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LES MOUTIERS-EN-RETZ

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LE MOUTIER NOTRE-DAME

Près de l'église Saint-Pierre, au-delà de l'enclos du cimetière, un monument s'élève qui encadre une statue de la Vierge. Cet édicule, élevé en 1891, marque l'emplacement d'une vaste église dédiée à Notre-Dame, église qui se trouvait parallèle à l'église paroissiale actuelle.

C'était là la chapelle du second moutier établi en cet endroit. Là, dans le Haut Moyen-Age, avait été construite une première chapelle en l'honneur de la Vierge Marie ; ce sanctuaire avait même été illustre par les grâces obtenues et les miracles opérés dans ses murs. Elle dépendait, du moins au XIème siècle, du moutier voisin et de l'église Saint-Pierre.

 

Une fondation.

Or, il arriva qu'en l'année 1060 fut fondé, dans cet endroit, un prieuré de Bénédictines. La châtelaine de Prigny, Adénor, veuve de Judicaël, résolut, dans ces temps-là, de faire, pour la seconde fois, un pèlerinage au tombeau du Christ. Mais ses enfants — elle avait quatre fils et deux filles — lui représentèrent combien pareil voyage était dangereux à son âge. Il valait mieux, lui disaient-ils, employer la dépense prévue à fonder un monastère où l'on prierait pour elle et pour son défunt. Adénor écouta, se rangea à leur avis et consulta le prêtre Even qui, pour lors, desservait l'église Saint-Pierre. Celui-ci lui montra l'antique chapelle de la Vierge, près du cimetière. Adénor résolut de relever ce sanctuaire et d'y ajouter un monastère de religieuses.

Sur le genre de moniales à établir en ce lieu, la châtelaine n'hésita pas. Partout l'on faisait l'éloge de l'abbaye de Notre-Dame de Charité du Ronceray, à Angers, qu'avait fondée, en 1028, le fougueux Foulques Nerra et sa sainte épouse Hildegarde. De cette ruche active s'étaient envolés, rien que pour Nantes, deux beaux essaims qui gîtaient, l'un à Saint-Cyr et Sainte-Juliette de Nantes même, l'autre à Notre-Dame de Bois-Garant, en Sautron. Ne pourrait-on obtenir un troisième essaim pour le moutier de Prigny ?

 

Les Bénédictines.

Ainsi fut-il fait. Dans ce qu'on appelait déjà le faubourg de Prigny, à 1.600 mètres du château, fut construit, par les soins d'Adénor, le prieuré de Bénédictines. Or, entre temps, l'une des filles de la châtelaine, nommée Adénor comme sa mère, s'était fait religieuse au Ronceray. Ce fut elle, vraisemblablement, qui vint avec quelques soeurs occuper le prieuré du bourg de Prigny ; celui-ci, du coup, possédant désormais deux monastères, allait devenir peu à peu, dans le langage populaire, le bourg des Moûtiers.

Tout ceci s'était fait en dehors de l'évêque de Nantes, lequel était alors pratiquement inaccessible, occupé qu'il était à défendre ses droits contre son compétiteur au siège épiscopal. Quand l'évêque vint enfin visiter le pays de la Baie, il faillit se fâcher devant le fait accompli, car cela n'était point conforme au droit ecclésiastique. Les enfants de Judicaël et d'Adénor lui expliquèrent de leur mieux ce qui s'était passé, lui assurèrent leur bonne volonté et leur soumission. Finalement, tout s'arrangea, tout devint régulier.

Dès lors, le monastère prospéra ; il fut doté de biens-fonds abondamment, selon la coutume des temps : moulin, four, salines, prairies, vignes, rien ne lui manqua.

 

Un conflit.

Cette aisance fut même l'occasion d'un conflit aigu entre les Soeurs et des moines de Luçon. Ceux-ci prétendirent qu'ils avaient des droits acquis sur la chapelle ancienne, que la nouvelle église, église Madame comme on disait, leur appartenait donc, avec les fondations afférentes. Les choses furent poussées si loin et si habilement que l'évêque de Nantes, Benoît, ordonna une restitution de la part des Bénédictines. Le pape lui-même, Alexandre II, ayant été appelé à régler le différend, porta, par son légat, des ordres dans ce sens. Heureusement, Gaiffer, l'un des fils de Judicaël et d'Adénor, se trouva présent : il rétablit les faits, la fondation faite par sa mère, l'approbation reçue de l'évêque Quiriac : les droits des Bénédictines étaient incontestables. Dès lors, les premiers ordres furent rapportés : le pape Pascal II, et, plus tard, l'évêque de Nantes, Robert, reconnurent le bien-fondé des religieuses : tout rentra dans l'ordre et la paix.

Des difficultés secondaires ne pouvaient pas ne pas être soulevées, dans le cours des âges, à propos de tant de biens domaniaux. Un jour, il y a contestation avec le recteur de Saint-Hilaire-de-Chaléons, qui dépendait du prieuré Madame. Une autre fois, ce sont les religieux de Nieul-sur-Autise, en Poitou, qui revendiquent la possession d'une terre. Le pape Lucius II fait arbitrer l'affaire par l'évêque de Nantes ; celui-ci partage les droits : les Bénédictines garderont la terre en litige, mais elles verseront une rente annuelle aux moines poitevins.

 

La ruche vide.

Ces chicanes, d'une part, la position éloignée de ce prieuré, d'autre part, firent prendre à l'abbaye de Ronceray la résolution de vider la maison des Moûtiers. Et puis, il y avait les guerres intestines du XIVème siècle, qui faisaient planer le danger sur toute la Bretagne. Vers cette époque, la vie monacale fut donc supprimée ; le prieuré demeura toutefois propriété du Ronceray : une religieuse professe en était nommée prieure régulièrement, mais n'y résidait qu'à de brefs et rares intervalles.

 

Prise de possession.

La façon dont chacune d'elles prenait possession est assez curieuse : le cérémonial tient à la fois d'une installation canonique et de l'acquisition civile. Quand l'élue avait reçu de Rome et de l'évêché de Nantes les approbations nécessaires, elle se présentait à la porte de l'église priorale, accompagnée de deux religieuses, de deux notaires et d'un greffier. L'installateur officiel — c'était souvent le curé des Moutiers — allait la recevoir, entouré du clergé du voisinage, lui présentait l'eau bénite et l'introduisait dans l'église. La prieure allait au coin de l'autel lire l'oraison de la Patronne du lieu, sonnait la cloche et visitait la sacristie.

Ayant ensuite reçu les clefs de la maison du prieuré, elle y entrait, visitait les pièces, ouvrait les armoires, inspectait toute chose ; au jardin, elle arrachait quelques plantes, ... faisait acte de propriétaire. Procès-verbal était dressé sur-le-champ, et, le dimanche suivant, le recteur de Saint-Pierre faisait savoir aux vassaux que telle soeur du Ronceray était devenue leur maîtresse, leur prieure. Celle-ci désignait alors un procureur ou représentant qui gérerait les biens du prieuré.

Plusieurs de ces prieures nominales, dans le cours des siècles, furent des personnages remarquables, telle cette Aliénor de Champagne, au XVème siècle, qui devint ensuite abbesse du Ronceray ; telle encore cette Françoise de la Salmonière qui fut intime avec la reine Anne de Bretagne.

Pendant ces siècles d'abandon de fait, la maison priorale fut souvent négligée. On signale, de temps à autre, son mauvais état. Elle fut pourtant réparée sérieusement en 1538. C'est elle qui est devenue la cure actuelle des Moûtiers ; mais il faut se rappeler qu'elle fut achetée par la Fabrique en 1818, et rebâtie entièrement en 1843. Il ne reste donc que des vestiges lointains du prieuré d'antan, par exemple le puits demeuré sur le pâtis voisin.

 

Quelques coutumes.

Le souvenir de quelques coutumes anciennes s'est maintenu dans les mémoires. Quand un mariage était célébré à l'église Saint-Pierre, les mariés devaient passer dans l'église Madame et y faire une offrande. Si les mariés demeuraient dans le bourg, ou sur les terres du prieuré, ils venaient, le lendemain des noces, saluer Madame la Prieure ; ils pouvaient, s'ils le voulaient, lui chanter quelques couplets.

Le curé de Saint-Pierre venait en procession à l'église Madame chaque premier dimanche du mois, aux fêtes de la Très Sainte Vierge, à certains autres jours aussi. Il devait y chanter la messe, parfois ; il en était pratiquement le desservant, et y célébrait la fête patronale, le jour de l'Assomption.

 

L'église priorale.

Quel était l'aspect de l'église du prieuré Madame ? Nous le pouvons connaître grâce aux souvenirs conservés par  M. l'abbé Baconnais : celui-ci, né en 1821, dans le bourg même des Moutiers, put voir le monument qui ne fut détruit complètement qu'en 1829. Il en a laissé la description dans son manuscrit ; il en fit même tracer le plan et dessiner l'abside par M. l'abbé Meynier, curé de Basse-Goulaine.

L'église Madame, nous dit-il, formait un vaste rectangle de quelque trente-cinq mètres de long sur douze mètres soixante-dix centimètres de large. Le clocher, sur la façade ouest, était bâti dans ce rectangle. L'abside était composée de trois demi-cercles couverts chacun d'une demi-coupole. Deux rangées de piliers carrés divisait cette surface rectangulaire en trois nefs distinctes. Les murs, épais seulement de deux pieds, n'avaient pas de contreforts ; c'est qu'aussi bien n'avaient-ils à supporter que la charpente, la toiture et une simple voûte en bois.

Chaque nef, en effet, était voûtée de bois ; mais les absides étaient voûtées de pierres et subsistaient encore en 1829. Au fond de chaque abside était percée une fenêtre, plus large dans l'abside du milieu, plus étroite dans les absides latérales. Trois autels occupaient ces absides, autels en pierre, en forme de tombeau et consacrés. Une grande porte, sur la façade ouest, donnait accès dans l'église ; deux autres portes, plus petites, ouvertes près des absides latérales, donnaient l'une sur le cimetière, l'autre sur le prieuré. Trois larges fenêtres, de plein-cintre, éclairaient l'intérieur du côté nord. Il est probable que le côté sud était aveugle, comme à Saint-Pierre, à cause des vents de mer. L'inventaire de 1791 nous apprend que deux cloches se balançaient dans la tour.

Telle quelle, l'église Notre-Dame de Toutes-Joies avait donc l'aspect trapu d'un monument roman de l'époque primitive. Ses murs ne s'élevaient, en effet, qu'à 9 m. 33 de hauteur, d'après l'abbé Baconnais. Elle eût pu contenir, si tout l'espace eût été livré aux fidèles, plus d'un millier de personnes ; mais il est probable que le choeur des religieuses en occupait au moins le tiers.

 

La ruine.

La Révolution fut fatale au prieuré Madame : dès le 27 août 1789, la Constituante avait demandé la suppression des ordres religieux. Cette suppression fut votée le 13 février 1790. En conséquence, les biens du prieuré furent mis sous séquestre. Le 25 février 1791, on les met en vente ; mais ils ne trouvent pas d'acquéreur sérieux. Le 8 août, l'on recommence l'opération, après avoir divisé les biens en quatre lots ; cette fois, la vente monte au total de deux cent soixante-dix-huit livres, en l'étude de M. Boulay-Paty, à Paimbœuf. Les biens sont adjugés. L'église, livrée à un armateur, voit sa charpente et sa voûte démolies et vendues.

En 1829, les murs furent, à leur tour, mis à raz du sol par le Conseil de Fabrique, à la demande du curé, M. Julien Olivier, originaire du Pellerin. Une rue fut tracée, qui franchit l'emplacement de l'édifice d'Est en Ouest et qu'on appela rue de l'Eglise-Madame. De celle-ci il ne reste donc plus rien d'apparent ; il faudrait fouiller le sol pour découvrir les fondations de l'édifice. Là encore, les ruines mêmes ont péri.

J. - B. RUSSON (1946)

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