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RELIGIEUX DOMINICAINS A MORLAIX

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LES RELIGIEUX DOMINICAINS ou JACOBINS DE MORLAIX

Dominique de Guzman, fondateur de l’ordre des frères prêcheurs, voulant engager le duc de Bretagne dans la croisade contre les Albigeois, vint à Morlaix trouver le prince qui y résidait alors. Il ne réussit point dans son entreprise, mais il laissa dans le coeur des habitants le désir de se procurer un couvent de son ordre. 

Le 29 juin 1235, arrivèrent à Morlaix, frère Raymond de Tarentaise, provincial de l’ordre et deux dominicains bas-bretons, 0llivier de Tréguier et Guillaume de Kerizac. Ils avaient été appelés par le voeu des habitants qui, dès l’année précédente, se joignirent à Etienne, évêque de Tréguier, pour se procurer ces religieux. Neuf autres arrivèrent, le 29 juin 1236, et logèrent en l’hôtel des religieux du Relecq près de Saint-Melaine, jusqu’à ce que leur logement fût préparé.

L’évêque de Tréguier ratifia, en 1237, la fondation de ce couvent qui fut établi dix-sept ans après la mort du fondateur de l’ordre ; c’était le troisième de la province par rang d’ancienneté et c’est le premier qui ait été établi à Morlaix.

Les habitants s’obligèrent à fournir, tous les ans, à ces religieux une certaine quantité de blé. Cette redevance se payait et se mesurait dans des pierres cavées exprès, jaugées et exposées sous le portique de la chapelle de la Véronique. Cette chapelle fut démolie, en 1629, et les pierres furent détruites, « le coeur nous saignait à tous, dit Albert Le Grand qui avait vu ces mesures, de voir aliéner les monuments d’une si remarquable antiquité ».

Le duc de Bretagne donna aux religieux, pour servir d’emplacement à leur couvent, son manoir et ses vergers, situés au faubourg du Viniec, sur le bord et au-delà de la rivière de Jarlo (Jarleau), près du Dossen. Plusieurs citoyens contribuèrent à la construction de l’église et du monastère.

L’église fut fondée, le jour même de l'Ascension, en 1238. Le marché en fut passé, le Vendredi-Saint précédent, ainsi que celui du monastère, à un architecte de Lanmeur : c’est ainsi que son hôtel de ville fut bâti par un ingénieur du même lieu.

Le choeur, la maîtresse vitre et l’excellente rose qu’on y voit, le jubé et les garnitures du choeur haut et bas furent bâtis aux dépens d'Allain Minot et de sa femme Arnou. La chapelle de Notre-Dame, la sacristie et le grand dortoir furent construits des libéralités d'Yves Faramus.

Mais la principale fondatrice, celle sans doute qui fonda la cuisine et la cave, fut « Julienne, servante de Dieu », et très-dévote à ce couvent. Elle est enterrée dans la salle du chapitre. Son tombeau, couvert d’une lame de cuivre où sa figure est gravée, porte dans sa bordure son épitaphe, écrite en caractères gothiques et en vers latins rimés suivant le goût du temps : Ecce sub hoc saxo fratrum de Monte-Relaxo - Est sita fundatrix, Juliana, Dei veneratrix. - Hujus erat virtus, (quâ pollet fœmina raro), - Mens sincera, manus larga, pudica caro. En voici la traduction : « Sous cette pierre repose Julienne, servante de Dieu, fondatrice des frères prêcheurs de Morlaix. Son coeur fut vrai, ses mains libérales, son corps chaste, vertus qui brillent rarement dans son sexe ». M. l’abbé Provost de la Bouexière, d’abord chartreux, puis chanoine du Mur, en a donné cette traduction libre : Le corps de Julienne ici fut inhumé, - Ses vertus furent, sur la terre, - Sincérité, largesse, chasteté, - Vertus, qu'hélas ! femme n’imite guère. On n’a aucune certitude sur la famille à la quelle appartenait cette Julienne. Mais on croyait par tradition qu’elle était de la maison Le Borgne, dont une des branches principales a possédé depuis la terre de Lesquiffiou, près de Morlaix (Note : ce tombeau n'existe plus).

Tout l’édifice de l’église fut achevé en douze ans et Hamon, successeur d'Etienne, la dédia solennellement en 1250, le dimanche après l’octave de saint Pierre et saint Paul.

Charles de Blois étant à Morlaix, en 1341, fit réparer tout à neuf les dortoirs du couvent qui avaient été endommagés par la guerre et donna aux religieux la permission de prendre dans ses forêts tout le bois dont ils auraient besoin.

Mathieu Rouaud, écuyer, de la paroisse de Minibriac, au diocèse de Tréguier, quarante-huitième témoin appelé pour déposer sur la vie et les mérites de Charles de Blois, dans les enquêtes portées à Angers, pour sa canonisation, en 1371, et qui se trouvent au commencement du tome II des actes de Bretagne recueillis par dom Morice, dit : « Que Charles de Blois donna aux frères prêcheurs de Morlaix un arbre, appelé la reyne, qui était dans sa forêt de Uhelgoët duquel arbre, on eût pu construire trois manoirs, et que, malgré les murmures de ses gens, il ordonna à Yves de Guergorlé, garde de ses forêts, de faire livrer cet arbre auxdits frères prêcheurs ». J'ai ouï dire à des religieux de ce couvent que leurs titres portaient : « Que cet arbre avait suffi pour la construction de toutes les cloisons de leurs dortoirs qui étaient considérables. ». En 1430, frère Jean Validire, autrement dit de Léon, évêque de Léon, autrefois prieur de ce couvent, fit lambrisser et peindre la nef de l’église. Sans doute que la première ferveur de ces religieux autorisa les dons nombreux qu’on leur fit et qu’ils continuèrent longtemps à les mériter ; mais le temps corrompt les plus saints : environ 240 ans après leur fondation, on fut obligé de réformer entièrement ce couvent qui fut habité par des frères de la congrégation de Hollande. Tout lecteur sait que la Hollande était alors un marais très-catholique et très-pauvre, et que ce ne fut que longtemps après qu’elle devint libre, heureuse et puissante.

C’est aux Jacobins que descendit la reine Anne, lorsqu’elle vint visiter Morlaix, en 1505, et c’est encore ce couvent qui offrait l’hospitalité à Marie Stuart, en 1548. Au mois d’avril 1622, le père Adrien Béchu, vicaire général de la congrégation gallicane des prêcheurs, tint un chapitre général aux Jacobins, où il fut splendidement reçu par la communauté de la ville.

De nouvelles réparations exigèrent, en 1539, de nouveaux fonds. La ville leur donna, cette année, deux cents livres pour aider à la conduite de leurs ouvrages. La ville n’avait alors pas même 500 livres de revenu. 

Ce couvent s’est ressenti longtemps des libéralités de la ville. Les religieux jouissaient, en 1623, de deux mille livres par an sur les octrois, et depuis le commencement du siècle jusque vers 1664, ils eurent tantôt mille livres, tantôt six cents livres par an, sur l’octroi. Et quand on retardait le payement de ces sommes, ils faisaient poursuivre la ville. En 1659, ils exécutèrent le fermier, faute du payement de 600 livres qui leur étaient accordées, tous les ans, sur l’octroi. L’année suivante, par transaction du 1er février, la ville transigea avec eux, sur procès, et leur paya par accommodement 3750 livres.

Les comptes du miseur de 1623 portent 2000 livres assignées sur l’octroi pour les réparations de leur couvent ; le nouvel octroi de 1720 leur accorde 1000 livres par an ; il dura jusqu’en 1660, mais en 1628, ils s’accordèrent à 850 livres au lieu de 1000. Par arrêt du 19 février 1641, il leur fut accordé 2000 livres sur les mêmes fonds et 600 livres par an.

Outre ces sommes si considérables pour le temps, la ville leur fit souvent en vin et en argent des libéralités particulières. En 1593, les comptes portent 60 livres pour un tonneau de vin qui leur fut donné par la ville ; en 1594, il y a 40 livres pour le même objet ; en 1595 et 1596, on voit 46 livres pour deux pipes de vin ; en 1604, on lit 60 livres pour une pipe de vin d'Aunis ; en 1606, on dépense 46 livres pour le même objet ; en 1607, on leur donne 150 livres pour les mêmes réparations et 42 livres pour un tonneau de vin.

C’était un usage constamment observé de leur accorder à chaque élection de maire une certaine somme, qu’on nommait « l’aumône », elle était d’abord de soixante livres et fut portée ensuite à cent livres et quelquefois plus haut.

D’après les comptes, l’aumône fut de 120 livres, en 1608 ; de 60 livres en 1610 ; de 20 livres, en 1612 ; de 60 livres, en 1617 et 1618 ; de 60 livres, en 1623 et 1629.

Un arrêt de la chambre des comptes, rendu le 25 mai 1629, défendit à la communauté de faire aucune aumône aux religieux sous peine d’être les parties répétées envers les comptables, en nature d’amende. On en fut quitte, les années suivantes, pour faire viser les quittances par la chambre, et les aumônes de cent livres continuèrent jusque vers la fin du siècle.

Outre ces divers objets de libéralité pour le couvent, on stipulait, dans tous les baux des deniers publics, une certaine somme au profit des couvents payable en plus du prix du bail. Comme ils se renouvelaient, tous les ans, et qu’il y avait autant de baux que de natures de deniers, le bénéfice des pères était assez élevé. Entre autres baux, on en trouve un de 1625, où on stipule une pistole d’or, valant alors 7 livres 4 sols, à partager entre les Jacobins et les Récollets de Cuburien.

On trouve dans ces délibérations, qui étaient communes aux autres couvents, la nouvelle source de dissipation des deniers publics qui s’écoulaient ainsi par cent canaux divers, sans que le public en profitât. Un usage constamment observé par ces religieux était de se choisir des directeurs temporels qu’on appelait pères ou syndics. On avait soin de les choisir parmi les plus notables bourgeois et les plus riches. Ils étaient affiliés alors et participaient aux prières et à ce qu’on appelait les suffrages. Ils veillaient au bien temporel des moines qui, de leur côté, priaient pour eux, et si on ne croyait plus comme du temps de saint Bernard qu’on recevait dans le ciel autant d’argent qu’on en donnait sur la terre aux monastères, du moins était-on encore fortement persuadé qu’un des meilleurs moyens de gagner le ciel et d’assurer son salut était de beaucoup donner aux moines. C’était même un objet d’ambition pour le père on syndic spirituel de procurer au couvent, qui l’avait choisi, plus de bien que ses prédécesseurs n’en avaient fait. Cet usage s’est insensiblement aboli, il n’y a plus de pères et peut-être qu’un jour il n’y aura plus de mères.

Aujourd’hui les Jacobins n’ont guère de crédit que dans quelques maisons du mitoyen ordre des citoyens et parmi les soeurs du tiers-ordre de Saint-Dominique (Fin des recherches de Daumesnil sur les Dominicains). 

Nous suppléerons au manuscrit en faisant connaître les derniers événements qui se passèrent aux Jacobins. En 1772, les Etats de Bretagne furent tenus à Morlaix, dans l’église des Jacobins, par le duc de Fitzjames, commissaire du roi, commandant la province. Le roi les avait éloignés de Rennes, parce que cette ville appuyait trop chaudement le parti parlementaire. M. de Rogère, évêque de Tréguier, présidait l’ordre de l’église ; le comte des Grés du Lou fut élu président de la noblesse, et M. Léon de Tréverret, sénéchal de Quimper, fut nommé président du tiers.

Ces Etats furent l’occasion de vives discussions entre les « épées de fer » — nom qu’on donnait à la petite noblesse du pays, — et la bourgeoisie morlaisienne. « Cela devait être, car il y avait longtemps que les Etats n’étaient venus dans la ville marchande, longtemps qu’on y avait perdu l’habitude de leurs formes exclusives » (Gouin). Lorsque les bourgeois virent leurs femmes exclues de ces fêtes, dont la communauté faisait les frais, ils se fâchèrent et il y eut des deux côtés de l’aigreur et de petites haines. La ville, toutefois, se montra magnifique et courtoise ; elle fournit de beaux logements au duc de Fitzjames et à la duchesse, à l’intendant et à l’intendante, ainsi qu’à leur suite, et elle les combla de soins et de prévenances. Elle offrit « le vin de ville » à ces seigneurs et gratifia les dames « de dragées, de confitures sèches, de gants, de bougies, dans de superbes corbeilles galantisées de rubans ». De plus on mit à toutes les rues des plaques qui en indiquaient le nom et on augmenta les réverbères. Les Etats se montrèrent généreux et accordèrent à la ville 72,000 livres pour le redressement de la rivière au moyen de la chaussée qui passe vis-à-vis de Keranroux et qui, en 1810, fut plantée d’une rangée d’arbres.

Lorsque la Révolution arriva et imposa le serment au clergé, les dominicains le refusèrent à l’exception de deux, les pères Ballet et Saillard qui prêtèrent serment entre les mains de la municipalité, mais qui plus tard écrivirent à l’administration une lettre dans laquelle ils se rétractaient (le 11 août 1792). La municipalité ne chercha pas à les inquiéter, et comme la ville paraissait tenir à ces religieux, le conseil général de la commune refusa de prendre en considération la pétition qui lui fut adressée par les amis de la Constitution pour demander le renvoi des pères Martel, Lagadec, Mével et Morvan ; il émit aussi le voeu, le 4 novembre 1790, que les dominicains fussent conservés, bien qu’ils n’eussent pas prêté serment. Le directoire approuva même le choix qu’il avait fait du père Saillard pour prêcher, cette année, le carême à la collégiale du Mur. 

La douceur et les mesures de conciliation n’ayant eu aucun bon résultat, on eut recours aux mesures de rigueur. Le département prit un arrêté, en date du 21 avril 1791, par lequel il prescrivit à tout prêtre non conformiste de s’éloigner au moins de quatre lieues des paroisses où il avait exercé.

Morlaix protesta et son directoire en fit l’objet d’une délibération où nous trouvons les passages suivants : « ... Considérant que nul ne doit être inquiété pour ses opinions même religieuses ; ..... Le directoire de Morlaix exprime le désir qu’il soit sursis à l’exécution de l’arrêté du département, parce que l’exécuter, serait porter atteinte à la tranquillité publique, et que le temps seul peut opérer une révolution que les persécutions ne sauraient déterminer ».

Quelque temps après le couvent fut fermé. Il servit au casernement des troupes et à l’atelier de salpêtre ; quant à l’église, on en fit un magasin public pour le district.

Lorsque les églises eurent été fermées par la Terreur, les prêtres assermentés, le citoyen Derrien, curé de la ville, en tête, adressèrent à la municipalité, le 27 frimaire an IV, une pétition pour lui demander l’église des Jacobins. La municipalité renvoya la pétition aux commissaires, membres du tribunal de police correctionnelle, avec cette apostille : « Nous vous faisons passer, citoyens, conformément à l’article XVII de la loi du 7 vendémiaire, sur l’exercice et la police extérieure des cultes, la déclaration des citoyens qui se proposent d’exercer leur culte dans l’édifice ci-devant connu sous le nom d’église des Jacobins » [28 frimaire an IV (19 décembre 1795)]. L’autorisation fut accordée, en même temps le conseil décida, dans sa séance du 27 frimaire, qu’elle fournirait à ces prêtres les objets nécessaires au culte. Cette délibération est ainsi conçue : « Le conseil arrête que sur la demande à elle faite d’un calice et d’une patène par le citoyen Piton, ministre signataire de la déclaration prescrite par la loi du 7 vendémiaire dernier, ce calice lui sera délivré à la charge de payer la valeur portée par estimation du citoyen Mallet, orfèvre, à la somme de cent soixante-huit livres ».

Les prêtres assermentés y continuèrent leur culte jusqu’au jour où le concordat leur ôta tout crédit. A cette époque, elle fut définitivement fermée au culte et elle servit d’écurie pour la cavalerie. On fit un premier étage pour les fourrages, on brisa les plombs et les vitraux et on ferma les rosaces. Lorsque la remonte fut supprimée à Morlaix pour passer à Guingamp, cette église fut cédée à la ville qui en fit la halle aux grains.

M. Edmond Puyo, maire de la ville, eut l’heureuse pensée, en 1874, d’arracher à la destruction des temps l’ancienne église conventuelle. Il fit rétablir la voûte et mettre à jour la maîtresse vitre de la façade ainsi que la belle rosace du chœur. La bibliothèque, qui venait d’être fondée par le conseil municipal, y fut installée. Cet établissement a déjà reçu plusieurs donations importantes et compte vers 1879 plus de dix mille volumes, parmi lesquels se trouvent un certain nombre d’incunables et d’autres ouvrages de prix. La bibliothèque est activement suivie, grâce à la mesure libérale prise par l’administration de prêter les livres au dehors : les derniers inventaires portent que, tous les ans, plus de douze mille volumes sont ainsi empruntés par le public.

A la suite de la bibliothèque on a établi des cours de dessin qui réunissent, tous les soirs, de nombreux élèves. La dernière salle est réservée aux conférences : on a l’intention d’y fonder un musée.

De tous les travaux qui ont été exécutés sous l'administration bienfaisante de M. Puyo, durant une période de sept années, cette restauration, grâce à la création des établissements scientifiques qui y ont été établis, aura la plus heureuse influence sur le développement intellectuel et moral des jeunes générations. Le nom de M. Puyo restera attaché à ces fondations et la ville reconnaissante le placera au nombre des bienfaiteurs dont elle garde le souvenir.

L’église conventuelle se compose d’une nef et d’un seul collatéral, selon l’usage des églises de cet ordre. Ce collatéral, qui longe la rue des Vignes, est éclairé par des fenêtres dont le système d’entrecroisement des meneaux est assez rare dans notre pays avant le XVème siècle ; il communique avec la nef par neuf baies que séparent des piliers de forme octogonale et à chapiteaux ornés de feuillages. Les murs intérieurs étaient garnis d'enfeux qui disparurent lorsqu’elle fut transformée en écurie pour la cavalerie. Quelques parties de l’édifice ne datent que du XVème siècle, entre autres le gable latéral donnant sur la rue des Vignes. Ce gable, surmonté de bouquets en panaches, est d’un fort bon style ; il porte deux grandes fenêtres jumelles en gothique flamboyant, au-dessus desquelles est placé l’écusson de Bretagne entouré de la Cordelière. Le grand portail de la façade est tout-à-fait dégradé et n’offre qu’un médiocre intérêt. L’archivolte de la porte, qui donnait accès dans le collatéral, est ornée de trois quintefeuilles, armes portées autrefois par plusieurs familles, notamment par les Tallic, les Le Corre et les Lagadec.

La fenêtre de la façade est traversée par de légers meneaux, surmontés de plusieurs admirables rosaces, posées comme par enchantement les unes au-dessus des autres ; elle est décorée de vitraux aux couleurs variées. Les travaux de restauration furent continués du côté opposé et aujourd’hui la rosace du choeur, dépouillée de la maçonnerie qui la recouvrait, nous apparaît dans toute la splendeur de sa beauté première. Dans ses harmonieuses proportions, elle nous séduit et elle force notre admiration par la richesse de ses ornements et l’élégance de son style.

L’artiste ne s’est laissé aller à aucun caprice ; tout y est positif, c’est ce qui en rend l’architecture si correcte, si régulière et cependant si variée. Mais cette régularité ne nous fatigue pas, cette légèreté nous séduit, cette variété nous charme. La rosace s’ouvre, s’épanouit, étalant ses riches compartiments, semblables à de gracieux pétales. Rien de ravissant comme cette fleur immense, incrustée dans la muraille, et remplie de ces formes rayonnantes qui sont si pittoresques, si fines, si délicates. Vous pourriez penser que le premier souffle va faire crouler ce magique et frêle échafaudage ; mais non, l’artiste a tout calculé, la solidité se trouve jointe à la légèreté, les conditions de durée à l’élégance.

La baie est une arcade à plein cintre, partagée au tiers de sa hauteur en sept meneaux déliés, dessinant huit linteaux terminés par des arcs trilobés que surmontent huit trèfles lancéolés. Au-dessus la belle fleur gothique étale et développe tous les trésors de sa pure corolle. D’abord seize rayons s’épanouissent, déterminant au cœur une ouverture aux lobes arrondis où un artiste verrier de notre ville, M. Nicolas, fils, qui continue les saines traditions du moyen âge, a peint les armes de la ville en émail avec des couleurs vitrifiables. Les rayons lancéolés encadrent seize trèfles en tiers-point, sur les quels viennent se fixer le même nombre d’arcades polylobées ; enfin aux tympans se voient des quatre feuilles qui terminent cette brillante ornementation. Les intervalles de ces divers compartiments sont remplis de vitraux peints en grisailles qui rappellent l’époque gothique et sont d’une richesse d’effets incomparable. Lorsqu’on pénètre dans la salle, on ne peut se défendre d’un sentiment d’admiration, surtout quand ces vitraux brillent de tout leur éclat aux rayons du soleil, et qu’ils répandent leurs mille nuances, en faisceaux lumineux, sur les murs et le parquet de la vieille église.

M. Edmond Puyo a été bien inspiré en rendant à notre admiration ce chef-d’oeuvre qui est un des plus beaux dans son genre, parmi ceux dont la Bretagne est fière à juste titre, et tous ceux qui s’intéressent à l’art et à la conservation des monuments du passé lui en sont reconnaissants !

Comme curiosité archéologique nous ajouterons à cette description l’état qui en fut dressé, le 9 septembre 1679, par le commissaire de la Réformation : « Nous avons fait estat et procès-verbal des armoiries qui sont dans la maîtresse vitre au plus haut et éminent lieu de la quelle et au premier soufflet sont les armes du roy en plein et aux huit roses chargées d’armes n’avons remarqué que les armes de Bretaigne en plein, au dessoubz des quelles sont les armes de Boyséon portant d’azur au chevron d’argent à trois remontres de léopardz, deux et un, et du costé de l’évangile, au-dessoubzs des dites armes sont les armes des Penhoat, portant d’or à la fasce de gueules, et de l’autre costé, à l’opposite du costé de l’évangile, sont les armes de Goesbriant, en plein, en deux escussons, portant d’azur à la fasce d’or, plus un escusson, portant d’argent au lion d’azur armé et lampassé de gueules, et au troisiesme soufflet sont les armes des Plusquellec, et au quatriesme soufflet sont les armes de Montafilant, le cinquiesme soufflet de gueules à la fasce d’argent, et sont les armes de Guerrand, au siziesme soufflet sont les armes des Bruillart d’argent à trois chevrons de gueules ».

Parmi les antres prééminenciers de cette époque, nous lisons les noms des Rodaluez, des Borgne, des Siochan, des Tresiguidy, des Segaller, des Lanidy-Calloët, des Runiou-Oriot, des Kerprigent-Kermabon, des Marselière, des Beaumanoir et des d'Ancremel. Le même manuscrit nous apprend que l’église avait alors outre le grand-autel, les chapelles de Saint-Hyacinthe, de Sainte-Rose, de Saint-Joseph, de Jésus, et les autels de Saint-Thomas, de Sainte-Anne, de Notre-Dame-de-Pitié, de Sainte-Marguerite, de Notre-Dame-du-Rosaire et de Sainte-Agnès.

Dans le mur qui est à côté de la façade de l’église sont incrustées trois inscriptions :

La première inscription offre cette curiosité que les caractères employés à la première ligne ne sont pas les mêmes que ceux des deux suivantes. Le baron de Wismes y a lu : AGGAE ET IEAE DOt... - AC M. N. DE CALOET QE HOC  - NOVUM OPUS DEDIT. I. H. S. FI. Et il l’a traduite ainsi : « Que Dieu favorise Agathe et Jeanne et M. N. de Calloet qui ont donné ce nouvel ouvrage ». Nous pensons que cette inscription exercera la sagacité des archéologues avant qu’on arrive à une traduction satisfaisante.

Sur la seconde, il y a : EN L'HONNEUR DE JESUS CEST ÉDIFICE A FAICT L’AN MCCCCXXIIII M. N. DE CALLOET.

Et sur la troisième, on voit : HIC EST SOL JUSTITIÆ - IHS IN CRUCE PRO - TE DIRE PASSUS. C’est-à-dire : « Celui-ci est le soleil de justice, Jésus-Christ, qui a cruellement souffert pour vous ». Cette inscription se trouvait peut-être sous un crucifix qui avait été érigé par la famille de Calloët. Les bâtiments claustraux n’ont conservé aucun souvenir qui rappelle leur passé, si ce n’est à l’escalier 19, quelques dalles tombales aux armes des Guiscasnou et des Coëtquis de Kernéguez [Voir De Wismes (le baron)].

Le rez-de-chaussée de l’église a servi pendant de longues années d’écurie à la remonte de la cavalerie. Des vieillards nous ont raconté que lorsqu’on l’appropria pour cet usage, on en sortit des tombereaux d’ossements. Le couvent est une caserne qui est occupée, vers 1879, par le 22ème bataillon des chasseurs à pied.

Prieurs des Dominicains : - 1427. F. Jean Validire. Il devint évêque de Léon. - 1430. F. Prigent-Bouga. - 1517. F. Nicolas Le Masson. - 1596. F. Jacques Le Boullouch. - 1618. F. Jacques Toulgoet. - 1627. F. Martin Bizard. - 1634. F. Jean Gauthier. - 1641. F. Vincent de Saint-François. - 1644. F. François de Sainte-Magdeleine. - 1651. F. Pierre Gouicquel. - 1791. F. Carvennec.

Pères ou Syndics : - 1607. Le Sr. de Kerhamon. - 1627. Y. Abyven. - 1631. Pierre de Calloët. - 1668. Oriot du Runiou (J. Daumesnil).

Ville de Morlaix - Bretagne Voir L'Histoire des Dominicains de Morlaix.

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