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L'ANCIEN PALAIS DE LA CHAMBRE DES COMPTES A NANTES

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Itinérante à ses débuts, la Chambre des Comptes de Bretagne s'établit en 1369 à Vannes puis à Nantes, à partir de 1493. François Ier fait construire la première Chambre des Comptes, à proximité du couvent des Cordeliers. Deux siècles plus tard, l'ensemble est dans un état d'une grande vétusté. La Chambre des Comptes est alors installée au couvent des Cordeliers d'abord puis à la " maison de Montfort ". En 1750, le premier président de la Chambre, H.F. de Becdelièvre, opte pour la construction d’un nouvel édifice plutôt que des réparations.

« De quelque superbe distinction que se flattent les hommes, dit Bossuet dans sa magnifique oraison funèbre d'Henriette d'Angleterre, ils ont tous une même origine, et cette origine est petite ».

Ce que Bossuet disait des hommes peut aussi s'appliquer à leurs monuments. Du palais le plus orgueilleux à la plus pauvre chaumière, ils sortent tous de terre ; et le sol sur lequel s'épanouissent nos édifices les plus superbes a parfois servi à des usages si humbles que, par respect pour la gloire de ces édifices, on serait tenté de ne pas rechercher l'histoire de ce sol avant eux. Le plus beau jardin d'Athènes, le Céramique, un des plus beaux palais de Paris, les Tuileries, durent leur nom à de modestes fabriques de tuiles. Le sol d'où s'élève aujourd'hui majestueusement le palais de la Préfecture a eu une destination de beaucoup plus humiliante.

« Je meurs pour ne pas dire un terrible secret », s'écrie la Phèdre de Racine. Si terrible que soit pour la gloire de la Préfecture le secret que nous avons à dire, nous aimons mieux encore le révéler que de mourir ; et, après avoir pris les précautions oratoires précédentes, pour préparer les Nantais à ce que notre révélation peut avoir de pénible pour leur amour-propre, nous leur déclarerons, enfin, que leur ville, au XVème siècle, avait fait, de l'emplacement de la Préfecture, son lieu de répurgation.

Comme cet emplacement relevait du fief de la prieure de Saint-Cyr et Sainte-Julitte, la ville lui payait chaque année, de ce chef, une rente de 12 sols, 6 deniers.

Voici, en effet, ce que nous extrayons à la date de 1458 des comptes rendus à la prieure par son receveur ou son fermier.

«  Le miseur de la ville de Nantes, sur un jardrin où autrefois estoit une maison que tenoist mestre Guillaume Brient, lequel en a fait transport es bourgeoys de la dite ville pour mettre les bourriers que on tire de ladite ville, et ont promis fere l'acquit envers madite dame . . . . XII s VI ».

Vers la fin de ce XVème siècle, nous trouvons soit ce terrain, soit celui qui l'entoure, sortant peu à peu de son abjection et s'acheminant lentement vers sa gloire future.

Parcourons les « lettres et contrats d'aquêts de la maison où tient la Chambre des Comptes en la rue des Caves, près la grosse Tour de Nantes » (Archives départementales, II, 369). La transaction porte sur la maison possédée en 1482 par « Guillaume Dionis premier varlet de chambre du duc, entre meson qui fut à dom Jehan Durand que tient à présent Julien Talhoet, jardin autrefois à Pierre Davaugon, à présent à Dom Pierre Thohellet, la rue et pavé qui conduit du carfourt du Port-Communau à la grosse Tour, et les jardrins des Cordeliers ». Guillaume Dionis la cède à Guyon des Moulins pour 35 sous de rente, à savoir 30 pour le vendeur, et 5 pour la fabrique de Saint-Léonard.

Cette première vente semble n'avoir pas tenu : en 1493, les héritiers de Guillaume Dionis cèdent à Pierre Riou à Jeamyne Pitault sa femme leurs « jardrin et pièces de terre sis en cette ville de Nantes près la grosse Tour entre terre et jardrin es religieux de saint François, terre et jardrin qui fut à messire Jehan Lemée presbtre, diacre de N.-D. terre et jardrin qui fut à Julien Talhouet, ferant par le davant à la rue et pavé qui conduit de la grosse Tour au carrefour du Port Communau » [Archives départementales, G. 486. D'après Travers, il y eut à ce sujet de 1505 à 1509 trente-huit contrats « que l'ancien Inventaire des titres de la Chambre n° 987 réferre être dans une seule liasse ». Trav. II, 259]

Cette seconde cession se fit pour une rente annuelle de 25 sols dont 5 pour la fabrique de Saint-Léonard : les nouveaux acquéreurs s'obligeaient en outre à édifier dans les cinq ans une maison « de 40 livres monnoie ».

Les rares maisons qui avaient poussé jusqu'alors dans les jardins du quartier étaient loin d'être des palais ; elles étaient pour la plupart couvertes de « glé » ou de chaume, comme celle que « seours Roberde Reverdi et Franczoise de Seillons, religieuses de la tierce ordre de Saint-Franczois », vendirent au même endroit à Pierre Le Royer.

Dans l'acquisition qu'il faisait, en 1508, de ces pauvres chaumières, M. Pierre Le Royer, sr. de la Bauche, receveur des imposts et fouages de l'evesché de Nantes, n'agissait pas en son nom. Il était le mandataire du roi de France, Louis XII, époux d'Anne de Bretagne et, à ce dernier titre, intervenant dans les affaires du duché.

Un roi de France acheter de pareilles bicoques ! Que voulait-il en faire ? — Voici.

La duchesse Anne avait enfin transporté à Nantes la Chambre des Comptes. Par mandement du 5 février 1495 [Note : Voir D. Morice, Pr. III, 730 ; Travers, II, 236 ; Histoire de la Chambre des Comptes, par H. de Fourmont. p. 29. Verger, Arch. Cur. T. I], elle en avait fixé le siège dans sa maison de Montfort ou de la Suze, qui avait appartenu au trop fameux Gilles de Rais.

« Après avoir esté aduertis, disait dans ce mandement Charles VIII, premier époux de la duchesse, que, en nostre-dite ville de Nantes y a une belle et grande maison à nous appartenant, appellée la maison de Montfort, où souloit demeurer feue notre cousine la duchesse Catherine, qui, de present n'est aucunement occupée, ne appliquée à nostre proffist, qui seroit à ce très propre et aisée, avons advisé, deliberé et ordonné faire approprier et accommoder ladite maison, et icelle establie à doresnavant tenir nostredite Chambre, sans plus l'appliquer à aultres usaiges.

Savoir faisons que nous, les choses dessus dites considérées, mesmement qu'il est plus convenable et honorable que nostredite Chambre soit tenue en lieu et maison à nous nuement et directement appartenant que en lieu de louaige, et par emprunt ; et en sera nostredite Chambre, qui est et doit estre de grande auctorité et efficace, plus reverée et honorée...

Pour ces causes et aultres à ce nous mouvans, nous establissons ladite maison appellée la maison de Montfort, en nostredite ville de Nantes, à doresnavant servir et estre appliquée à tenir et exercer nostredite Chambre des Comptes ».

Ce mandement était resté sans exécution. La Chambre était encore à Vannes en décembre 1498. Elle n'en sortit qu'en 1501 à la suite de deux nouveaux mandements, l'un de Louis XII, du 1 janvier, l'autre de la reine Anne, du 21 février.

L'hôtel de la Suze n'ayant pas paru à la Chambre pouvoir être utilisé pour ses séances, elle les tint provisoirement aux Cordeliers.

C'était pour édifier un palais de la Chambre des Comptes que Louis XII et Anne de Bretagne faisaient acheter, en 1508, les maisons et jardins qui occupaient le terrain situé entre la rue des Caves et les murailles de la ville, à partir de la grosse Tour et le long de l'Erdre.

Louis XII mourut avant d'avoir pu exécuter son projet. Son successeur, François Ier, commença, en 1515, la construction du palais. Faute de ressources, l'ouvrage fut souvent interrompu et traîna en longueur. Le 9 novembre 1543, le roi fit encore acheter une maison aboutissant à la Chambre, pour y placer les archives. Enfin le bâtiment fut terminé sous Henri II, et une statue équestre de ce roi, placée sur la porte d'entrée de l'ancien palais, rappela, jusqu'au temps de Travers, le roi sous lequel « le bâtiment de la Chambre a eu sa perfection » (Travers, II, 256, 239).

L'ancien palais de la Chambre ne put remplir que pendant deux siècles la fin pour laquelle on l'avait construit.

On connaît la fable de l'âne que son maître charge et surcharge sans cesse d'un fardeau léger. Chacun de ces légers fardeaux accumulés sur une même échine contribue à former un poids qu'elle finit par ne plus pouvoir porter ; et La Fontaine nous montre son « pauvre baudet si chargé qu'il succombe ».

Ce fut un peu, révérence parler, l'histoire de l'ancien palais de la Chambre des Comptes. Avec les « Gens des comptes », il était aussi destiné à abriter les archives du Roi et de la Province. Accumulées pendant longtemps dans toutes les chambres du palais, ces archives commencèrent par faire fléchir les poutres de chaque chambre. Le fléchissement des poutres entraîna l'écartement des murs.

Quel fut le volume ou la liasse d'archives, quel fut le parchemin ou la feuille de papier qui produisit un effet en apparence si disproportionné à sa cause ? Il est difficile de répartir les responsabilités quand on a affaire à des masses. Toujours est-il que l'ensemble de ces parchemins et de ces papiers finit par avoir raison d'un édifice auquel chacun d'eux, pris isolément, eût paru bien léger.

Au milieu du XVIIIème siècle, des caves aux greniers, toutes les salles de la Chambre des Comptes étaient encombrées d'archives sous lesquelles les planchers ployaient. On ne voyait partout, en dedans que piliers pour soutenir les poutres, au dehors que poutres pour étayer les murs. Dans un pareil délabrement, on eût dit un vieillard passant ses dernières années sur des béquilles en attendant la chute dont on ne se relève plus.

De temps en temps, la chute d'une pierre, signe avant-coureur de celle du monument dont elle se détache, venait rappeler les officiers de la Chambre des Comptes au danger de leur situation. D'abord, ils ne s'émurent pas trop de cette épée de Damoclès toujours suspendue sur leur tête. Mais enfin la répétition de pareils accidents leur fit songer à veiller à leur propre salut et à la conservation des archives du Roi ; et dans le livre de leurs audiences ils consignèrent à la date du 5 avril 1759 les faits qui les déterminèrent à agir.

« Le procureur-général du Roy entré au bureau a remontré qu'il a reçu avis de la rupture de plusieurs pierres de taille et d'autres efforts qui se sont faits depuis peu de jours dans différens endroits du bâtiment de la Chambre, et qui donnent lieu de craindre une ruine prochaine. Il a rappelé à la Compagnie qu'en l'année 1750, de semblables accidents l'avoient porté à mettre sa remontrance, sur laquelle la Chambre auroit ordonné et fait faire une visite exacte de ses bâtiments, par des architectes experts en présence de l'ingénieur du Roy ; mais qu'en conséquence de leur avis on n'auroit pas jugé devoir entreprendre des réparations très coûteuses qui n'auroient pu sauver de l'injure du tems un bâtiment caduc et ruiné, et qu'on se seroit contenté de pourvoir à sa seureté momentannée par des réparations provisionnelles, un grand nombre d'étays et tous les moyens que la prudence avoit suggérés. Qu'enfin malgré ces précautions, de nouveaux accidents viennent de donner de vives allarmes, et ne permettent pas de différer un moment à s'assurer s'y n'y a pas un risque évident pour le depost précieux des titres du Roy et pour tous les officiers de cette compagnie d'estre ensevelis sous les ruines de la Chambre. Pourquoi le procureur général a requis qu'il plaise à la Chambre ordonner que par devant tels de messieurs qui seront commis à cet effet et en présence dudit procureur général, il sera fait incessament une nouvelle visite d'experts, pour, sur leur rapport, estre pris telles mesures qui seront vues apartenir, même pendant la vacance de la Chambre si le cas requiert célérité. Fait au parquet le 5 avril 1759, signé : H .A. S. DE LA TULLAYE » (Archives départementales, B. 671, f. 11).

« La Chambre faisant droit sur la remontrance du procureur général du Roy, a ordonné et ordonne que, par devant Mes François Maurille Macé de la Lande, conseiller et M. du présent semestre, et Philipe François Galbaud du Fort, conseiller et M. du semestre de septembre, à cette fin commis, il sera, en présence du procureur général du Roy, incessamment et de jour à autre, attendu l'importance de la chose, fait état et procès-verbal de la situation des murs, poutres et planchers des différons bâtimens de la Chambre par les sieurs Jean Baptiste Ceineray, architecte de la Ville et Jacques Bontoux architecte, auquel procès-verbal le sieur Le Febvre, ingénieur du Roy de laditte ville sera prié d'assister. Fait en la Chambre des Comptes, les semestres assemblés, Nantes lesd. jour et an 5 avril 1759. Signé H. BECDELIÉVRE ».

Il y avait péril en la demeure. Dès le lendemain les Commissaires dressèrent un minutieux procès-verbal de l'état déplorable où se trouvait le palais de la Chambre des Comptes. Le procureur général demanda aux experts si ce bâtiment ne pouvait pas encore servir quelque temps. Leur réponse ne leur laissa pas le moindre doute sur ce point.

« Sur quoy, nous susdit ingénieur, après avoir pris l'avis desd. sieurs Ceineray et Bontoux qui s'est trouvé conforme au nôtre, estimons que sans entrer dans le détail sans fin de l'indigence extreme de ces batimens, il suffisait de les examiner dedans et dehors pour reconnoistre et pouvoir affirmer que leur caducité menace, de moment à autre, et le corps des officiers de la Chambre et les déposts de papiers précieux pour le Roy et pour la Province qu'ils renferment, de les ensevelir sous leurs ruines, si le service continuait dans l'état actuel des choses ; qu'ainsi, on ne doit pas hésiter à prendre les plus promptes mesures, d'abord pour assurer quelques parties qu'il est pressant d'étayer, et ensuite travailler à l'enlèvement des archives dont le poids et le volume énorme qui remplissent la pluspart des logemens les écrasent de longue main et les font péricliter à veue d'oeil aujourd'hui ;

Qu'à l'égard de la continuation des fonctions des officiers de la Chambre dans le même bâtiment, après les papiers enlevés, il se pourrait faire qu'il n'y eût pas de risques imminens à courir pendant quelque temps ; mais que le service ne pouvant subsister que très peu par l'état du bâtiment, et par l'inconvénient des papiers éloignés, le plus prudent et le plus expédient seroit de s'établir ailleurs, en même temps qu'ils feront enlever les archives.

Qu'enfin le dépérissement de ces bâtimens qui, dans le principe, n'étaient pas d'une construction capable de suporter les fardeaux dont on les a chargés par succession de tems, et les efforts violents qui en ont résulté tant pour la maçonnerie que pour la charpente même dans les parties qui ont le moins souffert, rendroient comme inutile toute la dépense qu'on pourroit faire pour en rétablir tout ce qu'il y a de deffectueux, parce qu'on ne pouroit former qu'un mélange de vieux et de neuf qui ne peuvent jamais faire de liaison, ni une force égale, et que le seul parti qu'il y ait désormais à prendre, comme à tous les ediffices d'une trop grande ancienneté, est de tout démolir dès les fondations déjà reprises cy-devant en beaucoup d'endroits, pour le reconstruire avec la solidité nécessaire et, en même temps, dans une forme plus convenable aux objets d'une Chambre des Comptes ; les dits jour et an que dessus. LEFEBVRE, CEINERAY, J. BONTOUX » (Archives départementales, B. 496).

Ce procès-verbal était assez peu rassurant. La Chambre menacée dans sa sécurité pour ses officiers et pour ses archives, l'expédia au Conseil d'Etat avec le devis des réparations à faire pour mettre son palais en état de continuer ses services. C'en fut assez pour déterminer le Conseil à décider la translation de la Chambre et de ses archives dans le couvent des Cordeliers qui se trouvait tout près de là.

« Vu au conseil d'Etat du Roy le procés-verbal en forme de devis estimatif dressé le 6 avril 1759 et autres jours suivans par le sieur Le Fèvre ingénieur en chef à Nantes, les sieurs Seyneray et Bontoux architectes et autres experts, par devant les sieurs Macé de la Lande et Galbaud du Fort, conseillers et Mes. de semestre en la Chambre des Comptes de Nantes, en présence et à la réquisition du sieur de la Tullaye, procureur général du Roy en ladite Chambre, par lequel procès–verbal il est constaté que le palais de ladite ville de Nantes occupé par lad. Chambre des Comptes est un ancien bâtiment très caduc qui menace une ruine prochaine, et que les réparations qu'on pourroit y faire pour préserver les officiers de cette compagnie des accidents qui sont à craindre, et pour mettre en sûreté le dépôt des titres de Sa Majesté et de ceux du public pourraient monter à 64 135 l. 10 s. 9 d. sans que ces réparations, toute considérables qu'elles soient, puissent procurer à ce bâtiment la solidité et la durée convenable, à cause de sa mauvaise construction ; les ordres adressés au s. Le Bret, intendant et commissaire departy en Bretagne pour faire procéder à la vérification dudit état et devis estimatif ; le procès-verbal et devis dressé en conséquence, de l'autorité du s. Intendant, par le s. Gellée de Prémion, maire et subdélégué à Nantes, accompagné par le s. de Villeminot, ingénieur des Ponts et chaussées, en date des 11 et 12 juillet 1759, et autres jours suivants : duquel procès-verbal il résulte que les réparations à faire audit bâtiment pourront monter à la somme de 65.710 l. 2 s. 1 d. sans néantmoins qu'on puisse s'assurer qu'elles rendront cette maison plus solide à cause de sa mauvaise construction, et étant nécessaire d'en prévenir la chute ; vu aussi l'avis dudit s. Le Bret, intendant et commissaire départi en Bretagne ; oui le rapport de s. de Silhouette [Note : C'est ce contôleur général qui a laissé son nom aux dessins connus sous le nom de silhouette] conseiller ordinaire au conseil royal, contrôleur général des finances ;

Le Roy étant en son conseil a ordonné et ordonne que le siège de la Chambre des Comptes de Bretagne sera incessamment transféré de l'ancien palais où cette Chambre est établie à Nantes, dans la maison et couvent des Cordeliers de ladite ville, en vertu du présent arrêt, et sans qu'il en soit besoin d'autre, pour être placé dans les lieux et endroits dudit couvent, qui pourront être cédés par lesdits religieux pour cet usage, où seront aussi établies les archives de ladite Chambre, en prenant les précautions nécessaires pour causer le moins d'incommodités que faire se pourra, sauf à pourvoir dans la suite de la manière qui paraîtra la plus convenable au payement des loyers qui pourront être dûs auxdits religieux.

Ordonne en outre Sa Majesté, que pour parvenir au transport des titres et papiers des archives de ladite Chambre et pour en éviter la perte ou divertissement, il sera nommé par les officiers de ladite Chambre, deux commissaires lesquels en présence du garde des archives et du procureur général ou de son substitut feront enliasser, ficeler et numéroter par paquets ou liasses lesdits titres et papiers, sur chacun desquels paquets ou liasses chacun d'eux fera apposer le cachet de ses armes, pour, ensuite, lesdites liasses être transportées au couvent des Cordeliers, où les mêmes commissaires se rendront avec ledit procureur général ou son substitut et le garde des archives à l'effet de reconnaître par eux lesdites liasses et leurs cachets, pour être ensuite lesdits titres et papiers remis entre les mains du garde des archives ; dont et de quoy il sera dressé un procès-verbal par lesdits sieurs commissaires qui pourront aussi prendre au sujet telle autre précaution qu'ils jugeront convenable, pour l'ordre et la sûreté des papiers, après néanmoins en avoir référé à la dite Chambre des Comptes.

Veut Sa Majesté que les frais nécessaires pour les étayemens de l'ancien palais, comme aussi pour le transport au couvent des Cordeliers des titres et papiers qui composent les archives de la Chambre, ensemble pour toutes les réparations indispensables qui seront à faire dans les lieux et endroits qui seront cédés par lesdits religieux Cordeliers, soient pris sur les fonds destinés à l'entretien dudit ancien palais, sans préjudice des mesures à prendre par la suite pour parvenir à la réédification dudit ancien palais de la ville de Nante ;

A l'effet de quoi, il sera incessamment dressé par l'ingénieur ou architecte qui sera choisi et nommé par ledit sieur Intendant et Commissaire départi en Bretagne, des plans, élévation et devis estimatifs de la reconstruction ; pour lesdits plans et devis faits et envoyés au Conseil par ledit sieur Intendant avec son avis, être par Sa Majesté ordonné ce qu'il appartiendra. Fait au Conseil d'Etat du Roy, Sa Majesté y étant, tenu à Versailles le 7 octobre 1759. Signé : PHELIPEAUX » (Archives départementales, B. 103, livre des mandements).

Cet arrêt du Conseil d'Etat fut revêtu de lettres patentes données à Versailles le 29 novembre 1759. La Chambre les enregistra le 9 janvier 1760 ; et, dans sa séance du 12 janvier elle ordonna que « le siège et les archives de la dite Chambre seront incessamment transférées au couvent des Cordeliers, et qu'il est d'autant plus nécessaire d'exécuter les ordres de Sa Majesté à cet égard que le moindre délay pourrait exposer et les officiers de cette compagnie, et le dépost des titres à estre ensevelis sous les ruines du bastiment de la Chambre dont la caducité est constatée ».

Sur la réquisition du procureur du Roi, elle commit Mes. « Charles-Joseph-Julien Proust doyen et Jean-Baptiste-Louis Chotard conseiller et maître du présent semestre, M Jacques Léonard doyen, et Jacques Mosnier, conseiller et maître du semestre de septembre, pour, en présence dudit procureur du Roy, vacquer à l'examen de la partie du couvent des Cordeliers qui pourra estre cédé à la compagnie par lesdits religieux ».

Les Commissaires firent leur rapport et l'on commença, aux Cordeliers, les réparations nécessaires pour la translation. Dans sa séance du 27 mars, la Chambre décréta que l'on profiterait de la fermeture de Pâques pour transporter au nouveau local la plus grande partie de ses bancs, bureaux et tables sous la surveillance de ses commissaires. Elle ordonna en outre que « par devant lesdits commissaires, il sera fait état et procès verbal, avant de placer lesdits meubles, de la longueur, largeur et forme desdits bureaux, des bancs où siègent tous messieurs, également des appartements qu'ils occupent pour le tout estre remis dans l'état qu'ils se trouvent actuellement, autant que faire se pourra, lorsque le palais sera réédifié ».

Par toutes ces précautions minutieuses, la Chambre s'évitait, pour plus tard, tous les ennuis qui viennent des réclamations des uns et des autres ; réclamations dont il est difficile de contrôler la justesse quand pour les appuyer ou pour les combattre on ne peut apporter que de lointains souvenirs.

Les délégués de la Chambre firent, le 1er avril 1760, un procès-verbal détaillé de l'état des salles de l'ancien palais et de leur ameublement. Nous n'emprunterons à ce document que la description de la salle principale.

« De l'austre costé du vestibule, est la porte d'entrée du grand bureau dont la salle a 45 pieds de long sur 25 de large tapissée et garnie de tableaux : un grand Christ placé au-dessus du banc de MM. les Présidens, au costé duquel sont quatre thèses encadrées en cadres dorés ; en retour, du costé gauche de MM. les Présidens est le tableau de Henri IV ; de l'austre costé de la fenestre et au-dessous, celui de la reine Anne d'Autriche tenant par la main Louis XIV et Monsieur encore enfants ; enfin celui de Louis XIII à cheval placé au bas de laditte salle, et en face du bureau ».

Parmi les salles qu'il décrit, le procès-verbal en mentionne une qu'il appelle le Bureau de la Reine, sans nous apprendre, la raison de cette dénomination. Il donne ensuite les détails sur l'ameublement des pièces du palais, les bancs des Présidents longs de 13 pieds et contenant 6 fauteuils recouverts d'une étoffe verte, etc. (Archives départementales, B. 490. Procès-verbal de l'ancienne chambre des Comptes de Nantes : 1er avril 1760).

La décision du 27 mars fut la dernière prise par la Chambre des Comptes dans son vieux palais. Dans la même séance, elle décida qu'elle serait vacante à « partir de ce jour 27 mars, jeudi avant le dimanche des Rameaux, jusqu'au lundi 14 avril, suivant immédiatement le dimanche de la Quasimodo ». (Archives départementales. Livre des Audiences, B. 671)

Les Commissaires mirent si bien à profit leurs vacances, que la Chambre trouva tout prêt aux Cordeliers à sa rentrée de Pâques.

Dans sa séance préliminaire du 14 avril « après avoir mandé les gens du Roy, les correcteurs et auditeurs venus au bureau maîtres Estienne Mabille, René Angevin, René Frémond père et Pierre Bocher conseillers secrétaires auditeurs, Toussaint, Pierre Barre avocat général, et Henri-Anne-Salomon de la Tullaye, procureur général » la Chambre ordonna que « à commencer du jour de demain, 15 du présent mois, elle tiendrait ses séances aux dits Cordeliers, pour y rester désormais jusqu'à la reconstruction de son palais ».

Elle devait rester aux Cordeliers plus longtemps qu'elle ne le pensait alors. La construction du nouveau palais allait durer plus de vingt ans ; et la Chambre qui ne se doutait guère que ses jours étaient déjà comptés, ne devait plus avoir que dix ans pour jouir de ce palais si désiré et dont la construction fut pour elle si laborieuse.

Si elle eût pu prévoir l'avenir qui l'attendait à brève échéance, peut-être se fût-elle contentée d'ajouter quelques poutres pour mieux étayer encore son vieux palais branlant, et prolonger son existence de quelques années jusqu'au jour où ils seraient, suivant l'expression de Malherbe, « tombés tous les deux d'une chute commune ».

Mais construire, à son insu, pour d'autres, est une chose qui arrive souvent sur la terre, non seulement aux hommes mais encore à tous les êtres vivants : et Virgile constatait que les oiseaux qui fond un nid ne le font pas toujours pour eux. Sic vos non vobis nidificatis, aves.

Tel a été le sort de l'hôtel actuel de la Préfecture. Elevé aux frais du Roi et de toute la Bretagne, par les soins de la Chambre des Comptes, il n'a pas tardé à servir d'autres. Ceux qui l'ont construit et payé n'en ont joui que dix ans à peine ; ils n'en ont eu ni pour leurs peines ni pour leur argent. (G. Durville). 

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