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La Cathédrale gothique de Nantes

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Première campagne de construction : 

XVème, XVIème, XVIIème siècles

Nantes jouissait au XVème siècle, d'une grande prospérité, qu'elle devait au développement de son commerce et à la faveur des ducs de Bretagne. Le duc Jean V, qui régnait en 1434, était un prince à la fois « sage, libéral et magnifique » (Barthélémy Pocquet : Histoire de la Bretagne, t. IV, p. 308) ; il était aussi très ami des arts. La paix faisant régner l'abondance dans son duché, il dépensait largement pour les oeuvres pies ; c'est ainsi qu'il fit construire la délicate église du Folgoët et le merveilleux tombeau de saint Yves, malheureusement détruit. Il ne pouvait pas oublier sa bonne ville de Nantes, dont il disait volontiers, qu'elle était « la principale clef de tout le pays ». Aussi songea-t-il à la doter d'une cathédrale qui fût digne de son rang. 

Les bourgeois de Nantes, de leur côté, fiers de leurs libertés communales, récemment reconnues, souhaitaient de voir s'élever chez eux un monument sacré qui fît honneur à leur cité.

L'évêque, enfin, Jean de Malestroit, était un « homme de haute intelligence et de beau courage, né pour les choses grandes et ardues », ainsi que le qualifie son épitaphe qui fut longtemps lisible dans la cathédrale de Nantes (Cf. De Gaignières : Tombeaux : Cabinet  des Estampes, Paris).

Fils d'Hervé de Malestroit, de la branche d'Uzel, tournée par mariage en la maison de Coetquen (Cf. article de M. l'abbé Bourdeaut : Bulletin de la Société archéologique de Nantes, 1926, p. 192), il fut créé chancelier de Bretagne : le duc Jean V, en lui conférant cette dignité, lui donnait un rôle considérable à remplir dans la vie politique de son duché. Ce fut en cette qualité de chancelier qu'il eut à représenter le duc de Bretagne près des cours de France et d'Angleterre et près du Saint-Siège Apostolique.

Il était devenu évêque de Saint-Brieuc dès 1406. En 1419 il fut transféré sur le siège de Nantes, où il devait demeurer jusqu'à sa mort, en 1443. De même qu'il avait construit à Vannes, le gracieux Château-Gaillard, ou s'assemble en 1933 la Société polymathique du Morbihan, de même à Nantes, il fit élever l'important manoir de la Touche, où s'abrite en 1933 la Société archéologique de Nantes ; la porte de la chapelle de ce manoir, dite plus tard chapelle des Irlandais, porte encore son blason « de gueule à neuf besants d'or ». C'était là sa demeure préférée : le duc Jean V, « son compère », l'y visitait volontiers et devait même y mourir en 1442.

Jean de Malestroit, anglophile comme son ami le duc de Bretagne, fut retenu prisonnier à Pouancé par le duc d'Alençon, en 1431 : pour un tel affront, il reçut personnellement une indemnité de 4.000 écus d'or. Cette somme énorme, arrivant inopinément, lui donna-t-elle l'idée de rebâtir sa cathédrale ? Cela n'est pas impossible. En tout cas, dès le printemps de 1434, le monument fut commencé, comme en fait foi, l'inscription demeurée sur la face intérieure du grand portail de la cathédrale : 

L'an mil quatre cent trente quatre,  

A my avril, sans moult rabattre, 

Au portail de ceste église,

Fut la première pierre assise.

Cette première pierre fut solennellement posée par le duc Jean V lui-même. L'évêque Jean de Malestroit en mit une seconde ; d'autres furent scellées par les fils de Jean V, François et Pierre, par le chapitre et par la ville. La Bienheureuse Françoise d'Amboise, encore enfant, assistait à la cérémonie.

Le génial architecte, qui avait conçu les plans de l'édifice, était-il aussi présent ? Les Chroniques ne le nomment pas ; en conséquence, on ignora longtemps son nom, Guillaume de Dommartin-sur-Yèvre (Note : Le nom de Guillaume de Dommartin fût découvert en 1898 par M. le chanoine Durville dans les registres du chapitre. — Cf. Chanoine Durville : Un architecte de la cathédrale au XVème siècle, p. 2). Guillaume de Dommartin avait de qui tenir : son père, un Guillaume aussi, avait travaillé à la décoration du vieux Louvre. Lui-même était déjà connu et réputé : architecte du duc de Berry, il avait élevé le château de Mehun-sur-Yèvre, où se réfugia le roi Charles VII. En outre, dans son Palais-Ducal de Poitiers, il avait construit la vaste salle au chevet ajouré et à trois cheminées, qui est devenue la salle des pas-perdus du palais de justice. A Nantes même, où il fut envoyé par le duc de Bourgogne, oncle et tuteur de Jean V, il avait, selon toute apparence, travaillé au château des ducs et à la tour de chevet de la cathédrale (Note : Telle est, du moins, l'origine et la carrière que lui attribuent MM. Jules Furret et Dominique Caillé, dans un article paru dans le Bulletin Archéologique de Nantes, tome L, p. 5. Ils lui donnent d'ailleurs, à tort, le prénom de Guy, alors que les Conclusions capitulaires du 19 juin 1458 le nomment expressément Guillelmus). Sans doute était-il au surplus dans la plénitude de ses moyens, car il avait au moins une quarantaine d'années, son père étant mort en 1398 ; peut-être même était-il alors assez âgé, car, en 1458, les registres capitulaires le diront « vieux et pauvre ».

Quoi qu'il en soit de son âge, c'est à Guillaume de Dommartin que nous devons le plan et l'exécution partielle de la façade de la cathédrale. C'est lui qui conçut surtout cette série de cinq portails se présentant trois de face et les deux autres, en retour d'équerre au pied des tours, conception inédite jusqu'alors, et jamais imitée depuis avec autant de grâce qu'à Nantes (Note : Guillaume de Dommartin avait pu, cependant, puiser son idée dans la façade de la cathédrale d'Amiens : celle-ci possède, en effet, un quatrième portail sur le côté de sa tour méridionale). Et c'est lui, de même, qui dessina les beaux arcs brisés qui se superposent au-dessus des cinq portes, et qui forment de fastueux porches « remplis d'images et d'histoires en relief », comme s'exprime Dubuisson-Aubenay. C'est lui enfin qui décida l'érection de cette chaire extérieure que l'on voit encore au pied de la tour méridionale et dont la porte se trouve sous le porche de Saint-Yves, tandis que la tribune, faisait face au cimetière (Note : Un cimetière en effet s'étendait entre la cathédrale et la rue Saint-Laurent ; jusqu'en 1572, il était encore bordé de haies. En 1620, on abattit les arbres demeurés là, derniers vestiges de ce champ des morts qu'on avait supprimé lui-même quelques années plus tôt. En face du portail Saint-Yves, la ville avait fait creuser, en 1548, un puits profond d'environ 20 mètres et large de 2 m. 50. En 1572, on le fit couvrir et fermer à clef, afin qu'on n'y jetât plus aucun débris. En 1596, lors d'une épidémie, on le fit curer complètement. Les eaux continuant d'être mauvaises, les chanoines le firent combler en 1668. Mais le besoin d'eau le fit ouvrir de nouveau vers 1722. C'est alors que le forgeron Guichard fit, pour ce puits, la ferronnerie que nous montrent les estampes du XVIIIème siècle. Il était l'un des sept puits publics de Nantes). Comme cette chaire, servait à un moment, de refuge à des gens sans aveu, elle fut remplie de pierres, par ordre du chapitre, en 1549. Ce ne fut que pour un temps, sans doute, car elle fut probablement encore utilisée, dans la suite, par les prédicateurs. C'est le 2 septembre 1739, que les chanoines prirent la décision définitive de la « faire totalement boucher, en bonne massonne ». Elle l'est demeurée jusqu'à nos jours (Note : Etude de M. le chanoine Durville, dans le Chercheur des Provinces de l'Ouest, année 1900, p. 120).

Guillaume de Dommartin fut aidé dans son oeuvre par le tourangeau Mathelin Rodier. Celui-ci se trouvait même devenu, depuis 1444, « maîstre masson de Saint-Pierre ». Sans doute avait-il apporté à Nantes le souvenir du portail de Saint-Gatien de Tours, car celui de la cathédrale de Nantes le copie dans ses grandes lignes ; il a spécialement comme lui les tympans de ses portes complètement ajourés et vitrés.

Devenu maître, Mathelin Rodier, continua l'oeuvre noblement. En 1457, la façade atteignait presque la moitié de sa hauteur : c'est donc lui qui dirigea la construction, sinon des portails, au moins des gracieuses arcatures qui les surmontent, et peut-être de la grande fenêtre qui ajoure le pignon de la nef centrale. Les ressources manquaient pourtant. L'architecte lui-même était irrégulièrement et pauvrement payé. Par économie, l'on avait renoncé au calcaire solide, pour le tendre et fragile tuffeau de Saumur. La façade de la cathédrale porte malheureusement, au-dessus des portails, les traces visibles de cette pauvreté.

Mathelin Rodier demeura maître de l'oeuvre pendant quarante ans. C'est vers 1480 seulement qu'il fut tout à fait remplacé dans sa charge : il continua de demeurer dans sa maison sise vers le haut de la rue qui porte actuellement son nom, avec Edeline Ponset, son épouse. Tous les deux moururent vers 1485 et furent enterrés dans leur église paroissiale de Saint-Laurent.

Note : " LA CATHÉDRALE DE NANTES ET SON ARCHITECTE. — La cathédrale de Nantes présente l'exemple fort rare, comme on sait, d'un édifice de grande dimension conçu et exécuté, du moins en majeure partie, durant la dernière période de l'art gothique. La première pierre de la nouvelle façade fut posée en l'an 1434 par le duc Jean V ; mais il est à peu près sûr que le travail fut poussé avec une grande lenteur, probablement même interrompu à diverses reprises, jusque vers 1450. La façade, comprenant le portail et les deux tours, ne fut entièrement achevée qu'à la fin du XVème siècle, et c'est seulement en l'an 1508 qu'on y transporta les cloches. La nef et les bas-côtés sont l'oeuvre du XVIème siècle, sauf les voûtes du vaisseau central, construites en 1628. Le transept méridional où se trouve aujourd'hui le tombeau de François II et les deux travées suivantes, actuellement transformées en sacristie, mais qui dans le plan général faisaient partie des collatéraux du choeur, ces travées et ce transept ne sont que du XVIIème siècle, et même d'une époque fort avancée. De nombreux documents, pris dans les anciennes archives du chapitre de Nantes, permettent d'établir ainsi que dessus la chronologie du monument. Quant au choeur, c'est encore le choeur roman de l'évêque Benoît (fin du XIème siècle ou commencement du XIIème) ; et le transept nord, au contraire, construit en style gothique, ne date que de quelques années. Si l'on recherche quels ont été les auteurs de ce grand monument, dont les proportions étonnent, on ne trouvera aucune lumière dans les historiens de Nantes. Mes travaux m'ont mis à même de suppléer, au moins en partie, à cette lacune. J'omets les architectes du XVIIème siècle ; je ne connais point encore ceux du XVIème ; mais en ce qui regarde le XVème, je puis indiquer comme le principal et peut-être le premier architecte de Saint-Pierre de Nantes, un certain Mathelin ou Mathurin Rodier, au sujet duquel on trouve, dans les registres capitulaires, sous la date du 16 juillet 1455, un passage écrit en latin, qui se traduit ainsi :  « Mathurin Rodier, maître du nouvel oeuvre de Saint-Pierre de Nantes, a fait avec Messeigneurs du chapitre, pour tout le temps écoulé jusqu'à présent, la composition suivante. En sa qualité de maître d'oeuvre, et selon un marché déjà ancien, il devait avoir chaque jour un blanc de plus que les autres ouvriers et chaque année une robe de la valeur d'un marc d'argent. Or, pendant plusieurs années il n'a guère été payé que comme les ouvriers, si bien que, pour les arrérages de ses gages ordinaires, pour le blanc qu'il devait avoir de plus par jour, et la robe qu'on lui avait promise chaque année, il lui était dit une somme de 150 livres, monnaie courante. Sur quoi de l'agrément mutuel des parties, il a été convenu que le chapitre paierait sous trois ou quatre ans et le plus tôt possible audit Rodier, sur l'argent des indulgences, une somme de 120 livres, dont 10 livres seraient employées d'ici un an à acheter une robe pour la femme dudit Rodier. Et ainsi ledit maître d'oeuvre acquitta le chapitre de tout ce qui lui était dû jusqu'à présent ». Dans plusieurs autres passages de ce même registre, qui va de 1450 à 1456, il est aussi parlé du même personnage, toujours avec l'épithète de magister ou même de architectus novi operis ; et une pièce du Trésor des chartes de Bretagne (sous la cote K. A. 10) mentionne encore en 1470, « Mathelin Rodier » comme étant « maistre de l'eupvre de St. Pierre ». On peut donc voir dans Rodier le principal architecte de la façade et probablement l'auteur du plan général de l'édifice " (A. L. B.).

Son successeur fut l'un de ses anciens collaborateurs, Jehan Mestre, comme l'écrivent les Conclusions Capitulaires de Nantes [Note : Conclusions capitulaires du 3 janvier 1479 (v. s.) et du 3 août 1482]. Jean le Maître acheva sans doute la façade : les portes en étaient, en effet, solennellement posées en 1481, sous l'épiscopat de Pierre du Chaffault : des bas-reliefs de bronze recouvraient les larges vantaux, racontant l'histoire des Saints Apôtres Pierre et Paul. On y lisait au surplus, l'inscription suivante, reproduite en caractères gothiques sur l'un des deux battants :

Sixt pape quart l'Eglise gouvernant,

L'an mil cinq cens, mis hors dix et neuf ans, 

François II de ce nom duc régnant, 

Pierre prélat unique de céans,

Quand fûmes mis aus portes bien séans, 

Pour décorer ce portail et chef d'oeuvre, 

Comme pourront connoistre les passans,

Car richement par nous se ferme (et euvre).

Et plus bas, en petits caractères, se trouve gravé : Pierre Fontin feit cest ouvrage (Note : Nous donnons ici l'inscription telle que la copia Dubuisson-Aubenay en 1636 : Itinéraire de Bretagne, t. II, ch. 11, sauf pour les deux derniers mots qui sont dans l'Itinéraire « l'oeuvre ». On peut d'ailleurs lire encore en 1933 cette inscription sur la face intérieure du grand portail. On a pris soin, en effet, d'y fixer, au début du XIXème siècle, la feuille de bronze qui la porte : les lettres sont gravées en creux ; un enduit blanc, renouvelé, rend les caractères gothiques plus visibles. Les Conclusions Capitulaires de 1481 et 1482 parlent des ouvriers qui sont chargés de couvrir les portes de bronze, et, le 20 juin 1482, elles nomment Fontin).

Jean le Maître eut probablement le temps de dresser les tours au-dessus de la façade, car il demeure maître de l'oeuvre jusqu'en 1506, et deux ans après, l'on pouvait transférer les cloches du vieux clocher dans la tour méridionale. Pendant ces deux années, l'on avait eu le temps de construire et de monter le beffroi en charpente.

En 1508, les travaux de la cathédrale étaient dirigés par l'architecte Jacques Drouet, qui travaillait en même temps au château ducal comme avait fait Mathelin Rodier. Est-ce qu'avant de se retirer Jean le Maître avait eu le temps de construire les deux chapelles latérales les plus voisines des tours ? C'est possible. Il dut, en tout cas, s'efforcer de le faire, car il fallait épauler, de ce côté, l'immense façade. Ce qui demeure certain, c'est que ces chapelles existaient dès la fin du XVème siècle : en 1486, en effet, on transfère une fondation de l'église Saint-Jean-du-Baptistère à l'autel de Saint-Jean-en-Saint-Pierre, proche du portail, du côté du manoir épiscopal. A la même époque, la chapelle opposée, dite maintenant de Saint-Martin, est sûrement achevée, elle aussi.

Le collatéral du sud, d'ailleurs, était tout entier en construction en cette fin du XVème siècle. Il n'est, en effet, que de l'examiner soigneusement pour reconnaître qu'il appartient à la campagne où fut bâtie la façade, et non point à celle où s'élevèrent la nef centrale et le collatéral du nord.

Le plan par terre de ses piliers présente un polygone rectiligne ; les colonnettes prismatiques qui forment le faisceau de chaque pilier s'appuient sur des bases, posées sur une même ligne horizontale ; ces colonnettes, enfin, se décorent d'une collerette de feuillage en guise de chapiteau, avant de s'incurver sous les voûtes. Or, tous ces caractères se retrouvent dans la façade occidentale, en particulier dans les hautes salles voûtées des tours. Par contre, ils ont disparu dans la nef centrale et le bas-côté nord : le plan par terre des piliers forme un polygone curviligne légèrement concave ; les colonnettes qui flanquent les piles reposent sur des bases qu'on a placées systématiquement à des hauteurs diverses ; ces colonnettes, enfin, s'épanouissent en nervures, sous les voûtes, sans que le moindre chapiteau ne vienne briser leur élan.

On en doit conclure que la nef latérale du sud est vraisemblablement l'oeuvre de Mathelin Rodier, ou de Jean le Maître, au moins. Sans doute la construction ne comprit-elle alors, de ce côté, que le mur extérieur et la série des piliers qui sont les plus proches de ce mur : pour entreprendre ce collatéral, il avait suffi de démolir un ancien cloître établi dans cet endroit. Murs et piliers durent être élevés jusqu'aux chapiteaux inclus ; les chapelles, cependant, purent être voûtées et couvertes. Plus tard, quand on termina cette nef méridionale, il fallut s'accommoder de ce qui était bâti ; et la voûte fut posée, de ce côté, à un mètre plus bas que la voûte de l'autre basse-nef (Note : On peut aisément le constater en comparant les grandes arcades de la nef centrale sous le triforium, à droite et à gauche).

En 1510, fut passé un marché où l'on décidait de construire la chapelle de Sainte Madeleine et de Saint-Hervé, (chapelle de Saint-Clair actuellement) : il y est question d'enlever un toit, de démolir des murs pour bâtir de nouveau. Le moins qu'on puisse en déduire, c'est qu'alors fut tout à fait terminée la nef latérale du sud, puisque la chapelle de la Madeleine est la dernière de ce bas-côté. Le tombeau de l'évêque Guillaume Guéguen, décédé le 23 novembre 1506, fut exécuté par Michel Colombe et ses aides, sur ordre et aux frais de la duchesse-reine Anne de Bretagne ; il fut placé dans le mur même de la chapelle de la Madeleine : un renflement de la muraille, à l'extérieur, en indique la place. Le corps y fut déposé en 1516. 

Cette chapelle offrait alors l'aspect complet d'un enfeu : dans le fond un large vitrail divisé, dans sa largeur, en quatre panneaux, représentait Notre-Dame de Pitié, saint Guillaume et l'évêque Guillaume Guéguen, saint Mathurin et le premier neveu du défunt, Mathurin de Plédran, évêque de Dol et chanoine de Nantes, et saint Jean avec le second neveu du défunt, Jean de Plédran, doyen du chapitre de Nantes. Dans le haut du vitrail, dans les soufflets formés par les meneaux, se voyaient les armoiries de Guillaume Guéguen et de ses deux neveux (Note : Les armes de G. Guéguen sont « d'argent en chêne de sinople, au franc quartier d'hermines chargé de deux haches d'armes de gueule en pal ». Les armes des de Plédran sont « d'or à sept mâcres d'azur : 3, 3, 1 », Archives municipales, GG 551). Ces armoiries d'ailleurs avaient été multipliées dans la chapelle sur la clef de voûte, sur les boiseries, sur le banc d'oeuvre et jusque sur l'autel.

Le tombeau lui-même possédait aussi, contrairement au dessin fantaisiste de de Gaignières, les « trois armoiries »  des Guéguen de Plédran [Note : Procès verbal de 1628 : Archives municipales G.G. 551. — cf. aussi Travers, t. II, p. 259, et Dubuisson-Aubenay, loc. cit. — De Gaignières (1642-1715) écrivit vers la fin du XVIIème siècle. Dubuisson-Aubenay, en 1636, n'avait vu, sur la table de cuivre, qu'une interminable inscription, avec les armoiries des de Plédran]. Celles-ci portées par deux anges issant d'un nuage, et gravées sur une table de cuivre, occupaient le fond de l'arcosole qui abrite le tombeau. L'arc surbaissé qui surmonte l'arcosole était orné d'une « frise d'ornement sur la pierre » aux deux bouts de laquelle étaient placées les armes de Guillaume Guéguen. En bas, le massif rectangulaire du tombeau, en albâtre, était subdivisé par cinq pilastres ornés de délicates moulures ; entre les pilastres appliqués l'on avait répété quatre fois les armoiries d'argent au chêne de sinople. Sur ce massif, avant la Révolution, reposait une dalle d'albâtre portant la statue de l'évêque gisant, en ornements épiscopaux, la tête appuyée sur un coussin que soutenait un ange agenouillé ; aux pieds, un autre ange se tenait dans la même position. Le gisant et la dalle n'existent malheureusement plus. Une statue, étrangère au tombeau, s'y trouve vers 1933 couchée. Une boiserie, posée en 1836, cacha longtemps le tombeau de Guillaume Guéguen : on l'en a dégagé en 1883.

Pendant qu'on bâtissait le bas-côté sud de la cathédrale, les ornemanistes n'avaient cessé de s'affairer autour de l'immense façade désormais terminée. Les « imagiers » comme Yvonnet, qui devait devenir célèbre à Poitiers, ou comme les frères Jean et Guillaume André, avaient sculpté, les reliefs des voussures sous les porches : ils continuaient leur oeuvre au bas des énormes piliers qu'ils couvraient d' « images » instructives. Le peintre verrier Jehan de la Chasse, de son côté, posait ces verrières où Dubuisson-Aubenay lirait « les armoiries de l'évesque Jean de Malestroit qui vivoit quand le dit portail fut fait ». Louis Hochart sculptait dans la pierre les armoiries des hauts personnages ; celles de Jean de Malestroit sont demeurées jusqu'à nos jours, au-dessus de la porte de la chaire extérieure : « elles sont renversées pour ce que le susdit évêque était mort quand ses armoiries furent écrites en cet endroit, vers le milieu du XVème siècle ».

Tandis que se construisaient les chapelles du côté sud de la nef, l'on travaillait de même aux chapelles du côté septentrional. L'on a vu que la chapelle paroissiale de Saint Jean-Baptiste, la plus proche du portail, était utilisée dès 1486. Les autres chapelles durent s'élever normalement à la suite : la disparition de l'église du baptistère en permettait l'érection. Dès 1484, M. de Sesmaisons se préoccupait de conserver les prérogatives de sa famille dans l'édifice qui allait surgir : ses aïeux, en effet, possédaient « leur autel, leurs armoiries et leurs insignes dans l'ancienne cathédrale, près des fonts » ; il demandait qu'on lui donnât les mêmes avantages « dans la construction et réédification de l'église » (Conclusions capitulaires du 2 juin 1484).

En 1484 encore, le chapitre permet au sieur du Sas, Gilles Thomas, « de poser ses armoiries sur la dernière clef de la seconde aile des chapelles » [Conclusions capitulaires du 31 mars 1483 (v. s.)]. On serait tenté d'en conclure que la deuxième aile des chapelles était alors terminée, que par conséquent l'autre aile, la première, était faite aussi. Ce serait cependant pousser trop loin la déduction, et il est plus probable que la permission donnée ne l'était que sur un projet. En 1484, en effet, la dernière chapelle, tant dans l'aile droite que dans l'aile gauche, n'était point achevée, et n'était peut-être même pas commencée.. On l'a vu pour celle du sud, à propos de l'enfeu de Guillaume Guéguen. Pour celle du nord, la chapelle de Saint-Lazare, — la plus proche du transept, — il est à croire qu'elle ne fut terminée qu'au début du XVIème siècle, comme celle de la Madeleine. Son fondateur, en effet, le chanoine François de Chasteaubriant, décédé le 12 novembre 1516, y fut inhumé deux jours plus tard ; la plaque de cuivre qui relatait sa fondation ne fut même placée que le 28 mars 1530 sur la paroi de la chapelle où Dubuisson-Aubenay la vit en 1636 (Chanoine Durville : L'ancienne église de Saint-Jean-du-Baptistère : Bulletin de la Société Archéologique de Nantes, 1914, page 80).

Toutefois, si les chapelles latérales furent ainsi construites vers la fin du XVème siècle, ou peu de temps après, il n'en faudrait pas conclure que les basses-nefs se trouvaient bâties du même coup. Comme il en avait été pour le collatéral sud, le collatéral nord ne vit, sans doute, élever tout d'abord que la série de ses piliers qui lui sont communs avec les chapelles. De ce côté, on l'a vu, le style se trouve notablement modifié : la base et le faîte des piliers notamment, sont traités tout autrement que dans l'aile méridionale.

L'une des deux ailes, — celle du sud, apparemment, — se trouvait cependant assez avancée pour être pavée dès 1484. Le 13 décembre de cette année, en effet, les chanoines faisaient mouler des carreaux de terre cuite « pour paver l'aile de l'église déjà faite ». l'autre aile, évidemment n'était pas encore bâtie (Conclusions capitulaires du 13 décembre 1484). 

A un moment, donc, la cathédrale de Nantes dut présenter cet aspect étrange, mais plein d'espérances ; derrière une grandiose façade surmontée de ses tours, les rangées de chapelles latérales formaient comme deux ailes flottantes : entre celles-ci, la vieille nef de Benoît de Cornouailles haussait encore son large toit. Le transept et le choeur romans, prolongeant cette nef, faisaient saillie au-delà des chapelles neuves, avec l'ancien clocher démuni de ses cloches.

La nef nouvelle, pourtant, n'allait pas tarder à surgir à son tour. Nous savons que l'autel de Saint6Christophe, voisin du porche d'entrée comme dans toute cathédrale, avait été supprimé dès avant 1486 : cette année-là, en effet, une fondation pieuse, dite d'Elbiet, se trouve desservie à l'autel de Saint-Jean-Baptiste, près du portail, parce que l'autel propre de cette fondation, — l'autel de Saint-Christophe — avait été détruit pour le nouvel édifice (Note : La suppression de cet autel ne fit point disparaître de la Cathédrale le culte de saint Christophe : Dubuysson-Aubenay, en 1636, vit son « image colossée... au premier pilier du côté austral ». Et nous rencontrerons, plus loin, des inscriptions gothiques, gravées sur les pieds-droits du portail de Saint-Yves, qui se rapportent à la vie du saint, et qui font supposer que des hauts-reliefs racontant sa légende ornaient autrefois ce portail). Il convient de rappeler, au surplus, que les Conclusions capitulaires du 15 décembre 1483 notent au passage, comme chose passée, l'écroulement au moins partiel de la voûte romane, et peut-être de la toiture qui la protégeait : « un lampadaire suspendu au milieu de la nef », s'en trouva fort endommagé.

Il y a donc lieu de croire que, dès cette époque, l'ancien vaisseau vit entamer par les démolisseurs sa partie occidentale, et que la nouvelle nef eut ses premiers travaux commencés. Selon quelques-uns, la première pierre du premier pilier fut posée le 25 octobre 1482.

Mais les travaux, semble-t-il, n'avancèrent qu'avec lenteur. En 1483, le chapitre fait réparer « la couverture de l'église et des piliers de la nouvelle oeuvre » (Conclusions capitulaires du 15 décembre 1483). On en peut conclure que les énormes piliers, qui devaient soutenir un jour la voûte centrale, étaient ébauchés dans les nefs latérales de la cathédrale romane, sous son toit : ainsi maintenait-on, aussi longtemps que possible, l'ancienne église à l'usage du culte.

Quoi qu'il en soit de cette supposition, les documents du temps nous montrent que la construction de la cathédrale devient désormais pénible. Les ressources manquent, et l'on doit s'ingénier sans cesse pour obtenir de nouveaux subsides. Des ostensions solennelles de reliques amènent les foules et provoquent les offrandes. Des indulgences sont accordées par les papes aux personnes qui font quelque sacrifice pour le monument (Note : Le 1er décembre 1524, le chapitre sollicitait une indulgence, car « il continuait à faire réparer et augmenter l'église ».Travers, Histoire de Nantes, tome II, p. 282). Mais le peuple est lassé : son premier enthousiasme est tombé. Et puis les querelles religieuses du XVIème siècle vont semer la division et tourner les esprits vers d'autres préoccupations.

Les ouvriers de l'« oeuvre de l'église », de leur côté se font négligents. Les chanoines, jusqu'en 1482, s'étaient contentés d'avoir un contrôleur des travaux, comme le duc de Bretagne avait le sien. A partir de cette époque, ils se voient obligés de surveiller le chantier à tour de rôle, une semaine chacun. Ils doivent noter les heures de travail omises, et retenir, en ce cas, sur les rétributions. Ils sont même contraints, parfois, de congédier quelques ouvriers qui mettent le désordre (Conclusions capitulaires de 1882 : 10 avril, 3 août, 21 août).

Quand les murs de la nef commencent de surmonter les grandes arcades, on est sûrement au seuil du XVIème siècle au moins : les goûts artistiques ont évolué, en effet, et, dans l'exécution du triforium, l'on abandonne le dessin froid et sec des deux baies ouvertes précédemment sous, les tours, pour suivre un tracé plus gracieux, qu'on attribue à Jean Perréal : un arc en anse de panier, dentelé et fleuri, surmonté d'un pinacle accolé à la paroi.

Avant que ne fût construit le joli triforium, qui festonnerait un jour tout le vaisseau, l'on avait pu voûter les basses-nefs ; celles-ci, d'ailleurs, durent l'être à des époques diverses, tant elles diffèrent dans le tracé des arcs et dans la décoration des clefs. La nef du sud a ses ogives et ses doubleaux plus aigus que la nef du nord ; celle-ci présente, à son tour, des clefs épanouies comme des marguerites et découpées comme des dentelles ; ce qui n'existait pas semble-t-il, dans l'autre nef. Les premières de ces voûtes peuvent être l'oeuvre de Jacques Drouet, l'architecte de la cathédrale pendant le premier tiers du XVIème siècle. Et les secondes peuvent avoir été construites par ce « maître François Moysan » dont il est question dans les archives en 1543 et 1547 (Chanoine Durville : Un architecte de cathédrale au XVème siècle, page 20). Ce sont là, d'ailleurs, des hypothèses entièrement gratuites.

Malgré les difficultés survenues de diverses parts, malgré même la pénurie d'argent, l'effort avait été soutenu dans la construction de la cathédrale : les murs goutterots atteignirent enfin leur sommet ; on put alors placer, sur l'énorme vaisseau, la curieuse charpente qui a subsisté : une carène de navire renversée. Sur la face intérieure des murs, dans le haut, l'architecte avait interrompu brusquement les faisceaux des colonnes prismatiques destinées à porter les voûtes. Celles-ci ne seraient posées que plus tard, au XVIIème siècle. Est-ce qu'en les attendant le maître de l'oeuvre fit faire un plafond provisoire en menuiserie ? Quelques-uns l'ont affirmé. Il n'eût point été déplaisant, pourtant, de laisser apparentes les poutres de chênes sorties de la forêt de Sautron et magistralement agencées sous la carapace des ardoises.

En 1577, la nouvelle nef était sûrement livrée au culte : elle pouvait l'être depuis longtemps, d'ailleurs. En tout cas, cette année-là, les échevins y faisaient placer leur banc d'oeuvre en face de la chaire. De la cathédrale de Nantes, alors dans tout l'éclat de sa beauté, le pape humaniste, Léon X, n'avait pas craint de dire, en 1518, qu'elle était « remarquable entre toutes les églises cathédrales de Bretagne et construite avec la plus grande somptuosité » (Bulle papale conservée aux archives du chapitre).

Les rois de France, de leur côté, avaient pris soin d'encourager la construction du monument. Le 8 novembre 1498, Anne de Bretagne, à la veille de devenir une seconde fois reine de France, fit une visite solennelle à la cathédrale : le doyen du chapitre en profita pour « lui recommander l'église et la bâtisse d'icelle » (N. Travers : Histoire de Nantes, tome II, p. 240). Ni la duchesse-reine, ni son royal époux, Louis XII, n'oublièrent la ville de Nantes. François Ier, accompagné de la reine Claude et, plus tard, de la reine Eléonore, visita également la cathédrale, et s'y intéressa. Henri II, de même, y vint en 1552, avec Catherine de Médicis. Charles IX y passa aussi vers la fin de 1565. Henri IV, enfin, dut admirer la cathédrale des évêques, comme il avait admiré le château des ducs qui « n'étaient point de petits compagnons », quand il vint à Nantes, en 1598, célébrer la pacification religieuse. Il en fit sonner le gros bourdon pour annoncer la naissance de son fils César de Vendôme.

On reprit les travaux en 1614, sous le règne de Louis XIII. Les terrasses dallées de granit défendaient mal les basses-nefs contre les eaux de pluie : des infiltrations se manifestaient çà et là, surtout depuis que les toits de la grande nef versaient à même leurs eaux sur ces terrasses. Un marché fut conclu avec Antoine Rouxeau qui s'engageait à couvrir les bas-côtés d'une charpente et d'un toit : cette couverture eut pourtant le grave inconvénient d'aveugler les fenêtres du triforium. On l'a naguère supprimée ; mais les traces en demeurent visibles.

Cependant les hautes murailles de la nef gothique s'ajustaient mal au transept et au choeur de l'église romane : une ouverture béante laissait apparaître les murs de la vieille tour et les restes de la voûte de la nef ancienne. Un raccord provisoire avait été exécuté ; pour en dissimuler la pauvreté, l'on éleva devant le transept un arc triomphal gigantesque, improprement appelé jubé. L'exécution de cet arc fut confié à Christofle Prandeau, le 5 mai 1616 : le monument fut conçu naturellement dans le style théâtral de la fin de la Renaissance. Dubuisson-Aubenay qui le vit en 1636, le décrit ainsi : « devant du choeur est de très beau tuffeau, basti en forme d'un mur (qui couvre le dist choeur et le sépare de la nef), ault élevé à quatre étages, chacun distinct par un ordre divers d'architecture, tous à pilastres et non pas à colonnes rondes, le premier dorique, avec ses ornements tout le long, le second ionique, avec ses ornements coupés ... sur le milieu par une grande ouverture en arceau ; ... le troisième qui est corinthien, a aussi ses ornements entiers, et porte au-dessus d'eux, le quatrième ou dernier, qui est le composite et fait le frontispice de toute la muraille ».

Cette immense façade, très ornée dans sa partie supérieure, est demeurée, jusqu'en 1885, telle qu'elle était au XVIIème siècle (Note : Elle fut démonté en 1885. Les débris en sont entassés, en 1933, pêle-mêle, sous la chapelle de Saint-Vincent de Paul). L'étage inférieur du monument, « avec ses ornements tout du long », encadrait un jubé qui fermait le choeur ; sa poutre de gloire, appuyée à droite et à gauche sur !es chapiteaux doriques, portait le grand crucifix d'argent et les statues de la Vierge et de saint Jean qu'avait données l'évêque Vigier au XIVème siècle. Ces figures se dressaient donc, bien détachées, dans le vide laissé sous le grand arc, entre les pilastres ioniques (Note : On a vu comment ces statues furent vendues en 1733).

Il faut ajouter qu'au troisième étage, les écoinçons placés entre l'arc et la base du frontispice, étaient revêtus d'ornements que la Révolution fit disparaître.

Les grandes orgues, qui surmontaient le jubé en bois jusqu'au XVIIème siècle, durent être transportées ailleurs quand fut placé l'arc triomphal. C'est pour elles, que l'on construisit, vers 1620, au bas de la nef, la tribune portée par des colonnes à chapiteaux corinthiens. Pour l'encastrer entre les deux tours, il fallut aveugler le tympan ajouré du grand portail, et l'on n'hésita point à détruire plusieurs des charmants bas-reliefs qui décoraient la base des gros piliers. Ce fut l'organier Jacques Girardet lui-même, qui vint monter les orgues : il reste de son travail, en plus de quelques organes intérieurs, une partie des menuiseries de façade.

L'autel, à son tour, fut remplacé, dans ce même temps, par un autel à retable monumental, de style jésuite. La commande qui en fut faite nous le dépeint vraisemblablement tel qu'il fut construit : « Que l'autel du dit choeur, composé de colonnes, pilastres, frizes, corniches, architraves et bordures, soit enrichi d'or de ducat, d'azure, vermillon, blanc de plomb et aultres coulleurs requises, le tout à l'huile » (Note : Marché passé avec Charles Erard, père, en 1619. Cf. cit. Boismen : article de la Revue de l'Ouest, 1890, p. 529. Ce fut cet autel, semble-t-il, qui fut consacré par Mgr Cospéan le 17 décembre 1623 et détruit vers 1750, selon Travers : Histoire de Nantes, tome III, p. 244. D'après un texte conservé au Chapitre, on voit que jusqu'au XVIIème siècle, au moins, le grand-autel de la cathédrale n'avait pas de tabernacle, et que, suivant l'ancien usage, la Sainte Réserve était gardée dans une suspension qui se trouvait au-dessus de l'autel : le recteur de Saint-Jean-en-Saint-Pierre, en effet, demande au Chapitre la permission d'avoir un tabernacle à son autel paroissial ; le Chapitre refuse de le lui accorder ; aucun de ses prédécesseurs, dit-il, n'avait formulé semblable demande, « encore bien que le Saint-Sacrement ne fût dans ladite cathédrale que dans la suspension au grand-autel, jusqu'à l'année 1690 que le Chapitre, par une conclusion, arresta de faire faire un tabernacle à l'autel de la Vierge ». Cf. Bulletin de la Société Archéologique de Nantes, 1914, p. 64. Communication faite par M. le Chanoine Durville).

Ce fastueux retable obstrua la fenêtre centrale et plusieurs arcades de l'abside. On jugea bon alors, de fermer par une maçonnerie les autres arcades, en réservant seulement deux portes pour arriver dans le déambulatoire ; celui-ci fut utilisé partiellement comme sacristie ; le reste demeura désaffecté.

Ces transformations rendaient nécessaire la décoration picturale du sanctuaire. Le peintre poitevin Charles Erard en fut chargé il était connu pour avoir fait le tableau central du nouveau maître-autel : Jésus donnant les clefs à saint Pierre (Note : Ce tableau, conservé, se trouve en 1933 dans la chapelle de la Bienheureuse Françoise d'Amboise). Dans la voûte de l'abside, vers 1624, il représenta Dieu le Père entouré d'angelots ailés. L'arc doubleau, en avant de la demi-coupole, fut semé de fleurs de lis dorées sur un fond d'azur. Et sur la voûte en berceau qui devançait cet arc, l'on vit la scène de la Transfiguration. Les parois du choeur, elles aussi, furent couvertes de peintures en trompe-l'oeil, figurant de fausses statues dans de fausses niches. Le jubé lui-même, enfin, comme l'autel d'ailleurs, eut ses pilastres, guirlandes et balustres mis en relief par les couleurs et les dorures.

Pendant que s'exécutaient tous ces travaux, la coupole du transept disparaissait à son tour sous la peinture et s'harmonisait avec le choeur. Les artistes Vincent Béguin, Louis Alexandre et Charles Mousset y peignaient de concert la descente du Saint-Esprit sur les Apôtres. Une balustrade peinte fit le tour de la coupole. Les quatre évangélistes, occupèrent les pendentifs au-dessus des piliers, si du moins le marché fut entièrement exécuté (Note : Marché du 11 juin 1624, fourni par M. Boismen).

Pendant l'été de 1626, le roi Louis XIII et le cardinal de Richelieu séjournèrent longtemps à Nantes. On dut profiter de leur présence pour obtenir des subsides afin d'achever enfin le vaisseau gothique en le couvrant de ses voûtes. Celles-ci, en effet, furent mises en chantier dès le début de 1627. Deux années suffirent pour exécuter le marché passé avec un groupe de maîtres-d'oeuvre : Michel Poirier, maître charpentier, et René le Meunier, Guillaume Belliard, Marin Godmer, Jacques Corbineau, sculpteurs et architectes.

L'évêque d'alors, Philippe Cospéan, dut contempler avec satisfaction la haute nef désormais « bien voûltée, bien élevée et bien percée et de très belle pierre équarrie » comme s'exprimait Dubuisson-Aubenay, en 1636, en examinant « les voultes et arceaux hardies dedans l'église » (Dubuisson-Aubenay : Itinéraire de Bretagne, tome II, chap. XI).

Les travaux exécutés laissaient pourtant à désirer ; mais ils furent approuvés par les experts chargés de les visiter, tous amis ou parents des constructeurs ; ils en admirèrent spécialement les clefs pendantes « enrichies des armes du Roy... des alliances de France, avec leurs colliers d'ordre, rinceaux et feillages ». (Procès-verbal de la visite, d'après le marquis de Granges de Surgères : cf. Furret et Caillé : Les cathédrales de France, p. 76).

Aussi bien les mêmes architectes, avec Léonard Malherbe, furent-ils adjudicataires du bras sud du transept, en 1631. Léonard Malherbe, natif du pays du Maine, avait déjà travaillé, lui aussi, « à l'ouvrage de l'église Saint-Pierre ». Agé de quarante-cinq ans environ, il avait près de lui son fils Jacques, âgé de seize ans, quand fut commencé le bras méridional du transept.

Cette partie de la cathédrale porte la marque de son temps. La base des gros piliers donne, en coupe, une figure formée par une suite d'arcs disposés en festons. L'appui-mains du triforium est ajouré de coeurs stylisés. La porte de sortie est conçue dans le style gréco-romain, et la grande fenêtre du pignon soulève au-dessus de ses interminables meneaux une rose d'un bien pauvre dessin.

L'édification du transept fut lente, car, en 1637, la voûte de ce transept n'était pas encore posée. La modicité des ressources fut, peut-être, la cause du retard : depuis un quart de siècle, en effet, l'on avait fait beaucoup pour la cathédrale : toiture des bas-côtés, arc-façade du choeur, tribune des orgues, maître-autel nouveau, peintures du choeur, voûtes de la grande nef, c'était plus qu'il n'en fallait pour épuiser les réserves.

Il faudrait encore signaler, à cette époque, l'érection des arcs-boutants posés pour étayer les murs du vaisseau central. Dans la commande passée pour faire exécuter les voûtes de la nef, le 3 novembre 1626, le Chapitre avait eu soin de mentionner ces « arboutans nécessaires ». Et quand se présenta la commission chargée d'examiner le travail, le 22 août 1631, les experts firent le serment de « se porter fidellement à la visite des dictes voutes, arboutans et autres chouses ».

On en pourrait conclure que les arcs-boutants de la cathédrale furent exécutés dans le même temps que les voûtes : ils en étaient, d'ailleurs, le complément indispensable. Ceux du côté sud sont magnifiques de forme et de portée. Ceux du côté nord durent être soutenus par des arcatures et n'offrent que peu d'intérêt : peut-être ces derniers ont-ils été repris en sous-oeuvres. Quoi qu'il en soit, les uns et les autres fournirent, par surcroît, les canalisations nécessaires à l'évacuation des eaux de pluie du grand comble : ces eaux furent rejetées loin des murs par les gargouilles, dont quelques-unes existent encore.

En 1635 devint évêque de Nantes un ancien militaire, Gabriel de Beauveau : il n'était pas homme à négliger l'achèvement de sa cathédrale.

A cette époque, le bras du transept qu'on venait d'achever atteignait le faîte de la flèche, qui surmontait la vieille tour. Une construction aussi élevée, demandait un appui du côté de l'est. Dès l'année 1650, les travaux reprirent : il fallait, déclarait l'architecte du roi consulté, « continuer l'esglize comme elle est commencée ». Le maître-d'oeuvre, Hélie Brosset, entreprit d'élever les deux travées du bas-côté qui longerait le choeur au sud. Ces travées forment actuellement la chapelle paroissiale de Notre-Dame-de-Pitié et le déambulatoire qui lui est contigu ; avec justice on y a sculpté, sur l'une des clefs de voûte, les armoiries de Gabriel de Beauveau, qui sont « d'argent à quatre lionceaux de gueules, armés, couronnés et lampassés d'or, avec un bâton escotté d'azur, péri en pale ».

La chapelle de Notre-Dame-de-Pitié et le déambulatoire qui lui est voisin, servirent de sacristie pendant presque tout le XIXème siècle.

Hélie Brosset mourut en 1656, avant d'avoir terminé son oeuvre (Note : La pierre tombale d'Hélie Brosset, trouvée dans la cathédrale par M. Boismen et conservée dans l'ancien évêché, porte l'inscription suivante : « GLOIRE . ET . HONEUR . A . DIEU . AL . AVIERGE . ET . AUX SAINTS . JEZUS . MARIA . JOZEP — HÉLIE BROSET . ARCHITECTE DE NANTE . 1650, 51, 52, 53, 54, 55. ») : le marché passé avec le chapitre comportait, en effet, un autel à construire dans la nouvelle chapelle. Cet autel fut exécuté par son successeur et ami Tugal Caris, qui copia, en les réduisant, les lignes principales du maître-autel de 1625. Son ouvrage, réparé dans le dernier siècle par Grootaërs, fut replacé dans la chapelle de Notre-Dame-de-Pitié, en 1896 (Note : Cet autel avait été placé dans la chapelle actuelle des Saints Donatien et Rogatien, au début du XIXème siècle : il y avait été bénit, en effet, par M. de Mélient, le 4 avril 1805). Il est d'un beau style et caractérise parfaitement son époque.

Tugal Caris imagina de réunir les deux galeries du triforium dans le nouveau transept : il n'eut pas peur, pour ce faire, de briser la majestueuse ordonnance de la fenêtre qui occupe tout le pignon de l'édifice : sur encorbellements mal appareillés il posa cette lourde balustrade classique dont il est permis de regretter le maintien.

Le même architecte eut encore, on l'a dit, à couvrir d'un toit dans l'année 1658, l'abside romane et la seule chapelle absidale qui fut demeurée — celle de la Trinité — sur le flanc nord du choeur.

En 1679, enfin, l'on construisit de grossiers massifs de maçonnerie dans la chapelle souterraine, dite de Saint-Gohard, et dans la chapelle qui formait son premier étage, celle de la Trinité. Le pourtour du choeur, du coup, se trouva complètement désaffecté de ce côté.

Ainsi se termina assez misérablement la première campagne pour la reconstruction de la cathédrale de Nantes. Elle avait duré plus de deux siècles. Sauf une courte interruption vers la fin du XVIème siècle, les travaux n'avaient point cessé, peut-on dire : construction, ameublement, décoration, avaient, tour à tour, attiré l'attention des évêques et de leur chapitre. Entre des périodes de lassitude, les Nantais avaient eu des heures d'enthousiasme et d'élan : l'oeuvre accomplie jusque-là leur faisait assurément grand honneur.

(J.B. Russon et D. Duret - 1933) 

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