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Morlaix durant la Révolution : exhortations du Roi et mandement de l'évêque de Tréguier

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Les troubles de Lannion et des pays environnants n'avaient pas été causés seulement par la crainte de la disette, ils étaient dus surtout à l'influence de la noblesse et du clergé qui excitaient les populations contre la Révolution.

Le roi, touché des maux qui désolaient cette partie de la province, fit appel au zèle du clergé et écrivit la lettre suivante à M. Le Mintier :

MONS. L'ÉVÊQUE DE TRÉGUIER,
Vous connaissez les troubles qui désolent mon royaume ; vous savez que dans plusieurs provinces, des brigands et des gens sans aveu s'y sont répandus, et que non contents de se livrer eux-mêmes à toutes sortes d'excès, ils sont parvenus à soulever l'esprit des habitans des campagnes, et portant l'audace jusqu'à contrefaire mes ordres, jusqu'à répandre de faux arrêts de mon conseil, ils ont persuadé qu'on exécuterait ma volonté ou qu'on répondrait à mes intentions en attaquant les châteaux et en y détruisant les archives et les divers titres de propriétés. C'est ainsi qu'au nom du souverain, le protecteur né de la justice, et au nom d'un monarque, qui, je puis ledire, s'en est montré le constant défenseur pendant son règne, on n'a pas craint d'exciter le peuple à des excès, que les plus tyranniques oppresseurs auroient craint d'avouer. Enfin, pour augmenter la confusion et réunir tous les malheurs, une contrebande soutenue à main armée, détruit avec un progrès effrayant les revenus de l'Etat, et tarit les ressources destinées ou au paiement des dettes les plus légitimes, ou à la solde des troupes de terre et de mer, ou aux diverses dépenses qu'exige la sûreté publique.

Ce n'est pas tout encore, un nouveau genre de calamité a pénétré mon âme de la plus sensible affliction ; mon peuple, renommé par la douceur de ses moeurs et de son caractère, mon peuple, dans quelques endroits, heureusement en petit nombre, s'est permis d'être l'arbitre et l'exécuteur des condamnations que les dépositaires des lois, après s'être livrés au plus mûr examen, ne déterminent jamais sans une secrète émotion.

Tant de maux, tant d'afflictions ont oppressé mon âme, et après avoir employé, de concert avec l'Assemblée nationale, tous les moyens qui restent en mon pouvoir pour arrêter le cours de ces désordres, averti par l'expérience des bornes de la sagesse humaine, je veux implorer publiquement le secours de la divine providence, espérant que les voeux de tout un peuple toucheront un Dieu de bonté et attireront sur ce royaume les bénédictions dont il a tant besoin. La beauté des moissons, dans la plus grande partie du royaume, ce bienfait, devenu si nécesaire et si précieux, semble annoncer que la protection du ciel ne nous est pas encore entièrement retirée, et nous aurons ainsi des actions de grâces à joindre à nos prières. Accompagnez ces prières des exhortations les plus pressantes, faites sentir au peuple, faites sentir à tous mes sujets que la prospérité de l’Etat, que le bonheur des particuliers, dépendent essentiellement de l'exacte observation des lois. La violence ne peut jouir qu'un moment de ses succès et de ses prospérités criminelles ; on s'élève bientôt de toutes parts contre elle, et les hommes qui rompent le pacte social, ce fondement de la tranquillité publique, en reçoivent tôt ou tard la peine inévitable.

Nulle part, les fortunes ne sont égales et elles ne peuvent pas l'être, mais quand les riches vivent sans défiance aui milieu de ceux qui le sont moins, leur superflu se reverse nécessairement sur l'industrie, le commerce et l'agriculture ; et comme leurs jouissances sont bornées par les lois immuables de la providence, souvent ils sont moins heureux que ceux dont la vie occupée par le travail, se trouve à l'abri du tumulte des passions. Mais ce que vous devez surtout rappeler à mes sujets, c'est qu’en rassemblant autour de moi les représentans de la nation, j'ai eu principalement à coeur d'adoucir le sort du peuple par toutes les dispositions qui me paraitroient pouvoir se concilier avec les devoirs de la justice. Déjà, par un même esprit, les prélats, les seigneurs, les gentilshommes, les hommes riches de tout état se disputent à l'envi les moyens de rendre le peuiple plus heureux, et pour atteindre à ce but, ils offrent des sacrifices qu'on n'auroit pas eu le droit d'exiger d'eux. Exhortez donc tous mes sujets à attendre avec tranquillité le succès de ces disposition patriotiques ; éloignez-les, détournez-les d'en troubler le cours par des insurrections propres à décourager tous les gens de bien. Que le peuple se confie à ma protection et à mon amour ; quand tout le monde l'abandonneroit, je veillerois sur lui ; mais jamais dans aucun temps il n'y a eu en sa faveur un concours plus général de volontés et d'affections de la part de tous les ordres de la société. Exhortez-le donc, au nom de la religion, à être reconnaissant et à montrer ce sentiment par son obéissance aux lois de la justice ; avertissez, instruisez ce bon peuple des pièges des méchans, afin qu'il rejette loin de lui, comme des ennemis de la patrie, tous ceux qui voudroient le détourner de payer sa part des charges publiques, et le priver ainsi de l'honorable qualité de citoyen de l'Etat.

Les divers impôts qui composent les revenus publics seront examinés dans le cours de l'Assemblée nationale, ceux qui paraîtraient trop onéreux seront remplacés par d'autres, et tous seront adoucis successivement par le ménagement et la régularité des perceptions ; mais jusques l'époque prochaine où les affaires seront arrangées, tous mes sujets ont un égal intérêt au maintien de l'ordre ; car la confusion entraîne la confusion, et souvent alors la sagesse des hommes est impuissante pour remédier à la grandeur des maux et pour arrêter le progrès des inimitiés et des défiances mutuelles. Je ferai pour le rétablissement de l'ordre dans les finances tous les abandons personnels qui seront jugés nécessaires ou convenables ; et non pas seulement aux dépens de la pompe ou des plaisirs du trône, qui depuis quelque temps se sont changés pour moi en amertumes ; mais, par de plus grands sacrifices, je voudrois pouvoir rendre à mes sujets le repos et le bonheur. Venez donc à mon aide, venez au secours de l'État par vos exhortations et par vos prières, je vous y invite avec instance, et je compte sur votre zèle et sur votre obéissance. Sur ce, je prie Dieu qu'il vous ait, Mons l'évêque de Tréguier, en sa sainte garde. Fait à Versailles, le 3 septembre 1789. - Louis.

L'évêque crut répondre aux exhortations du roi en publiant un mandement qui, sous le prétexte de prières publiques ordonnées pour le rétablissement de l'ordre et de la paix dans le royaume, n'était, en réalité, qu'une attaque contre les idées nouvelles, et qui dénonçait à l'animadversion des catholiques l'esprit et la philosophie du siècle, qu'il accusait des maux qui menaçaient le pays.

En voici le texte :

« Augustin-René-Louis Le Mintier ; par la miséricorde de Dieu et la grâce du Saint-Siège apostolique, évêque et comte de Tréguier, conseiller du Roi en tous ses conseils, au clergé séculier et régulier, et aux fidèles de notre église, salut : Que la paix de Dieu, cette paix si désirable qui surpasse toutes nos pensées, règne dans vos coeurs et conserve les esprits dans la foi de Notre-Seigneur Jésus-Christ. (Phil. 4. 7.).

Nous ne pouvons, nos très chers frères, vous peindre les sentiments que nous avons éprouvés à la lecture de la lettre touchante dont le Roi nous a honoré.

Qu'il est digne de porter la sceptre des Charlemagne, des Saint-Louis, des Henri IV ! le souverain qui daigne verser lui-même ses inquiétudes, ses alarmes dans le sein de la nation généreuse qu'il gouverne ; qui n'emploie, vis-à-vis de ses sujets, (Os. 11. 4.) que le langage pénétrant de la confiance et de l'amour ; (Os. 21. 4.) qui se plait à communiquer à ses peuples, coeur a coeur, comme un ami à ses amis, comme un père à ses enfants !

Il est donc vrai que la couronne, (Eccl. Passim.) qui brille sur la tête des Rois, est armée des pointes cruelles qui ensanglantent leurs fronts ! La splendeur du diadème ne les garantit pas des chagrins amers, (Thr. 5. 15.) des inquiétudes dévorantes, et lors même qu'ils ne cherchent que le bien, lorsqu'ils ne respirent que pour le repos et le bonheur de leurs sujets, la pompe et les plaisirs du trône se changent pour eux en amertumes. (Let. de Sa Maj.)

Dans la crise générale qui agite le Royaume, (Jud. 8.) que des esprits ennemis de toute domination ont fait naître, que des libellistes fougueux fomentent, non plus en secret et dans les ténèbres, mais par des écrits incendiaires répandus avec audace, dévorés avec avidité (Ephes. 5. 16.) ; dans ces jours mauvais, où le premier (Ps. 156.), le plus illustre, trône de l'Univers est ébranlé jusque dans ses fondements ; lorsque les mouvemens convulsifs de la capitale sn font sentir dans les provinces les plus reculées de l'empire français (2 Reg. 25. 13.), serait-il permis à un évêque de garder un coupable silence ? Cette fermeté apostolique (Is. 42. 14) qui est l'apanage de l'Episcopat, cette vigueur sacerdotale que nos pères ont admirée, ont respectée dans les Athanase, les Martin, les Bazile, les Ambroise, les Thomas de Cantorbery, les Grangier [Note : Balthasar Grangier, célèbre évêque de Tréguier, soutint, le parti d'Henri IV contre les ligueurs. Son palais fut incendié, ses archives détruites : le respect qu'inspirèrent son âge, son caractère, ses vertus, lui sauva la vie], les Chabannes [Note : Sous le ministère de M. de Machault, il fut question d'accorder en France l'état-civil aux Protestans ; M. de. Chabannes écrivit à ce ministre une lettre pleine de force et de vérité. Cet illustre prélat semble avoir prévu les événemens dont nous sommes témoins], ne s'opposera-t-elle pas comme un mur d'airain aux progrès effrayans des nouveautés dangereuses ? (Titre. 6. 20.).

Et quel est le ministre (Act. 17. 16.) des saints autels dont les entrailles ne seraient pas déchirées à la vue des combats qu'on livre à l'Église ? Quel est le citoyen patriote qui pourrait envisager sans effroi les suites funestes de la fermentation universelle que les Anonymes effrénés ont excitée dans le Royaume ?

Il fut un temps où l'amour des Français pour le Roi ne connaissoit point de bornes, bien loin de discuter, à contester, encore moins à limiter des droits et prérogatives de la couronne, nos pères aimoient à multiplier les témoignages de leur zèle, de leur obéissance, de leur dévouement au monarque (Mat. T. 7.) : la tendresse les attachoit au souverain encore plus que le devoir.

Et qui jamais mérita mieux les sacrifices les plus absolus de la part de ses sujets que le Roi sensible et populaire que Dieu nous a donné ? Il ne vit que pour la félicité de ses peuples : il veut régner sur nos coeurs, encore plus que sur nos biens et sur nos personnes.

Heureuse la monarchie où le souverain et la nation se disputent à l'envi la gloire de s'immoler l'un aux intérêts de l'autre ! la prospérité publique repose sur l'autorité du souverain, elle en est inséparable, et le peuple, dont le monarque voudroit non-seulement aux dépens des jouissances plus séduisantes que réelles du trône (Let. de S. M.), mais par de plus grands sacrifices, assurer le repos et le bonheur de ses sujets, ne doit connoitre qu'une crainte : celle de donner des bornes trop étroites aux droits inaliénables et sacrés de la souveraineté.

Hélas ! N. T. C. F., qu'elle est différente d'elle-même cette monarchie françoise, (Lam. 1. 6.) le plus beau domaine de l'église catholique, le berceau des héros, l'asile des rois, la patrie des sciences et des arts !

Les princes du sang Royal fugitifs chez des nations étrangères (Lam. 2. 9.) ; la discipline militaire énervée ; le citoyen armé contre le citoyen ; un système d'indépendance et d'insurrection présenté avec art, reçu avec enthousiasme, soutenu par la violence ; toutes les sources du crédit national ou interceptées ou taries ; le commerce languissant ; les lois sans force et sans vigueur ; leurs dépositaires ou dispersés ou réduits au silence (Lam. 5. 8.) ; le nerf de l'autorité entre les mains de la multitude ; toutes les classes des citoyens confondues (Is. 3. 5.) ; la vengeance avide de sang aiguisant ses poignards, désignant ses victimes, exerçant ses fureurs homicides... Oui, le sang de nos concitoyens, de nos frères a coulé, il fume encore (Lam. 2. 21.), et dans un siècle que ose s'arroger le titre fastueux de siècle de lumières, la capitale d'une nation polie, sensible, d'une nation renommée par la douceur de ses moeurs et de son caractère, (Let. de S. M.) a été souillée par des proscriptions inouïes, (Thr. 4. 5.) par des assassinats dont les nations les plus barbares rougiraient.

Tels ont été les succès monstrueux de ces hommes pervers qui, abusant des talents que la nature leur avoit donnés pour un meilleur usage, ont par leurs libelles soufflé parmi nous l'esprit d'indépendance et d'anarchie.

Puissent ces productions infernales, puissent les plans de régénération qu'elles contiennent rentrer dans le néant d'où ils n'auroient jamais dû sortir.

Conservons nos lois antiques : elles sont la sauvegarde de nos propriétés, de nos personnes, de notre gloire.

Le vice du gouvernement françois n'est pas dans ses lois, ells sont sages ; il est dans les moeurs publiques qui sont dépravées : conservons nos lois et réformons nos moeurs.

Les empires les plus florissans n'ont disparu de dessus la face de la terre que parce que des novateurs ont voulu changer la forme de leur administration. Rien n'est plus dangereux que de fronder les lois anciennes, de les renvoyer à la simplicité gothique de nos ancêtres, (Prov. 22. 25.) comme des principes surannés et barbares, de les mépriser comme le fruit de l'ignorance et de l'oppression. Chaque état, chaque gouvernement a ses lois fondamentales, analogues au caractère, au génie de ses habitans ; elles sont inviolables et sacrées pour tout bon citoyen : les monarchies surtout ne se soutiennent que par les principes qui les ont fondées.

L'arbre se connaît aux fruits, dit le saint évangile, c'est par les oeuvres qu'on juge de l'ouvrier. (Mat. 7. 17.) Que cet Oracle de la sagesse incarnée nous serve à apprécier cette foule étonnante de pamphlets séditieux que la presse vomit chaque jour.

Avant que ces libelles anonymes eussent exalté les têtes, nous vivions dans la paix et la sécurité ; (3 Reg. 4. 5.) tranquilles sous l'égide des lois, nos jours couloient sans alarmes ; soumis à nos chefs, à nos supérieures spirituels et temporels, nous les regardions, nous les chérissions comme nos pères ; enfans dociles et respectueux, nous exécutions leurs ordres avec satisfaction ; le plaisir de leur obéir nous laissait à peine le mérite de l'obéissance. (Luc. 21. 23.) Si nous ressentions quelques secousses imprévues, nous les supportions avec patience, persuadés que ces épreuves passagères sont inévitables, même dans la plus parfaite administration ; mais nos humbles doléances trouvoient un accès facile dans le coeur de nos maîtres : nos larmes étoient bientôt essuyées, nos inquiétudes calmées par les mesures qu'on prenoit pour en arrêter le cours. Les riches jouissoient sans crainte de leur opulence, de leurs héritages, (3. Reg. 4. 25.) ils vivoient sans défiance à l'ombre de leurs foyers, (Let. de S. M.) au milieu de nos cités, leur superflu se reversoit sur l'industrie, le commerce et l'agriculture, ou se répandait dans le sein de l'indigence et de la misére. Satisfait de son sort, le plébéien vivoit content dans son état ; un travail utile et modéré fournissoit abondamment à l'honnête subsistance de sa famille ; toutes les volontés, tous les esprits se rapprochoient sous l'enseigne honorable du patriotisme et de la charité chrétienne. Oui, le spectacle délicieux de cette allégresse générale, de cette concorde fraternelle qui frappoit nos regards, rappeloit à notre souvenir attendri les beaux jours de l'église naissante, (Gul. 3. 28.) lorsque les fidèles n'avoient qu'un coeur et qu'une âme dans N. S. J. C.

Hélas ! ces jours sereins ne sont plus : ils ont disparu comme un songe. L'autorité du Roi est affaiblie ; l'Eglise tombe dans l'avilissement et la servitude, ses ministres sont menacés d'être réduits à la condition de commis appointés ; les tribunaux suprêmes sont méconnus, humiliés ; l'ouvrier et l'artiste qui n'ont d'autre patrimoine que le temps et le travail de leurs mains sont arrachés à leurs occupations ; une contrebande soutenue à main armée détruit avec un progrès effrayant les revenus de l'Etat et tarit les ressources destinées au payement des dettes les plus légitimes, (Let. de S. M.) le service militaire est interrompu, déserté ; le soldat sourd à la voix de ses chefs abandonne ses drapeaux et répand partout la terreur et l'épouvante, des brigands et des gens sans aveu soulèvent l'esprit des habitans des campagnes, attaquent les châteaux, détruisent les archives, (Let. de S. M.) ; la populace révoltée porte le fer et le feu dans les établissemens les plus utiles, dans les retraites des solitaires ; le peuple se constitue l'arbitre et l'exécuteur de condamnations que les dépositaires des lois après s'être livrés au plus mûr examen ne déterminent jamais sans une secrète émotion (Let. de S. M.).

Oui, N. T. C. F., nous vous le répétons, ces maux innombrables qui oppressent l'âme de notre bon Roi, (Let. de S. M.) les maux plus cruels encore que nous appréhendons et qu'il ne nous est pas donné de prévoir, prennent leur source dans ce déluge de brochures clandestines inspirées par l'orgueil et la témérité. C'est ainsi qu'un torrent qui a rompu ses digues porte partout la désolation, l'effroi, le ravage. (Jerem. 47. 2.)

Depuis que nous sommes inondés de ces anonymes incendiaires, on dispute sur tout ; (Jud. 1. 4.) il n'y a plus rien de fixe ; tout est indifférent ; les maximes dont aucun citoyen sage et chrétien n'avoit jamais douté sont réduites en problème ; un scepticisme pernicieux, un affreux égoïsme : voilà la religion du jour. Par un abus déplorable de la liberté, riche présent de la nature, on veut que chacun puisse penser, écrire tout ce qu'il lui plaira, que tous les cultes sans distinction soient permis, que le disciple obstiné de Moïse, que le fanatique sectateur de Mahomet, que l'adorateur insensé des plus méprisables idoles, que l'artificieux socinien, que l'aveugle et voluptueux athée, que les sectes les plus contraires, les plus absurdes reposent avec le chrétien catholique sous l'aile et la protection du gouvernement français.

Le délire de nos philosophes modernes, de nos prétendus esprits forts va plus loin : à la charité chrétienne, à cette reine des vertus qui est le lien essentiel de toute société, et la base de notre religion, (Joan, 13-35), ils osent substituer une stoïque et stérile bienfaisance ; vertu purement humaine ; elle prend sa source dans la compassion naturelle, (I. Joan. 4-16.) tandis que la charité tire son origine de Dieu même ; bienfaisance, vertu d'appareil et d'ostentation, qui ne vous oblige pas de laisser ignorer à votre gauche les largesses, les aumônes de votre droite ; (Mat. 6-3), bienfaisance qui peut vous porter à secourir le malheureux parce qu'il est votre semblable ; mais non à l'aimer comme votre frère, à fe respecter comme membre d'un Dieu souffrant et mourant.

Bienfaisance, humanité, (Mat. 25-36, et seq.), vertus sociales : jamais ces expressions ne furent si communes ; jamais le sentiment n'en fut si rare.

Présent du ciel, délices des âmes sensibles, divine charité : non il n'appartient qu'à la religion chétienne de former tes héros, et d'embraser les cœurs de tes flammes.

Lorsque le plus puissant monarque de l'univers tempérant l’éclat du diadème et cédant au voeu unanime de ses provinces, appeloit ses sujets autour du trône pour aviser aux moyens de retrancher les abus qui s'etoient glissés dans le maniement des finances, devoit-il s'attendre que des auteurs anonymes, enhardis par l'impunité, agiteraient des questions délicates, inutiles, dangereuses ; et traceroient, à leur gré et suivant leur caprice, la ligne de démarcation qui sépare les droits de souverain et ceux de la nation ?

N'est-il pas temps, N. T. C. F ? que le peuple français se réveille, et du fond de nos coeurs s'élève un cri général pour réclamer nos anciennes lois et le rétablissement de l'ordre public.

De toutes les formes du gouvernement, la monarchie est la plus avantageuse, parce qu'elle se rapproche le plus de l'éclat primitif de la nature lorsque les hommes ne reconnaissoient d'autre autorité que celle des pères sur leurs enfans. Une monarchie est une immense famille dont le Roi seul est le chef.

Depuis plus de 14 siècles que la France est sous ce régime, sa grandeur, ses forces, sa prospérité vont toujours croissant. La sagesse de ses lois, le courage de ses armées, son attachement à la religion catholique qui a mérité à son Roi le titre précieux de Roi très-chrétien, sa nombreuse population, le génie heureux de ses habitons, l'éclat de ses victoires, la richesse, la fertilité de ses domaines, la sûreté, la commodité de ses ports, l'étendue de son commerce, lui ont donné une prépondérance marquée dans le système politique de l'Europe, et ont fait voler jusqu'aux extrémités du monde l'honneur et la gloire du nom François.

Nous ne prétendons pas nier, N. T. C. F. qu'il existât des abus. Hélas ! les meilleures institutions n'en sont pas exemptes. La main de l'homme enfante les abus, ou les fait éclore.

Mais, pour réformer les abus, faut-il donc détruire les propriétés les plus sacrées, attenter à la vie, égorger les citoyens, répandre le sang... faut-il, sous le nom de Sa Majesté même, exciter le peuple à des excès que les plus tyranniques oppresseurs auraient craint d'avouer... (Let. de S. M.) La raison, la religion, la nature, indignées frémissent à la pensée d'une réforme, dont la seule entreprise a déjà coûté, tant de sang et de larmes.

0 vous, nos vénérables frères, (s. Pier. 5. 1) qui associés à notre sacerdoce, partagez avec nous les soins du troupeau qui nous est confié ; vous, nos dignes coopérateurs, voici le moment de vous montrer ! Dans ces jours de crise et de fermentation, (Jérém. 4. 5.) montez dans la chaire de vérité ; (Rom. 13, 1 et 2.) faites entendre à vos ouailles des leçons de soumission et d'obéissance aux puissances légitimes que la main de Dieu lui-même a placées au-dessus de nos têtes. (Tert. lib. ad scad.) Celui qui résiste aux puissances, trouble l'ordre établi par Dieu. Que votre voix chérie retentisse à leurs oreilles : usez de toute l'influence que vous donne la sainteté de votre caractère, (Rom. 13. 5.), pour imprimer profondément dans leur âme la fidélité inébranlable que nous devons tous à Dieu et au Roi. (s. Pier. 2. 13.).

Dites aux peuples, qu'ils se séduisent eux-mêmes, lorsqu'ils se flattent d'une diminution dans les impôts. Est-ce tans un temps désastreux, où l'Etat obéré exige les plus grands sacrifices, où chaque citoyen doit être prêt à s'immoler au bien général, que l'on peut s'attendre à voir diminuer les subsides et les revenus publics de la patrie, notre mère commune ?

Dites-leur qu'on les trompe, lorsqu'on leur représente les chefs du clergé comme des hommes dévorés d'ambition, vendus à l'intrigue, et livrés aux excès d'un luxe révoltant. Ces inculpations odieuses déshonorent la bouche qui les prononce, encore plus que ceux qui en sont l'objet. Nous sommes forcés de convenir que les revenus de l'Église ont été quelquefois mal distribués, mal administrés, mais plus souvent encore les richesses du sanctuaire sont le patrimoine des pauvres, des veuves, des orphelins et la ressource inépuisable des familles entières.

Dites que la violence ne peut jouir qu'un moment de ses succès et de ses prospérités criminelles ; (Lett. de S. M.) que l'autorité, même légitime, ne peut exiger le respect, qu'autant qu'elle respecte les lois reçues ; que livrer à la mort des citoyens, même coupables, sans entendre leur défense ; enlever aux ordres ou aux particuliers l'existence et les biens dont ils ont toujours joui sous la protection du gouvernement ; enfreindre les contrats qui ont réuni à la couronne les plus importantes provinces du Royaume, c'est un système de tyrannie et d'oppression qui rompt tous les liens du pacte social. L'unité de religion, la sûreté des propriétés, l'exacte observation des lois ; (Lett. de S. M.) voilà les vraies, les uniques sources de la stabilité et de la prospérité des Empires.

Dites-leur qu'on les trompe dans ces infâmes libelles que la philosophie a infecté de ses poisons et de ses paradoxes, lorsqu'on leur représente les membres des deux premiers ordres de la monarchie, comme des aristocrates odieux, conspirés contre le peuple, ne cherchant qu'à l'opprimer sous le joug de la tyrannie et du despotisme.

Laborieux habitans de nos campagnes, utiles et vénérables cultivateurs, nous ne craignons pas de vous interpeller et de vous citer à votre propre tribunal.

Qui sont-ce ces hommes amis de l'humanité, qui vous donnent tous les jours des conseils de paix et d'harmonie, qui étouffent le germe de vos divisions intestines, qui, au sein de vos peines, versent dans vos âmes attendries le baume de la consolation et de l'espérance, qui vous aident à réparer vos pertes, qui mêlent leurs larmes de sensibilité aux larmes de votre désespoir ? (Rom. 12. 15.) Ne sont-ce pas ces dignes pasteurs, ces prêtres vertueux qui vivent parmi vous ? Ne voyez-vous pas chaque jour leur charité industrieuse, combinée avec le crédit des gentilshommes de vos cantons, vous protéger contre l'oppression et la violence ? N'est-ce pas à l'accord, à l'intelligence de votre clergé et de votre noblesse, que vous devez le repos et le bonheur dont vous jouissez ?

N'est-ce pas dans ces presbytères, dans ces communautés, dans ces châteaux, asiles toujours ouverts à l'indigence, (Mat. 25. 26 et Sq.) que les pauvres abandonnés des campagnes, ont trouvé, dans tous les temps, le pain qui assouvit leur faim, le vêtement qui les couvre, les secours les plus abondans contre la misère, les remèdes dans leurs maladies ?

Peuples tranquilles de nos campagnes, portion de notre troupeau si chère à notre coeur, objet intéressant de notre sollicitude, nous prenons le ciel à témoin que nous vous portons dans nos entrailles paternelles ! Ne vous laissez point séduire à la lueur éphémère de ces nouveautés dangereuses ; que l'on affecte de répandre parmi vous, pour surprendre votre simplicité.

Ce système d'égalité absolue, que l'on ose vous promettre dans les rangs et dans les fortunes, ne peut avoir été enfanté que par une imagination en délire : il est aussi contraire au voeu de la nature, qu'aux principes de la raison et de la religion.

Quand bien même les hommes seroient tous égaux dans l'ordre de la nature, ils cesseraient de l'être, en entrant dans l'ordre social : Nulle part, les conditions, les fortunes ne sont égales ; (Let. de S. M.) et elles ne peuvent pas l'être.

Ce même plan d'égalité dans le traitement des ministres des saints autels, la suppression de l'ancien patrimoine de l'Église, la substitution d'un salaire en argent, jetteroient le sacerdoce dans la dépendance et l'esclavage, (Proc. verb. de l’ass. du clergé de 1765.) aviliroient l'excellence de nos fonctions, énerveroient l'émulation, anéantiroient la majesté du culte, étoufferoient peut-être les ardeurs du zèle, précipiteroient infailliblement la ruine du ministère, et par conséquent celle de notre sainte religion.

On vous trompe donc lorsque, sous le nom d'un prince protecteur né de la justice, (Let. de S. M.) on vous promet d'arracher des mains de vos pasteurs et de vos seigneurs, leurs antiques propriétés pour vous en revêtir : et dans quel moment vous inspire-t-on ces dispositions qui ne sauroient se concilier avec les devoirs de la justice ? (Let. de S. M.) C'est lorsqu'animés du même esprit les prélats, les seigneurs, les hommes riches de tout état se disputent à l'envi les moyens de rendre le peuple plus heureux ; c'est lorsqu'ils offrent des sacrifices qu'on n'auroit pas eu le droit d'exiger d'eux. (Let. de S. M.) Mais si aujourd'hui l'on envahit le patrimoine, les propriétés des deux premiers ordres de l'Etat, qui vous garantira les vôtres pour l'avenir ?

La nation qui seroit assez corrompue pour ravir, sous le spécieux prétexte d'un meilleur ordre de choses, les antiques patrimoines des corps ou des individus, mais dont le vrai but serait de s'enrichir de leurs dépouilles, cette nation perverse, en cessant d'être juste, toucherait à sa décadence ; le particulier qui ne rougiroit pas de s'enrichir d'une manière aussi honteuse, se couvriroit d'un opprobre éternel, et le cri de sa conscience effrayée s'élèveroit sans cesse contre une injustice dont les annales les plus reculées ne fournissent pas d'exemple, et que nulle loi humaine ne sauroit autoriser.

Nous ne pouvons que bénir le Dieu de toute consolation, (2. Cor. 1. 3.) et lui rendre les plus humbles actions de grâces de ce que les troubles qui ont désolé le Royaume se sont à peine fait sentir dans le diocèse dont sa providence nous a chargé.

Proscrivons avec horreur ces pamphlets atroces et séditieux que ont produit les excès, (Thr. 1. 20.) les malheurs qui affligent sensiblement notre bon roi, et déchirent le coeur paternel de Sa Majesté. Les jours de ce monarque, bienfaisant et populaire, sont abreuvés de fiel et d'amertume ; et nous, ses sujets, nous ses enfans, nous tarderions à dévouer à l'exécration et à l'infamie, ces anonymes calomnieux, ces maximes incendiaires qui, en opérant la plus funeste des révolutions, entraîneroient la ruine de la foi catholique et la chute de la première monarchie du monde ?

Rassemblés aux pieds des autels, (Jac. 1. 17.) supplions le père des lumières, l'auteur suprême de tout don, qui ne connoît ni changement, ni vicissitude, (Is. 9. 6.) supplions-le, par les mérites de N. S. J. C., le prince de la paix, de protéger son Eglise alarmée, de perpétuer dans l'empire françois le ministère dont il nous a confié les fonctions augustes, (Ps. 19. 18.) d'arrêter ses regards de prédilection sur le meilleur des Rois, sur les princes de son sang, sur tous les ordres de l'Etat, sur tous les membres de la nation, (Let. de S. M.) de remédier, dans sa miséricorde, à la grandeur de nos maux, d'arrêter le progrès des inimitiés et défiances mutuelles, d'écarter loin de nous l'esprit de discorde, de dissension, de soulèvement et d'anarchie ; (1. Cor. 5. 13.) de dessiller les yeux des auteurs mêmes de nos troubles, afin que, réunis dans la même foi et sous les mêmes principes d'administration, nous voyions revenir parmi nous l'ordre et la tranquillité égarés. (1. Tim. 2.)

Puisse le flambeau de la religion et de la raison, dissiper les nuages de la calomnie et de l'erreur ! (2. Pier. 1.).

Puisse le jour du repos et du bonheur succéder à la tempête dont nous sommes menacés ! (Tob. 3. 22.).

Puisse ce règne nous avons vu commencer, sous les plus heureux présages, devenir encore le règne de la paix, de la gloire et de l'abondance ! (Ps. 121. 1.).

A ces causes, en exécution des ordres de Sa Majesté, après en avoir conféré avec nos vénérables frères, les chantres, dignités, chanoines et chapitre de notre église cathédrale, nous ordonnons que dimanche prochain, 20 de ce mois, à l'issue des vêpres il soit fait une procession solennelle, qui partira de notre église cathédrale pour se rendre à la chapelle de Saint-Yves, et que tout le clergé séculier et régulier y assistera. En sortant, on chantera le R. Exurge, ensuite les litanies des saints ; arrivés à la station, on chantera l'antienne et l'oraison du patron ; en revenant on achevera les litanies. De retour à l'église cathédrale, on exposera le Très-Saint-Sacrement : après l'avoir adoré et encensé, on chantera les strophes Tantum ergo et Genitori : de suite le 1er chantre entonnera le psaume Miserere, après lequel on chantera le R. Domine, non secundum, ensuite le Ps. Exaudiat avec les W. et les oraisons qui sont dans le Rituel pro quacumque tribulatione. A ces oraisons, qui seront précédées par celle du Très-Saint-Sacrement on ajoutera celle pour le Roi Quaesumus, omnipotens Deus, et celle pour la paix Deus, a quo sancta desideria ; enfin l'on donnera la bénédiction du Très-Saint-Sacrement.

La même procession sera faite dans les autres villes, paroisses, églises et communautés régulières de notre diocèse, le dimanche qui suivra la réception du présent mandement.

Nous recommandons aux fidèles d'y assister avec piété, et à chacun d'eux de prier en particulier pour la conservation du Roi, de la Reine, de Mgr le Dauphin, de toute la famille Royale, et pour la paix, l'union et la concorde générale du Royaume.

Et sera notre présent mandement, à la diligence de notre promoteur, lu et publié au prône des messes paroissiales, le dimanche qui suivra immédiatement sa réception, et affiché partout où besoin sera.

Donné à Tréguier, en notre palais Epicopal, le 14 Septembre 1789. + AUGUST., Evêque de Tréguier ».

La lecture de ce mandement dans l'église Saint-Mathieu, qui faisait partie du diocèse de Tréguier, produisit dans la ville la plus vive émotion et les partisans de la Constitution le dénoncèrent à l'Assemblée nationale, en même temps qu'un écrit que les aristocrates avaient publié contre les institutions nouvelles. L'Assemblée ayant renvoyé ce mandement à la commisson des affaires ecclésiastiques avec ordre de lui faire un rapport à ce sujet, le rapporteur s'exprima ainsi dans la séance du 13 octobre :

« L'évêque de Tréguier dit dans son mandement que le Roi est digne de porter le sceptre de Charlemagne... Il est donc vrai que le diadème est garni de pointes cruelles, qui ensanglantent le trône des Rois, et que, dans la crise excitée par des libellistes fougueux, le trône est ébranlé... que la vertu d'un évêque est d'opposer son courage, comme Saint-Thomas de Cantorbéry aux nouveautés dangereuses ?... Qui jamais a mieux mérité que le Roi les sacrifices des peuples ! Que la monarchie française est différente d'elle-même !... Les princes fugitifs, le pouvoir militaire énervé, un système d'indépendance soutenu avec force, la vengeance aiguisant ses poignards... la capitale a été souillée par des assassinats... tels sont les ouvrages de ceux qui abusent de leurs talents : conservons nos lois et réformons nos moeurs. Chaque Etat a ses lois analogues à ses habitants ; les monarchies surtout ne se soutiennent que par les principes anciens.....

Les doléances pénétraient bientôt dans le coeur de nos maîtres les riches jouissaient de leur opulence, le superflu se répandait sur les pauvres, l'honnête plébéien jouissait du fruit de ses travaux ; ces beaux jours ont disparu comme un songe. La religion est anéantie ; ses ministres sont réduits à la triste condition de commis appointés des brigands ; on soulève les gens de campagne ; on attaque les châteaux ; tous ces maux prennent leur source dans les libelles anonymes : le scepticisme, l'égoïsme, voilà la morale du jour. L'on veut que le disciple obstiné de Moïse, le sectaire de Mahomet, le voluptueux Athée vivent avec le chrétien .....

Le mandement est terminé par une invocation à la bienséance, et il ajoute : N'est-il pas étonnant qu'il y ait des gens qui veulent circonscrire les droits du souverain ? Réclamons nos anciennes lois. Il y a des abus ; mais pour les réformer faut-il faire couler le sang ? Vous qui partagez nos fonctions, ministre de Dieu, montez dans vos chaires, faites entendre les leçons de la soumission ; dites aux peuples qu'ils s'abusent quand ils croient aux diminutions des impôts ; dites qu'on les trompe quand on accuse les chefs du clergé... Vénérables cultivateurs, n'est-ce pas à l'accord de votre noblesse et de votre clergé que vous devez votre félicité ? Ces systèmes d'égalité dans les rangs et la fortune ne sont que des chimères. On vous trompe, quand on vous promet d'arracher de vos pasteurs et de vos seigneurs leurs propriétés.

Il résulte des dénonciations de toutes les municipalités réunies du diocèse de Tréguier que ce mandement a non seulement excité le peuple à la sédition, mais encore que l'évêque a concouru avec les nobles de son diocèse, à faire déserter de la milice nationale un certain nombre considérable de jeunes citoyens qui, séduits par de l'argent et des promesses, se sont engagés à n'obéir qu'aux gentilshommes, et à les prendre pour leurs chefs. Le plus grand nombre des témoins s'accorde à déposer que, députés vers M. l'évêque, pour l'instruire des dispositions des jeunes gens en faveur de la noblesse, ce prélat a dit : " Que si les municipalités du diocèse venaient défendre la milice de Tréguier, le train ne durerait pas longtemps, qu'on ferait sonner le tocsin et que les habitants des campagnes fondraient sur cette milice et l'écraseraient " ».

Le décret qui assurait les droits de la nation sur les biens ecclésiastiques fut mal accueilli par le clergé, et de tous côtés parurent des pamphlets séditieux et des mandements.

L'évêque de Tréguier débuta le premier dans cette carrière et prenant texte d'une lettre du roi à tous les prélats de France, pour les inviter à ordonner des prières, dans tous les diocèses, à l'effet d'obtenir du ciel cette paix si nécessaire pour établir parmi les hommes le règne des lois et de la justice, représenta la révolution qui s'opérait comme la subversion de tout ordre ; les principes de la constitution, comme le renversement des principes de la nature et de la foi ; la tolérance comme une impiété ; la liberté, comme une révolte ; l'égalité, comme une monstrueuse chimère ; enfin, il exhortait les prêtres à détromper les peuples de ces prétendues erreurs, et à sonner aussi le tocsin de la rébellion.

Quelques manoeuvres de la noblesse de cette ville auxquelles il fut soupçonné d'avoir eu part, manoeuvres qui avaient pour objet de corrompre la garde nationale ou d'en créer une nouvelle uniquement dévouée aux préviligiés, le firent dénoncer à l'Assemblée nationale par les municipalités. C'est à la suite de cette lecture que fut rendu ce décret du 22 octobre :

« Ouï le rapport, l'Assemblée nationale décrète que M. le Président écrira une lettre circulaire aux municipalités du diocèse de Tréguier, pour les inviter à la paix les premiers contre les insinuations que les ennemis du bien public répandent dans les provinces, et les rappeler à la confiance qui est due au zèle et aux décrets de l'Assemblée nationale.

Que M. le Président se retirera auprès du Roi pour lui faire connaître les troubles qui peuvent régner dans quelques parties de la Bretagne, et prier Sa Majesté de donner les ordres les plus précis aux agents du pouvoir exécutif dans la province, pour y procurer l'ordre et la tranquillité publique, contre les projets des gens mal intentionnés.

L'Assemblée nationale décrète également que le mandement du sieur Evêque de Tréguier, ensemble les pièces et informations qui y sont jointes, seront remis au Tribunal chargé provisoirement de juger les affaires qui ont pour objet les crimes de lèse-nation ».

C'est pour lutter contre cette opposition du clergé, contre les manoeuvres des ennemis de la constitution, et pour éviter les émeutes que la commune nomma un conseil permanent qui fut chargé de la police : les volontaires s'offrirent pour faire le service de garde : grâce à ces mesures la tranquillité ne fut pas troublée. Pour résister aussi à la réaction, notre municipalité adhéra au pacte de fédération, formé à Quimper entre toute les villes de la Bretagne, et nos jeunes citoyens envoyèrent des députés à l'Assemblée de Pontivy, où fut scellé le pacte de se vouer à la défense de la constitution et où, après avoir prêté serment sur l'autel de la patrie, on prit pour cri de ralliement : Vivre libre ou mourir !.

(M. A. ALLIER).

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