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ADMINISTRATION MILITAIRE A MORLAIX SOUS LES ROIS DE FRANCE

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GOUVERNEURS DE LA VILLE ET CHATEAU DE MORLAIX.
L'administration de Morlaix, avant les lettres d'affranchissement de 1400, était à peu près entièrement militaire. Nous avons pour gouverneur de Morlaix , au quatorzième siècle : Bizien de Keranraix, écuyer : N. capitaine anglais : Even Charruel : Yvon de Kerret: Raoul de Basny (1341-72). En 1381, c'était Jean de Penhoat, et en 1385, Silvestre Campson, chevalier à cent vingt livres de gages [Note : « Pro duobus tertiis... LXXX libros. »].

En 1402, Jean de Penhoat, petit-fils du fameux Tort-Boiteux illustré par la belle défense de Rennes, était amiral de Bretagne et capitaine de Morlaix. L'année suivante il gagna sur les Anglais, à la hauteur de St. Mahé, une grande bataille navale où l'ennemi perdit mille prisonniers, quarante navires et une carraque richement chargée. Il arma plus tard, pour la délivrance du duc Jean V, prisonnier des Penthièvre, une compagnie où l'on trouve un grand nombre de noms appartenant à la noblesse morlaisienne de l'époque :

Hervé Auffroy, Jean Le Borgne, Hervé de La Boyssière, Hervé Cosquarec, Guillaume Cozic, Bonabes du Dresnay, Allain Le Floch, Jean de la Forest, Allain de la Forest, Allain Garrec, Jeau Goezbriand, Meriadec Guicasnou, Guillaume Guicasnou, Ollivier Kermain, Raoul du Quenquisou, Jean du Quenquisou, Yves du Rest, Guillaume du Rest, Y von Thépault, Thomas Thépault, Pierre Tuonmelin (Ms. Daumenil, p. 95), etc.

Le duc, délivré, reconnut de la manière la plus originale les services du gouverneur de Morlaix. « Toutes les fois qu'ils viendront (lui ou ses descendants) devant nous et à nos successeurs ducs de Bretaigne, se puissent seoir a nostre hostel ou a celuy de nos successeurs , durant le temps qu'ils seront ainsy devers nous ou eux à telle table qu'il leur plaira et estre servis de vin et viande notablement selon leur estat, et en cas qu'ils n'y vouldroient mangier et qu'ils mangeroient hors nostre dict hostel qu'ils aient durant ce dict tems à chacun matin et à chacun soir ou chacune heure de diner ou souper un pot de vin c'est assavoir de celuy qui lors sera ordonné pour nostre bouche ..... à tousiours mais » (Lettres du 16 juillet 1420). De plus, il transféra son fief de la jurisdiction de Guingamp à celle de Morlaix qui était beaucoup plus proche, et, ce qui n'est pas le moins singulier, lui accorda un intérêt dans l'exploitation de Huelgoët, dont il faisait ouvrir les veines argentifères par des ouvriers venus d'Allemagne (1425).

En 1450, Pean Gaudin, sire de Martigné, grand maître de l'artillerie, capitaine des francs-archers de Bretagne, chambellan du duc, etc. Il leva dans sa capitainerie 400 livres pour la croisade projetée à l'époque, après la prise de Constantinople par les Osmanlis, et passa plus tard au service de la France. Il paraît que la ville lui accordait 600 livres de gages. — 1457. — Jean du Pont, de Rostrenen et du Ponthou, chambellan, capitaine de quarante lances et de quatre-vingts archers : il obtint du duc un impôt de 20 sols par tonneau de vin qui entrait sur ses terres, pour la réparation de ses châteaux. Les miseurs morlaisiens le percevaient encore trente ans après.

La ville lui accorda d'abord 300 livres de pension, puis mille.

En 1478, Jean du Quelennec, vicomte du Faou, amiral de Bretagne, à 1200 livres de pension. — Son fils, qui avait même nom et mêmes titres, lui succéda. Il commandait une escadre de trois vaisseaux :

Le Grand-Lyon, de 300 tonneaux, capitaine Bizin de Kerouzy, lieutenant-général de l'amirauté, maître Jean Guillorel :

Le Petit-Lyon, même tonnage, capitaine Le Bâtard du Quelennec, maître Olliver Descolles :

Une barque de 80 tonneaux, commandée par Denis de Coattredrez, maître Tugdual le Guillouzet.

Ces trois navires portaient en tout 400 hommes d'équipage, à 4 livres par mois chacun, les capitaines et les maîtres ayant chacun 60 livres en plus : le fret coûtait dix sols par mois et par tonneau : lieutenant, Jean de Kerloaguen Rosanpoul, continué sous le suivant.

1484. Pierre du Queleonec, capitaine des francs-archers de l’évêché de Tréguier, capitaine de vaisseau, affranchi des fouages pour ses services dans la marine ducale.

1487. Maurice du Mené, conseiller et chambellan de la duchesse, capitaine de vaisseau, etc. Il fut chargé d'empêcher les hostilités en Cornouaille, et plus tard d'observer les Allemands venus en Bretagne lors du mariage de la duchesse avec le roi des Romains. Il reçut aussi le sire de Rohan à son voyage à Morlaix, réception dont les frais coûtèrent 50 livres à la communauté et dont le soin fut commis à Nicolas Coatanlem et à Bernard le Bihan, principaux habitants de la ville.

1489. Mériadec de Guicasnou, maître d’hôtel de la duchesse : on lui retint 100 livres sur ses gages pour les frais de la guerre d'Italie, ainsi qu'à tous les autres officiers de la duchesse reine. Ph. de Kerloaguen-Rosanpoul, lieutenant.

1505. François des Fossés : il donna son nom à un bastion du château qu'il construisit sur l'ordre de la duchesse : Hervé de Kerret, lieutenant.

1518. François de Broon, conseiller d'état, grand pannetier de la duchesse, capitaine des villes et chasteaux de Morlaix et de Montfort (Toussaint de St. Luc).

1525. François du Boisriou sieur du Boisgerbaut.

1537. Jean d'Acigné baron de Coetmen, lieutenant général de Bretagne, etc. La ville lui fit présent d'une haquenée achetée en foire de Noyal au prix de 44 écus d'or.

1539-68. Yves de Goezbriand : François de Goezbriand;  de la Fontaine-Poignant ; de Kergariou-Tremin ; d'Ancremel ; Adrien le Borgne. — En 1551, Claude de Boyséon est chargé « de veiller tant sur le faict de la ville de Morlaix qu'aux costes de la mer et aultres lieux des environs, voir et entendre à ce qu'il est nécessaire dy faire afin de faire donner l'ordre, faire munir ladicte ville de Morlaix de vivres et ammunitions, crainte de surprise de la part des ennemis... pour quoi il lui est donné plein pouvoir et authorité » (Lettres du 16 août 1551 : 28 mars 1554 : 4 avril 1554).

Jusqu'à 1568, la capitainerie de Morlaix avait été une distinction militaire plutôt honorifique qu'autre choses Ces pensions et gaiges que les capitaines morlaisiens se faisaient donner par la ville, étaient ou une exception à la règle générale, ou des profits frauduleusement prélevés, car l'enquête de 1569 dit expressément que les capitaines de Morlaix servoient sans gages et seulement pour l’honneur défaire service au roy et au pays. Chargés quelquefois de deux capitaineries, souvent obligés de s'absenter pour remplir les devoirs de leurs charges ou leur service militaire, ils laissaient en leur lieu des lieutenants qui commandaient en leur absence, ordinairement sous leur contrôle, et qui s'occupaient en leur présence des mêmes détails du service (Ms. Daumenil, ch. V, passim, et notes de M. De Blois, 94-101).

En 1568, la capitainerie de Morlaix fut érigée en gouvernement, et le premier titulaire qui l'occupa fut le favori de Catherine de Médicis, Troïlus de Mesgouez, marquis de la Roche et de Coatarmoal, comte de Kermoallec et de la Joyeuse-Garde, conseiller du roi en son privé, chevalier de l'ordre du roi et capitaine de cinquante hommes d'armes. Il eut avec la ville de violents démêlés au sujet du Taureau, des impôts et billots, du guet et de mille autres bagatelles plus arbitraires les unes que les autres : il eut le dessous en toute occasion. En 1574 il présida la noblesse aux états, et en 1579 il se faisait délivrer une commission pour armer, faire armer et donner commission pour l'armement de tous navires contre les ennemis de l’Estat, faire toutes découvertes, s'approprier les terres, y bastir telles fortifications qu'il jugeroit à propos pour en jouir luy et ses successeurs sous la protection des rois de France : et l'année suivante il se faisait nommer vice-roi de Terre-Neuve. Les magnifiques projets que tout ceci semble annoncer et qui auraient pu élever tout d'un coup la ville au niveau de St. Malo, restèrent sans exécution (Ms. Daumenil).

A la démission de Mesgouez, qui avait eu pour lieutenant B. de Guernizac, écuyer, Alexandre de Kergariou eut le gouvernement de Morlaix, qu'il entraîna ou plutôt qu'il suivit dans la ligue. Nous avons déjà vu Kergariou et Rosanpoul son successeur, sur la scène politique, où nous ne les suivrons pas en ce moment : ajoutons seulement que le premier mourut en 1592 [Note : Son cœur, enseveli dans l'église de Ploujean, fut exhumé en 1849 et donné par M. de Lafruglaye à M. de Kergariou, descendant du gouverneur de Morlaix (N. de M. de Blois)] après s'être acquis les sympathies de la ville, qui fit célébrer les années suivantes des services pour la famille : elle fit, en 1594, présent à Rosanpoul, d'un buffet d'argent doré qui avait coûté cinq cents écus.

Après la prise de la ville par les royaux, Pierre de Boiséon, chevalier, seigneur de Coetinizan, vicomte de Dinan et de la Bellière, baron de Marcé, etc., entre comme gouverneur à Morlaix, où il avait été précédemment prisonnier après la prise de son château de Kerouséré, perte dont il fut indemnisé par le roi pour une somme de 45,000 livres (la perte avait été estimée à 400,000 livres). L'année suivante, la ville lui accorda 54 livres de traitement, et fit les frais des baptêmes de deux de ses enfants. Le détail de la première de ces dépenses est assez curieux pour trouver place ici :

Déjeuné au Cheval-Blanc entre MM. l'archidiacre, Restigou, et trois autres notables, pour adviser et regarder au moyen de faire le baptême, 2 livres ; — aux fabriques de St. Melaine, autant ; — aux chanoines du Mur pour avoir chanté la musique, 1 livre ; — à deux nourrices, 16 livres ; — à la sage-femme, au trompette, au violon, chacun 2 livres ; — au tambour de St. Melaine, 15 sols ; — aux domestiques du gouverneur, 12 livres ; — trente-six plats d'argent présentés à madame de Boiséon, pesant 72 marcs (avec 3 livres de port), 525 livres.

Les années suivantes la ville fit encore les frais de l'enterrement de madame de Boiséon , auquel on prononça son oraison funèbre. —A cette date on plantait déjà le mai à la porte des édifices publics. On trouve en 1597 deux livres sept sols pour deux arbres de fouteau, verdoyants, et pour les écussons du gouverneur y attachés et peints par Pierre Barazer, outre la collation.

La même année le gouverneur bloqua par mer et par terre les Espagnols, maîtres du château de Primel, et cela pendant les mois de juin, juillet et août, pour donner le temps aux habitants des campagnes de faire leurs récoltes. Le blocus coûta 1143 livres 36 sols à la ville.

Pierre de Boiséon mourut en 1627, et fut remplacé par son fils Claude, dont le gouvernement fut inauguré par de grandes magnificences, exercices militaires, feintes d'assaults et prinse d'un fort, cartel, tournoy, courses de bagues, neumachics et assault d'un fort artificiel flottant sur l'eau, comédies, bals, festins et autres réjouissances qui durèrent quatre à cinq jours (Albert le Grand). Il obtint, en 1633, 450 livres de logement, plus tard 200, puis 1000 pour toutes prétentions.

En 1642, la ville déjà fort endettée, cessa de lui allouer le logement : de longs débats eurent lieu, et en 1668 cet article fut fixé à 300 livres. Claude de Boiséon [Note : Démissionnaire : mort en 1670] fut remplacé en 1651 par son fils Hercule : il eut des démêlés avec la ville pour son indemnité de logement, qui fut portée, en 1675, à 600 livres : et à sa mort la ville lui fit faire des obsèques qui furent troublées par de scandaleux incidents [Note : Voir pour les détails, Daumenil (f. 107)]. Il y avait alors en garnison à Morlaix, des compagnies franches de la marine.

Un arrêt du conseil (26 novembre 1660) attribuait aux sénéchaux, en cas de vacances, toutes les fonctions du ressort des gouverneurs, tels que présidence aux assemblées du corps de ville, examen des comptes, baux à ferme des deniers communs, mots du guet, commandement à la garde, garde des clefs, police urbaine et autres : en conséquence, celui de Morlaix disputa au maire la gérance provisoire du gouvernement militaire. Pour couper court à ces débats, M. de Rostivier fut nommé par le gouverneur de Bretagne (1692) pour l'intérim.

Ce nouveau gouverneur eut des démêlés avec la ville pour avoir, lors d'une réjouissance publique, mis le feu au bûcher sans attendre les autorités civiles. Nous citons ce fait et mille autres pour montrer à quelles futilités on était tombé alors dans les magistratures les plus vénérées. — Il fut remplacé par M. G. de la Dobiais, exempt des gardes du corps, nommé pour trois ans : puis vinrent René de Bruc, marquis de Montplaisir (1702) pour lequel la ville fit célébrer un grand service : — De Paris-Fontaine (1710) : — le marquis de Coëtanfao, lieutenant général (1722) : — le vicomte du Rumain (1740) : — le marquis de Coëtanfao (1752) : — le comte du Rumain : — le baron de Saint Michel (1771).

« En 1692, le roi Louis XIV supprima les gouvernements des places de l'intérieur qui étaient devenues inutiles comme militaires, et coûtaient cependant à l'État des émoluments considérables : il en fit une opération de finances fort avantageuse dans l'état de pénurie où les guerres avaient réduit le trésor de la France. Ces gouvernements furent rendus purement honorifiques, héréditaires et vénaux. Une foule de gens riches s'empressèrent de les acquérir ; mais simples gouverneurs titulaires, ils cessèrent de jouir de l'autorité, et il ne leur resta que le droit de faire leur première entrée solennelle dans la ville, lors de chaque mutation de gouverneur, pour se faire reconnaître en cette qualité ; de passer la revue de la milice bourgeoise, et de présider en quelques circonstances la communauté de ville » [Note : M. de Blois, notes sur le dict. d'Ogée].

CHATEAU.
Nous avons parlé plus haut du premier château de Morlaix, puis du château ducal, dont nous avons conduit l'histoire jusqu'au siège de 1594 : nous avons peu de chose à dire pour compléter ces détails.

En 1594, le maréchal d'Aumont sépara le château du gouvernement de la ville et en forma un gouvernement séparé dont il investit Montgommery de Corbouzon, à la démission duquel cet état de choses fut aboli. Lors de leur capitulation avec le général du roi, les morlaisiens avaient stipulé la démolition de la citadelle qui les gênait de vieille date [Note : M. de Blois (Notes sur Daumenil)], et les conditions furent si bien exécutées, qu'en 1602 on connaissait à peine ces vieilles murailles fortiffiées qu'on appelle chasteau. La ville racheta au prix de 400 livres le canon du château, et on ignore ce que devint cette artillerie.

Quant aux ruines, la ville les cédait en 1670 à une famille Duvigneau, et elles sont toujours restées depuis propriété particulière.

MILICE BOURGEOISE.
La milice morlaisienne, dont nous ne trouvons pas de traces antérieures au quinzième siècle, était à cette époque irrégulière et faite seulement pour garder en temps de guerre la ville et le païs circonvoisin. Après le premier sac de Morlaix par les Anglais, les compagnies bourgeoises allaient faire le guet à l'entrée de la rade, à Penallan, en Trégarantec (Carantec), et à Duramenez, près du Dourduff. Plus tard, au temps de la ligue, nous avons vu comment elle fut organisée et quel rôle, même offensif, elle y joua : son coup d'éclat, à cette époque, fut la prise du château de Primel.

Ce château, dont on voit encore à Plougasnou les ruines presque effacées, dominait l'entrée de la rade et la baie profonde qui porte son nom : sa position sur un rocher très escarpé et séparé de la terre ferme par une large fissure, en faisait une position véritablement formidable. Sous la ligue, et les Espagnols y avaient dominé, et une barque armée pour la piraterie trouvait à tout instant un asile assuré sous les canons du fort. En 1616, des partisans s'emparèrent de Primel et menacèrent sérieusement le commerce morlaisien. La milice bourgeoise, commandée par le gouverneur, bloqua ce fort par mer et par terre, et en chassa les occupants : l'expédition coûta 145 livres.

L'année suivante, le roi écrivit à la municipalité pour la prévenir que la paix étant faite, « ne jugeant à présent nécessaire que les gardes que nous leur avons commandé cy-devant de faire soient continuées, » il la remerciait du zèle qu'elle faisait paraître pour la paix publique et la priait de cesser son serviçe. La guerre régulière, qui prenait naissance à cette époque, rendait presque inutiles les milices communales, et à part quelques cas exceptionnels, quelques alarmes subites, elles furent exclusivement employées à la gande intérieure des cités.

Les 16 et 19 août 1639, la perception des deniers communs excita une émeute à Sainte Catherine, dans le quartier Ville-Neuve : les magistrats furent méconnus et frappés ; plusieurs maisons forcées et pillées. Le gouverneur monta à cheval, arma la milice bourgeoise et la noblesse du pays, tandis que le baron de Pontchateau, gouverneur des Quatre-Évêchés arrivait avec le lieutenant de la maréchaussée et un détachement d'archers : la sédition fut réprimée par l'arrestation et probablement le supplice des plus coupables. Pour plus de sûreté, on établit des patrouilles dans toutes les paroisses jusqu'à l'arrivée des compagnies irlandaises envoyées pour soutenir la perception : la répression avait coûté à la ville 5,800 livres.

Ruyter, en 1674, menaça les côtes de Bretagne : on envoya de Morlaix à Brest un détachement de 250 hommes, dont 80 pris à St. Melaine, 100 à St. Mathieu et 70 à St. Martin : il y avait neuf officiers et un chirurgien que l’on changeait tous les huit jours (22 avril). Le 22 mai, deux cents hommes furent encore envoyés à Brest, tandis qu'à Morlaix on prenait toutes les précautions imaginables contre une surprise, qu'on montait des gardes et qu'on réparait portes et murailles.

Nous avons parlé plus haut de l'insurrection de 1675, où la ville faillit être pillée par les habitants des campagnes voisines et par la noblesse du pays. Morlaix consterné faisait réparer ses murs, ses ponts, redoublait ses gardes, sous l'inspiration de Jegou de Guerlan : un parti qui parut sur les hauteurs de Plourin (9 juillet), mit le comble à l'anxiété générale ; on tint une assemblée dans le corps-de-garde de St. Mathieu, on vota quinze sols par jour à chaque milicien et l'achat de deux cents fusils à St. Malo. Nous avons vu comment ces précautions furent inutiles.

Mais la cour se défiait de Morlaix, à qui elle venait d'enlever sa magnifique forteresse du Taureau, et à qui elle allait encore enlever ses charges municipales. On écartait la milice de la ville pour l'envoyer en observation sur la côte (1693), à Lannills, par exemple (1702), pendant qu'on lui envoyait en garnison le ban et l'arrière-ban de l'évêché de Tréguier, qui se comporta comme en pays conquis. On se plaignit vivement de ces gentilshommes indisciplinés qui refusèrent de passer aux revues, et prirent deux fois plus de billets de logement qu'il ne leur en fallait, pour en faire un trafic inconvenant.

En 1744, une fausse alarme eut lieu à Ploujean : on jetait tellement au dépourvu d'armes, qu'on dut emprunter les fusils d'un corsaire mouillé en rade. Deux ans après les Anglais ayant paru à Lorient, la milice fit une expédition des plus burlesques pour aller au secours de la ville assiégée : trois cents hommes furent commandés pour marcher, ils s'enivrèrent au départ, et arrivés devant le Merdy, ils refusèrent d'aller plus loin. Lestobec, commandant du détachement, appaisa cette ébullition bachique, et enferma les plus mutins dans le four du Squiriou, transformé en salle de police.

Les premiers officiers de la milice furent, à ce que l’on croit, les capitaines de paroisse, dont nous ne possédons qu'une liste fort incomplète :

En 1625, J. Pinart-Kerdrein, en St. Mathieu : B. Nouël-Kerdanet, en St. Melaine : M. Floch Kerbasquiou, en St. Martin. — En 1639, P. Calloët Kerastang, St. Mathieu : St. Melaine, Nouël : Ballavesne, St. Martin. — En 1664, Oriott-Ruoiou et Kergroas-Kermorvan, St. Mathieu (Le Grand et Kergroas-Keroual, lieutenants) ; Diouguet-Terrenez, St. Melaine : Diouguel-Lanruz, St. Martin. — Sous Louis XIV on institua deux capitaines pour St. Mathieu, et autant pour St. Melaine : un corps-de-garde momentané fut installé à l'hôtel de ville, et l'adjudication des fournitures fut faite pour 198 livres. En 1727, une patrouille régulière fut établie aux frais de la ville.

En 1733, on adjugea la fourniture de bois et chandelle au sieur de Kercadiou, à raison de 45 sols par jour en hiver, et de 10 en été, à commencer au 1er octobre : ce prix resta stationnaire pour les journées d'été, et descendit, pour les journées d'hiver, à 42 sols 6 deniers (1735), et à 30 sols 6 deniers (1739) : il monta, en 1742, à 39 sols 6 deniers.

Parmi les dignités vénales créées par Louis XIV, se trouvaient celles de la milice, un colonel, un major, quatre capitaines et cinq lieutenants : la ville les racheta au prix de 11,000 livres. Depuis, le maire fut toujours de droit colonel de la milice, et la communauté nommait aux autres emplois, toutes nominations qui n'étaient définitives qu'après approbations du gouverneur de la province.

L'organisation définitive de la milice date de 1723, époque où le gouverneur de Bretagne créa cinq compagnies à St. Mathieu, quatre à St. Melaine, trois à St. Martin : chaque compagnie avait un capitaine, un lieutenant, un enseigne, un tambour payé à vingt livres par an, et il y avait pour le corps entier un drapeau blanc orné des armoiries de la ville.

Les majors de la milice à nous connus sont (1664) H. de Coetanlem Rostiviec, lieutenant du roi : — De Lestrebec-Varville, qui, à cause de l'absence continuelle et du peu de soin qu'apportoit ce major à discipliner et à exercer la milice fut remercié : — B. de Coetanlem-Rostiviec, qui voulut avoir voix délibérative aux assemblées de la communauté, et ne l'obtint que pour les cas où il s'agirait de la milice : il en fut froissé et remercia, — Péan : — Pitot : — Bernard : — Guillotou Kerdu, avec gratification [Note : Ordonnance du gouverneur de Bretagne (3 août 1735)] de 300 livres par an : — Barazer-Lannurien : — Rochell de Chefdeville.

Nous avons donné la liste des premiers capitaines de paroisses connus. Le détachement envoyé à Brest en 1674, en avait dix, dont quatre en St, Mathieu, et trois dans chacune des deux autres paroisses, puis autant de lieutenants. Les listes des années suivantes ne nous offrent partout que des démissions, pour causes des veilles du corps-de-garde, d'affaires et d'âge, etc. L'année 1733 en compte neuf, et Teillet, l'un des démissionnaires, accuse le major Guillotou Kerdu d'en être cause par sa conduite : d'autres annulent leur démission sur un ordre du gouverneur de Bretagne (Mr Daumenil, f. 112-138, et archives de la ville).

CHATEAU DU TAUREAU.
Les deux terribles surprises de 1522 et 1532, avaient été pour la ville une leçon trop cruelle pour ne pas lui apprendre une prudente et continuelle défensive : elle établit des corps-de-garde à l'entrée de la rade et ferma les deux passes de quelques batteries. Les habitants de la ville-close et de Saint Martin avec les paroissiens de Taulé et les trêves en dépendantes, faisaient le guet à Penanlan (Carautec) ; ceux de Saint Melaine et de Saint Mathieu, avec les paroisses de Ploujean, Plouézoch et Plougasnou, allaient à la pointe de Bararmenez (Barnenez, en Plouézoch).

Ces gardes ne laissaient pas que de les gêner considérablement ; aussi, quand le duc d'Étampes passa par Morlaix et fit l'inspection des batteries de la rade (1542), un des notables de cette ville, Ambroise Masson, lui adressa cette requête :

« Monseigneur, vous pouvés veoir le grand ennuy et coustage qu'ont les manans de Morlaix et ceulx qui sont sur la coste de ceste rivière, d'estre ainsy contraincts de faire guest, de fournir et faire mener de la ville de Morlaix artillerye et autres munitions de guerre en ce lieu, pour empescher la descente des ennemis : s'il vous plaisait moyenner du Roy en fabveur des habitants de Morlaix et peuples circonvoysins congié de bastir un fort sur ce rocher que vous voyez à l'entrée du havre qui va à Morlaix, ce seroit relever la ville d'un grand ennuy et coustage ensemble ceulx de ceste coste » [Note : Albert Le Grand, dans son zèle un peu outré pour la gloire de ses confrères, attribue cette initiative à un frère Trocler, Jacobin : son témoignage, un peu suspect par lui-même, est formellement contredit par les dépositions des témoins oculaires].

Sur la réponse favorable du duc, la ville résolut de faire bâtir un fort sur un rocher qui défendait le goulet et nommé le Toreau. Claude de Boyséon et le sieur de Tyvarlen firent un rapport favorable sur le choix du lieu , et ce fut dans l'église du Mur que les notables morlaisiens s'assemblèrent pour régler le montant des cotisations à faire à cet usage : Jean Kerameunon fut chargé du paiement des ouvriers et de la conduite des ouvrages. Le duc d'Étampes, revenu pour visiter les travaux commencés, n'approuva pas entièrement les dispositions prises. « Mes amis, vous devriez en ce lieu bastir seullement de terre, afin que la guerre passée vous auriés moins de coustage de le rapparer, puisque le Roy ayant affaires ailleurs ne vouldra voulentiers participer aux frais de ladite continuation : toutefoys si avés volonté de le parachever comme avés commencé, je m'asseure que le Roy vous advouera ». Et il leur promit de leur faire avoir la garde du fort.

En retournant à Morlaix il déclara aux habitants, en pleine congrégation, « qu'il avoit donné à entendre au Roy qu'ils avoient basti ledit fort duquel il leur laissoit la garde et entretenement parce qu'il avoit respondu et s'estoit constitué pleige envers sadite majesté pour eux qu'il n'en arriverait aucuns inconveniens ».

En même temps le dauphin accordait à la communauté de nouvelles lettres d'affranchissement exemption et dans des devoirs d'aides des impôts et billots pour l'entretion de la garnison, qu'il leur permit d'y mettre et appointer a leur volonté. Aussi le château était déjà logeable en 1544, et les habitants réunis chez Guillaume de Kerimel, lieutenant du gouverneur de l'évêché de Tréguier, nommaient pour premier capitaine du fort Jehan de Kermellec avec trente hommes de garnison sans obliger à bailler gages ni estat audit de Kermellec. Celui-ci prêta serment au commissaire du roi, mais seulement ce qui est très remarquable, après l’avoir prêté aux habitants de Morlaix.

Parmi les soldats de la première garnison du château, on nomme Simon et Yvon Kermellec, Claude de Quelen, Alain Bigot, Jean Querret, Christophe du Cosquer, Jean Quintin, Jacques de Kergehan... Chaque homme était payé à 4 l. 3 s. 4 d. par mois, et l’aumônier à 15 livres tournois (12 l. 10 s.) par quartier. Le capitaine avait 50 l. par quartier, ou 240 par au. En 1552 on travaillait encore à l'achèvement du fort : cette année on adjoignit à la garnison un lieutenant, un sous-lieutenant, un portier et trois dogues énormes : et d’aultant que ladicte année feust bruict que les adversaires et ennemys du Roy nostre sire estoient sur mer et tendaient en ce païs et qu'on voyait hors et devant le havre plus de CCC voiles, Allain Efflam et treize aultres compaignons des plus dispos et puissans furent envoyés au château comme renfort : plus vingt-deux hallebardes et deux bâtons dits langues de bœuf, dix piques et demi-piques qui coûtèrent 35 l. 8 sols : quatre pièces de fonte, onze boites en fer et 377 livres et demie de poudre, à 4 sols 6 deniers environ la livre.

La garnison se composait alors du gouverneur, à 60 livres tournois par quartier : du lieutenant, à 21 : de quatre hommes, à 19 l. 16 sols chaque : de dix hommes à 16 l. 10 s. chaque, d'un aumônier à 15 livres, etc. Les gaiges de la garnison revenaient à 1744 livres 16 sols par an.

De 1544 à 1593, les capitaines du château furent Kermellec (4 ans), Desfontaines (3 ans), G. Quemener (4 ans), V. Nouel-Kervezen (idem), B. Nicolas, V. de Kermadeza (2 ans), A. Coail, J. Boullouch, P. Kermerchou-Kergus, G. de la Forest-Pontblanc, G. Moricquin, T. Colin Poulras, J. Kergus-Mezanbez, A. Toulgoet, F. Le Gac-Coetlezpell, T. Jagu-Kerneguès, M. Rigolé-Rocharbleiz, J. Le Levyer-Kerochiou, J. Floçh-Kerbasquiou, G. Ballavesne-Lannigou, K. Faucqueux-Kervezec, J. Tribara-Quenquizou, N. Nuz-Kerehunan, J. Calloët-Kerastanc, M. Ballavesne-Meshilly, J. Rigolé-Kerlizien, G. Huon-Kergadou, F. Le Borgne, J. Guillemot-Kersaliou, F. Noblet-Roudour, M.Tournemouche-Bodou, J. Duplessix-Coatserhou, G. Le Levyer-Coatglas, J. Pinart-Kerdrein, P. Guillouzou-Goasrus, V. Kermerchou-Trelever, Y. Le Gac-Keramprovost.

En 1564, la ville demanda et obtint que celuy qui eust été procureur une année, l'année subséquente eust été capitaine audict fort avec les gaiges accoustumés.

L'année suivante, le fameux Troïlus du Mesgouez, que nous avons vu figurer parmi les gouverneurs de Morlaix, intenta des chicanes à la ville pour la possession du château. Pour lutter contre ce redoutable adversaire, il fallait de l'activité et des ressources : on se cotisa pour lever une somme de trois mille livres destinée à faire face aux frais du procès. La liste des cotisés nous est parvenue : c'est à la fois le plus fidèle et le plus curieux monument de la bourgeoisie moriaisienne au seizième siècle.

J. Caulmot : 1 l.
G. Touchart : 2 l. 1 s. 8 d.
Y. Annoult : 2 l. 1 s. 8 d.
N. Rolland : 2 l. 3 s. 4 d.
J. Le Fech : 2 l. 3 s. 4 d.
N. Kerouzéré : 2 l. 5 s.
Barbe Parmenhéry : 3 l. 16 s. 4 d.
F. Lesquelen : 4 l. 3 s. 8 d.
V. Richard et G. Botmeur : 8 l. 13 s. 4 d.
P. Baillemont : 4 l. 13 s. 4 d.
R. Fremonyer : 6 l. 5 s.
P. Oriot : 6 l. 8 s.
Ch. Le Garrec : 6 l. 10 s.
F. et Anne Quintin : 7 l. 3 s. 4 d.
J. Dubers : 7 l. 15 s.
Y. Guen : 8 l.
A. Guillemet : 8 l. 6 s. 8 d.
J. Prusseau : 8 l. 6 s. 8 d.
J. Beuscher : 8 l. 6 s. 8 d.
J. Le Merin : 8 l. 6 s. 8 d.
P. Keraudret : 9 l.
G., M. et Y. Corre : 10 l. 10 s.
Anne Le Lagadec : 10 l. 5 s.
E. et A. Bodegars : 10 l. 11 s. 8 d.
J. Le Gendre : 10 l. 12 s. 6 d.
G. Le Dreux : 10 l. 16 s. 8 d.
V. Le Guyader : 12 l. 10 s.
G. Le Bihan : 2 l. 10 s.
J.Tribara : 12 l. 10 s.
H. et Y. Fouquet : 12 l. 13 s.
F. Le Dourechus : 12 l. 16 s. 8 d.
G. Poulmic : 12 l. 16 s. 8 d.
G. et Gte de Botmeur : 13 l. 10 s.
S. et M. Nouel : 14 l. 3 s. 4 d.
Deux Salaün : 14 l. 13 s. 4 d.
M. et Mlles Geffroy : 14 l. 18 s. 4 d.
M. Toulgoët : 17 l. 6 s. 8 d.
N. Nuz : 17 l.
J. du Plessix : 18 l.
V. Guermelle : 20 l. 6 s.
La fabrique de Saint Martin : 21 l. 10 s.
R. Campion et J. Calloët : 43 l. 6 s. 8 d.
R.et G. Le Boullouch : 24 l. 18 s. 4 d.
J. et F. Le Borgne : 31 l.
J. Kergus-Mezanbez : 40 l. 16 s. 8 d.
J. Souryman : 41 l. 8 s. 4 d.
Pne Le Premeur : 41 l. 13 s. 4 d.
Anne Le Jeune : 41 l. 10 s.
J. et M. Floch : 42 l. 15 s.
J. et T. Le Levyer : 46 l.
J. et B. de L'eau : 49 l. 16 s. 4 d.
P. de Kermerchou : 64 l. 3 s.
J. P. Y. et P. Kerret : 68 l. 8 s. 4 d.
Mme de la Forest-Pontblanc : 79 l. 18 s. 4 d.
J. Rigolé : 85 l. 16 s. 8 d.
R. G. M. F. et N. Ballavesne : 97 l. 10 s. 8 d.
P. Quemeneur, procureur du Mur : 100 l.
La fabrique de Saint Melaine : 166 l. 13 s. 4 d.
La confrairie de la Trinité : 166 l. 13 s. 4 d.
Plusieurs particuliers : 113 l. 12 s. 6 d.
A. Coail : 210 l. 16 s. 8 d.
T. Colin : 223 l. 6 s. 8 d.
Veuve Morequin et enfants : 243 l. 6 s. 8 d.
F. Le Gac : 272 l. 10 s.
J. Tournemouche, M. et J. Forget : 293 l. 6 s. 8 d.

TOTAL : 8066 l. 17 s. 8 d.

Aux prétentions du gouverneur, qui soutenait que la capitainerie du Taureau dépendait de son gouvernement et voulait lever sur la ville un impôt pour les frais de guet et garde, les bourgeois répondirent victorieusement par l'exposé historique de la fondation du château et de leurs privilèges tant antécédents que subséquents. A l'enquête ouverte à cette occasion, on remarqua parmi les déposants, au nombre de trente-six, Claude et Guillaume de Boyséon, Jean Fleuriot-Guersaliou, capitaine de la ville de Lantréguier, lequel remarqua que si le roi se chargeait de la garde et de l'entretien du fort, il lui en coûterait 6,000 livres par an, sans compter les gages de le garnison : — sire Yves Larmor, marchand et bourgeois de la ville de St. Paoul, qui passant par Morlaix après le sac de 1622, l'avait trouvé désert, et qui attesta que tous les capitaines qu'il avait connus au fort étaient négociants et habitants de la ville :— sire Simon Jacques, marchand à Roscoff, seigneur ppre d'un navire nommé le Lyon, qui avait vendu deux canons à la ville : — sire Gabriel Siochan, marchand de Penpoull, bourgeois et propriétaire de plusieurs navires, etc. : — J. M. Le Roux, marchand, qui avait porté avec son bateau des pierres de Callot pour bâtir la forteresse : — etc. — Et intervertissant les rôles, ils accusèrent à leur tour le marquis d'être de la religion prétendue reformée et d'avoir, dans les premiers troubles, porté les armes contre le Roi [Note : Enqueste des 20, 21 et 22 aoust 1569, devant messire Guillaume Duchastel Sr. de Kersimon, chevalier de l'ordre du Roy, et M. Le Rouge, sénéchal de Lantreguier, commissaires].

La ville gagna, et dans sa reconnaissance un peu partiale, elle servit à vingt-deux gentilshommes des témoins, un somptueux dîner dont voici le curieux menu : cent vingt-trois quarts de vin, deux veaux, un mouton et demi, trois chevreuils, trois lièvres, quatre couples de pigeons, quatre pâtés de venaison, six langues de bœuf, quatre cochons, quatre grandes pièces de bœuf salé pour entrées, deux jambons, quatre douzaines d'œufs, trois têtes de veaux, 40 sols de lard, pieds de mouton, beurre, volaille, etc., et pour 6 livres 10 sols de pain. Le porc coûtait alors 30 sols.

Il paraît que Mesgouez, battu par les voies légales, jugea à propos de recourir à la force : alors le maire appela à son secours la noblesse des environs. Une quinzaine de gentilshommes arrivèrent, avec leurs gendarmes et leurs gens, et Mesgouez renonçant à ses velléités guerrières, entra volontiers en accommodement pour de l'argent. On lui paya 2,500 livres pour solde de partie de l'arrangement (1569) : les commissaires et la solde des gentilshommes auxiliaires avaient coûté 1200 livres. Il en coûta 500 autres à la ville pour confirmation de ses privilèges sur ce point en 1572.

En 1593, un ancien maire, le trop fameux Duplessïx-Kerangoff reçut la garde du Taureau et refusa de s'en dessaisir à l'expiration de son année : il était parvenu à se faire craindre de la ville, à se rendre nécessaire au parti royal, et il pouvait espérer de s'y maintenir longues années. Rien ne peint mieux l'horrible et anarchique oppression de ce siècle en général et de la crise politique et religieuse en particulier, que cette longue histoire d'humble soumission d'un côté, d'outrageantes et ironiques vexations de l'autre : nous ne pouvons ici raconter trop longuement.

La ville croit le réduire en lui coupant ses gages : il fait prendre au hasard des habitants et les fait exécuter militairement, ou fait saisir leurs marchandises. Ainsi il enlève au maire deux pavillons pour le château ; au sieur de l'Eau, vingt ballots de crées ; aux sieurs Nouel, Ballavesne et Rigollé, pour 1,800 livres de toiles. Il fait arrêter le miseur, et en le relâchant il se fait par lui payer 28 livres, à savoir : 12 pour avoir faict hostager ledit comptable, par un sergeant assisté de huit hommes, et 16 pour les despands faits par lui durant sa détention. La ville, de guerre lasse, lui fit envoyer ses gages par des notaires, le miseur n'osant plus y aller : et la mission paraissait alors si chanceuse que les envoyés se firent payer pour quatre voyages la somme, excessive pour lors, de 28 livres (Comptes du miseur, passim. ).

Cependant l'ordre se rétablissait : et le Béarnais, malgré la confraternité qui faisait de lui le protecteur secret des puissants chefs de bandes de la Bretagne, Fontenelle, Tromenech, La Maignane et Kerangoff, malgré la fameuse lettre adressée à ce dernier : Plumez, plumez la poule sans la faire crier (F. Gouin, notice historique), se voyait obligé, pour imposer silence aux murmures populaires, de faire respecter les lois trop longtemps mises à l'oubli. Kerangoff dut se ranger, et en conséquence il rendit ses comptes, que nous résumons : c'est un modèle immortel d'impudente ironie, trop triste pour être bouffonne.

En recette : — le produit de la vente des vins et huile saisis à bord du navire la Magdelaine et vendus faute du payement de l'augmentation de l'entretenement de la garnison, 2363 livres 50 sols : — reçu de Jean de l'Eau, 427 livres provenant de la vente de ses marchandises, faite par lui Kerangoff, comptable, en vertu de ses pouvoirs : plus 840 livres pour frais de l'enlevement et vente de ses marchandises, comme comte par le procès-verbal dont la datte du jour, le mois et l'année sont sortis de la mémoire du comptable : — 867 livres dont demande excuse de ne pas compter pour ne les avoir pas reçus de Bernard Nouël qu'il fit enlever et jeter à St. Brieuc dans une prison d'emprunt.

En dépense : pour dîners donnés à des gentilshommes venus le visiter, environ 550 livres : — en articles disputés par la ville ou reçus sous son serment, 150 liv. — Frais d'emprisonnement et de détention de divers habitants de Morlaix et d'exécutions faites par ses gens, 950 livres : — frais de montres (notez que les délibérations de la ville se plaignent qu'il refusait d'en faire devant les commissaires), 20 livres : — en suppléments d'appointements qu'il prétendait avoir payés de ses fonds, à ses soldats, 2120 livres : — deniers oubliez, 1,000 livres : — ouvrages faits au château, provision, petite guerre, etc., 5,800 livres. Excédant de la dépense, 6970 livres environ. — Les détails de ce compte de dépense portent du vin en gros à douze sols le pot, la livre de biscuit à trois sols, le quintal de morue à soixante-quinze livres, la barrique de vinaigre à quarante-six livres dix sols ; le reste à l'avenant.

Le mois suivant (juin 1600) Kerangoff annonce l'intention d'entrer en accommodement : on s'abouche chez le sénéchal, et Kerangoff promet de rendre le fort et de tenir la ville quitte de son procès contre Perthevaux et consorts : le tout moyennant 17,400 livres, dont 2,400 pour les parties de la municipalité. On rassemble à grand'peine 480 livres dans la ville, encores non du tout asseurés pour la carence de deniers qui lors estoit, et l'on écrivit pour en demander ailleurs, quand Kerangoff annonça tout-à-coup aux habitants qu'il prendrait leur argent mais ne rendrait pas le château : que cependant il les tenait quittes de tout ce qu'il pourrait gagner sur eux dans les divers procès qu'il avait avec eux : puis il demanda permission au maréchal de Brissac d'user de contrainte pour se faire payer la solde de la garnison. La ville fit parvenir ses plaintes au maréchal par ses députés Kerret, Guillouzou et Kerdoret qui lui représentèrent, outre les griefs ci-dessus énoncés, que Duplessix-Kerangoff venait de faire prendre à son fils l'importante ferme des impôts et billots dont il ne payait pas un sol. Le syndic fit même emprisonner Kerangoff fils : d'ailleurs, le père venait, durant les négociations, de faire emprisonner, dans Morlaix même, le miseur, auquel il demandait 4,434 livres sur l'année 1599 et 13,392 livres sur l'année 1600.

Bref, la ville paya à l'infatigable pirate 28,000 liv., et il sortit du fort la veille du jour (14 novembre 1604) où les habitants en reprirent possession après dix ans de détention illégale.

Nous renvoyons, pour la liste des gouverneurs, à celle que nous avons donnée des maires, qui en sortant de charge venaient, comme nous l'avons vu, prendre le commandement du château. En 1604, l'entretien du fort avec les frais de garnison revient à 4,700 livres : en 1605, 4500 (dont 200 de dîners) : en 1606, à 5100 (dont 150 de dîners ) : en 1607, à 6282 livres 12 s., dont 400 livres de réparations, 29 livres 16 pour le pansement de deux blessés, et 128 livres à un certain personnage pour espier les demandes qu'on faisait en cour du gouvernement du chasteau.

En 1610, la grosse tour du château s'écroula : Pierre d'Anjou, artilleur, disait en ce moment son rosaire « et fust couvert de ruynes, en telles façons toutesfois qu'elles se formèrent en guise d'un petit dome tout à l’entour de luy, laissant un trou au haut pour luy servir de soupirail. Ayant esté longtemps en cet estat il advint qu'un des dogues du chasteau allant parmy ces ruynes, mit le museau à ce trou et sentant cet homme se mit a japper et a gratter la terre de ses pattes, ce que voyant les soldats, ils creurent que c'estoit le corps de ce pauvre homme qu'il avoit trouvé et estant allé voir que c'estoit, ils l'entendirent se plaindre, et ayant osté plusieurs charretées de pierres de dessus luy ils le trouvèrent en ceste grotte miraculeuse, le chapelet en main, remerciant Dieu et N. D. du Rosaire » (Albert Le Grand). Ajoutons au récit du naïf dominicain, que la ville paya 100 livres pour trois mois de soins de Jean Corre, chirurgien, qui pansa Pierre d'Anjou de ses blessures, brisures et fractures.

Les réparations de la citerne coûtèrent 150 l. 3 s.

La dépense du fort monte, en 1612, à 5000 livres :

— en 1616, à 7100 livres, dont 1470 pour les travaux de la tour écroulée en 1610 : — en 1617, à 9300 livres, dont 2100 environ pour la continuation de la tour. La garnison se composait alors d'un capitaine à 400 livres, d'un lieutenant à 300 livres, d'un enseigne à 200 livres, d'un chapelain à 144 livres, de deux maître scanonniers à 144 livres chaque, de vingt soldats et canonniers à 120 livres chaque, plus 4 livres 16 sols pour gratification du tambour, d'un portier à 132 livres, plus 51 livres 4 sols pour l'entretien des dogues : en tout 3,920 livres de personnel. — En 1616 François Larchiou, évêque de Rennes, natif de Plouézoc'h, célébra la messe au château.

En 1625, les dépenses du fort montèrent à 3,500 livres ; en 1620 , à 6,000 livres ; en 1627, à 4,284 l. 16s. ; en 1631, à 4310 l. 16 s. ; en 1635, à 8,200 l. ; en 1638 , à 7,300 livres ; en 1640., à 19,000 l. ; en 1644, à 6200 l.

Olivier Nouel-Kermadéza fut le dernier capitaine du Taureau (1659). Une communauté marchande, propriétaire d'une importante forteresse construite et armée par elle-même, devait naturellement exciter l'attention des rois de France, et Morlaix allait se voir enlever pièce à pièce, par les Bourbons, tout ce que les Valois, après ses ducs, lui avaient donné. Le château, sur de misérables soupçons qui déguisaient mal le vrai motif, avait été enlevé momentanément à la ville en 1640 et eu 1647 : en 1660, sous le prétexte des divisions intérieures de la ville, — d'un renouvellement de la fraude, — etc., M. de St. Jean-Beaucorps vint prendre possession de la place au nom du roi (22 février 1661). La ville l'avait possédé cent vingt ans.

Le gouvernement en fit une prison d'état, que La Chalotais a illustrée par sa détention. Les appointements des gouverneurs étaient de 10,000 livres : c'étaient, depuis St. Jean-Beaucorps, les marquis de Goësbriand, père et fils (1691-1744), et le comte de Saulx-Tavannes (1755).

TIRAGE DE LA MlLICE.
Nous avons pou de lumières sur le mode de recrutement usité au dix-huitième siècle, le seul où Morlaix ait été soumis au tirage au sort : il paraît que les subdélégués d'intendance présidaient cette opération, et quelquefois le maire en était chargé. En 1726, elle eut lieu à Morlaix, probablement pour la première fois : en 1734, elle donna 35 hommes, les ouvriers de la manufacture y ayant été soumis : en 1735, 9 hommes : en 1739, 2 recrues : en 1740, 9 : en 1712, 20 ; et en 1743, 28 hommes (Daumenil).

(Guillaume Marie Lejean).

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