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Les Seigneuries de Mûr et les Châteaux

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Mûr (aujourd'hui, Mûr-de-Bretagne) faisait partie de la Cornouaille ; [Note : La paroisse de Mûr, jusqu’à la fin du XVIIIème siècle, relevait de l'évêché de Quimper, dont elle formait l’extrémité Est ; c'est seulement lors de la reconstitution des diocèses après la Révolution qu’elle a été annexée à Saint-Brieuc] en a-t-il toujours fait partie ou bien y a-t-il été rattaché accidentellement ? nous n’entreprendrons pas l’étude de cette question qui se pose à une époque éloignée de nous par l’espace de plus de dix siècles ; nous nous contenterons de prendre Mûr au moment où il se détache du Comté de Cornouaille, sans nous inquiéter de savoir quand et comment il y est entré, ni de rechercher son sort tant qu’il s’est confondu avec celui du comté de Cornouaille ; nous étudierons seulement le démembrement de ce comté et la formation des seigneuries qui en sont sorties dans la circonscription qui nous intéresse.

Le démembrement de la Cornouaille, en ce qui concerne le quartier dont Mûr faisait partie, a pour base le tableau généalogique suivant, dont les principaux éléments pour Poher et Mûr sont tirés de la généalogie de la Rivière-Mûr :

Si cette généalogie est exacte, elle nous donne la clef des fiefs de Mûr d’une façon assez simple :

Budic, comte de Cornouaille au Xème siècle, possédait toute l’étendue du comté ; à sa mort, ses fils Guérec et Orscand, évêque de Quimper, sa fille Agnès, mariée avec un seigneur d'Hennebont auront pris la partie sud-ouest, tandis qu'Alain Canhiart, le fils aîné et Guethneuc (ou Guetheneuc) se seront partagé la partie nord-est, c’est-à-dire le Poher (Carhaix et les paroisses Cornouaillaises entre Carhaix et l'Oust). [Note : Le titre de comte de Cornouaille n’est plus porté par les descendants de Budic à la fin du XIème siècle ; serait-il resté attaché à la part d'Orscand, évêque de Quimper, par suite au siège épiscopal de Quimper, serait-ce à ce titre que les évêques de Quimper ont été appelés depuis, comtes de Cornouaille ?].

Le partage entre Alain Canhiart et son frère Guethneuc dut se faire sur les bases suivantes : Poher fut divisé en trois parties : 1° Carhaix et Kergrist-Moëlou (dont Rostrenen était une trève) ; 2° Plouguernével avec sa trève de Gouarec et la forêt de Quénécan ; 3° Corlay-Mûr. Alain prit en entier Plouguernével ; Guethneuc en entier Carhaix, ce qui semble tout indiqué puisque Carhaix est le chef-lieu du Poher dont Guethneuc porte le nom ; puis Corlay-Mûr fut divisé entre les deux cohéritiers de façon que chacun eût un lot réparti sur Corlay et sur Mûr. Le titre de seigneur et dame de Corlay et Mûr porté simultanément par Constance de Bretagne d’une part et de l’autre Rivallon-an-Broch et Cadoret de Mûr est une preuve sensible de ce partage.

Recueillie par Agnès, fille d’Alain Canhiart, femme d'Eudes de Penthièvre, cette part de Poher se trouva ensuite subdivisée entre Alain Le Noir (père de Constance de Bretagne), et ses frères Geoffroy Boterel et Henri de Goello. Alain, fils d'Henri de Goello réunit entre ses mains les biens de son père et ceux de son oncle par suite d’une donation que lui fit son cousin Geoffroy Boterel III ; par suite la maison de Penthièvre posséda Plouguernével et quelques terres en Corlay qui sont restées attachées au domaine de Penthièvre jusqu’au siècle actuel [Note : La Penthièvre resta aux mains des descendants d'Eudes de Penthièvre jusqu’au XIIIème siècle, époque où Pierre de Dreux, dit Mauclerc, duc de Bretagne, par son mariage avec Alix de Bretagne, enleva ce domaine à Henri d'Avaugour. Erigé en duché-pairie par Charles IX en 1569 en faveur de Martiguez de Luxembourg, il passa par les femmes à Joseph de Vendôme qui le vendit à Marie-Anne de Bourbon, veuve du prince de Conti, puis celle-ci le vendit à 1697 au comte de Toulouse, fils légitime de Louis XIV, dont les descendants possédaient la Penthièvre au moment de la Révolution. (Levot, Biographie Bretonne ; tome II, pages 589 et 590). Les terres de Penthièvre sises en Corlay et en Plouguernével ont été vendues par le domaine sous la monarchie de Juillet] et l’autre fraction des biens d'Alain Canhiart, en Poher (Gouarec, forêt de Quénécan, partie de Corlay-Mûr), passa aux Rohan par Constance de Bretagne. Telle serait l’origine des biens des Rohan dans Corlay-Mûr.

La généalogie de la Rivière-Mûr qui a servi de base à cette partie de notre étude remonte seulement à Rivallon, vicomte de Poher en 1040, mais nous avons dû rechercher un peu au delà pour expliquer le fait que nous venons de signaler tout à l’heure : le titre de dame de Corlay et de Mûr porté par Constance de Bretagne dans l’acte de fondation de Bon repos en 1184 au moment où nous trouvons à côté d’elle un seigneur de Corlay et un seigneur de Mûr. Pour expliquer ce fait assez bizarre, il faut nécessairement que Constance de Bretagne soit en possession du lot de l’aîné dans Corlay-Mur et que d’un autre côté, Cadoret de Mûr et Rivallon de Poher-Corlay, deuxième du nom, soient les représentants des cadets de la même famille dont Constance représente la branche aînée. Or, si nous remontons dans la généalogie de Corlay-Mûr, nous voyons que la branche de Mûr est une branche cadette se rattachant à celle de Poher-Corlay, son aînée, par leur auteur commun Rivallon, premier du nom, qui vivait en 1040. Mais si les seigneurs de Mûr sont les cadets de cette famille, les Poher-Corlay en sont les aînés et portent comme Rivallon, premier du nom, le titre de vicomte de Poher ; il n’y a donc pas eu depuis Rivallon premier une branche aînée qui ait pu se détacher de la maison de Poher et transmettre à Constance de Bretagne le titre de dame de Mûr et Corlay. Pour trouver l’auteur commun et aussi pour expliquer la possession de domaines dans Corlay par la maison de Penthièvre, il a fallu remonter jusqu’au démembrement du comté de Cornouaille à la mort de Budic, et à défaut de documents écrits, reconstituer le partage probable de cette succession en prenant pour base les domaines que nous rencontrons aux mains de ses descendants quelque temps plus tard. Quelque défectueuse que soit cette manière de procéder, elle a été la seule qui nous permît d’expliquer la formation du fief de Constance de Bretagne dans Corlay-Mûr.

Rivallon, vicomte de Poher en 1040, auquel remonte la généalogie de la Rivière-Mûr, doit être le fils ou le petit-fils de Guethneuc, vicomte de Poher ; quoique nous n’ayons pas trouvé la preuve de sa filiation, la concordance de noms et de dates, jointe à la possession du domaine de Poher, nous paraît un indice suffisant. D’ailleurs, si Guethneuc est mort sans enfants, son titre et ses biens auraient passé à ses frères ou à ses neveux dont l’un serait devenu chef d’une nouvelle branche de Poher et aurait eu pour fils Rivallon. Dans tous les cas, en admettant que Guethneuc n’ait pas laissé de postérité (ce qui n’est aucunement prouvé), sa succession, son titre et ses terres ne peuvent avoir été recueillis que par ses frères et sœurs, neveux ou nièces, comme lui descendants de Budic de Cornouaille ; par conséquent, Rivallon, vicomte de Poher, auquel remonte la généalogie de la Rivière-Mûr serait toujours un descendant de Budic de Cornouaille ; quel que soit le degré auquel il se rattache, la provenance de ses biens et de son titre reste la même.

La succession de Rivallon, vicomte de Poher, se partage entre ses deux fils : Tanguy qui conserve le nom de Poher et Rivallon qui devient seigneur de Mûr. Telle est l’origine des deux fiefs de Corlay et de Mûr et des familles qui en portent le nom.

Ce partage date du XIème siècle. Au XVème siècle, les registres de la chambre des Comptes indiquent que le petit fief de Kerguichardet, situé au milieu des terres de Mûr, est possédé par Eon de Pohaer ; ce fait peut s’expliquer de plusieurs façons différentes : ou bien, ce qui est le plus vraisemblable, Eon est le descendant d’une dame de Mûr, mariée à un cadet de Poher entre le XIème et le XVème siècle, et dont le fief de Kerguichardet a formé la dot ; ou bien au XIème siècle, lors de la division de Corlay et de Mûr, le lot de Rivallon se trouvait plus important que Corlay, et alors Kerguichardet en a été détaché pour former une soulte.

Eudon de Mûr, vivant en 1161, épousa une fille de Rivallon de Corlay ; c’est vraisemblablement par suite de ce mariage que la maison de Mûr reçut des tenues sises en Saint-Martin, Saint-Mayeux et Laniscat, dont quelques-unes faisaient encore partie des fiefs de Mûr au commencement du XIXème siècle. Cette possession persistante de terres en Corlay explique aussi pourquoi les seigneurs de Mûr ont conservé dans leurs armes les traces de l’origine de leurs droits en écartelant les armes de Mûr et de Corlay.

Ainsi à la fin du XIIème siècle, au moment de la fondation de l’abbaye de Bonrepos (1184), Mûr doit être divisé en deux parts égales : celle de Constance de Bretagne, héritière d'Alain Canhiart et celle de Cadoret de Mûr, héritier de Guethneuc, vicomte de Poher ; c’est ce qui explique comment l’acte de fondation de l’abbaye donne le titre de dame de Mûr et Corlay à Constance de Bretagne, descendante de la branche aînée de Cornouaille, et cite parmi les témoins Cadoret, seigneur de Mûr, descendant de la branche cadette.

Par Constance de Bretagne, la part de la branche aînée passe aux vicomtes de Rohan.

Quant à la branche cadette, la généalogie de la Rivière-Mûr nous fournit encore quelques renseignements : Cadoret de Mûr, eût un fils, Garcis, chevalier, vivant en 1257, qui épousa Beatrix de Rostrenen.

De ce mariage sont issus trois fils :

L’aîné, Joachim, épousa Olive du Périer et n’eut qu’une fille ; c’est sans doute par elle que le fief de Mûr passa aux Boscher qui en prirent les armes en y ajoutant pour brisure une bande de gueules.

Le second fils, Christophe de Mûr, renonça à son nom pour prendre celui de sa seconde femme, Louise de la Rivière [Note : Thébaud de la Rivière avait mis au mariage de sa fille unique la condition que Christophe de Mûr prendrait le nom de la Rivière ; plus tard il se remaria et eut un fils, celui-ci voulut reprendre à son beau-frère le nom et le titre de chef de famille, mais il perdit son procès]. Il est même probable que son lot dans la succession de son père se composa de terres sises en Corlay et formant la majeure partie de celles qu’avait apportées en dot sa bisaïeule, fille de Rivallon de Poher ; en effet, les biens de Louise de la Rivière étaient situés à la Rivière-Kersaudy, paroisse du Haut-Corlay ; Christophe de Mûr, prenant le nom de la Rivière, dut évidemment venir s’établir là ; par conséquent il est tout naturel qu’il ait tâché de faire mettre dans son lot des biens les plus voisins de son nouveau domicile.

Le troisième fils de Garcis de Mûr. Guillaume, reçut en partage des terres situées à Saint-Connec, trève de Mûr, et fonda très probablement le petit fief de Coetmeur. En effet, Dom MORICE (preuves, tome I, colonne 1073), mentionne un acte de 1284 par lequel Guillaume de Mûr vend à Josselin de Rohan des terres sises dans la trêve de Saint-Connec, entre le village de ce nom (Sanctus Canocus) d’une part, et le village nommé Kerleau de l’autre, en descendant du village de Vierlein et en allant vers le cours d’eau qui coule entre le village de Perchenic et les communes de Coetmeur. Par suite de cette vente, son lot dût se trouver fort amoindri et correspond bien au petit fief de Coetmeur dont nous parlerons plus loin.

Là s’arrêtent les renseignements sur Mûr fournis par la généalogie de la Rivière. Nous allons maintenant nous appuyer sur d’autres documents, les procès-verbaux du XVIIIème siècle constatant les droits honorifiques en l’église de Mûr ; le principal fut dressé en 1718. Nous n’y trouverons pas seulement les noms des seigneurs du XVIIIème siècle, mais encore nous verrons les écussons sur lesquels portent leurs droits ; nous pourrons en même temps, par l’examen de ces armoiries et des alliances qu’elles indiquent, retrouver sur la maîtresse vitre le tableau des seigneuries de Mûr à l’époque probable du premier établissement de cette vitre (fin du XIVème siècle), et nous chercherons à rattacher ce tableau d’un côté aux seigneurs de 1718, de l’autre à la formation première des fiefs de Mûr que nous venons d’étudier.

Le procès-verbal de 1718 mentionne comme prétendants au titre de prééminenciers :

1° Le duc de Rohan.

2° Louis René Le Sénéchal, marquis de Carcado, baron du Bot, Brohais, etc.

3° Le comte de Noyan, seigneur de la Roche-Guéhennec.

4° Dame Péronnelle Angélique de la Villéon, épouse de Jean du Parc de Quercadou, douairière des seigneuries de Coethuan-Mûr, Launay-Mûr et Botpléven.

5° Claude Le Moenne, seigneur de Quellennec.

6° Jean-Gabriel Rioux, sieur du Quérisouët, seigneur de Querguichardet.

Après avoir relevé les noms des réclamants, examinons les écussons qui existaient dans l’église de Mûr, d’abord les armes sculptées sur pierre :

1° Il y avait au-dessus de la porte principale un écusson de Rohan ; il n’est décrit que dans le procès-verbal de 1777, il n’est pas mentionné dans les autres, pas même dans celui de 1740 qui a pour objet la réfection du pignon. Pourquoi ? une simple omission dans les procès-verbaux serait une explication invraisemblable ; il faut penser qu’il a dû être placé là en 1740 ; il pouvait venir de Sainte-Suzanne ; nous n’avons pas de procès-verbal de cette chapelle, mais un fabricien déclare, dans ses comptes, avoir payé les honoraires des gens de justice pour voir les armes du seigneur duc de Rohan sur la maîtresse vitre avant de la démolir, lorsqu’on voulut annexer une sacristie en 1693 ; l’écu de Rohan en bosse pouvait être au-dessus de la verrière, ou bien dans le pignon ouest qui fut refait en 1699 ; on l’aura transporté et replacé à Saint-Pierre en 1740. Peut-être se trouvait-il au-dessus de la maîtresse vitre de Saint-Pierre : le pignon qui contenait cette vitre fût l’objet d’une réparation considérable vers 1623 [Note : Une quittance de 1623 (Archives de la paroisse) constate le paiement du prix d’un marché passe avec la fabrique pour démolir et reconstruire le pignon du choeur] ; l’écusson n’aurait pas été replacé à cette époque et on l’aurait plus tard utilisé dans le pignon Est. En tous cas, il est peu probable qu’il date seulement de la réfection du pignon en 1740.

2° Le procès-verbal de 1718 signale, de chaque côté de la maîtresse vitre, des armes en bosse : côté de l’évangile, un aigle éployé, ce sont les armes des du Fou, seigneurs de la Roche-Guéhennec ; cet écusson est mentionné dans l’aveu de la Roche en 1549. Côté de l’épître, une croix engrelée, traversée d’une bande ; ce sont les armes des Boscher, sieurs de Launay-Mûr dont nous avons le sceau conforme sur un acte de 1377, portant cession à Jean du Fou de terres sises à la Roche-Guéhennec et Guern-Quémer.

3° Un tombeau dans le sanctuaire, côté de l’évangile, portait en 1718 un écusson sur lequel on ne pouvait reconnaître que quelques macles : l’aveu de la Roche en 1549 indique un tombeau appartenant à cette seigneurie au même emplacement, nous n’avons pu trouver aucun indice sur la provenance de ces macles.

4° Un tombeau, côté de l’épître, porte une croix engrelée traversée d’une bande, c’est la reproduction de l’écusson à côté de la vitre, écusson des Boscher de Launay-Mûr ; un procès-verbal de la chapelle de Saint-Jean dressé en 1762 donne les couleurs de cet écusson qui se trouvait aussi dans cette chapelle : d’azur à la croix engrelée d’or, surmontée d’une traverse de gueules de droite à gauche.

5° Au-dessus des bancs du chanceau, à la queue du premier et à la tête du second, se trouvent deux écussons en bosse non blasonnés portant sept macles chacun ; ce sont les armes du Quellennec, le procès-verbal de 1718 porte que le seigneur de ce lieu en réclame la propriété et offre d’en justifier.

Telles sont les indications relatives aux écussons sculptés en bosse sur pierre ; passons maintenant aux armes relevées sur les vitraux en 1718 ; le style flamboyant de la rose semble indiquer qu’elle date de la fin du XVème siècle ; d’un autre côté des pièces de comptabilité indiquent sa réfection en 1623 ; les vitraux, si on se réfère aux alliances indiquées par les écussons, dateraient de la fin du XIVème siècle ; d’ailleurs rien n’empêche de croire que ces armoiries provenaient d’une vitre plus ancienne et ont été replacées dans celle du XVème siècle.

Voici les écussons relevés par le procès-verbal de 1718 :

1° La maîtresse vitre porte en supériorité deux écussons de Rohan, l’un plein, c’est-à-dire de gueules parsemé de macles, l’autre de Rohan avec alliance de Navarre ; cette alliance fait allusion au second mariage de Jean 1er vicomte de Rohan, lequel épousa en premières noces Jeanne de Léon dont il eut deux fils, et en secondes noces Jeanne de Navarre dont il eut un fils, tige des princes de Guéméné. Jean de Rohan mourut en février 1396.

2° Immédiatement au-dessous des armes de Rohan se trouvent sur une seule ligne quatre écussons : les deux au nord portent de gueules à neuf besans d’or ; les deux au sud présentent les mêmes armoiries avec cette différence que la première ligne de besans est remplacée par des aiglons. Il n’y a pas de doute pour les armoiries au nord, ce sont celles de Malestroit ; celles du sud sont évidemment les mêmes avec une brisure consistant dans la substitution d’aiglons aux besans sur la première ligne. Cela semble indiquer que les Malestroit possédaient un fief à Mûr et l’ont transmis non pas à la branche aînée, mais à une branche cadette.

Nous devons cette explication à M. de Keranflec'h qui a eu l’obligeance de déchiffrer les armes de la maîtresse vitre et de nous fournir à l’appui la plupart des recherches généalogiques qui suivent : les renseignements fournis par le père DUPARY (Histoire de plusieurs Maisons illustres de Bretagne. Paris, Nicolas BECON, 1620, pages 151 et suivantes), sur la généalogie des Malestroit expliqueraient assez bien ce fait : Jean de Malestroit Largoët mourut en 1394, et laissa à sa fille Jeanne, le fief de Malestroit, quoiqu’il eût aussi un fils ; Jeanne de Malestroit épousa Jean Raguenel dont les descendants furent autorisés à porter le nom et les armes de Malestroit ; suivant les règles héraldiques, ils durent, en prenant ces armes de la famille de leur mère, les briser, c’est-à-dire y introduire une modification, il est donc bien probable que la brisure des armes de Malestroit, consistant dans le remplacement de trois des besans par trois aiglons, caractérisait l’écusson des Malestroit-Raguenel : aussi le vitrail de Mûr, en reproduisant les armes de Malestroit-Largoët et celles de Malestroit-Raguenel, laisserait à penser qu’un fief sis à Mûr a été successivement la propriété de ces deux familles. Or, en 1448, le procès-verbal des terres nobles porte que le manoir de Coethuan (en Noyal-Pontivy) appartient à Monsieur de Malestroit (de la branche de Malestroit-Raguenel), et de nombreux titres postérieurs à cette date signalent les descendants de ce Malestroit comme propriétaires de Coethuan-Noyal et Coethuan-Mûr. C’est donc en qualité de seigneur de Coethuan-Mûr que les sires de Malestroit avaient leurs armes sur la maîtresse vitre de Saint-Pierre.

3° Au-dessous des écussons de Rohan et Malestroit, viennent sur une seule ligne quatre écussons :

I. — En commençant au côté de l’évangile, le premier est écartelé aux 1 et 4 d’azur à un aigle d’or (armes de la famille du Fou), aux 2 et 3 d’argent à une croix de gueules aiglée d’or (Montfort) ; ce sont les armes des du Fou, seigneurs de la Roche-Guéhennec depuis 1377 ; Jean du Fou qui avait acquis et constitué ou agrandi ce fief, épousa en 1389 Mahaut de Montfort (Archives de Mûr, inventaire de 1769, acte du 10 Mars 1389), d’où l’écusson écartelé du Fou-Montfort.

II. — A la suite et sur la même ligne, un écusson portant d’argent à sept macles de gueule. Dans le procès-verbal de 1718, Claude Le Moenne, seigneur du Quellennec, déclare que ces armes ont été de tout temps celles du Quellennec et de la famille de ce nom.

Le Quellennec n’est pas situé dans Mûr, mais il en est très voisin et en même temps fort loin de Merléac, sa paroisse ; on comprend facilement que les seigneurs de ce lieu aient cherché à avoir un banc et un tombeau dans l'église de Mûr ; LA CHESNA1S-DESBOIS, à l'article Quengo, expose que Guillaume du Quellennec a acquis par acte du 14 novembre 1459 de Jean du Quengo, les enfeux prohibitifs qui appartenaient à ce dernier dans l’église de Mûr, par représentation de son aïeule Adelice de Quénécan. Par suite de ce contrat, l’écusson du Quellennec a dû remplacer sur le vitrail de Mûr à une époque postérieure à 1459 les armes de Quénécan qui s’y trouvaient primitivement.

III. — Sur la même ligne que les précédents, un écusson écartelé aux 1 et 4 d’azur à la croix engrelée d’or (Mûr), aux 2 et 3 de gueules au lion d’or (Corlay). Ces armes sont celles qu’on retrouve le plus fréquemment pour désigner les seigneurs de Mûr alliés aux sires de Corlay par le mariage d'Eudon de Mûr avec la seconde fille de Rivallon-ar-Broch, sieur de Corlay et Guesnie, vers le milieu du XIIème siècle.

IV. — Toujours sur la même ligne, un écusson au premier d’azur à une croix engrelée d’or ; au troisième de gueules au lion d’or ; partie à deux faces de gueules accompagnée de cinq merlettes de gueules posées 2, 2 et 1 en pointe. La première partie (premier et troisième quartiers) reproduit les armes de l’écusson précédent : Mûr-Corlay ; la seconde indique une alliance dont nous n’avons pas trouvé l’explication ; il est probable que ce sont les armes de la femme d’un Boscher, sieur de Launay-Mûr, à l’époque de la construction de la vitre.

Ces deux derniers écussons (III et IV) se retrouvent également sur la vitre qui surmonte l’enfeu dans la chapelle privative de Launay-Mûr en l’église de Mûr, ou chapelle Sainte-Anne, sise au sud du sanctuaire.

4° Dans la vitre au-dessus de l’autel du Rosaire, le procès-verbal de 1718 mentionne un écusson de gueules à une croix ancrée d’argent, partie d’argent à trois hermines de sable, au chef de gueules chargé d’une macle et demie d’or. Cet écusson est facile à expliquer : la partie de gueules à la croix ancrée d'argent est l'écusson de Kerguezangor, d’autre partie celui de Boisbouexel ; or un aveu de Launay-Mûr (Archives de Mûr) rendu en 1564 par Hervé de Kerguezangor, nous fait connaître que ce seigneur était fils de Jehan de Kerguezangor et de Marguerite de Boisbouexel ; la vitre du Rosaire porte donc les armes de Jean de Kerguezangor et de sa femme ; elle date de la première moitié du XVIème siècle.

5° Au-dessous de la vitre du Rosaire, un banc à accoudoir porte un écusson en bosse, au premier à un aigle votant (du Fou), au troisième une croix allaizée (Montfort), partie à deux haches d’armes. La première partie comprenant les armes des du Fou et des Montfort, l’écusson est postérieur à l’alliance de ces deux familles ; quant à la seconde partie, elle indique une alliance des du Fou, alliance qu’il est difficile de déterminer parce que les couleurs ne sont pas décrites. Suivant un aveu de la Roche-Guéhennec en 1549, cette seigneurie possède un banc au bas de l’église, vis-à-vis le crucifix d’icelle, cette situation correspond à celle du banc armorié sous la vitre du Rosaire.

Tels sont les écussons relevés dans l’église de Mûr (aujourd'hui Mûr-de-Bretagne). Nous avons énuméré les seigneurs qui se présentaient en 1718 comme propriétaires de ces écussons, nous devons examiner maintenant comment ils étaient en possession de ces droits, comment ils se rattachaient aux seigneurs dont les armes viennent d’être décrites et dont, pour la plupart, l’existence est antérieure au XVème siècle ; nous essayerons en même temps de rechercher comment ceux-ci se trouvaient détenteurs à la fin du XIVème siècle des deux grands fiefs dont nous avons vu l’un passer aux Rohan par Constance de Bretagne, dont nous avons suivi l’autre jusqu’à la fin du XIIIème siècle aux mains de la famille de Mûr.

Quels sont les seigneurs du XVIIIème siècle ?

1°. Le duc de Rohan est prééminencier à Mûr, comme partout dans les environs, mais il y a aussi des domaines privés, seulement il n’a plus toute la part de Constance de Bretagne ; ce lot s’est subdivisé : la comtesse du Parc, veuve du marquis de Coetlogon, née de la Villéon de Boisfeuillet, détient la moitié de ce fief ; son père a acquis cette portion qui appartenait au XIVème siècle aux Malestroit sans doute par suite d’une alliance avec les Rohan. Nous avons signalé les armes de Malestroit figurant en éminence dans la maîtresse vitre, il n’y a au-dessus d’elles que les armes de Rohan ; or, un seigneur de la Roche-Guéhennec, rendant aveu au vicomte de Rohan en 1571, dit que ses armoiries sont « l’une des deux secondes emprès ledit seigneur vicomte », c’est donc qu’il compte les armes de Malestroit comme une annexe de celles de Rohan ; d’ailleurs le fief de Coethuan auquel elles s’appliquent est à foi et hommage sans devoir de rachat (aveu de Coethuan par Pierre de la Fresnaye, époux de Guionne de la Voue du 12 septembre 1641. (Archives de Mûr). Il possède la halle de Mûr, a droit de haute justice ; le moulin de Poulhibet lui appartient. Rohan n’a pas de moulin à Mûr. A côté de son moulin, Coethuan possède une motte féodale au confluent du ruisseau du Poulancre et du Blavet ; Rohan n’a plus lui-même que les ruines d’un petit château à côté de Sainte-Suzanne, qu’on appelle la  maison de plaisance. Tout cela n'indique-t-il pas que Coethuan et Rohan-Mûr sont un seul et même fief démembré à une époque fort ancienne ?

Comment Coethuan a-t-il passé des Malestroit à la comtesse du Parc ? Le père de la comtesse du Parc, Mathurin de la Villéon de Boisfeuillet, par acte d’échange en date du 29 mars 1657, avait acquis le fief de Coethuan-Mûr, de Gilles de Belouan et Geneviève Le Gouz, son épouse. Il est dit dans le contrat que Gilles de Belouan tient ses droits de Pierre de la Fresnaye, seigneur dudit lieu, par acte d’échange reçu par le même notaire le 20 février, même année (Archives de Mûr).

Pierre de la Fresnaye était l’oncle de Mathurin de la Villéon, celui-ci étant fils de François et d'Isabeau de la Fresnaye, soeur dudit Pierre de la Fresnaye.

Pierre de la Fresnaye avait épousé le 8 Mai 1629 Guionne de la Voue, baronne de la Pierre, dame de Coethuan (généalogie de la Fresnaye, réformation de la noblesse en 1668).

Guionne de la Voue était fille de Louis de la Voue, baron de la Pierre, et de Guionne de Courtarvel, mariés en 1603 (LA CHESNAIS-DESBOIS, art. la Voue).

Louis de la Voue était fils de François de la Voue, baron de la Pierre, au pays du Maine, seigneur de Clamecy en Berry, chevalier de l'Ordre du roi, et de Claude de Kermavan ou Carman (LA CHESNAIS-DESBOIS, art. la Voue).

Claude de Kermavan était fille de Maurice de Plusquellec, sieur de Bruillac, de Kermavan ou Carman, de Campson, de la Forest de Saint-Merven, fils de Jean de Bruillac et de Françoise de Kermavan. Des aveux de tenues à Mûr sous Coethuan sont rendus à ce seigneur en 1552 et 1569 (Archives de Mûr). Sa mère était Jeanne de Goulaine.

Celle-ci était fille de Christophe II de Goulaine et de Claude de Montejeau.

Claude de Montejeau était fille de Louis de Montejeau, sieur dudit lieu, de Sillé-le-Guillaume, Cholet, Bécon, Briençon, le Loroux-Boterau, et de Jeanne du Chastel, vicomtesse de la Bellière, dame de Renac, le Carrouët, Combour, etc... [Note : Louis de Montejeau et Jeanne du Chastel eurent cinq enfants : leurs deux fils moururent sans postérité. Anne, leur fille aînée, épousa Georges Tournemine, baron de la Hunaudaye, dont elle n’eut pas d’enfants, et, en secondes noces, Jean VII d'Acigné auquel elle apporta la terre de Coethuan. La réformation de 1536 porte en Noyal : « Coethuan appartenant au sieur d'Acigné ». Il paraît que cette famille s’éteignit bientôt et que le fief de Coethuan fut recueilli par Claude de Montejeau, soeur cadette d'Anne et épouse de Christophe de Goulaine].

Jeanne du Chastel, était fille de Tanguy du Chastel, sieur de Renac, chambellan du duc, et de Jeanne de Malestroit, vicomtesse de la Bellière, dame de Combour, du Carrouët, la Villequeno, etc., mariés en 1462.

Jeanne de Malestroit était fille de Jean Raguenel et de Gillette de Malestroit Châteaugiron.

Jean Raguenel était fils d’autre Jean Raguenel, vicomte de la Bellière, de la Villequeno, de Carentoir, Cramon, la Coppuaye, du Courrouët, et de Jeanne de Malestroit.

Celle-ci eut deux fils, tous deux appelés Jean ; l’aîné mourut en 1436 et le second prit après son frère le nom et les armes des Malestroit, par démission de leur mère ; il obtint en 1450 l’érection de Malestroit en baronnie de Bretagne. Il rendit aveu au duc après la mort de sa mère en 1471. Il était seigneur de Coethuan, le procès-verbal d’enquête des terres nobles en 1448 porte : « Le manoir de Coethuan appartenant à Monsieur de Malestroit ».

Jeanne de Malestroit était fille de Jean, sire de Malestroit et de Largoët ; elle recueillit en 1394 la succession de son père et mourut à un âge très avancé en 1470 (AUGUSTIN DE PARY, Histoire de plusieurs Maisons illustres de Bretagne, p. 151 et suivantes)].

Nous devons à M. de Keranflec'h l’établissement de cette généalogie.

Il nous semble hors de doute que Coethuan-Mûr est venu aux Malestroit-Raguenel par leur grand-père Jean de Malestroit, puisque les armes de celui-ci figurent sur la maîtresse vitre de Mûr ; resterait à établir comment Jean de Malestroit avait recueilli Coethuan-Mûr que les Rohan tenaient de Constance de Bretagne, nous n’avons pu élucider ce point. Nous pensons toutefois que le fief de Coethuan-Mûr a dû être détaché de Rohan-Mûr au commencement du XIVème siècle.

En effet, nous exposerons plus loin que les armes des Malestroit se trouvent sur le manoir de la Motte, en Saint-Connec ; la Motte sort donc de Coethuan-Mûr, or elle est située à la pointe du territoire que Josselin de Rohan acquit en 1284 de Guillaume de Mûr ; par conséquent le détachement de Coethuan-Mûr est postérieur à l’acquisition de Josselin de Rohan.

D’un autre côté, la maîtresse vitre de Mûr porte les armes des Malestroit-Largoët, à côté de celles de Malestroit-Raguenel, or Coethuan est devenu la propriété du premier des Malestroit-Raguenel, ainsi que l’indique le procès-verbal des terres nobles en 1448 : il a passé à cette branche par Jeanne de Malestroit qui le tenait de son père Jean de Malestroit-Largoët, celui-ci est donc le dernier des Malestroit-Largoët qui ait possédé Coethuan-Mûr. Il devait être fils ou petit-fils d'une descendante de Josselin de Rohan. De ce raisonnement, il résulte que le fief de Coethuan-Mûr a été détaché de celui de Rohan-Mûr à une époque qui ne peut guère s’étendre en deçà ni au-delà de la première moitié du XIVème siècle.

 

2°. Nous avons dit que les Poher-Corlay avaient Kerguichardet sur les terres de Mûr, et nous avons indiqué l’origine probable de ce petit fief. En 1718 il est aux mains de Jean-Gabriel Rioux, sieur de Quérisouët, procureur fiscal à Pontivy. Les registres de la Chambre des Comptes de Bretagne indiquent comme possesseur de ce fief en 1426, Eon de Pohaer ; en 1536, Tanguy Gourvinec. Au XVIIème siècle, il appartient à une famille Le Moël ainsi que le constatent les qualifications relevées aux registres de la paroisse. Dans la seconde moitié du XVIIIème siècle, il passe à une famille Euzenat de Pontivy (Registre des délibérations du général de Mûr).

 

3°. Les sieurs de Mûr sont représentés en 1718 par trois familles :

I. — Louis-René Le Sénéchal, marquis de Carcado, baron du Bot, Brohais, etc., veut faire constater l'existence des armes de Brohais (écartelées sinople et or) dans la rose de la maîtresse vitre, mais les experts et le juge-commissaire repoussent ses prétentions. Son fief de Brohais pouvait à la rigueur provenir d’un démembrement de Mûr, car plusieurs tenues de ce fief sont enchevêtrées dans celles de Mûr, et le village de Squiviec, en Mûr, appartenait à Coethuan-Mûr, Brohais et Launay-Mûr ; la lande adjacente paraît même avoir été indivise autrefois entre ces fiefs. Un acte de 1377 (Archives de Mûr) nous fait connaître que Guillaume de Brohais avait voulu acquérir de Guyon Boscher la Roche-Guéhennec en échange de terres sises à Ploerdut, mais que d’un commun accord entre les coéchangistes cet acte fut rescindé avant d’être mis en exécution ; Guillaume de Brohais céda d’ailleurs ses terres de Ploerdut à Boscher, car celui-ci figure en 1400 comme seigneur à Ploerdut (OGÉE, Dictionnaire, IIème vol., p. 324, au mot : Ploerdut).

II. — Vient ensuite le comte de Ranconnet de Noyan, seigneur de la Roche-Guéhennec.

Un aveu de 1675, rendu par Joseph de Cherbaye d'Ardaine au nom de François-Louis de Ranconnet et Louis de Clermont, marquis de Gallerande, fait connaître que la terre de la Roche-Guéhennec appartenait auparavant à Henry de Bourbon, marquis de Malose, fils de Louis de Bourbon et de Charlotte de Kerveno.

Celle-ci était fille de François de Kerveno et de Catherine Launay.

François de Kerveno était fils de Georges de Kerveno et de Suzanne du Fou.

Suzanne du Fou était fille de Jean du Fou et de Jeanne de Maillé.

Jean du Fou était fils de Christophe du Fou (qui le 10 février 1549 rendait aveu de la Roche-Guéhennec et de Moréac au vicomte de Rohan) et de Bonaventure de la Porte.

De ce mariage, outre Jean du Fou, étaient nées deux filles : Anne et Barbe du Fou, représentées en 1675, l’une par Louis de Clermont et l’autre par François-Louis de Ranconnet, marquis d'Escoiré.

François-Louis de Ranconnet était fils de Louis de Ranconnet et de Marguerite du Chesne.

Louis de Ranconnet était fils de Benjamin de Ranconnet et d'Anne d'Espagne.

Anne d'Espagne était fille de Claude d'Espagne et de Léa Boutault.

Celle-ci était fille de Claude Boutault et d'Anne du Fou.

C’est ainsi que la famille de Ranconnet recueillit la Roche-Guéhennec comme héritière de la famille du Fou.

En 1389, un acte de prisage du manoir du Plessix mentionné dans l’inventaire du comte de Noyan en 1769 (auquel nous avons emprunté aussi les renseignements qui précèdent), relate que Jehan de Montfort baille à Mahaut de Montfort, sa sœur, mariage fesant avec Jehan du Fou, huit héritages situés en la vicomté de Rohan qui ne sont pas prisés ici et ce jusqu’à concurrence de cinquante livres de rente. Nous ignorons si ces héritages se trouvaient aux environs de Mûr et sont venus accroître d’autant la Roche-Guéhennec.

En 1375, Jouhan du Fou avait acquis, par contrat d’échange passé à Avignon avec 0llivier de la Feuillée, les terres que ce seigneur possédait sous la vicomté de Rohan dans la paroisse de Mûr et dans ses trèves, notamment à la Villeneuve, la Ville de Saint-Guen, à Kerbigot et généralement tout ce qu’il possédait en la paroisse de Mûr et ses trèves (Archives de Mûr).

Deux ans plus tard, en 1377, le même Jouhan du Fou acquit de Guyon Boscher, pour cent francs d'or, la Roche-Guéhennec et ses appartenances à Guer-Quémer (Archives de Mûr). L’acte de 1377 porte le sceau du vendeur Guyon Boscher, ce sceau est conforme aux écussons que nous avons relevés dans l’église de Mûr et la chapelle de Saint-Jean, il prouve que Boscher est un cadet ou plutôt un descendant par les femmes de la famille de Mûr.

L’acte de 1377 indique que le manoir et les terres vendus par Guyon Boscher formaient son lot, c’est-à-dire qu’ils lui avaient été attribués dans un partage, et dans le siècle suivant on trouve encore des Boscher seigneurs de Launay-Mûr.

La Roche est donc un démembrement de la seigneurie de Mûr.

III. — La comtesse du Parc se présente en 1718 non-seulement comme dame de Coethuan, mais comme dame de Launay-Mûr ; elle était l’unique descendante de la famille de Boisfeuillet. Cette famille paraît avoir possédé depuis longtemps le fief de Botpléven en Saint-Aignan. Nous avons vu comment Mathurin de la Villéon de Boisfeuillet, père de la Comtesse du Parc, avait acquis Coethuan-Mûr en 1657 : la famille de Boisfeuillet était depuis une centaine d’années en possession de Launay-Mûr qui lui échut par le mariage d'Isabeau de Kerguezangor avec François de la Villéon de Boisfeuillet arrière-grand'père de la comtesse du Parc [Note : La comtesse du Parc était fille unique de Mathurin de la Villéon de Boisfeuillet et d'Anne Visdelou. Mathurin était fils de François et d'Isabeau de la Fresnaye mariés en 1610. Ce François de la Villéon était fils d’autre François et d'Isabeau de Kerguezangor].

Isabeau de Kerguezangor était la dernière descendante de la famille de ce nom [Note : Elle fut enterrée à Gausson, le 15 mai 1634], aussi en 1640 François de la Villéon se trouve en possession des même fiefs dont aveu était rendu en 1564 par Hervé de Kerguezangor (Archives de Mûr).

Hervé de Kerguezangor était fils de Jean et de Marguerite de Boisbouexel ; dans l’aveu de 1564 il indique qu’il tient de sa mère le fief de la Ville-Audren, et de son père celui de Launay-Mûr. En 1549, nous retrouvons son nom dans un aveu de la Roche-Guéhennec en raison d’une rente féodale qu’il doit à cette seigneurie pour un pré à Coetsalio. En 1536, son père Jean de Kerguezangor figure comme seigneur de Launay-Mûr sur le registre de la chambre des comptes. En 1426 Eon Boscher est indiqué sur le même registre comme seigneur de Launay-Mûr. Nous avons vu en 1377 Guyon Boscher vendre à Jouhan du Fou la Roche-Guéhennec, la famille Boscher a donc possédé la Roche et Launay-Mûr ; par suite le fief de la Roche et celui de Launay-Mûr ont une origine commune et représentent, avec Coetmeur, le fief de Mûr tel qu’il était aux mains de Rivallon, seigneur de Mûr au XIème siècle et de ses descendants que nous avons énumérés jusqu’à la fin du XIIIème siècle, époque où nous avons vu la famille de Mûr se fractionner en trois branches.

Au fief de Launay-Mûr étaient annexés, au XVIIIème siècle, les deux petits fiefs de Coetmeur et de Botrain.

Coetmeur appartenait au XVème siècle à une famille Geffrezo ou Jeffrezou dont nous avons deux aveux en 1412 et 1495. En 1564, Hervé de Kerguezangor, rendant aveu au vicomte de Rohan des biens qu’il a recueillis dans les successions de ses père et mère, porte les terres de Coetmeur avec la métairie noble et le moulin de ce nom ; nous n’avons pas pu découvrir comment Coetmeur s’était trouvé réuni à Launay-Mûr entre 1495 et 1564.

Un aveu de la Roche-Guéhennec en 1549 porte qu’une rente est due à cette seigneurie sur le moulin et le lieu de Coetmeur, un autre aveu de 1571 porte : moulin et emplacement ; la différence des deux termes employés peut donner à penser que le manoir avait été détruit entre ces deux dates, toutefois cet indice ne nous paraît pas absolument concluant.

Dans tous les cas, Coetmeur a dû être à l’origine un démembrement de Mûr créé au profit d’un cadet, c’est sans doute le manoir bâti sur le lot de ce Guillaume de Mûr qui vendit à Josselin de Rohan en 1284 une partie de ses terres longeant la lande de Coetmeur.

En appliquant au terrain l’acte de 1284 et les aveux de Coetmeur au XVème siècle, on voit facilement que les terres vendues par Guillaume de Mûr touchent celles de Coetmeur sur une grande étendue et présentent la figure d’une large lisière découpée sur toute la partie sud-est de ce fief.

A côté de Coetmeur, nous trouvons le petit fief de la Motte appelé souvent la Motte-Coetmeur. Les bâtiments restant de l’ancien manoir qui paraît dater du XVème siècle portent encore l’écusson de Malestroit, c’était donc une annexe des terres de Coethuan-Mûr, et comme nous avons établi que les Malestroit devaient tenir leurs droits sur Coethuan d’une alliance avec les Rohan, il est bien probable que le manoir de la Motte fut bâti sur les terres cédées à Josselin de Rohan par Guillaume de Mûr en 1280. Au XVIème siècle ce fief n’est plus aux mêmes mains que Coethuan-Mûr, les anciennes réformations indiquent en 1535 qu’il est possédé par la famille de Kerlogoden ou Guerlogoden qui tire son nom d’un ancien manoir situé dans Kergrist, trève de Neuillac ; cette famille s’est éteinte au XVIIIème siècle.

Quant au fief de Botrain, son origine et son histoire sont plus obscures que celles de Coetmeur. Il y a bien en Mûr un ancien manoir qui s’appelle Botrain ; quoiqu'il ait une certaine importance comme bâtiment, rien n’indique qu’il ait jamais été une résidence noble ; un notaire l’habitait au XVIIIème siècle, et l’ensemble des domaines de Botrain est plus souvent désigné sous le nom de rôle du Botrain que sous le nom de fief.

Lorsqu’on examine les articles de ce rôle, on est frappé de sa composition : il contient très peu de tenues à domaine, quelques tenues à héritage roturier et beaucoup de chefrentes qui portent soit sur des villages entiers, soit sur des maisons paraissant avoir servi d’habitation, dans des temps reculés, à des gentilshommes ou à des roturiers notables. Parmi les domaines congéables qu’il renferme on trouve le bois du Cornec dont la partie sud-est contient encore de nos jours les traces d’une fortification qui pourrait bien avoir été un château : le fossé levant est creusé dans le roc, le fossé nord est bordé d’un rejet de terre assez considérable, à l’ouest les limites sont difficiles à reconstituer, la déclivité du terrain est très forte, elle a dû faciliter l’éboulement des talus et l’effacement de leurs contours ; au sud le rocher est à pic et domine la vallée du Blavet, en face de Castel-Finans. Le rôle de Rohan en 1519 mentionne une redevance due sur la terre au Cornec de Clesmertan, ce qui indique que le nom de Cornec a été porté par une famille qui aurait bien pu donner son nom au bois et posséder le château dont on voit les débris ; dans tous les cas, l’existence du château fut-elle prouvée, sa destruction remonterait à une époque très ancienne et on pourrait simplement conclure qu’il y a eu sur ce point le fief d’une branche cadette qui se serait éteinte ou un arrière fief qu’un des nombreux cas de retrait féodal aura réuni au domaine de son suzerain.

Le rôle du Botrain comprenait parmi ses domaines congéables le manoir de Quistillic en Saint-Guen ; les bâtiments existent encore, il est évident que c’est un ancien château. En 1536 les registres de la Cour des Comptes portent que le nommé d'Arradon, sieur du Quistillic, en Saint-Guen, habite du côté de Vannes ; cette famille d'Arradon se fondit au commencement du XVIIème siècle dans la maison de Lannion, celle-ci a conservé jusqu’à la fin du XVIIIème siècle des terres dans la paroisse de Mûr qui sans doute lui provenaient des d'Arradon, mais elle ne possédait plus le manoir de Quistillic, nous le retrouvons au rôle du Botrain.

Les chefrentes de Botrain sont généralement établis sur des villages entiers ou des maisons nobles : villages de Tressaut, Favanic, Kerivalan ; maisons de Troalan au bourg de Mûr, de Branhouar à Saint-Guen, Brenhué actuellement Bernouë, de Kermen, Coadresso (Coetdrezo), du Quistillic. Plusieurs de ces chefrentes portent sur des biens qui figurent à l’aveu général de Rohan, notamment Tressaut et Coetdrezo. Beaucoup de redevances ont un caractère féodal et portent sur des objets extraordinaires : Tressaut doit une coiffe et des gants, un autre doit une bécasse, un autre un pot de vin.

Ces chefrentes portant sur des maisons nobles semblent indiquer que le propriétaire de ces maisons est le vassal du sire de Botrain, et comme le suzerain de Mûr est le vicomte de Rohan, comme d’un autre côté on ne trouve pas trace d’une famille suzeraine installée au Botrain, on est amené à conclure que le rôle du Botrain est une partie détachée du rôle de Rohan-Mûr.

Il semble en somme que ce rôle se compose surtout de rentes féodales et de biens ayant fait retour au suzerain. Il a dû être cédé par un vicomte de Rohan à un seigneur de Launay-Mûr moyennant finances ou plutôt en récompense de services rendus.

Cette dernière hypothèse repose sur le fait suivant : en 1741, le comte de Noyan, qui venait d’acheter Botrain avec Launay-Mûr, Coethuan-Mûr et Coetmeur, voulut affermer à M. de Launay-Harant la recette de ses propriétés ; dans le projet de ferme, qui est aux archives de Mûr, se trouve la clause suivante : « en cas d’éviction du rôle du Botren, le dit sieur de Launay ne pourra en prétendre de dommages ni intérêts, lui sera seulement fait diminution de la somme de quatre-vingt-sept livres par an ». Comment expliquer ce danger d’éviction prévu par le comte de Noyan au sujet du Botrain seulement ? La seule raison que nous trouvions serait la crainte d'une rescision de la cession faite par le vicomte de Rohan, c’est donc que cette cession aurait eu lieu dans des conditions exceptionnelles.

Voici par exemple un cas où elle aurait pu se produire : Jean II de Rohan, fils d'Alain et de Marguerite de Lorraine, avait enfermé dans une tour de Josselin une de ses soeurs qui intéressa à son sort un gentilhomme, René de Kerardreux, et le pria de venir lui parler à une fenêtre de la tour. Kerardreux se trouva au rendez-vous, et fut tué dans les fossés du château par quelques seigneurs de la suite du vicomte de Rohan. Le vicomte de Rohan fut arrêté et reconnu non coupable ; cinq des meurtriers se réfugièrent dans l'église des Carmes de Nantes ; le duc de Bretagne François II, fit cerner l’église pendant près de deux ans et finit par accorder des lettres de rémission aux réfugiés : parmi ceux-ci se trouvait Tristan de Kerguezangor. En 1480, François II cassa toutes les donations et ventes faites par Jean de Rohan, si nombreuses qu’elles avaient absorbé presque tout son actif. (LEVOT, biographie Bretonne, vol. II, p. 748).

Nous avons vu que les Kerguezangor étaient seigneurs de Launay-Mûr au commencement du XVIème siècle ; si Botrain se trouvait entre leurs mains par suite d’une donation de Jean II au profit de Tristan de Kerguezangor, on comprend la crainte manifestée encore en 1741 de voir rescinder le contrat. Nous n’irons pas jusqu’à présenter cette hypothèse comme vraisemblable, mais elle peut servir de guide :

Si la possession de Botrain est précaire, si ce rôle consiste pour la majeure partie en droits féodaux et en tenues qui paraissent avoir fait retour au suzerain, c’est qu’il provient d’une donation des Rohan.

En 1740, Antoine-René de Ranconnet, comte de Noyan, ayant acheté du marquis de Coetlogon, fils du premier mariage de la comtesse du Parc, les fiefs de Coethuan-Mûr, Launay-Mûr, Coetmeur et Botrain, dès lors, sauf Kerguichardet, tous les principaux fiefs de Mûr se trouvèrent aux mains du duc de Rohan et du comte de Noyan. Les terres du duc de Rohan en Mûr ont été rattachées à celles des Salles (forêt de Quénécan), les terres du comte de Noyan ont été vendues en 1815 par ses petits-fils.

L’origine commune de ces deux principaux fiefs, que nous avons fait remonter au partage entre Allain Canhiart et Guethneuc (Xème siècle) avait laissé une trace sensible dans le fait suivant :

Au nord de Mûr, depuis la Roche-Guéhennec jusqu’au bois de Caurel (propriété des moines de Bonrepos) s’étendait une vaste lande limitée par les dépendances de la Roche, le ruisseau et la forêt de Poulancre (rasée en 1661, ainsi que l’indique une mention portée au registre des sépultures de Saint-Guen), Botminy, le bois de l’abbaye de Bon repos, les terres de la Villeneuve, de Kervos et du bourg de Mûr. Ces limites sont indiquées dans l’aveu de la Roche en 1571 ; il y est dit que cette lande est indivise et non départie entre le déclarant et les autres seigneurs. Un aveu de la même seigneurie en 1549 mentionne également des droits indivis, mais à cette époque la lande est une forêt, le seigneur de la Roche a, de temps immémorial, le droit d’y chasser, prohibitif à tous autres que le vicomte de Rohan et le sieur de Coethuan, de même que le droit d’y couper du bois ; il a la garde du marteau qui peut être requis par les deux autres seigneurs, mais à charge de le rendre à ses gardes forestiers.

On comprend à la rigueur que cette prérogative appartienne au vicomte de Rohan en qualité de suzerain, mais le seigneur de Coethuan ne peut l’avoir que si son fief provient d’une source commune avec la Roche ; or nous avons vu que la Roche était un démembrement de Launay [Note : La Roche est située entre Launay et la lande ou bois de Mûr qui longeait sur une grande partie de ses contours les dépendances directes de la Roche, et de ses tenues, on comprend aisément qu’en séparant la Roche de Launay-Mûr on a dû joindre à la Roche les droits des seigneurs de Mûr sur les bois adjacents], et, pour retrouver l’origine commune de Coethuan et de Mûr, nous avons dû remonter à Budic de Cornouaille ; nous sommes donc amené à conclure que l’indivision entre Coethuan et la Roche, ou son auteur Launay-Mur, remonte au partage de la succession de Budic.

 

4°. Le procès-verbal de 1718 mentionne en outre comme titulaire de droits honorifiques M. Claude Le Moenne, sieur du Quellennec, les armes de sa seigneurie figurent sur la maîtresse vitre et sur un enfeu, elles sont d’argent à sept macles de gueules.

Le Quellennec est situé sur un territoire rattaché actuellement à Saint-Gilles-Vieux-Marché mais dépendant autrefois de Merléac ; cette seigneurie paraît avoir une origine étrangère à la paroisse de Mûr, les droits qu’elle avait dans l’église ne provenaient pas de son origine, ils avaient été acquis par Guillaume du Quellennec, par acte du 14 novembre 1459, de Jean du Quengo (LA CHESNAIS-DESBOIS et BADIER, Dictionnaire de la noblesse, article Quengo). Jean du Quengo était seigneur en l’église de Mûr par représentation de son aïeule maternelle Adelice de Quénécan, fille de Fraval, sire de Quénécan et femme d’Alain Ier du nom, sieur de Quengo (paroisse de Saint-Samson, évêché de Saint-Brieuc, près de Rohan).

Cette famille de Quénécan, qui avait à Mûr des enfeux prohibitifs, avait-elle quelque point commun avec les familles de Poher et de Mûr ? il est difficile de le dire : elle a disparu au commencement du XVème siècle ; nous pensons qu’elle devait avoir son château au Corboulo, en Saint-Aignan.

Là se trouve une motte féodale sise à peu de distance du pont sur le Blavet qui porte encore de nos jours le nom de Quénécan, et la forêt qui se trouve un peu plus loin, de l’autre côté de la motte, porte le même nom ; cette motte est bien probablement l’ancien château de Quénécan.

Elle se trouve au milieu de terres qui, dans les siècles derniers, formaient le fief de Botpléven. Ce fief appartenait aux la Villéon de Boisfeuillet quand, au XVIIème siècle, ils devinrent seigneurs de Launay-Mûr par le mariage de François de Boisfeuillet avec Isabeau de Kerguezangor.

Un groupe d’écussons placé sur la tour de Saint-Aignan semble avoir pour objet de retracer la généalogie des seigneurs de Botpléven : il contient au centre un écusson à sept macles ; un acte de prise de possession de Botpléven par le comte de Noyan (Archives de Mûr), en 1770, indique que le même écusson se retrouve à l’intérieur de l’église, que les sept macles sont d’argent, le fond d’azur. Dans le coin à droite on voit les armes de Boisfeuillet (d’argent au houx arraché de sinople, au franc quartier de sable fretté d’or), à gauche les armes de la Fresnaye (d’argent à trois branches de frêne de sinople) : au bas, à droite, écusson mi-parti de la Fresnaye, mi-parti du Fou (aigle éployé), à gauche, l’aigle des du Fou.

On peut conclure de là que le fief de Botpléven sur le territoire duquel est bâtie l’église de Saint-Aignan, appartenait autrefois aux seigneurs dont les armes figurent au milieu (d’azur à sept macles d’or) ; de cette famille Botpléven aurait passé aux Boisfeuillet, puis ceux-ci en auraient détaché certaines parties à l’occasion d’alliances avec les la Fresnaye et les du Fou. A l’appui de cette indication, on trouve en effet que les du Fou, sieurs de la Roche-Guéhennec possèdent des tenues à Saint-Aignan, au milieu du fief de Botpléven, ce qui s’explique facilement par une alliance entre les deux familles. De même, pour les la Fresnaye, ceux-ci étaient seigneurs de Coethuan-Mûr : or le fief de Coethuan-Mûr possède plusieurs tenues en Saint-Aignan enclavées dans Botpléven.

Quant à l’aigle des du Fou remplissant seul le quatrième quartier, sa présence s’explique par ce fait que la famille du Fou possédait, sur la limite de Saint-Aignan et de Cléguérec, le fief de Bezidel, et qu’elle pouvait de ce chef avoir des droits sur l’église de Saint-Aignan, soit que Bezidel eût une origine distincte, soit qu’il fut démembré de Botpléven.

Quoiqu’il en soit, en dehors des déductions tirées de la situation topographique, il est difficile de déterminer quand et comment le fief de Quénécan s’est transformé en fief de Botpléven, ou s’y est réuni ; et ce point, fut-il éclairci, n’expliquerait pas comment la famille de Quénécan avait un enfeu à Mûr. Ce dernier fait s’expliquerait plutôt parce que les Quénécan possédaient à Mûr (peut-être par suite d’une alliance avec la famille de Mûr) un fief d’importance minime, celui de Kerguenal : le village de ce nom a appartenu à l’abbaye de Bonrepos, ainsi que le constate un acte de 1298 mentionné dans l’inventaire de cette abbaye (Archives départementales des Côtes-du-Nord, aujourd'hui Côtes-d'Armor), mais cette possession pouvait bien provenir d’un don fait par un Quénécan. Le registre de la cour des comptes mentionne en 1426 comme exempt d’impôt le métayer d'Alain du Quengo à Kerguenal, ce qui fait supposer que la métairie noble de Kerguenal, c’est-à-dire l’ancien manoir converti en exploitation rurale, était resté la propriété de la famille du Quengo, héritière des Quénécan, alors même que le reste du village appartenait à l’abbaye de Bonrepos.

A côté des seigneuries possédant des droits honorifiques en l’église de Mûr, nous trouvons dans cette paroisse plusieurs fiefs qui ont une certaine importance :

Nous en avons signalé deux qui étaient réunis à Launay-Mûr avant 1718, savoir Coetmeur et Botrain, et nous avons exposé les raisons pour lesquelles Coetmeur nous paraissait un démembrement de Launay-Mûr, Botrain un démembrement de Rohan-Mûr. Nous avons aussi parlé de Brohais et de Kerguichardet dont les propriétaires, assistant au procès-verbal de l'église en 1718, expriment bien la réserve de leurs droits, mais n’en font reconnaître aucun ; nous avons mentionné Kerguenal passant des Quénécan à l’abbaye de Bonrepos et aux sieurs du Quengo. Nous ne reviendrons pas sur ces points ; il nous reste à examiner plusieurs autres fiefs qui paraissent avoir joué un rôle secondaire.

Nous trouvons d’abord la famille Charpentier de Lenvos, au XVIIIème siècle, en possession de diverses tenues que, dans les aveux de ses domaniers, elle rattache à plusieurs fiefs : Lenvos, Spernouët, Coetdrezo, Botpierre, Bernouë. Un aveu de la tenue Marigo à Curlan en 1749 donne dans son intitulé des indications précieuses : en énumérant les titres de la propriétaire, il divise ses seigneuries en deux parties ; celles qui appartiennent en propre à cette dame, celles qui appartenaient à son mari, messire Pierre-Ignace Charpentier de Lenvos. Nous voyons en ce qui concerne les terres sises à Mûr que M. de Lenvos était seigneur de Spernouët et Bernouë, et que madame de Lenvos, née Louise-Julie Jouhannic de Coetdrezo était dame de Coetdrezo et Botpierre.

Le registre de la Chambre des Comptes en 1536 mentionne qu'Yvon Jouhannic, roturier, tient la maison noble de Coetdrezo. En 1564 Hervé de Kerguezangor, dans un aveu au vicomte de Rohan, dit qu’il confesse « tenir autres tenues que les ci-après nommés hommes et sujets à titre de domaine congéable tiennent de lui par acquisition en faite dudit seigneur et racquit en faite de la veuve et héritiers de feu Yvon Jouhannic, sieur de Coetdrezo qui les avait précédemment acquis dudit seigneur monseigneur le vicomte, au baillage de Saint-Guern, Saint-Caradec et Mûr ». Cette énonciation donne l’origine du fief de Coetdrezo : Yvon Jouhannic l’a acquis du vicomte de Rohan, c’est-à-dire qu’à l’époque où il a reçu des lettres de noblesse, il a obtenu du vicomte de Rohan la cession d’un certain nombre de tenues qui ont été érigées en fief à son profit. Pour s'en rendre compte, il suffit de confronter d’une part l’aveu de Coetdrezo annexé par Hervé Kerguezangor à celui de Launay-Mûr en 1564 (probablement parce qu’il était tuteur ou garde noble des enfants d'Yvon Jouhannic, sieur de Coetdrezo), et d’autre part l’aveu général de Rohan en 1519. On voit notamment que Rohan déclare quatre tenues à Coetdrezo, et que Kerguezangor en déclare également quatre : à la fin du XIXème siècle, le village de Coetdrezo se compose de quatre corps de bâtiments. Il nous paraît donc hors de doute que le fief de Coetdrezo a été érigé par le vicomte de Rohan et pris sur ses domaines au profit d'Yvon Jouhannic au XVIème siècle.

Quant à la seigneurie de Botpierre, annexée à Coetdrezo, est-ce une nouvelle concession faite par le vicomte de Rohan ? Est-ce un acquêt de la famille Jouhannic ? Est-ce un démembrement d’un autre fief ? Nous n’avons aucun renseignement à ce sujet : nous n’avons pas trouvé trace de château à Botpierre, cela porterait à y voir un démembrement de fief et non un fief entier ; la situation de Botpierre ferait supposer que ce démembrement proviendrait de Brohais ; à la rigueur, il pourrait provenir de Coethuan ou de Launay-Mûr.

Pour les seigneuries qui appartenaient en propre aux Charpentier de Lenvos sans tenir compte de leur alliance avec une dame Jouhannic de Coetdrezo, nous croyons que de trois on peut les réduire à une en ce qui concerne la paroisse de Mûr : en effet, Spernouët est situé dans Kergrist, Lenvos dans Cléguérec, et il est bien probable que si des tenues de Mûr ont été classées dans ces deux fiefs, c’est par suite de confusion de la part des rédacteurs du rôle, confusion qu’on rencontre très souvent et qui s’explique d’autant mieux ici que le manoir de Bernouë, le seul qui fût en Mûr, n’a pas été habité par la famille Charpentier. [Note : Au début du XXème siècle, une partie de ce château existe encore, c’était sans doute autrefois la cuisine : elle a ses ouvertures à l’est et à l’ouest ; elle était accolée à un bâtiment principal aspecté au midi et dont la longère lui servait de pignon ; deux colonnes qui formaient les montants d’une cheminée se voient encore dans une étable bâtie sur l’emplacement du corps de logis principal, leur forme, spécialement la disposition de leur base, indique qu’elle sont du XIVème siècle Un acte de 1679 (Archives de Mur), décrit un bâtiment qu’il désigne sous le nom de pavillon : cette description semble bien s’appliquer au bâtiment qui existe encore, et le nom de pavillon indique que c’est une partie conservée d’un château plus grand. Ce pavillon était à cette époque habité ou tout au moins garni de meubles appartenant à l’ancien propriétaire].

En somme les Charpentier de Lenvos ne possédaient de leur chef dans la paroisse de Mûr que le fief de Bernouë. Ils l’avaient acquis en 1678 ; avant eux, le propriétaire était Gédéon Dupré le Jay, sieur de Kerdanet, conseiller du roi et maître d’hôtel de Sa Majesté ; Bernouë avait été saisi par des créanciers parmi lesquels se trouvait un Jouhannic de Coetdrezo, et sur cette saisie J. B. Charpentier de Lenvos avait acheté ; (le fils J. B. Charpentier de Lenvos épousa la fille de ce Jouhannic de Coetdrezo). Gédéon Dupré le Jay ne possédait pas Bernouë depuis longtemps : il l’avait acquis en 1655 de Perrine de Launay, femme de Maurice Bannier, sieur de la Porte, médecin ; Perrine de Launay avait acquis Bernouë par exercice du retrait lignage contre une dame Le Toquin en 1651 ; la précédente propriétaire était demoiselle Nicolle de Launay qui tenait ses droits de Louise Le Bigot de la Bigotterie, fille de Michel et de Julienne Le Baron. Cette dernière avait acheté Bernouë en 1579 de Claude du Houlle, dame de Questenic et Brenhué (Archives de Mûr). Un acte notarié du 28 Mai 1503 relatif à l’acquisition d’un tombeau dans l’église trêviale de Saint-Guen en nous fait connaître par son intitulé que Guillaume du Houlle était à cette époque seigneur du Houlle et de Branhués. Guillaume du Houlle acquiert non pas un enfeu déjà existant, mais l’emplacement où il veut établir un tombeau de famille ; il est permis d’en conclure qu’il venait à ce moment de s’établir au château de Bernouë, situé sur le territoire de Saint-Guen.

Les armes de la famille du Houlle sont les mêmes que celles de Mûr : d’azur à la croix engrelée d’or. Est-ce une simple coïncidence ? Est-ce plutôt parce que la famille du Houlle se rattacherait à celle de Mûr ? Y a-t-il eu entre ces deux familles, au XVème siècle, une alliance qui a eu pour conséquence de faire prendre par les du Houlle l’écusson de Mûr en même temps qu’ils prenaient possession du fief de Brenhué et venaient s’établir dans le château de ce nom, établissement qui paraît corroboré par l’acquisition d’un droit d’enfeu dans l’église de Saint-Guen en 1503 ?

Au XVIIème et au XVIIIème siècle, le comte de Lannion possède le fief de Kerlemoing ou Kerlemoine. Ce fief avait peu d’importance, il tire son appellation d’un village sis en Saint-Guen, dont le nom était à l’origine Lesmoing et est arrivé par une série de modifications successives constatées par les titres de propriété, à se transformer en Lézoin ; il ne paraît pas qu’il y ait jamais eu de manoir noble à Lézoin et le nom du fief vient sans doute de ce que c’était là que les redevances étaient payables. Son origine est facile à retrouver : les comtes de Lannion s’intitulent sieurs d'Arradon, or la famille d'Arradon dont ils descendent par les femmes, possédait en 1536 le fief du Quistillic, en Saint-Guen (Registre des comptes de Bretagne) ; nous avons dit que le château de ce nom se trouvait au rôle du Botrain, il avait donc été aliéné par les d'Arradon, et leurs héritiers ne possédant plus Quistillic auront donné à leur fief le nom du village qui en était devenu le principal siège.

La famille Le Seneschal de Carcado possédait la partie Est de la trève de Saint-Connec : Ce domaine lui avait probablement été donné par les vicomtes de Rohan et se composait des terres sises dans les paroisses de Mûr et Saint-Caradec qui formaient une prévôté féodée, cédée à Josselin de Rohan par Olivier dit Bodic en 1283 (Dom MORICE, preuves, vol. Ier, col. 1069).

Dans la trève de Saint-Guen, on rencontre le petit fief de Caermin ou Kermain sur l’origine duquel nous n’avons pas de renseignements. Il est enclavé dans les fiefs de Mûr et doit sans aucun doute en être un démembrement.

On trouve encore aux extrémités de la trève de Saint-Guen quelques terres appartenant à des seigneurs dont le château se trouve au Quillio, trève de Merléac : le Roz, Quénécunan, Kerberio ; les seigneurs de Kerbardorel dont le château et les terres se trouvaient en Saint-Caradec avaient aussi quelques tenues dans Saint-Guen.

Il serait téméraire de conclure de là que ces fiefs s’étendaient à l’origine sur la paroisse de Mûr ; il peut très bien se faire qu’on y ait simplement annexé, pour une cause quelconque, soit par acquêt, soit par mariage, quelques tenues sises en Mûr et qui dépendaient à l’origine des grands fiefs de Mûr.

De même dans Saint-Guen quelques propriétés relevaient de la seigneurie du Houlle et Vaugaillard, dont le siège est en Merléac. Ces terres ont dû être distraites de Launay-Mûr par suite d’une alliance entre les deux familles des seigneurs, ainsi que nous venons de l’exposer à propos de Bernouë ; les terres du Houlle, en Saint-Guen ont probablement pour origine la dot d’une demoiselle de Mûr, mariée à un seigneur du Houlle avant 1503, laquelle avait apporté avec le manoir de Bernouë, une partie du fief de Mûr ; ces terres étant restées aux mains de la famille du Houlle depuis une époque antérieure à 1503 jusqu’en 1579, il se peut bien que les notaires en rédigeant leurs actes aient attribué au fief du Houlle des terres provenant de Bernouë.

Après avoir examiné en détail chacun des fiefs de Mûr, nous pouvons en quelques mots résumer l’histoire générale de ces fiefs :

Au Xème siècle, Mûr (aujourd'hui, Mûr-de-Bretagne) faisait partie du comté de Cornouaille. Il s’en détache à la mort de Budic pour entrer dans deux des lots sortis de cette seigneurie : l’un de ces lots est celui d'Alain Canhiart, l’aîné de la famille, et à ce titre il conserve un droit de supériorité sur l’autre partie.

Au XIIème siècle, cette seigneurie se trouve encore dans les mêmes conditions aux mains de Constance de Bretagne, par qui elle passe aux Rohan.

Au XIVème siècle le domaine de Rohan-Mûr se subdivise en deux parties : l’une reste aux mains des Rohan, avec la suzeraineté, l’autre forme Coethuan-Mûr, qui des Malestroit passe à diverses familles alliées jusqu’au XVIIème siècle, époque où elle est annexée à Launay-Mûr par Mathurin de la Villéon de Boisfeuillet. En 1740, elle est acquise par le comte de Noyan avec Launay-Mûr et Coetmeur et jointe au fief de la Roche-Guéhennec.

Ainsi à la fin du XVIIIème siècle le domaine d'Alain Canhiart à Mûr se trouve divisé en deux parties : l’une qui conserve les droits de supériorité appartient au duc de Rohan, l’autre est aux mains du comte de Noyan.

Le second lot du partage de la succession de Budic à Mûr est attribué à Guethneuc, vicomte de Poher, cadet d'Alain Canhiart qui est son suzerain et dont les successeurs garderont cette qualité jusqu’à la révolution.

Dans ce partage Mûr et Corlay sont joints ensemble et suivent le même sort jusqu’à la fin du XIème siècle. A cette époque, la succession de Rivallon vicomte de Poher, se divise en deux : Corlay reste aux aînés des Poher (branche cadette de Cornouaille), Mûr est recueilli par un cadet de Poher, Rivallon qui prend le nom de Mûr en même temps qu’il en reçoit les terres. Sa succession passe dans les mêmes conditions à ses descendants dont l'un, Eudon, annexe à Mûr quelques domaines de Corlay par suite de son mariage avec sa cousine, fille de Rivallon de Poher-Corlay.

A la fin du XIIIème siècle, la seigneurie de Mûr se subdivise entre les enfants de Garcis de Mûr : l’aîné n’a qu’une fille, le second quitte le pays et prend le nom de la Rivière ; le troisième reçoit en partage la partie sud-est de Mûr ; il vend à Josselin de Rohan une grande partie de son lot qui vient ainsi accroître la part de la branche suzeraine. La partie conservée par Guillaume de Mûr est Coetmeur, elle est réunie à Launay-Mûr vers le commencement du XVIème siècle. La partie cédée à Josselin de Rohan suit un instant le sort de Coethuan-Mûr, puis s’en détache pour former une seigneurie à part qui fut longtemps possédée par la famille de Guerlogoden.

Après le partage de la succession de Garcis de Mûr (XIIIème siècle), la branche aînée s’éteint ou du moins tombe en quenouille, elle est représentée par les Boscher, sieurs de Launay-Mûr. Ceux-ci se subdivisent eux-mêmes : l’un, probablement l’aîné, reste à Launay-Mûr. Sa succession est recueillie plus tard par la famille de Kerguezangor qui la transmet à celle de la Villéon de Boisfeuillet d’où elle sort par la vente consentie au comte de Noyan en 1740. Une branche des Boscher fonde la Roche-Guéhennec au XIVème siècle et cède ses droits à la famille du Fou qui est représentée au XVIIIème siècle par le comte de Noyan.

Il résulte de ces diverses mutations qu’au moment de la Révolution Mûr (aujourd'hui, Mûr-de-Bretagne) se trouve divisé en deux grandes seigneuries comme au XIème siècle. Il faut remarquer toutefois que quelques parcelles ont échappé, ainsi Kerguichardet, Coetdrezo, Bernouë, Lézoin sont de petits fiefs créés par suite de diverses circonstances sur le territoire de Mûr. D’un autre côté, quelques morceaux ont pu être détachés et réunis à des seigneuries voisines ; mais, sous réserve de ces exceptions, le fait reste exact : les deux grandes seigneuries créées à Mûr par le partage de Cornouaille se retrouvent à la fin du XVIIIème siècle aux mains du duc de Rohan et du comte de Noyan. Notons cependant que la part de ce dernier est relativement plus considérable que celle des premiers seigneurs de Mûr, car il a ajouté une bonne partie du fief de Rohan, celle qui s’en était détachée au XIVème siècle pour former Coethuan-Mûr.

Le dernier comte de Noyan, Louis-René de Ranconnet mourut à Corbeille le 2 ou le 20 février 1810. Madame de Noyan, née d'Aydie, était morte longtemps auparavant. Il avait eu deux filles, l’une Egudie-Louise-Marie Ranconnet de Noyan avait épousé M. Joseph Beaupoil de Saint-Aulaire, elle renonça à la succession ; l’autre décédée avant son père avait épousé Jean-Joseph Euzenou de Kersalaün ; de ce mariage étaient nés deux fils auxquels fut dévolue la succession de leur grand'père maternel. lis vendirent par acte du 15 février 1815 à Luc-François Le Cerf l’ancien domaine seigneurial de Mûr, comprenant les fiefs de la Roche-Guéhennec, Launay-Mûr, Coethuan-Mûr, Coetmeur, Rohan-Mûr, Botrain, Botpléven en Cléguerec.

Après avoir étudié l’origine des différents fiefs et vu par quelles mains ils avaient passé, recherchons maintenant le siège de ces seigneuries, autrement dit le château ou manoir. Le procès-verbal de 1718 qui constate les droits honorifiques des seigneurs dans l’église de Mûr va encore nous servir de base :

1°. Le duc de Rohan pourrait à la rigueur figurer comme premier prééminencier en qualité de suzerain sans avoir, dans la paroisse, de terre lui appartenant directement, mais en fait il y avait des terres et même un château. L’existence de ce château nous est révélé :

I°. Par les comptes des fabriciens de Sainte-Suzanne, lesquels mentionnent en 1732 que le cimetière ou enclos de la chapelle a englobé les ruines d’un vieux château.

II°. Par une transaction de 1769 intervenue entre le duc de Rohan et le comte de Noyan : le duc de Rohan cède au comte de Noyan les droits honorifiques sur la chapelle de Sainte-Suzanne ; droits qui paraissaient litigieux, et la seigneurie de la maison de plaisance et des courtils qui en dépendaient, emplacements absorbés par l’enclos de Sainte-Suzanne, moyennant l’abandon d’une tenue d’une valeur de trois mille francs. Cette convention indique bien que la maison de plaisance est l’ancien château dont parlent les fabriciens de Sainte-Suzanne et qu’elle appartenait au duc de Rohan, puisqu’il la cède à M. de Noyan moyennant trois mille francs, avec ses prétentions à la prééminence de la chapelle. Donc le duc de Rohan avait à Mûr un château au sommet de la colline contre la chapelle de Saint-Suzanne ; ce château était en ruine depuis longtemps très probablement ; il devait être le siège d’un fief dont les terres mêlées et enchevêtrées avec celles des autres fiefs de Mûr sont restées la propriété des Rohan jusqu’à la fin du XVIIIème siècle.

2°. Le seigneur de Brohais avait un manoir au lieu de ce nom, dans Kergrist, les terres des seigneuries de Mûr s’étendaient dans cette trève et dans la mère-paroisse de Neuillac, des deux côtés de Brohais.

3°. Le comte de Noyan avait son château à la Roche-Guéhennec.

4°. Madame du Parc détenait les fiefs de Coethuan-Mûr, Launay-Mûr et Botpléven. Ce dernier était entièrement situé de l’autre côté du Blavet, dans le diocèse de Vannes, et n’avait probablement aucun droit sur l’église de Mûr, il aura été mentionné dans l’acte de 1718 par suite de l’habitude qu’on avait d’énumérer tous les titres des seigneurs et parce qu’il était de fait et depuis longtemps réuni aux deux autres, et que le siège de son administration s’était trouvé transporté à Mûr, depuis qu’un sieur de Boisfeuillet, propriétaire de Botpléven, avait réuni à ses terres celle de Launay-Mûr, en épousant la dernière des Kerguezangor. Restent Coethuan et Launay. Coethuan n’avait pas de château dans la paroisse de Mûr, le château de ce nom était situé dans la paroisse de Noyal, ainsi que le constate un aveu de Pierre de la Fresnaye et Guionne de la Vou du 12 septembre 1641. Le fief de Launay-Mûr avait son château de ce nom.

5°. Le fief du Quellennec a conservé son château.

6°. Le fief de Querguichardet avait un manoir du même nom, dont les bâtiments existent encore en partie.

De ces six fiefs, le Quellennec seul avait un territoire nettement circonscrit et sans enclaves, les cinq autres étaient enchevêtrés les uns dans les autres et avaient même des droits indivis : ainsi les seigneurs de la Roche, de Coethuan et le duc de Rohan possédaient en commun le bois de Mûr qui au XVIIème siècle devint la lande de Mûr ; la chapelle privative dédiée à Sainte-Anne dans l’église de Mûr appartenait à Launay-Mûr, les halles à Coethuan, il semble bien qu’il y ait là l’indice d’une division entre cohéritiers ; un acte de 1377 indique en outre que la Roche-Guéhennec avait appartenu à Guyon Boscher dont les armes (d’azur à une croix engrelée d’or, traversée d’une bande de gueules de gauche à droite), indiquent une branche cadette de Mûr. Les terres de Querguichardet étaient enchevêtrées dans les autres fiefs, aussi chaque fief comprenait un espace d’un seul tenant et des tenues éparses ; il semble qu’on retrouve là les traces d’un partage dans lequel, après avoir composé des lots arrondis, on avait divisé le reste de façon à attribuer à chacun une ou plusieurs tenues sur tous les points du territoire. Il paraît bizarre de trouver un partage dans lequel les lots ne sont pas arrondis et isolés lorsque ces conditions auraient pu facilement s’obtenir, mais si on examine la législation ancienne, on en trouve la raison : les biens étaient dévolus dans les successions suivant leur origine, on comprend que les copartageants, pour conserver trace de l’origine commune de leurs biens prenaient soin de composer leurs lots de façon à avoir chacun un groupe important et ensuite quelques tenues isolées qui dans la suite des temps pouvaient rappeler que leur part provenait d’un tout commun.

Cet enchevêtrement des fiefs de Rohan, Launay-Mûr, Coethuan, la Roche, Querguichardet, Brohais donne donc à penser que tous proviennent d’une même origine, d’un seul grand fief qui s’est trouvé subdivisé une ou plusieurs fois. Quel était le siège de ce grand fief primitif ? sans chercher plus loin, nous trouvons de prime abord deux sources de renseignements : les châteaux et les noms : Coethuan n'avait pas de château, il est donc bien improbable qu’il soit le fief primitif. Le manoir de Brohais ne semble pas avoir eu jamais une grande importance, il a donné son nom à une famille. Le manoir de Querguichardet semble avoir eu une minime importance et des terres peu étendues. Le château de la Roche était assez vaste. Le château de Launay-Mûr était le plus considérable de tous ; il était entouré de douves dont on voit encore les traces ; de grands travaux avaient été exécutés pour amener l’eau dans les cours et jardins, les débris de ses pierres se retrouvent, dans une foule de constructions voisines ; le nom de Mûr a été porté par une famille, peut-être par plusieurs. Quant au château de Sainte-Suzanne, les ruines dont l’existence est constatée au XVIIIème siècle semblent d’une importance minime, on les qualifie de mazures, et le nom de maison de plaisance qui lui est appliqué par la transaction de 1769 indique que c’était une habitation secondaire, un pied-à-terre où le seigneur venait passer quelques jours pour chasser ou pour recevoir ses tenanciers ou simplement pour jouir des ombrages de ses vieux chênes dont quelques-uns existent encore au début du XXème siècle, et du bois de Mûr qui était à sa porte. En somme, Launay-Mûr paraît seul avoir pu être le siège d’un grand fief. Launay-Mûr fut ruiné de fond en comble l’an 1569, nous trouvons cette note dans la chronique des abbés Galerne sans autre explication.

(René Le Cerf).

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