément à iceluy, nous vous avons ordonné, et par ces présentes, signées de notre main, vous ordonnons que vous ayez à vous transporter incessamment dans ledit bâtiment, et à y continuer à tenir vos séances, en la manière accoutumée ; comme aussi que vous ayez à y faire transporter les titres et papiers contenue dans vos archives, à l'effet d'y être déposés dans les endroits à ce destinés ... (Archives départementales, Livre des Mandements, LVII).

La Chambre trouva que ce retour était un peu précipité. Le grand escalier n'était pas encore fini ; il y en avait bien un petit, capable de rendre les mêmes services : mais le grand convenait mieux à la solennité de ses séances : d'ailleurs les officiers de la Chambre se disaient entre eux, et l'expérience leur eût sans doute donné raison, que, s'ils prenaient possession de leur palais avant la fin de tous les travaux, le grand escalier resterait pendant longtemps inachevée (Archives départementales, C. 494).

Cependant, comme les lettres patentes du 5 octobre étaient formelles, la Chambre jugea à propos de faire ses observations, pour excuser le délai qu'elle mettait à se conformer à la volonté du Roi (Archives départementales, B. 673).

Ce 20 novembre 1781, vu par la Chambre l'arrêt du conseil du 5 octobre dernier, les lettres patentes sur icelui du même jour portant l'ordre de transférer le siège des séances de la Chambre des Comptes du couvent des Cordeliers au palais qui lui est destiné, l'arrêt d'avant faire droit rendu sur les dits arrêt du Conseil et lettres patentes en datte du 3 de ce mois, qui commet des commissaires pour rapporter procès-verbal de l'état, circonstances et dépendances dudit Palais tant à l'intérieur qu'à l'extérieur ; vû ensemble ledit procès-verbal en datte du 8 suivant, oui le rapport desdits commissaires et tout considéré : La Chambre, semestres assemblés, attendu qu'il est constaté par le procès-verbal susdaté que le palais qui lui est destiné n'est pas encore en état d'être occupé, a ordonné et ordonne qu'il sera envoyé une expédition dudit procès-verbal à M. Ancelot, secrétaire d'Etat ayant le département de la Province de Bretagne, une autre à M. Joly de Fleury, ministre ayant le département des finances, et qu'il y sera joint un Mémoire pour les prier d'assurer Sa Majesté du désir qu'à la Chambre d'obéir à ses ordres, dont l'exécution n'a été retardée que par l'impossibilité absolue où la Chambre s'est trouvée, lui demander ses bons offices auprès du Roy pour en obtenir les objets de dépenses nécessaires pour sa translation et, en tant que besoin, la réintégration dans les terrains de l'ancien Palais. Fait en la Chambre des Comptes de Bretagne, à Nantes lesdits jour et an. Signé BECDELIEVRE.

En attendant, elle pressait les travaux plus activement encore ; et le 29 novembre 1782, Ceineray rendait son renable définitif à MM. l'abbé de Hercé, Jaquelot et Gellée de Prémion, membres de la commission des Etats (Archives départementales, C. 494).

Le palais de la Chambre reconstruit, on s'occupa de son ameublement. Le Roi et des Etats y concoururent comme ils avaient déjà concouru à sa reconstruction. Une lettre de M. Joli de Fleury, datée du 10 avril 1782, annonça au premier Président de la Chambre que le Roi lui accordait 10.000 livres à cet effet (Archives départementales, B. 673. Séance du 11 mai).

Cette allocation, doublée de celle de 10.000 livres que les Etats devaient accorder dans le même but, parut insuffisante à la Chambre. Elle pria Sa Majesté de suppléer à cette insuffisance « soit par d'autres sommes plus propres à remplir l'objet de leur destination, soit par un prest des tapisseries et autres meubles pris au garde-meuble de la Couronne ».

Sans nous occuper plus longuement de cette question d'ameublement, disons que l'adjudication des fauteuils et tapisseries de la Chambre fut faite en faveur de Thomas Courtois, demeurant île Feydeau, et que Langlas fils et Lemasle avaient soumissionné comme lui.

Enfin, le jour approchait où la Chambre devait prendre possession de son nouveau palais.

Le samedi 1er juin 1782, « délibérant sur son entrée prochaine dans le nouveau palais qui lui est destiné », elle nomma « commissaires MM. le premier Président Mauvillain et Thiercelin, conseillers maîtres du présent semestre, et MM. de la Vau et Baudry de la Bretinnière, conseillers maîtres du semestre de septembre, pour travailler à tous les détails qui concernent son ameublement et lever généralement toutes les difficultés qui pourraient retarder son entrée dans ce nouveau palais, et les a autorisés de plus à signer tous les marchés qui seront à faire, et à donner en conséquence toutes les ordonnances nécessaires. La Chambre engage aussi M. le premier Président à se charger d'écrire à MM. de la commission de Nantes, qu'elle lui donne pouvoir de recevoir les clefs du bâtiment et d'en donner un récépissé » (Archives départementales, B. 673, f° 186).

Puis, lecture faite au Bureau de l'arrêt du Conseil d'Etat du 5 octobre 1782, revêtu des lettres patentes de Sa Majesté, elle ordonna d'enregistrer au greffe lesdits arrêts et lettres patentes, « pour avoir effet bien et deuement, suivant la volonté du Roy ».

En vertu de l'autorisation de la Chambre, le premier Président reçut le lendemain du secrétaire de la Commission « les clefs du bâtiment et lui en donna un recepissé » ainsi conçu : « J'ai reçu du s. Vaudet les clefs du nouveau palais destiné à la Chambre des Comptes. A Nantes, le 2 juin 1782. BECDELIEVRE » (Archives départementales, C. 494).

Toutes les formalités étant enfin remplies, la Chambre qui, dans sa séance du 1er juin, avait décidé qu'elle se transporterait à son palais « incessament », fixa, dans ses séances du 5 et du 6, sa translation au 7 juin. Ce fut ce jour qu'elle prit possession da palais dont la construction avait coûté un demi-million, duré près de vingt ans et que la Révolution devait bientôt destiner à un autre usage.

Il ne restait plus à la Chambre qu'à prendre possession de sa chapelle. L'ancien palais n'en avait pas, et les officiers de la Chambre étaient obligés d'aller aux Cordeliers pour leur messe d'entrée, à l'ouverture des séances de chaque semestre. Dans le nouveau palais on n'oublia pas d'en mettre une, dont le service fut confié aux Cordeliers qui restèrent ainsi les aumôniers de la Cour des Comptes.

Comme la Chambre était de la paroisse de Saint-Léonard, ce fut sur les registres de cette paroisse que fut inscrit l'acte suivant :

« Le 5 mai 1783, a été fait la bénédiction solennelle de la chapelle et autel du palais de la Chambre des Comptes de Bretagne située en cette paroisse, par Mgr. l'Illustrissime et Révérendissime Jean-Auguste de Fretat de Sarra, évêque de Nantes ; après laquelle cérémonie, il a été célébré la Sainte Messe à basse voix, chanté le Te deum, accompagné de nous recteur, revêtu de notre surplis et en étoile, et de plusieurs autres ecclésiastiques du clergé de notre paroisse, en présence de nos seigneurs de la Chambre des Comptes ».

Cette bénédiction permit à la Chambre de jouir de sa chapelle. Elle avait entendu aux Cordeliers la messe du Saint-Esprit, à l'ouverture de son semestre de mars : elle l'entendit dans son palais, à l'ouverture de son second semestre, le lundi 1er septembre 1783 (Archives départementales, B. 673, f° 196).

Nous avons suivi jusqu'ici la conduite des travaux : avant de quitter notre monument, arrêtons-nous un instant à le considérer. En voici d'abord l'extérieur. La description que nous en donnons a été faite par Greslan, en 1766, au moment où le palais était en pleine construction. Pour la faire, l'auteur semble s'être inspiré du plan en même temps que des travaux déjà réalisés. Il n'est pas impossible que les notes lui en aient été fournies par Ceineray.

« Cet édifice a 192 pieds de longueur sur 70 de largeur. Le milieu de la façade, du côté de la place projetée, consiste en un avant-corps, composé de quatre grandes colonnes isolées et d'ordre ionique, de 3 pieds 6 pouces de diamètre, posées sur un socle continu. Cet avant-corps sera terminé par un grand fronton, dans lequel seront les armes du roi. Au milieu sera la porte d'entrée, accompagnée de deux grandes fenêtres, qui éclaireront un beau vestibule. Les deux arrière-corps sont percés chacun de 6 fenêtres, entre lesquelles est un pilastre de même ordre et diamètre que les colonnes. Le tout sera couronné d'un entablement, orné de dentiers et surmonté d'une balustrade qui régnera au pourtour de l'édifice.

Le milieu de l'autre façade du côté de la rivière d'Erdre, est semblable à la précédente, excepté qu'il n'y a point de pilastres entre les fenêtres. Les deux bouts sont seulement ornés de deux grands pilastres avec refend. Dans le fronton de l'avant-corps sont les armes de la province de Bretagne.

Au fond du vestibule, dont il a été parlé, se voit un très grand et bel escalier, à deux rampes, qui conduit au premier étage, où seront tous les bureaux, tous très grands et bien décorés. La partie à droite du rez-de-chaussée est composée de plusieurs grandes salles, voûtées dessus et dessous, destinées au dépôt des archives. La partie à gauche contient plusieurs pièces pour des logements » (Description de la Ville de Nantes par Greslan, Hubelot et D. D....).

Pénétrons maintenant à l'intérieur de l'édifice : nous aurons pour nous conduire le procès-verbal qu'en ont dressé, le 8 novembre 1785, Alex.-Jul.-Armand Belavau et Jacques-François Mauvillain, sieur de Beausoleil, accompagnés de l'expert Perraudeau. Cet acte étant trop long, nous n'en donnerons qu'une partie.

« 1° Entrez dans le vestibule et l'ayant fait mesurer, le sieur Perraudeau nous a fait voir... qu'il a 35 pieds 7 pouces de longueur, et que le plafond est en plâtre, à cadre et compartiments, orné de fleurs de lys et d'hermines, qu'il y a trois portes feintes en boizure, chacune à deux ventaux, et une quatrième de même structure à droite en entrant, qui communique à la chambre destinée pour le suisse du palais ; qu'il y a deux colonnes cannelées qui prennent leur naissance dans les marches qui montent au premier pallier du grand escallier cy après ; qu'à vis ces deux colonnes sont deux pilastres tracés pour être cannelés ; qu'il y a deux niches qui nous ont paru destinées à placer des statues ; qu'au surplus, il y a deux croisées vitrées et grillées de barreaux de fer, donnantes sur la cour dudit palais.

Dans la chambre du suisse il y a une croisée vitrée et grillée comme dans les précédentes, donnant sur la cour, une petite cheminée de tuffau, un escalier de bois pour monter à l'entresol ; elle donne sur une des chambres des archives. Arrivez sur le premier pallier du grand escalier faisant face à la principale porte d'entrée, entre les deux colonnes cy devant, l'expert nous a fait remarquer qu'au dessus dudit pallier et sur partie des marches qui montent au second pallier du même escalier, règne une platte bande voutée en tuffeaux ; que de chaque côté du premier pallier, il y a une porte à deux ventaux dont celle à droit en montant conduit sous la voute dudit escalier, ainsi que la porte à gauche qui y conduit également, de même que pour parvenir dans une grande salle au retz-de-chaussée, et dans celles destinées pour établir le greffe. — La voute est éclairée par deux croisées vitrées et grillées de barres de fer, donnantes sur la rivière d'Erdre.

L'escalier... monte en deux rampes à balustres, l'une à droit et l'autre à gauche sur un grand pallier, ou repos, au niveau du premier étage, où est une grande porte à deux ventaux, pour entrer dans les appartements cy après ; lesd. rampes et balustres sont, ainsi que les marches de l'escalier, en pierre de crassanne, le pourtour de la cage est en tuffeaux, avec tablettes saillantes et rentrantes, plainte et corniche ; l'escalier est plafonné en platre avec cadres garnis de ., moulures d'architecture, et une corniche dans leur pourtour... il est éclairé par trois croisées vitrées qui donnent sur la rivière d'Erdre... A l'entrée dudit escalier, sont deux pieds d'estaux avec des moulures, pour soutenir la buttée des rampes, et disposés pour recevoir des groupes.

Entrez dans la grande salle ditte des Procureurs, par la porte ouvrante sur le grand escalier cy dessus, l'expert nous a fait remarquer qu'elle a 58 pieds 9 pouces de longueur, sur 30 pieds 3 pouces de largeur ; que le plafond est en plâtre avec corniches dans son pourtour... qu'il y a cinq croisées vitrées donnantes sur la façade de la cour, que les murs de la dite salle sont ornés de pilastres et tablettes saillantes, décorés de fleurs de lys, d'hermines et de trophées en sculpture relevée en bosse sur lesd. tablettes et pilastres, à l'exception seulement de deux panaux à vis les croisées, qui sont unis, sans aucun ornement ; qu'il y a 8 grandes portes, chacune à deux vantaux, avec médaillons et drapperies au-dessus, compris celle qui ouvre sur le grand escalier, pour entrer dans les chambres cy après, à l'exception de deux qui sont peintes, joignant les deux angles du mur qui sépare ladite salle d'avec celle du grand bureau, du côté d'occident.

Ayant fait ouvrir les deux vantaux de la porte qui renferme la chapelle, pratiquée dans le mur de la salle du côté vers orient, avons vu qu'il y a un autel en tombeau, uni, qu'à la table il n'y a point de pierre sacrée, que dans la façade de l'autel, il y a un cadre pour recevoir un tableau.

Passez dans la salle destinée pour le grand bureau et dite grande salle d'audience, vers occident.... avons vu qu'elle a 48 pieds 6 pouces de longueur, sur 29 pieds 6 pouces de largeur... ; qu'il y a 4 portes à deux vantaux avec attiques au-dessus la menuiserie, qui communiquent aux cabinets et chambres cy après, non compris celle d'entrée, que lad. salle d'audience est lambrissée sur trois façades, d'un lambris de 4 pieds 1/2 de hauteur ; qu'elle est éclairée par 4 croisées vitrées du côté de la cour ».

Suivent les procès-verbaux de deux cabinets au fond de cette salle ; de la salle destinée pour la chambre du Conseil, avec sa cheminée en marbre et ses deux croisées donnant sur l'Erdre ; de la salle destinée pour MM. les auditeurs, avec sa cheminée de marbre, ses trois croisées vitrées donnant sur l'Erdre ; de la chambre destinée pour le parquet de MM. les gens du Roy au derrière de la chapelle, avec sa cheminée de marbre surmontée d'une attique en menuiserie, et ses deux croisées sur la cour ; de la chambre destinée pour servir de bureau à MM. les correcteurs, ayant trois croisées l'une vers orient, et les deux autres vers midy ; de la chambre destinée pour MM. les députez des Etats, ayant trois croisées, l'une vers orient, et les deux autres vers le nord ; des chambres du rez-de-chaussée destinées à déposer les archives. La première, au bas de l'escalier est voûtée : il y a deux piliers qui soutiennent les naissances des voûtes ; trois croisées vitrées et grillées donnant sur la cour ; la seconde, à gauche en entrant dans celle cy-dessus, voûtée comme la précédente avec piliers, est éclairée par deux croisées vitrées et grillées donnant sur l'Erdre ; la troisième, à droite en entrant dans la première, voûtée avec seulement un pilier qui reçoit la naissance de la voûte, a deux croisées sur la cour ; la quatrième a sa porte de communication avec la précédente, est voûtée, a quatre piliers qui soutiennent les naissances des voûtes et trois croisées vitrées et grillées sur l'Erdre.

Puis viennent le cabinet destiné au garde des archives, avec une fenêtre donnant sur l'Erdre ; la chambre destinée aux huissiers, donnant dans la grande salle des procureurs, ayant deux croisées vitrées sur l'Erdre ; la chambre du rez-de-chaussée, destinée à servir de greffe et une grande salle au rez-de-chaussée, à droite en descendant le petit escalier, ayant trois croisées sur l'Erdre.

Enfin, au-devant de l'entrée du palais, règne un perron composé de quatre marches en hauteur, lequel a 51 pieds de longueur sur 9 pieds de saillie au-delà de la façade. Pour entrer au palais, est une grande porte à deux ventaux de 8 pieds de largeur, qui communique au vestibule, et deux colonnes en dehors de chaque côté de l'entrée (Archives départementales, B. 526) (G. Durville).

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