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LES ANCIENNES ÉPIDÉMIES A MORLAIX

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Nous avons peu de documents sur les épidémies qui ont à diverses reprises décimé l'ancienne population de Morlaix : mais ceux qui ont pu compter, il y a treize ans, les terribles éclaircies que fit le choléra dans la population condensée dans les quartiers de la vieille ville, pourront apprécier les ravages que produisaient les pestes noires des siècles précédents dans cet amas obscur de constructions irréguliêres et malsaines, funeste héritage de l'âge féodal. Déjà, en 1564, la contagion s'abat sur Morlaix et emporte un miseur, Vincent Noblet : l'année suivante, le maire Pierre Kermerchou est également enlevé, et il est remplacé par le sieur de Pontblanc (Ms. Daumenil, p. 52).

En 1595, une nouvelle peste vint fondre sur la ville. C'était l'époque où les bandes de la ligue, du roi de Navarre et de Fontenelle, ensanglantaient le pays de leurs stériles rivalités et s'anéantissaient en lui laissant pour souvenir la famine et la peste : le chanoine Moreau nous a laissé un tableau déchirant de cette monstrueuse période.

« A Quimper s'engendra une maladie incognüe mais contaigieuse, qui ne produisoit aucune marque extérieure, ni aux malades ni aux morts, et emportoit son homme en 24 heures, et s'il passoit le troisiesme jour en rechappoit. C'estoit un mal de tête et de cœur seulement ». Dix-sept cents personnes y périrent dans l'automne de 1694. — L'an suivant des pluies abondantes produisirent la stérilité avec son cortège ordinaire, la famine d'abord puis la peste. Les bandes, d'ailleurs, avaient tout enlevé. Les malheureux paysans se virent réduits à se nourrir de graine de lin, d'oseille sauvage et d'orties, qui prolongeaient à peine leur vie de quelques jours : les chemins et les fossés étaient remplis de cadavres qui devenaient la pâture des chiens et des loups. Bientôt cet affreux aliment manqua même à ces derniers, et ils se mirent à faire la chasse aux vivants, par troupes, avec un instinct qui fit croire aux populations effrayées que c'étaient des soldats morts et changés en loups garoux. A Quimper on était éventré en pleine rue. La contagion ne tarda pas : des paroisses de 2,500 âmes furent réduites à vingt : bref, on crut en 1599, à la naissance de l'Antéchrist à Babylone.

En 1623 , le fléau reparut, puis en 1626 ; de Morlaix il passa sur le Léonais, entra de Lochrist à Plouescat par Lesmelchen, le 24 août, et y emporta 320 personnes. — En 1640, il reparut à Morlaix, où nous en suivons les traces dans les colonnes, probablement bien négligées, d'un registre mortuaire.

Les décès de St. Martin en 1640, n'avaient été pour janvier, que de 3 ; pour février, de 9 ; pour mars, de 3 ; pour avril, d'un ; pour mai, de 8 ; pour juin, de 5 ; pour juillet, de 6 ; ceux d'août atteignirent tout d'un coup le chiffre de 19.

Ce fut le 2 mai, dans le plus beau mois de l’année, que l'effrayante nouvelle se répandit à Morlaix : un habitant de Guiclan, Jean Prigent, venait d'y mourir de la peste. Les décès de pestiférés furent ainsi répartis : en juin, 2 ; en juillet, 2 ; en août 17 ; en septembre, 26 ; en octobre, 10 ; en novembre, 3 ; en décembre, 1. — L'an 1641 ne vit pas un seul cas de peste, et en janvier il n'y eut même aucun décès de quelque nature que ce soit.

Si la perte des deux autres paroisses fut proportionnelle à celle de Saint Martin, on peut croire qu'elle n'excéda pas 180 décès, ou le cinquantième de la population approximative. La ville fut donc moins maltraitée que plusieurs communes rurales, surtout dans le Léonais, où l'état malsain des maisons d'habitation favorisait le fléau. Le mal fut beaucoup moindre que la peur, quoique la tradition locale l'ait exagéré au point de dire qu'il ne resta de vivants à Morlaix, que deux hommes, un boucher et un jacobin. Sur les 61 décès cités, 36 (les trois cinquièmes) appartiennent au sexe féminin, et tous, à l'exception de trois, à la classe inférieure. La période la plus forte de la maladie avait duré cinquante jours, durant lesquels elle avait enlevé 45 habitants à Saint Martin.

Du reste, les quartiers pauvres de la Ville-Neuve et du Clos-Marant, cette Cour-des-Miracles morlaisienne, avaient eu horriblement à souffrir : les chirurgiens, les prêtres, les moines, les corbeaux (croque-morts), furent surtout maltraités, et il fallut même les séquestrer provisoirement. Les Récollets de Cuburien, qui s'étaient noblement montrés en 1626, méritèrent de nouveaux éloges en 1640 : le père Boniface Boubennec se distingua surtout par les soins qu'il donna aux pestiférés de la Ville-Neuve. La ville ne fut pas ingrate : elle vota 1,500 livres pour traitement des moines pestiférés, et donna aux bons pères trente-cinq pots d'excellent vin d'Espagne pour leurs messes.

Il paraît que le fléau décima cruellement le Bas-Tréguier : nous n'avons pour garant que la tradition suivante que pourraient corroborer des recherches dans les registres de décès des communes rurales. — La mort noire décimait Plouézoch, et Plougasnou tremblait dans l'attente du fléau qui l'épargnait encore. Un paysan de cette dernière paroisse retournait un jour chez lui, quand il rencontra sur le bord de Goas-ar-c'hranket (ruisseau des crabes, dit aujourd'hui eau de Pont-Cornou) une vieille femme qui le pria de la porter sur ses épaules au-delà de ce ruisseau qui sépare les deux paroisses sur tout son parcours. Il obéit complaisamment, et la vieille se fit alors connaître à lui. « Je suis la peste noire, lui dit-elle : et je ne serais jamais entrée dans cette paroisse, si je n'avais pas trouvé quelqu'un pour m'y transporter. Cependant en récompense du service que tu m'as rendu, je consens à t'épargner, toi et toute la maison ». Et toute la population de Plougasnou périt, ajoute la naïve tradition que nous racontons, à l'exception de la famille de l'imprudent laboureur. La peste était femme de parole.

(Guillaume Marie Lejean).

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