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Ville de Morlaix et Château du Taureau

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château du Taureau

Je ne comptais vous entretenir que de la forteresse municipale du Château du Taureau, près de Morlaix ; mais je me suis laissé entraîner par l'intérêt du sujet à vous occuper de cette ville, en faisant usage d'excellentes recherches faites par un savant antiquaire dont je n'ai pas besoin de rappeler le nom.

Je ne m'étendrai pas sur le nom de Morlaix. Ce nom en latin Mons relaxus, et en breton Montroulès, suffit pour faire reconnaître qu'on le prononçait anciennement Montrelais. C'était, il n'y a pas encore si longtemps, celui de l'une des hauteurs dont cette ville est entourée. Ce nom donné à d'autres localités situées dans des gorges de montagnes, ne saurait être mieux justifié que dans celle-ci. 

On conserve dans cette ville des monnaies du IIIème siècle, découvertes, il y a plus plusieurs siècles, dans les ruines de son château et de ses remparts, ce qui a donné lieu de conjecturer qu'ils furent élevés sur l'emplacement d'un castrum romain. Cette opinion doit être facilement admise. Il serait étrange qu'une position si avantageuse pour le commerce maritime eut échappé à l'attention des vainqueurs de la Gaule. Mais comment fût-elle abandonnée dans les âges suivants ? 

Les monnaies dont il est question s'arrêtent au règne de l'empereur Valérien, vers l'an 264. Il est à remarquer que cette époque, à laquelle commence le déclin de l'empire, fut aussi celle de grandes calamités pour la Gaule septentrionale surtout. C'est celle des grandes incursions de la piraterie saxonne qui détruisit plusieurs de ses villes que le gouvernement impérial n'eut plus désormais la puissance de rétablir. D'ailleurs le commerce de cet établissement devait se faire avec la Grande-Bretagne, qui était encore plus ravagée par ces barbares dont elle a fini par devenir la proie. 

Il est possible que cette ville antique ait porté le nom de Julia ; mais le témoignage d'un écrivain du XIIème siècle, comme celui de Conrad de Salisbury, qui ne cite aucune autorité à l'appui de cette assertion, ne peut pas être d'une valeur sérieuse. Morlaix est une ville du moyen-âge. La population qu'y avait attirée le commerce maritime était, au commencement du même siècle encore éparpillée en petites agglomérations ayant chacune leur église, et elle était protégée par le voisinage d'une petite enceinte fortifiée, qui devait en occuper le centre. C'est l'idée que nous en donne l'acte de donation de l'une de ces églises aux moines de Marmoutier, qui est celle de Saint-Martin. Cet acte est de l'année 1128. Les églises de Saint-Mathieu et de Saint-Melaine, de Morlaix, devinrent aussi dans les mêmes temps, des prieurés desservis par des moines avant d'être érigées en paroisses. Les services que rendait le clergé monastique étaient plus appréciés que ceux du clergé séculier. Ces fondations furent faites par les comtes du Léon, qui ne prenaient alors que le titre de vicomtes. 

C'était encore l'époque des guerres baronales. Les annales du temps sont pleines du récit des débats qui s'agitaient par les armes entre les grands seigneurs du pays ou que ceux-ci avaient à soutenir contre les ducs de Bretagne, qui ne prenaient alors le titre de comte. Hervé III, comte de Léon, était en guerre avec le duc Conan IV. Ce prince appela le secours d'Henry II, roi d'Angleterre, et du duc de Normandie qui fit une invasion dans le pays de Léon, en 1166, et détruisit les châteaux de Lesneven, Saint-Pol et Trebez. On voit les ruines de cette dernière fortification près de Morlaix. Guyomarh VI qui succéda à Hervé de Léon, était d'un caractère brouillon ; les violences par lesquelles il ensanglanta sa famille, amenèrent l'intervention de Geoffroi, qui venait de monter sur le trône ducal par son mariage avec Alix, fille de Conan. Geoffroi en prit occasion de s'emparer de Morlaix en 1179. A la mort de ce prince, Guyomarh protesta contre cette confiscation par la reprise de cette ville. Quelques années plus tard, le roi d'Angleterre, père de Geoffroi, revendiquait par un siège qu'il fit en personne, les droits du jeune duc Arthur de Bretagne, son pupille. Après une vigoureuse résistance des assiégés, Henry II s'empara de cette place qui depuis fut définitivement annexée au duché. Cette acquisition était pour les princes bretons d'une très-grande importance, en ce qu'elle scindait les possessions des comtes de Léon, en isolant de leur ancien domaine, délimité à Morlaix par le cours du Jarleau (ou Jarlot), de vastes contrées dont ils étaient devenus maîtres dans le pays de Tréguier (Note : On peut voir dans une enquête de l'année 1235, rapportée aux preuves de l'Histoire de Bretagne, tome I, col. 887, que le domaine des comtes de Léon s'étendait depuis le cap Saint-Mahé, jusqu'à Lannion). Ainsi commençait le déclin de cette maison puissante dont les prodigalités de ses derniers comtes avaient, moins d'un siècle après, complété la ruine. Les vicomtes de Léon que nous retrouvons ensuite dans l'histoire, ne sont plus qu'une branche puînée de cette famille. 

La politique ducale recommandait la ville de Morlaix à toute la sollicitude des princes bretons. Ils venaient y passer du temps dans un château de plaisance construit d'abord sur la rive gauche et aux bords du Quefleut (ou Queffleut). Il fut rebâti sur les terrains plus élevés qui dominaient l'ancienne enceinte de ville, après que le premier emplacement de ce château eût été abandonné pour former l'enclos du couvent des Dominicains que les habitants y fondèrent en 1235. Jean II se plut à orner le nouveau château. En exécution d'un voeu qu'il avait fait étant à la Réole, en Guyenne, où il combattait avec les Anglais, il construisit la belle église de Notre-Dame du Mur, que Jean IV se chargea plus tard de couronner par un magnifique clocher. C'était la chapelle ducale ; Jean II y avait institué une collégiale desservie par un prévôt et huit chapelains, en 1295, et fait transférer la confrérie de la Trinité, établie depuis plus d'un siècle et demi dans l'église de Saint-Mathieu. Ce fut sans doute pour la rendre plus accessible aux habitants qui auraient voulu assister aux offices de l'église de Notre-Dame du Mur, qu'il marqua sa place aux plus proches abords de la ville. Il cerna aussi de murailles un espace de sept cents journaux, non loin du château, pour lui servir de parc. Albert Le Grand, parlant du duc jean IV, écrit : que "ce prince aimait à prendre le plaisir et le déduict de la chasse dans cet enclos rempli de bêtes fauves"

La paix dont avait joui la Bretagne jusqu'au règne du duc Jean III, fut troublée après sa mort survenue en 1341, par la guerre que soutinrent durant plus de vingt ans les deux prétendant à sa couronne. Charles de Blois, marié à la comtesse de Penthièvre, que le feu duc avait reconnu pour son héritière, conformément à l'usage des fiefs de ce pays, défendait avec l'appui du roi de France, les droits de sa femme, fille du frère aînée de Jean IV, contre le comte de Montfort, qui n'en était que le frère puîné ; ce prince était soutenu par les Anglais. Notre pays était devenu le théâtre des vieilles hostilités des deux peuples. Morlaix et tout le pays qui l'entoure reconnaissaient l'autorité de Charles de Blois et, s'il est vrai que le comte de Montfort ou son fils en ait fait le siège, cette tentative demeura sans résultat. Cette ville, en 1352, envoyait des députés aux Etats de Dinan pour aviser au paiement de la rançon de Charles de Blois, fait prisonnier à la bataille de la Roche-Derrien. Quand le sort de la bataille d'Auray eût rangé la Bretagne sous la loi de Jean IV, Morlaix fit sa soumission ; mais demeura toujours d'une foi suspecte au duc conquérant. Ses habitants, par un sentiment commun à toute la Bretagne, étaient impatients de la faveur exclusive dont les Anglais jouissaient près de ce prince et de la défiance qu'il montrait pour ses sujets. Elle était entretenue par l'empressement avec lequel les Bretons servaient la France sous leur compatriote le connétable Du Guesclin. Dans une guerre qu'il faisait au roi Charles V, le duc Jean IV avait imaginé de mettre une garnison anglaise à Morlaix, en 1373. Des troupes françaises qui traversaient la Basse-Bretagne, se joignirent à la noblesse du pays et aux habitants pour débarrasser la ville de ces étrangers. Ils furent assiégés dans le château ; les uns furent tués, les autres furent contraints de capituler. Mais le duc, qui alors était allé solliciter de nouveaux secours en Angleterre, ne tarda pas à débarquer au pays de Léon à la tête d'une armée considérable. A son arrivée, les Morlaisiens dégondèrent les portes de leur ville en signe de soumission, et s'avancèrent au devant du prince en demandant grâce. Jean IV, avant de faire aucune réponse, exigea que cinquante des coupables fussent remis en ses mains. Il épargna la ville ; mais tous les habitants qui lui avaient été livrés furent mis à mort. Jean IV, qui pour ne pas entrer en ville s'était logé au château de Cuburien, partit aussitôt, laissant dans Morlaix une garnison de huit cents hommes. Les Morlaisiens, pendant que le duc était en voyage, appelèrent encore les mêmes secours et expulsèrent leurs gardiens. Bien heureusement pour eux, ce prince ne trouva pas le loisir de mettre à exécution la vengeance dont ils étaient menacés. 

L'activité commerciale de cette ville n'était pas au-dessous de son énergie dans les affaires publiques. Sa prospérité s'accrût sous les règnes plus paisibles de Jean V et de ses successeurs. Anne de Bretagne s'était remariée à Louis XII. Lorsqu'elle passa à Morlaix en se rendant d'un pèlerinage au Folgoët vers celui de Saint-Jean-du-Doigt, elle fut reçue avec les plus vives démonstrations de joie ; c'était en l'année 1505. François Ier dans le cours d'un voyage en Bretagne, dont on ignore les motifs, visitait aussi la ville de Morlaix, en 1518. 

L'alliance de ce prince avec Henry VIII d'Angleterre, quoique solennellement renouvelée dans leur fameuse entrevue du Champ du drap d'or, fut bientôt rompue par une ligue offensive du monarque anglais avec Charles-Quint, eu 1522. Leurs forces maritimes combinées mettaient à la voile dans l'été de la même année, sous les ordres du grand amiral d'Angleterre. Cette flotte de cent huit forts navires, après avoir ravagé les côtes de Normandie et pillé Cherbourg, paraissait près de l'embouchure de la rivière de Morlaix dans les derniers jours de juin, avec le dessein de faire un gros butin dans cette ville. Par une singulière coïncidence, en même temps que la noblesse du pays se rendait à Guingamp pour une revue que devait passer, à l'occasion de la guerre, le comte de Laval, lieutenant général en Bretagne, les négociants de Morlaix partaient pour la foire de Noyal-Pontivy. C'était le grand marché des toiles dites noyales, dont ce port faisait de grosses expéditions. Informé de ces circonstances par un traître du nom de La Trigle, qui n'était pas capitaine de la ville, comme l'a écrit Albert Le Grand, mais qui pouvait bien y avoir alors commandé, comme lieutenant, l'amiral comte de Surrey changea son projet d'attaque en un projet de surprise. Les Anglais, débarqués dans la rade, le 3 juillet, s'acheminèrent par petites bandes ; les uns déguisés en paysans, et les autres en marchands, se glissèrent dans la ville et dans les faubourgs, tandis que d'autres se cachaient dans un bois ; sans que les habitants eussent la moindre défiance, jusqu'à ce que réveillés par l'ouverture des portes et l'entrée bruyante des Anglais au milieu de la nuit, ils se jetèrent dans la campagne. Le pillage fut complet ; les églises elles-mêmes ne furent pas épargnées. " Deux seules personnes, écrit Albert Le Grand, se mirent en défense, le recteur de Ploujean, chapelain le Notre-Dame du Mur, lequel ayant levé le pont de la porte de Notre-Dame, monta dans la tour, d'où à coups de mousquet il versa en la poudre (la poussière), les plus eschauffés ; mais enfin il fut miré et tiré. Et une chambrière de la Grande-Rue qui voyant que tout le monde du logis s'estoit sauvé à la fuite, amassa quelques autres filles de la rue en la maison et ayant ouvert l'escoutille ou trape de la cave qui estoit à l'entrée de la porte, en dedans, de sorte que les ennemis entrant en foule tombèrent dans la cave où ils se noyèrent au nombre de plus de 80. Enfin, la maison fut forcée et la généreuse fille qui, avec ses compagnes, s'estoit retirée et enfermée au sommet du logis, poursuivie par les soldats, fut prise et jettée du haut en bas sur le pavé". La patache que les Anglais avait dépêchée pour recevoir le butin ne put arriver au port. Le chenal avait été barré au moyen des arbres coupés dans l'avenue du couvent des Cordeliers de Cuburien qui avaient été jetés dans la rivière. Les Anglais partirent à temps pour ne pas rencontrer le comte de Laval qui arrivait au secours, après avoir mis le feu à la ville, emmenant avec eux les habitants sur lesquels ils avaient pu mettre la main, et dont ils attendaient une forte rançon. Mais six à sept cents traînards qui s'étaient attardés à faire bonne chère aux celliers du Quai de Tréguier, dit notre auteur, furent taillés en pièces près de la fontaine du Stivel, aux abords de la ville. Cette fontaine s'est appelée depuis la Fontaine des Anglais. On dit que les captifs restèrent plusieurs années en Angleterre, et que la ville demeura sous le coup de cette catastrophe pendant dix ans. 

Plan de la baie de Morlaix

Depuis lors, en temps de guerre maritime, les Morlaisiens surveillèrent le cours de leur rivière. Sous leur conduite, les paroissiens de Saint-Mathieu, de Saint-Melaine et les habitants des paroisses riveraines se relevaient dans un poste établi à la pointe de Bec-ar-Menez ; celle de Penalan, sur l'autre rive, était soumise à la même garde par les habitants de Saint-Martin et autres de la même rive. On cherchait un mode de défense plus efficace et moins assujettissant. Le prieur des Dominicains en donna un projet qui finit par être accueilli. Ce prieur, du nom de Nicolas Trocler, proposait de fortifier un îlot rocheux de la rade qui commande si complètement les deux passes de la rivière que ses feux pouvaient aisément en fermer l'accès. 

château du Taureau

La ville demanda l'autorisation de construire ce château. Elle lui fut accordée après une enquête sérieuse, aux conditions qui suivent. Les Morlaisiens devaient faire la dépense de cet établissement, faire choix du capitaine et de la garnison, l'entretenir, payer les gages du chef et de sa troupe, et se couvrir par l'abandon que le roi faisait des devoirs, aides, impôts et billot de la ville, ce qui fut accepté avec empressement. Au bout de deux ans, le 3 juillet 1544, jour anniversaire de la surprise de Morlaix, Jean de Kermellec prenait possession du Château du Taureau, comme capitaine avec une garnison, de vingt-trois soldats, choisis dans les jeunes gens de familles notables du pays, un trompette, un canonnier et un aumônier. 

Plan du château du Taureau

Dix ans après on complétait l'organisation du personnel par l'adjonction d'un lieutenant, d'un enseigne, d'un portier et même de trois dogues. On voit que Saint-Malo n'était pas la seule place qui comptât des chiens parmi ses défenseurs. La paie du capitaine était de deux cents livres, celle des soldats de soixante. Si ce n'est pas à l'établissement du Château du Taureau, c'est au moins à la surprise de Morlaix que se rapporte la devise héraldique de ses armes dont la pièce principale est un navire. Cette devise est un jeu de mots sur son nom : S'ils te mordent, mord les

château du Taureau - deuxième étage

1er étage. 

château du Taureau - troisième étage

2ème étage. 

Morlaix, en 1548, voyait entrer dans ses murs la jeune reine d'Ecosse, Marie-Stuart, qui venait de débarquer à Roscoff et allait épouser le Dauphin, depuis François II, avec lequel elle ne régna en France que peu de mois. Au moment de son entrée le pont de la porte Notre-Dame (Note : Cette porte Notre-Dame n'était pas celle de Notre-Dame-du-Mur, mais celle d'une autre chapelle située au-dessous de la ville close) s'écroula sous la marche de son escorte. Elle craignit qu'on en voulut à sa vie, ce fut alors que le sire de Rohan ; en la rassurant, lui dit ces paroles souvent citées : Jamais. Breton ne fit trahison. Quelques années plus tard la ville reçut une nouvelle organisation municipale, semblable à celle de plusieurs grandes villes de France. Nantes avait obtenu ce privilège, en 1560, deux ans avant celle de Morlaix. Il ne fut octroyé à Rennes et à Brest que trente ans plus tard ; ce qui peut donner l'idée de l'importance qu'on reconnaissait alors à la ville de Morlaix. Jusque-là le procureur ou syndic des bourgeois, qui prit alors le titre de maire, n'avait aucune juridiction de police. Le maire devant être assisté dans son service par des échevins, également élus par les habitants. Charles IX accorda aussi, en 1566, à la ville la faculté d'avoir une juridiction consulaire ou commerciale. Les juges étaient élus par les principaux négociants. 

Le corps municipal à qui il appartenait de nommer le capitaine du Château du Taureau, avait jusqu'en 1562 porté ses choix sur les habitants de la ville, qu'il jugeait les plus propres à exercer cet emploi. Il avait été, depuis l'origine, confié successivement à Jean de Kermellec et à Guillaume des Fontaines, qui était en même temps sénéchal, à Guillaume Quemener, Vincent Nouël, Richard Nicolas et Vincent Lezay. Elevé à une plus haute dignité par son nouveau régime, le conseil résolut de faire de cette capitainerie un attribut de l'office des maires de Morlaix. Il fut résolu en conséquence que chaque maire sortant après son service, qui n'était qu'annal, serait investi, pendant l'année suivante, de ce petit commandement. Nous avons eu occasion en parlant de la surprise de Morlaix de dire que cette ville avait un capitaine. Tout ce qui regardait le service militaire se faisait sous son autorité. Le sénéchal et lui nommés par le prince, étaient les représentants de la puissance souveraine ; ils occupaient le premier rang dans les délibérations municipales. La capitainerie de Morlaix fut érigée en titre de gouvernement en 1568 ; Troilus du Mesgouez, marquis de la Roche, en faveur de qui cette création avait eu lieu, en induisit qu'elle lui conférait des droits plus considérables que ceux qu'il avait eus jusqu'alors ; il voulut donner des ordres au Château du Taureau et en nommer le capitaine. Malgré la haute protection que lui accordait Catherine de Médicis, mère du roi, il échoua dans ses prétentions. 

château du Taureau

Nous sommes maintenant en présence des évènements du temps de la Ligue, à Morlaix. Nous devons commencer par dire quelque chose de la situation du pays à l'époque que nous abordons. La Basse-Bretagne s'était peu occupée des querelles de religion jusqu'en 1589. Mais l'assassinat d'Henry III qui appelait à la couronne un prince Huguenot, y causa de vives alarmes pour le sort de la foi catholique. La Ligue laissait en suspens la question d'Hérédité. Elle avait proclamé le vieux cardinal de Bourbon, oncle d'Henry IV, et s'était fait beaucoup de partisans. En 1591, Brest était la seule ville de ce pays qui fût soumise à l'autorité de Henry IV, et n'y avait pas alors longtemps qu'elle avait été enlevée aux Ligueurs. Cette faction trouvait un appui considérable dans le gouverneur de Bretagne, qui était de la maison de Lorraine ; et qui, héritier par sa femme, des prétentions de la maison de Penthièvre sur la Bretagne, ne cherchait qu'une occasion peur les faire valoir. Mais l'état des choses avait beaucoup changé depuis que le roi, devenu maître de Paris, était rentré dans le sein de l'Eglise. L'année suivante, le maréchal. d'Aumont, l'un des plus renommés capitaines de ce temps, recevait la mission de mettre fin à la guerre civile mêlée de brigandages, qui désolait la Bretagne. Le parti de la Ligue était puissant à Morlaix ; mais les hommes sages, qui tendaient à s'en éloigner devenaient de plus en plus nombreux. Le maréchal, parti de Tréguier pour se rendre dans cette ville, trouva en route ses députés, qui, à l'insu du gouverneur, venaient le prier d'y faire son entrée, en lui proposant des articles de capitulation qu'il se hâta d'accepter. Son arrivée imprévue ne laissa au sire de Carné Rosampoul, ligueur déterminé, que le temps de se jeter dans le château, avec soixante gentilshommes du pais qui furent bientôt renforcés de cinq cents soldats de Mercœur. S'il eût pu tenir plus longtemps, une bataille eût été livrée sous les murs de la ville, car Mercœur n'en était plus qu'à quelques lieues avec sa troupe et un corps d'Espagnols. D'Aumont venait d'être rejoint par un corps d'Anglais. Mais la disette était au château ; il fallut se rendre. Pendant que les assiégés en supportaient les privations, le maréchal avait galamment envoyé un mouton et du gibier à l'adresse de la dame de Rosampoul, qui avait voulu subir avec son mari les épreuves du siége. 

L'un des articles de la capitulation portait que la ville garderait ses privilèges anciens sur le Château du Taureau. Il eût été très-impolitique au maréchal de repousser cette disposition ; mais, pendant les vingt-quatre jours de la durée de ce siège, il dut s'apercevoir que son exécution prochaine était pleine de périls. Ce Château du Taureau, remis aux mains d'un ancien maire ligueur, pouvait devenir une citadelle pour cette faction et tomber au pouvoir des Espagnols. On aurait pu voir le Château du Taureau comme le château de Primel, sur la même rivière, occupé par La Fontenelle, ou tomber aux mains des étrangers. D'Aumont fit appel au patriotisme du capitaine de cette place, en lui demandant au nom de la paix publique, de se maintenir dans son commandement envers et contre tous, jusqu'à ce qu'il eût reçu d'Henry IV l'avis de se retirer. L'ancien maire, qui exerçait cet emploi, était Guillaume du Plessis de Kerangoff, ancien ligueur, mais qui avait compris qu'il n'y avait plus qu'à se rattacher au roi légitime. Quand son successeur vint pour occuper le fort, il lui en refusa l'entrée. La ville s'étonna de cette violation de ses droits et ne voulut plus payer les gages du capitaine. Du Plessis l'y contraignît en mettant arrêt sur le passage des navires. Elle recourut à l'autorité du conseil privé du roi. Ses requêtes furent traînées en longueur par des réponses dilatoires ou évasives, si bien que le capitaine du Plessis, dont la famille subsiste encore dans le pays, ne reçut l'autorisation de se retirer qu'au bout de dix ans. Il remit le château au maire sortant qui s'appelait Maurice de Kerret. C'était en l'année 1604. Sans doute l'histoire doit dater la fin des évènements de la Ligue en Bretagne, de la reddition de Nantes que Mercœur tint en son pouvoir jusqu'en 1598 ; mais le calme ne se fit pas partout aussitôt. Malgré les soins d'Henry IV pour empêcher tout mouvement de réaction, du Plessis en butte à la commune qui lui demandait compte de la prolongation de son commandement et réclamait de fortes condamnations pécuniaires, exhiba alors les ordres du roi. Il justifia en même temps qu'il avait été forcé de faire de grosses avances pour le maintien du service de la place. On dût lui payer huit mille écus, malgré l'état des finances de la ville qui s'était fort endettée pendant que son administration était dominée par le parti de la Ligue. 

Les élections municipales de l'année 1641 furent mêlés de brigues ; on ambitionnait la mairie en vue de la capitainerie du château du Taureau. Ce privilège fut suspendu ; le roi nomma un officier à ce commandement. La ville envoya une députation à la cour. Elle obtint de Richelieu sa réintégration dans ses prérogatives. Rien n'était moins conforme aux idées monarchiques que l'abandon d'une place de guerre à l'autorité municipale ; mais c'était un privilège unique, et qui par suite ne pouvait tirer à conséquence. Ce fut le renouvellement des mêmes agitations qui y mit fin. Louis XIV confia le château pendant trois ans à un officier de ses gardes, qui eut pour successeurs deux maréchaux de camp et un lieutenant général de la maison de Goesbriant. Yvon de Goesbriant, un de leurs auteurs, avait été capitaine de Morlaix en 1558 ; enfin M. de Saulx-Tavannes lieutenant-général, était gouverneur de ce château au moment de la Révolution. En supprimant le privilège des Morlaisiens, le roi avait pris à sa charge les dépenses d'entretien du fort et de la garnison et avait érigé cette capitainerie en titre de gouvernement. C'est ce qui était arrivé depuis longtemps pour beaucoup des anciennes villes closes qui avaient eu des capitaines et que leur éloignement des frontières ne permettait plus de classer dans les places de guerre ; elles avaient des gouverneurs qui y recevaient les premiers honneurs quand ils y résidaient, et participaient  à leurs délibérations et à leurs affaires importantes. Elles payaient aussi les émoluments attachés à leur charge, ce qui était une manière de traitement qu'on donnait aux officiers généraux. La ville soldait ainsi les gages des gouverneurs de Morlaix et du château du Taureau. Le service du château du Taureau était confié à quelque ancien capitaine, comme retraite. Son dernier lieutenant de roi était M. de la Villemarqué, aïeul du collecteur des Chants populaires de la Bretagne

Le procureur général de La Chalotais fut enfermé avec son fils au château du Taureau, en 1765, pendant qu'on instruisait le procès intenté contre lui à l'occasion de l'opposition que le Parlement de Bretagne avait faite pour la défense des privilèges de la Bretagne. D'autres détenus politiques y furent enfermés plus tard, si l'on peut donner ce nom aux auteurs des attentats révolutionnaires ; tels étaient Romme, Soubrany et Bourbotte impliqués dans l'insurrection de 1795, entreprise pour rétablir le régime de la Terreur. Puis Blanqui et d'autres y étaient prisonniers pour des faits de même nature. 

La puissance royale qui dominait partout ne laissait plus aux villes que la gestion des intérêts municipaux. Elles n'ont plus de rôle dans l'histoire. Les évènements de la ville de Morlaix se réduisent à peu près à des conflits de juridiction ou de préséance entre les autorités. Mais il nous reste à faire connaître ses antiquités monumentales, au premier rang desquelles se plaçait la belle église de Notre-Dame-du-Mur, bâtie, comme on l'a dit, par Jean II en 1295, et terminée par le clocher qu'y éleva Jean IV. 

château du Taureau

Cette antique chapelle du château ducal était en grande vénération, non-seulement dans la ville, mais dans tout le pays. C'était la gloire et l'objet de l'affection de ses habitants. Ils étaient fiers de son magnifique clocher. On le construisait pendant que les Morlaisiens chassaient leurs garnisons anglaises. L'église était déjà entrée dans l'enceinte de la ville. Lors de la seconde de ces attaques, on tirait de la plateforme de la tour sur ces étrangers. Le maréchal d'Aumont y avait aussi placé des canons pour le siége du château ; les habitants obtinrent qu'ils fussent mis ailleurs pour qu'on ne fit pas dommage au clocher. 

La disposition de l'édifice était singulière. Trois rangs, chacun de cinq travées, le partageaient en quatre nefs. La première formait le collatéral du sud, la seconde la grande nef, la troisième le collatéral nord ; la quatrième se développait du côté de la ville close, en façon d'avant-corps. Son plan polygonal ressemblait assez à un demi ovale coupé en longueur. C'est dans cette espèce de vestibule que Jean IV avait élevé le beau portail d'entrée qui faisait la base de sa tour ; il pénétrait en fausse équerre jusqu'au collatéral voisin. On dit que ces bizarreries du monument disparaissaient dans son élégance générale. La tour percée de longues baies était couronnée d'une flèche avec ses quatre clochetons. L'église avait cent dix pieds de long, sa tour cent vingt pieds et la flèche cent vingt-huit pieds de haut. Beaucoup préféraient ce clocher à celui du Creisker. 

Notre-Dame-du-Mur était la patronne de la cité. Son église en était la basilique. On y fêtait toutes les solennités publiques ; toutes les paroisses s'y rendaient pour la procession du Sacre ; le gouverneur, la sénéchaussée, le corps de ville y avaient leurs siéges. Cette église eut aussi le triste privilège de servir au culte de la déesse Raison, aux fêtes patriotiques de la Décade et autres, ainsi qu'aux mariages civiques. La Révolution n'avait conservé qu'une paroisse à la ville et l'avait établie dans l'église des Dominicains, où elle était desservie par le curé constitutionnel. Cependant le Conseil municipal entendait que la ville gardât la chapelle du Mur au moins comme monument. Elle l'avait achetée au prix de six mille six cents francs dans une adjudication nationale du 15 mai 1792. Comment arriva-t-il qu'elle fut détruite plus de cinq ans après le rétablissement du culte catholique ? Elle était alors aux mains d'un industriel qui l'avait acquise de la commune, en 1805, pour spéculer sur la vente de ses matériaux de démolition. Vainement un généreux citoyen, M. Le Denmat, offrait de l'acquérir pour la sauver. Aucune des mesures que la prudence ou la loi prescrivent dans l'intérêt de la sûreté publique ne fut prise pour prévenir la chute imminente de la tour, la seule partie que l'on voulût, dit-on, préserver. Privé des appuis qu'il trouvait dans les murs adjacents, ce magnifique clocher s'écroulait avec fracas au milieu de la journée du 28 mars 1806. en écrasant sous ses décombres les maisons voisines et ensevelissant huit personnes qu'ils atteignirent mortellement. L'insouciance de la commune ne s'explique pas, quoique son Conseil fût, dit-on alors, composé en grande partie d'hommes étrangers au pays ; mais cette insouciance ne suffit pas pour rendre raison de tels procédés. Le malheur des temps avait développé un instinct destructeur des monuments religieux qui s'est étendu, dans ces temps derniers, à d'autres catégories d'édifices publics. A côté des causes de cette ruine qui nous sont connues, le génie du mal travaillait à détruire ce temple de la superstition. Tel fut le sort du monument qui faisait la gloire de cette ville. 

L'église des Dominicains manque d’élévation. Elle n'a que le mérite d'appartenir au XIIIème siècle. Les bâtiments conventuels dont elle est entourée sont anciens. On y voit de vieilles inscriptions. L'église sert vers 1874 de magasin de fourrage pour la remonte ; les bâtiments du couvent de caserne. Ici nous ne pouvons pas nous dispenser de rappeler que cette communauté comptait au XVIIème siècle un pieux et savant religieux, auteur des Vies des Saints de la Bretagne. Qui n'a entendu, dans notre pays, parler d'Albert le Grand ? Il était de la ville de Morlaix, où son nom s'est perpétué jusqu'à ce jour. Il peut aussi passer pour l'historiographe de sa patrie. On trouve détaillés dans la Chronique des évêques de Saint-Pol et de Tréguier, intercalée dans les Vies des Saints de Bretagne une masse de faits très-précieux pour l'histoire de la ville de Morlaix. La plus intéressante des églises paroissiales de Morlaix est celle de Saint-Melaine, construite au XVème siècle. Celle de la paroisse de Saint-Mathieu ne mérite d'être mentionnée que pour sa tour de la fin du siècle suivant, dont la lourdeur massive fait contraste avec le style de la Renaissance qu'on a prétendu y employer. Construite dans le style moderne, dans les dernières années du XVIIIème siècle, l'église de Saint-Martin est loin d'être sans mérite ; sa tour s'harmonise avec sa façade d'entrée. La fontaine dite des Carmélites, présente en ce genre de monument le type gothique le plus distingué et le plus pur qu'on puisse rencontrer dans notre Bretagne. 

Nous avons parlé du château de Cuburien et du monastère du même nom. Ce château où nous avons vu Jean IV séjourner quand il vint châtier les Morlaisiens, en 1373, appartenait au vicomte de Léon avec la forêt du même nom, qui en était voisine. En 1458 Alain, vicomte de Léon et de Rohan, fonda près de ce château, qui est à une demie lieue de la ville, un Couvent de Cordeliers que possèdent, vers 1874, des religieuses Augustines. L'Eglise en est élégante. Les familles considérables de la bourgeoisie ou de la noblesse de Morlaix y avaient des emplacements de sépulture indiqués par de belles pierres tombales qui formaient le pavé. On y retrouvait les noms et les armes des familles que l'histoire de Morlaix au XVème ou XVIème siècle remet sous nos yeux. 

Ville de Morlaix - Bretagne Voir aussi le Château du Taureau, fort qui défend l'entrée de la rade de Morlaix.

(M. de Blois - 1874)

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