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TOPOGRAPHIE DE LA VILLE DE MORLAIX SOUS LES ROIS DE FRANCE

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VILLE-CLOSE : REMPARTS : PORTES ET PONTS ; — SAINT MATHIEU : — LE MARCHALLACH : TRAONLEN : TRAON-BLOCHOU : — LE JOYAU : — LES VIGNES : SOEURS SAINT DOMINIQUE : SAINTE MARTHE : — SAINT MELAINE : HÔTEL DE VILLE : PLACE DE L'ÉPERON : GRANDE : PLACE : FAUBOURG PLOUJEAN : SAINT NICOLAS ; LA MADELEINE ; TROUDOUSTEIN ; PONT POULIET . — SAINT MARTIN : SAINT AUGUSTIN : CLOSMARANT : LA MANUFACTURE : BOURRET : LA ROCHE : — CHEMINS ET BANLIEUES : FONTAINES : PALUES.

Dans les premiers chapitres de cette histoire, nous avons montré Morlaix bourgade féodale et se développant péniblement à l'ombre du château ducal qui la domine. Elle n'est encore, à cette époque, qu'un étroit rectangle serré par une forte ceinture de murailles au-delà desquelles s'épandent en liberté des faubourgs, bras longs et grêles qui s'élargissent, prennent du corps et finissent par former une seconde ville autour du noyau primitif. Puis viennent successivement la guerre civile et l'invasion étrangère, avec les rafflées et les pirateries, la nécessité de mettre à l'abri des premiers coups de main la cité ouvrière qui se forme : de nouvelles lignes d'enceinte s'élèvent en dehors des premières, et Morlaix présente le singulier exempte d'une ville marchande élevant et entretenant à ses frais des fortifications dignes d'une place frontière.

Voilà le point où en était Morlaix, avant et sous la ligue : deux cents ans après, les choses avaient si peu changé qu'un même coup d'œil nous suffira pour apprécier la topographie de la ville à ces deux époques si distinctes.

Nous avons parlé de la ville-close, ou la ville proprement dite au temps où les autres quartiers n'étaient que des bourgs détachés de la cité. Les remparts prenaient, au nord-ouest, au confluent du Jarlo et du Queffleut, tiraient vers le Pont-Notre-Dame où était la porte du même nom, formaient un angle droit à l'entrée de la rue d'Aiguillon, remontaient le Jarlo jusqu'à la place du Dossen et tournaient derrière l'église Saint Jacques en formant à l'angle un gros bastion. Ce côté communiquait avec les faubourgs par trois portes : celle du Pavé à la cantine Duvigneau (Tour-d'Argent), celle des Vignes, un peu plus haut, et celle de la Prison en tête de la rue du même nom. Du bastion du Dossen, les murailles rejoignaient les deux tours dites de Saint Yves, à la porte du même nom, passaient derrière le Mur, seule portion bien conservée des anciens remparts : puis elles allaient rejoindre le confluent des deux rivières, en laissant sur cette partie deux portes, de Bourret et du Four du Mur.

Ces remparts, de sept cent trente mètres environ de périmètre, étaient entourés de tous côtés des eaux de la rivière, navigables aux bateaux jusqu'au Dossen, le barrage du Moulin au Duc étant d'une date peu éloignée. L'église du Mur, les Halles, la Prison, la chapelle Saint Jacques, étaient dans la ville close : on y comptait les rues Notre-Dame, du Pavé, du Mur, des Nobles, Saint Yves, du Four, de la Prison et la Grand'Rue.

Nous ne possédons rien de précis sur la chapelle Saint Jacques, située quartier des Halles ; on a voulu en envelopper les origines dans les histoires apocryphes sur l'introduction du christianisme à Morlaix, et la faire remonter au deuxième siècle (Ogée, v. Morlaix), assertion à laquelle il serait ridicule de s'arrêter.

Neuf ponts de bois formaient la communication de la ville-close aux faubourgs : leur position est peu connue. C'étaient sans doute les sept ponts situés à l'entrée des sept portes de la cité, plus un pont inconnu et le pontceau dit Pont-Vorn, à côté de celui de Bourret. Ce pont tomba en 1672, et rien n'indique qu'il ait été relevé. De 1598 à 1684 la ville dépensa 45,000 livres de notre monnaie pour ses remparts et ses ponts : douze cent soixante charretées de pierres avaient été à cet effet extraites des perrières du Spernen.

De tous ces ponts, celui de Bourret semble avoir été le seul assujetti à un péage. Les propriétaires en étaient, vers 1725, les sieurs de Rosanpoul, de Gaspern et du Valpinard, lesquels furent appelés à le réparer « comme ils en sont tenus à cause des debvoirs et coustumes qu'ils lèvent sur ledit pont aux foires de ladite ville ». En 1736 le sieur de Kersauson ayant refusé de faire les réparations d'usage, la ville lui fit cesser l'exercice de son droit et releva le pont en pierres.

Les faubourgs St. Mathieu et le Marcheix (Marc'hallac'h moderne : ce dernier mot signifie marché en breton, comme le premier en vieux français) se développaient au sud-est de la ville-close ; on y comptait les portes suivantes : — la Porte Traonlen, au pont de ce nom : du Marchallach : de Saint Mathieu : de la rue Haute, au sommet de cette rue : de la place au Lait, en face de cette place : de Toul-an-Parc ou du chemin de Saint Fiacre, de la rue des Brebis, à l'entrée de la rue du même nom.

Ces faubourgs ont très peu changé depuis le seizième siècle : on y comptait comme aujourd'hui les rues des Brebis, Toulanparc, Haute, Basse, des Bouchers ; les places Saint Mathieu, au Lait et Marchallach. Ils s'appuyaient, à l'ouest, à l'enceinte du château ducal, et à l'est, au petit ruisseau du Queun pu de Parc-an-duc, qui alimentait un étang et selon toutes les apparences, une usine dont on a retrouvé les débris. Aussi la petite place qui l'avoisinait s'appelait-elle Traonlen ( Val de l'Étang).

Le Marchallach a peu changé depuis le quinzième siècle, et c'était sans doute dans son enceinte que se tenaient les quatre foires qu'avait le duc « en la dite ville de Mourlaix, savoir : la première est la principale des dites foires, au lundi prochain après la pentecouste, qui s'appelle la foire de Mourlaix, et a celle foire huit jours avant et huit jours après toutes les coustumes de la dite ville de Mourlaix, tant à cause de la chair, que du pain, bestes vives et autres denrées ; le dit devoir, appelé le tolleau, chait en la main du duc et en reçoit le devoir d'iceluy le fermier des quatre foires, en doublant iceux devoirs et coustumes sur tous marchands, excepté sur les nobles et gens privilégiés pour la provision de leur maison et les bourgeois et habitans dudit lieu de Mourlaix, les queuls ne paient rien du dit devoir du dit tolleau ». La même réformation nous parle des prévôts du duc, chargés de la police, du gouvernement et de la justice des foires, en tous les cas qui escheoient de nouvel durant ledit tems.

Nous avons déjà parlé de l'église Saint Mathieu : ajoutons que le clocher actuel de cette église, élevé en 1548, était orné d'une horloge dont la lanterne fut démolie en 1780, parce qu'elle surchargeait trop cette partie du bâtiment. — Derrière l'église, près de la chapelle Sainte Marguerite, était la maison de retraite, fondée à ce qu'il paraît, vers 1675, par le P. Maunoir et F. Jagu, recteur de Saint-Mathieu [Note : Dictionnaire d'Ogée (édition Marteville), v. Morlaix] : elle était destinée à des retraites religieuses pour les fidèles des deux sexes.

Au-delà du ruisseau de Traonlen, les plus anciens titres mentionnent le village de Traonbloc'hou ou Tuonblouchou (rue de la Fouasserie), qui fut reconnu après enquête appartenir à la communauté, et comme tel être soumis à la demande d'aoust ou contribution perçue par le trésor ducal (1455) (Réformation du domaine ducal). Nous avons déjà dit que la partie de la paroisse Saint Mathieu qui s'avance au pont Bohast n'appartenait point alors civilement à la commune de Morlaix.

A l'extrémité opposée se montrait l'ancien château ducal, devenu, nous l'avons vu, propriété particulière dès 1670. Vingt ans plus tard on y installait le joyau ou jeu de papegault, dont voici l'histoire.

Dès l'instant que les milices communales furent appelées à jouer un rôle dans les guerres si fréquentes du duché breton, les souverains durent naturellement favoriser les exercices militaires qui devaient leur former un bon noyau d'infanterie légère. De là l'origine des tirs à l'arc ou l'arbalète et plus tard à l'arquebuse, nommés joyau, quintaine ou jacquemart cassetête, à Morlaix. Les vainqueurs jouissaient de brillants privilèges : le roy du cassetête avait, au quinzième siècle, cinquante sols monnaie ou trois livres tournois : le roy de l’arc, exemption de droits d'impôts et billots pour cinq pipes de vin vendues en détail, et celui de l’arbalestre pour dix. François Ier confirma les privilèges de la ville, et décida que le roi de l'arc aurait la franchise de tous droits d'entrée, ports et havres, impôts et billots, pour le débit de dix pipes de vin l'année de sa royauté : celui de l'arbalète, pour vingt, et celui de l'arquebuse, pour trente [Note : Lettres patentes (27 août 1538)].

Le papegault (espagnol papagayo, perroquet) était, durant la ligue, affermé par la ville à des gentilshommes du pays pour un prix moyen de 120 livres tournois. En 1633, les jésuites en étaient, on ne sait comment, propriétaires : ils l'exploitaient si bien, qu'ils ne laissaient pas même de fonds pour parer aux frais des comptes. Ils en furent dessaisis quelque temps après, et les privilèges de la ville furent confirmés (1669).

En 1695, le marquis de Goësbriand, gouverneur de la ville, refusa de payer aux abatteurs de l'oiseau les mille livres à prélever sur les impôts et billots affectés presque en totalité au paiement de ses honoraires. On vit alors un fait digne de remarque : trois rois de l'oiseau (1695-97), trois hommes du peuple, selon toute apparence, osèrent intenter un procès au marquis, et jeter dans la balance, contre le nom et l'immense crédit du tout puissant gouverneur, leur bon droit, leur persévérance bretonne et les privilèges de la cité. Ils plaidèrent vingt-un ans, et, chose non moins inouie que leur audace, ils gagnèrent [Note : 30 Décembre 1718. —7 Mars 1719 (arrêt et lettres patentes)]. Les jeux furent rétablis en 1719, et l'un d'eux fut encore le roi de cette année. Ces trois hommes se nommaient Germain Juhel, de Saint Melaine, Guillaume Boissel, et Pierre Le Rous : ces noms méritent d'être conservés.

Vers cette époque, les ouvriers de la manufacture plaidèrent pour être admis au tir : les habitants leur disputèrent ce droit, sous prétexte qu'il n'était pas juste que des hommes qui n'étaient pas soumis au service de guet et garde participassent aux mêmes avantages que les autres, surtout dans un jeu institué pour exercer au maniement des armes. Le juge du débat se prononça dans ce sens.

Le joyau se tirait avec beaucoup de solennité : la cible était dans les derniers temps un bouclier ou rondache ; le vainqueur était proclamé roi séance tenante, ramené chez lui en triomphe, et le dimanche suivant conduit à l'église du Mur, où l'on chantait une messe solennelle et un Te Deum : et le jour où finissait la royauté, il était conduit de même au lieu du tir. Il y avait dîner, collation, et le roi devait donner des écharpes de soie bleue aux officiers de la communauté.

Les règlements portaient que le joyau se tirerait au mois de mai : que l'on n'y admettrait que des habitants de la ville reconnus pour tels, inscrits d'avance à l'hôtel de ville : que les deux prévôts du joyau seraient nommés par les connétables et anciens rois convoqués à la mairie par le procureur du roi de la commune : que les chevaliers auraient une arme à eux et tireraient l'épée au côté : que ceux qui se présenteraient ivres à la mairie ou au tir subiraient deux jours de prison et seraient exclus du joyau de l'année : que les gens exclus du tir ne pourraient porter d'armes dans la ville, sous peine de confiscation de leur arme et de quatre jours de prison [Note : Dauménil, 316-327. — O. Legall, Morlaix et ses environs. — Comptes de miserie, etc.].

Au-delà du château s'étendait le Bois du Prévôt (Coadic ar Provost), et plus loin le manoir de Belizal : puis, adossé à la limite sud-est de la communauté, le vaste Parcanduc, lieu de plaisance des ducs de Bretagne, d'une contenance de six cent quatre-vingt-huit arpents [Note : Réformation du domaine (1455)].

En passant le Jarlo, nous entrons sur le territoire de Saint Melaine, où nous comptons trois faubourgs distincts : Viniec ou des Vignes, Saint Melaine et Ploujean.

Le premier avait cinq portes : celles des Ursulines, de Saint Dominique, deux de Sainte Marthe, du Créou : cette dernière datait de 1674. Les rues de Bréhat, des Vignes, des Fontaines, du Fil, de Crécholy, de Sainte Marthe et du Pélican, formaient ce faubourg : cette dernière devait son nom à la fameuse auberge du Pélican Royal, située ouest, vers 1843, la gendarmerie. Les places Belair et Viarmes, ainsi nommées de l'intendant de Bretagne Pontcarré de Viarmes, sous l'intendance duquel elle fut créée après l'incendie de 1731, y étaient comprises avec les couvents des Dominicains, des Carmélites, des Ursulines, Ste Marthe, le collège, la maison des sœurs Saint Dominique et l'hôtel Kerloaguen, incendié il y a une trentaine d'années.

La maison des sœurs du tiers-ordre de Saint Dominique (vers 1843 l'école mutuelle), appartenait à la ville : elle fut fermée par la révolution. Elles y tenaient un externat pour les jeunes filles du peuple, et n'étaient pas cloîtrées. — La chapelle Sainte Marthe, au-dessus des Carmélites, avec un cimetière qui est devenu celui de la ville en 1790.

N'oublions pas l'hôpital-général, formé en 1686 de la réunion de l'Hôtel-Dieu et de l'Hôpital, ce dernier situé dans la rue des Fontaines, et l'autre où se trouve aujourd'hui la place Viarmes. A l'époque de la réformation du domaine ducal, ces deux établissements existaient séparés : ils furent réunis par une ordonnance de Louis XIV. Nous avons déjà parlé de l'incendie de 1731, occasionné par un fou qui avait eu l'imprudence de jeter sur de la paille un tison dont il venait de se servir pour allumer sa pipe : cette catastrophe coûta la vie à plusieurs personnes, mais la ville lui dut la formation de son plus beau quartier (V. Hospice).

La rue des Fontaines avait encore une autre curionsité : c'est sa fameuse Croix de la Lanterne, où l’on entretenait constamment une bougie allumée. C'était l'autel de Vesta des traditions locales : du jour qu'elle s'éteindrait, Morlaix devait disparaître dans les eaux de la mer. Cette tradition, dont les équivalentes ne manquent pas sur le littoral breton, s'est oubliée depuis que la révolution a renversé la croix et éteint sa lanterne.

Le faubourg de Saint Melaine était fermé de deux portes : l'une à l'entrée du port, l'autre près du Moulin au Duc, avec une grosse tour. Cette porte s'écroula en 1670 et coûta 140 livres de réparation.

Formé par les rues Saint Melaine, du Four Saint Melaine, des Prêtres, la rampe Saint Melaine et la Grand'Place, ce faubourg renfermait l'église Saint Melaine, la maison des sœurs de charité, le moulin au duc, moulin banal de fa commune, et l'hôtel de ville.

Morlaix ne possédait point de maison commune avant le dix-septième siècle : on donnait auparavant ce nom à l'habitation du maire en charge, et c'est ainsi qu'en 1522 les archives de la ville, déposées chez le maire D. Calloët, disparurent dans l'incendie de la maison. Plus tard, le Mur ou la chapelle Saint Jacques servirent aux réunions du corps municipal : ce ne fut qu'en 1608 que l'on Songea à l'édification d'un hôtel de ville. Cette année l'adjudication en fut faite à l'architecte Le Bricquir, pour 60,000 livres, et la première pierre en fut posée le 14 juin 1610, au milieu d'une fort belle fête.

En 1612 Le Bricquir meurt, et son fils est chargé de la continuation de l'ouvrage. Les travaux marchaient, entravés par de futiles et inexplicables discussions. Aussi les octrois fondaient-ils autant en frais de procédure qu'en frais de construction. Le bois se tirait de l'Armorique, de Plestin ; le granit de Callot : la moindre fourniture était l'objet d'expertises et de toisés qui ne finissaient pas et n'avançaient à rien. En 1616, 40,000 livres étaient déjà gaspillées : en 1623 on y travaillait encore. Du reste, il n'a jamais été parfaitement achevé. Vers 1680, la communauté en louait une partie à la sénéchaussée, moyennant un revenu de 256 livres.

Avant ta construction de l'hôtel de ville, l'angle formé par les deux rivières était occupé par une petite place de vingt à vingt-cinq pieds de longueur, formant un trapèze dont le plus petit côté s'appuyait au port. Cette place, où les négociants morlaisiens s'assemblaient pour parler d'affaires, se nommait place de l'Éperon : des poteaux armoriés en décoraient les quatre coins, et le Pont au Pichon la joignait à Saint Melaine.

En 1600 , on revêtit le quai de pierres de taille devant la Porte-Notre-Dame : c'était un premier embellissement. Ce fut le 16 août 1728 qu'eut lieu la pose de la première pierre de la grande place actuelle. Ce fut une fête splendide : il y eut distribution d'argent, et deux barriques de vin coulèrent pour les menus plaisirs du public.

On ne sait à quelle époque s'éleva le curieux quartier des Lances, mais il paraît que cette longue ligne de maisons qui le composent a été bâtie à des époques successives et éloignées. Vers 1686, le Commissaire royal accorde une dispense d'imposition aux propriétaires des Lances, pour les indemniser des frais que leur a occasionnés la construction de leurs maisons et la sape des rochers auxquels elles sont adossées. En 1730, une contestation s'élève entre les sieurs Duplessix-Quemeneur et Crambroug, parce que le premier veut garnir de lances une maison qu'il possède sur le quai Tréguier, ce qui bouchera la vue du côté de ses voisins. La communauté lui reconnait le droit de lances, sauf les droits du roi et des propriétaires voisins.

Le faubourg de Ploujean, où l'on voyait le Calvaire et la fontaine du même nom, avait trois portes, deux au-dessus du Calvaire, une au-dessous : c'est tout ce que nous avons à y signaler.

Saint Melaine-Campagne était le plus vaste des trois quartiers ruraux : on y voyait Saint Nicolas, la Madeleine, le manoir de la Fontaine-au-Lait et le pont du Pouliet : ce dernier n'était qu'un mauvais pont de bois assez singulièrement célèbre dans les traditions administratives de Morlaix. Le miseur de la communauté voulait-il faire approuver par la cour des comptes un article de dépense un peu irrégulier ? Vite on remplaçait le véritable motif de la dépense en question par le titre spécieux de réparations du Pont-Pouliet, et l'administration supérieure, à laquelle ce nom était aussi inconnu que peu suspect, approuvait sans observation. Grace à ce tour assez plaisant, une mince passerelle en bois a coûté à la ville, en quelques années, environ 20,000 livres.

La chapelle Saint Nicolas, qui n'existe plus, appartenait à la ville et avait un gouverneur pris dans le corps communal : le cimetière dont elle était accompagnée servait aux sépultures du culte réformé.

A peu de distance, dans une saine et jolie position, s'élevait un village dont les maisons de bois conservent encore leur antique physionomie : c'est la Madeleine, dite aussi la Maladrerie. C'est la qu'étaient relégués les lépreux, ladres, cacous ou caqueux, qui semblent avoir eu leur cimetière à Sainte Marthe. La profession traditionnelle de ces petites peuplades proscrites a formé jusqu'à nos jours la principale industrie de ce village : en 1770, il était presque exclusivement habité par des cordiers, des tonneliers et des muletiers.

Troudoustein, qui a toujours généralement fait partie de Ploujean, en spirituel et en temporel, a-t-il été momentanément réuni à Morlaix ? Nous trouvons à l'année 1756, une délibération de la communauté (Registre des délibérations, 1756, f. 16) qui décide pour l'affirmative : quoiqu'il en soit, vingt-cinq ans plus tard, un mémoire manuscrit anonyme nous dit expressément qu'il est hors des limites de la banlieue. Voici à quelle occasion ce village se forma. En 1730, pendant que l'on bâtissait la manufacture royale des tabacs, l'établissement avait été provisoirement transféré à Penanru. Les logements des ouvriers se groupèrent au pied du versant nord de la colline, et quand le manoir de Penanru fut abandonné, le village n'en continua pas moins à croître rapidement. En 1780, il comptait 250 habitants : cette prompte augmentation n'a rien d'étonnant quand on songe qu'il était à la fois faubourg de ville et en dehors des banlieues, exempt par conséquent de l'ennuyeux et pénible service du guet et garde [Note : Mémoire manuscrit (1780)].

Sur le coteau opposé s'étendait Saint Martin, fractionné en deux faubourgs d'inégale étendue : la Villeneuve et Bourret.

La Villeneuve avait une porte, celle de Sainte Catherine, qui fut réparée en 1674 : elle était limitée au nord par le Clos-Marant, fangeux réceptacle de la partie la plus crapuleuse de la population morlaisienne. Ce clos avait sans doute une étendue supérieure à celle de la manufacture qui l'a remplacé, du moins le nom de Penarmuriou que portent deux maisons situées à quelque distance vers la hauteur, pourrait le faire conjecturer.

La Villeneuve proprement dite était cette suite confuse de maisons et de jardins qui s'étendaient depuis le Clos-Marant jusqu'à la tête du port, et que dominaient les hauteurs de la Roche Coroller, franchise communale souvent disputée à la ville. Celle-ci y avait installé le joyau dont nous avons déjà parlé : aussi la population de Morlaix y tenait-elle beaucoup et s'émouvait-elle vivement toutes les fois que des prétentions étrangères menaçaient sa propriété. En 1602, le propriétaire s'étant permis de la clore sans permission, fut condamné par la ville à défaire les clôtures : une autre fois les buttes où se tirait le joyau ayant été contestées par un particulier, la commune transféra le tir à quelques pas de là. Cet exemple enhardit sans doute un troisième, le sieur de Poulras, plaideur déterminé mais malheureux, dont les chicanes n'aboutirent qu'à une confirmation des privilèges de la cité. En 1692, le joyau fut définitivement transféré à la Roche. La porte de la Roche fermait l'entrée de la ville de ce côté.

Le quartier Saint Martin proprement dit, ou Bourret, défendu par les portes du Porzmeur, du Prieuré, de Bourret, entre Bourret et le Fardel : de la rue Courte, au bas de cette rue, renfermait, outre l'église Saint Martin, la chapelle Saint Augustin, gouvernée par un membre du corps de ville, et dans la campagne, les manoirs de Porzmeur et du Roudour.

Tel était l'aspect des quartiers ouest de Morlaix en 1704 , époque où l'on y projeta les premiers embellissements. Ces projets, du reste, n'eurent aucune exécution ; mais en 1727, la compagnie des Indes ayant acquis le Clos-Marant pour y former un entrepôt, l'attention de la commune se reporta sur la Villeneuve. Pendant que le Clos-Marant changeait sa destination première et devenait une magnifique manufacture (1730-36) entretenant en 1780, environ sept cent cinquante ouvriers, attirés par un bon salaire et l'assurance de ne point manquer leur paie accoutumée en temps de maladie, — un nouveau quartier sortait de terre, et au lieu d'une belle place primitivement projetée, on avait créé un quai orné d'une ligne d'élégantes maisons, et d'une belle balustrade en fer depuis la première calle jusqu'au bas de la rue de la Villeneuve, aussi de récente ouverture (1730-59). On avait été obligé, pour en venir là, de raser trente-quatre maisons et jardins qui venaient auparavant s'appuyer immédiatement au quai.

Nous avons, dans cette esquisse topographique, omis de parler en leur lieu, des fontaines publiques de la ville. Les principales étaient celles du Calvaire et des Jacobins, la première encore existante en 1843 : leurs réparations coûtèrent à la ville, durant le dix-huitième siècle, des sommes énormes. Ainsi, pour la seule année 1684, la dernière coûta 1500 livres. En 1537, Alain Le Barbu et Isabelle Kerbridou avaient donné dix-huit livres monnaie de rente pour son entretien. Celle du Stivel, agrandie en 1617, vainement disputée à la ville en 1669 par le sieur de Kermabon, reçut en 1734 un treillis en fer pourla préserver des immondices, et trois ans plus tard, un dôme qui coûta 400 livres. Ce treillis était nécessaire, car la fontaine était en 1702 tellement encombrée d'ordures que la source s'égara. Un projet de 1687 pour la création de quatre fontaines avec un fonds de quinze à vingt mille livres, était resté sans exécution : vers 1767, on créa à la Villeneuve la lourde fontaine de Flesselles.

Les voies de communication qui existaient en 1700 dans la banlieue de Morlaix, étaient toujours telles que nous les avons décrites à l'année 1455, sous les ducs : les routes de Rennes, de Lannion, de Plouégat-Gallon, de Ploujean, de Bohast ou Plougonven, de Carhaix ou Plourin, de Pleiber-Christ ou Quimper, de Brest et de Saint Pol-de-Léon. Un seul fait donnera une idée de l'état de ces chemins : quand les présents envoyés à Louis XIV par le roi de Siam arrivèrent par Brest à Morlaix, il fallut en quelque sorte ouvrir une nouvelle route par la Villeneuve, faire des percées et des talus qui coûtèrent à la commune des sommes considérables. Le coche, qui mettait trois jours à venir de Brest à Morlaix, entrait par la rue Bourret, traversait la ville de l'ouest à l'est et sortait par la rue des Vignes et celle de Bréhat, il suivait l'étroit Hent bras Cos, affreux chemin creux qui passe aux Tourelles et à Trividy.

Le duc d'Aiguillon, devenu gouverneur de la Bretagne, créa cet immense réseau de routes royales destinées dans l'origine à servir de routes stratégiques. Les cinq routes de Lannion, Paris, Brest, Carhaix et Saint Pol-de-Léon, lui durent naisssance (1744-61). Les plus grandes difficultés se présentèrent aux environs du Grand-Monarque, où la sape pénétra dans le roc vif à une profondeur de vingt pieds. Ce ne fut toutefois que plus de vingt ans après, que le voyage de Brest à Morlaix put se faire en un jour par les voitures publiques. — En même temps les petites routes communales, celle de Pleiber-Christ ou de l'hôpital par exemple, devenaient l'objet de travaux sérieux et considérables.

Nous terminerons cette esquisse, trop légèrement traitée peut-être, par quelques mots sur les nombreuses palues qui couvraient de temps immémorial les deux rives de la rivière, étroit et sinueux chenal alors d'une navigation difficile et féconde en désastres : le 27 décembre 1535, par exemple, une barque pleine de monde sombra devant Cuburien, et presque tous les passagers périrent (Ogée, v. Morlaix). Les paluesTrebez, Lannuguy, Saint François, Marant, Pennelé (19 journaux) sur la rive gauche, celles de Quirio, Nécoat, Keranroux, Keroziou (26 journaux) sur la droite, formaient, en 1727, d'immenses vagues excessivement insalubres, dont toutes les marées venaient couvrir l'épais limon : elles furent afféagées à la ville par le domaine, moyennant dix livres par an, la ligne d'eau des grandes marées de l'équinoxe formant la propriété cédée, et par elle partiellement afféagées, en 1775, à M. de la Fruglaie, qui en a fait de magnifiques prairies. Le champ de bataille, vaguement projeté en 1704 par l'ingénieur Garengeot, occupa l'emplacement de la palue Marant : et pour compléter les travaux du port extérieur, on commença en 1772 ce magnifique chemin de halage du quai de Tréguier, pour lequel, cette année, les états réunis à Morlaix avaient voté 72,000 livres. En 1774, les travaux languissaient : sur des rapports de M. Poterel-Maisonneuve, inspecteur des travaux publics et de l'allée Terray, la cour permit à la municipalité d'emprunter 60,000 livres pour activer les embellissements du port. [Note : On peut voir pour tous ces détails, les nombreux documents déposés aux archives de Morlaix, sous les titres : Travaux du port. — Palues, — Chemins de halage, etc.].

(Guillaume Marie Lejean).

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