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SUR LA COLLINE DE MONTFORT-SUR-MEU : SAINT-LAZARE ET COULON

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« Là-haut, » ce n'est pas le ciel, mais Saint-Lazare, un petit coin du paradis de la terre. Pour y parvenir [Note : Un autre chemin y conduit, à l'extrémité de la rue de Coulon] de l'Abbaye, il suffit de franchir le Meu sur un pont trop étroit qui rappelle le chemin dont parle l'Évangile, puis gravir le rude et pénible sentier que les vieilles jambes doivent trouver bien long. Mais que l'on est bien payé de ce court moment de peine. Je ne parle pas du panorama qui se déroule du haut de la colline, et devant lequel l'œil reste ravi. Regardez plus près de vous.

A gauche, des bois de sapins qui versent leurs ombres sur la vallée ; en face, des champs de blé ou de maïs, puis la lande sauvage toute parsemée de bruyère, contraste de la nature qui fait le charme de ce coteau et lui donne l'aspect le plus grave et le plus souriant.

Au détour du sentier, derrière la ferme, une croix de pierre indique la place où s'élevait naguère encore la rustique demeure de la nourrice du Père Montfort. Et là, devant vous, les murs de l'Ermitage. C'est ici Saint-Lazare. Quelle belle nature, en vérité. S'il est vrai que les lieux ont leur prédestination, je n'en connais guère qui produise une impression plus profondément religieuse et plus en harmonie avec l'austère et poétique missionnaire qui l'habita. Et pourtant, au premier instant, on éprouve une sorte de déception. Mais la surprise s'évanouit bien vite en présence du spectacle qui s'offre aux regards. A l'ombre du grand chêne sous lequel reposa Louis Grignon s'élève l'antique ermitage ; derrière lui, les constructions récentes d'une œuvre nouvelle. A coté, la prairie fraiche et étoilée, au milieu de laquelle chante un ruisseau d'eau claire ; tout autour, des allées de charmes environnées de grands bois ; puis l'avenue du Calvaire, d'où l'on découvre une vue ravissante sur la vallée du Meu ; tout au bas, le val Saint-Joseph, si mystérieux et si gai à la fois, au fond duquel la cascade bien connue des petits enfants fait entendre son éternel murmure qui porte à la rêverie. Ici, tout est paix et silence, et ceux qui ont parcouru ce paysage l'ont assurément ressenti : tout inspire cette mélancolie douce et sereine qu'aiment tant ceux qui ont souffert du contact des hommes. La nature mélancolique est le refuge des âmes blessées, et si on ne la rencontrait pas ailleurs, on devrait la chercher à Saint-Lazare, qui fut le refuge du plus méconnu et du plus crucifié de nos compatriotes.

Aussi Louis Grignon en est-il le vrai souverain. Saint-Lazare, c'est lui, et tout n'y parle que de lui.

Et pourtant, avant lui, l'Ermitage a eu son histoire, et celle-là ne mérite pas non plus de tomber complètement dans l'oubli.

Au commencement du XIIème siècle se répandit en Bretagne une terrible maladie, la lèpre, apportée par les croisés qui revenaient de la Terre-Sainte. C'est pour soigner ce mal que furent créées les léproseries. Celle de Saint-Lazare fut confiée à des chevaliers hospitaliers, qui soulageaient alors moins avec des remèdes humains qu'avec de bonnes paroles et les tendres soins qu'ils prodiguaient « pour l'amour de Dieu ». Aucun paysage, aucune solitude ne pouvaient mieux convenir à des souffre-douleurs. Sur ces hauteurs où l'air est plus pur, le ciel semblait aussi plus près, et les malheureux lépreux avaient besoin de l'un et de l'autre pour se consoler et ne pas tout à fait mourir.

Mais bientôt la lèpre commença à disparaitre, et cette maison devint un simple prieuré qui dut sembler bien misérable à côté de la splendide abbaye qui s'épanouissait au fond de la vallée. Alors, la nomination du prieur et les prétentions des seigneurs de Montfort donnèrent lieu à de ruineuses contestations, qui devinrent si vives qu'en 1382 le roi fut obligé d'intervenir et d'en écrire directement au Pape [Note : Biblioth. Nation., Blancs-Mant. F. Oresve, Hist. de Montfort, p. 159. Dom Morice, II, 435]. Aussi, lorsqu'au XVIIIème siècle Saint-Lazare passa entre les mains de la famille de Cintré, le prieur, Olivier de Berthou, renonça à son bénéfice, devenu trop misérable pour le faire vivre, et avec le consentement de l'acquéreur abandonna ses maigres revenus aux pauvres de Talensac et de Coulon, qui bénirent longtemps sa mémoire. Il faut bien le dire, ces ressources étaient minimes et ne se montaient qu'à 1,200 liv., sur lesquelles il fallait prélever l'entretien du recteur de Coulon et le service de cette paroisse. On comprend, par suite, la situation précaire de l'ancienne léproserie. La maison tomba en ruines, et les dépendances ne furent plus qu'une vaste et désolante solitude.

Ce fut cette demeure, abandonnée d'ailleurs depuis un siècle, que choisit en 1706 le Père Montfort pour se retirer, à côté de sa vieille nourrice qu'il aimait comme une mère et dont il distinguait le toit de chaume à travers les grands arbres du plateau. Il restaura la chapelle, y plaça une statue de Notre-Dame de la Sagesse, qui donna bientôt son nom à une œuvre nouvelle. Mais Louis n'y resta que peu de temps, et ce grand méconnu, que ses concitoyens n'avaient pas su apprécier, quitta sa chère retraite, où il ne revint plus jamais. Alors, sur la demande du recteur de Coulon, le nouveau seigneur, Charles Huchet, rendit cette maison à sa destination primitive. Le prieuré fut complètement supprimé et remplacé par un hôpital desservi par les Sœurs de la Providence, qui furent chargées de soigner les pauvres des paroisses voisines. Chassées en 1790, elles se réfugièrent dans la paroisse du Verger, et Saint-Lazare fut vendu comme bien national.

Mais en 1853 il fut racheté par les Missionnaires diocésains, qui voulurent y fonder une maison de frères coadjuteurs. Ce projet fut abandonné, et, longtemps encore, le vieil ermitage resta presque solitaire. A peine si de loin en loin quelques rares pèlerins venaient visiter la chapelle qui rappelait le souvenir du Père Montfort. Mais bientôt la béatification de notre compatriote réveilla les échos endormis de Saint-Lazare, et la mélancolique retraite a, depuis ce temps, trouvé de beaux jours. Des fêtes splendides et inoubliables y furent célébrées, des travaux d'embellissement s'y exécutèrent. La maison priorale du XVIIème siècle, restaurée, devint la demeure des Pères de l'Immaculée-Conception, et de vastes constructions ont été élevées pour l'OEuvre des vocations tardives. Aujourd'hui les pèlerins viennent prier dans la chapelle agrandie ; ils peuvent voir encore la chambre de Louis Grignon, l'autel sur lequel il a célébré la messe, et aussi, dans le chœur un peu sombre de la chapelle, une remarquable pierre tombale d'une bienfaitrice, Estaice la Testue, fille d'un conseiller au Parlement de Bretagne [Note : Cette pierre sépulcrale très curieuse porte, dessinée au simple trait et encadrée dans une ogive trilobée, la figure d'une femme vêtue d'une cotte de mailles et d'un manteau, les mains sur la poitrine. Autour de la pierre règne cette inscription : Ci : est : Estaice : la Testue : en : Paradis : soit : reçue : L'âme : de : le : c : mise : ou : règne : de : clarté :].

Mais, de nos jours, toutes les ruines de l'ancienne léproserie ont disparu. L'ombre des chevaliers hospitaliers n'erre plus à travers les grands bois, et le souvenir de ce passé lointain est désormais éteint pour toujours. Celui du Père Montfort demeure seul au milieu de ce gracieux paysage dont il est la vie et l'honneur. Aussi éprouve-t-on un charme indicible à parcourir ces lieux pleins d'une religieuse poésie, où tout ne parle plus que de lui. Il semble qu'il leur ait laissé quelque chose de lui-même, comme ces fleurs qui communiquent leur parfum à tout ce qu'elles touchent. Et bien souvent, dans l'illusion pieuse que donne la foi, on se surprend à croire qu'il est toujours là, et qu'il revit dans cette solitude encore tout embaumée, elle aussi, du parfum de ses vertus.

Saint-Lazare dépendait jadis de la paroisse de Coulon, et le grand portail de l'ermitage ouvre précisément sur le chemin qui conduit à l'ancienne église. C'est la route des mélancoliques et des rêveurs. Au sommet de l'ancienne voie de Plélan, aujourd'hui aplanie, on rencontre à gauche une avenue de sapins, à l'extrémité de laquelle se dressent les ruines de l'ancien manoir. C'est tout ce qui reste de la vieille paroisse de Coulon.

Ce nom, comme le dit M. Oresve, est bien un nom topographique qui vient de la position même de l'église sur le versant de la colline. Cependant, quelques historiens croient que cette église était primitivement dédiée à saint Coulomb et les fabriciens du XVIIème siècle la désignent, en effet, sous ce nom. On ajoute même qu'une dame de Vaucouleurs, qui avait obtenu une grâce insigne par l'intercession de ce saint, vint en pèlerinage à Montfort, et s'étonnant de ne pas trouver la statue de son protecteur, la fit ériger sur le maître-autel, où elle demeura jusqu'à la Révolution [Note : Guillotin de Corson, Pouillé de Rennes]. Quoi qu'il en soit, cette paroisse a une origine très ancienne, et elle est désignée dans les actes publics dès l'an 1132. Le prieur de Saint-Lazare y avait la prééminence après le seigneur de Montfort. Mais cette église n'était pas desservie par les moines, et le recteur en fut toujours un prêtre séculier. Dédiée à la Sainte-Trinité, elle se composait d'une simple nef qui fut restaurée plusieurs fois, notamment au XVIIème siècle. Les principaux autels, d'après les aveux de ce temps, étaient ceux de Notre-Dame, Saint-Sauveur, Saint-Joseph et Saint-Roch. C'était la paroisse rurale de Montfort ; elle comptait au siècle dernier environ trois cent cinquante habitants, et le sieur des Grippeaux en était l'un des prééminenciers. Le dernier recteur fut Mathurin Dousseau, restaurateur de l'hôpital et l'un des bienfaiteurs de la ville de Montfort.

En 1791, l'église de Coulon fut, elle aussi, sécularisée, puis vendue nationalement et, après plusieurs échanges, devint la propriété définitive de la famille Chartier, qui la fit démolir en 1809 et en fit transporter les matériaux dans une avenue, près la route de Rennes. Il ne reste plus aujourd'hui qu'un ancien manoir, restauré au XVIIème siècle, et quelques débris de murs indiquant la place du vieux cimetière. On éprouve là je ne sais quelle impression de tristesse et comme une odeur de sépulture qui se dégage de ce lieu. Il semble qu'autour de ces ruines tout se plaint et tout souffre. Et pourtant, au bas, un petit ruisseau murmure gaiement, les troupeaux de la ferme voisine bondissent et paissent sur l'emplacement de l'église, les fleurs croissent sur les tombes, et dans ce site, où tout ne parle que de mort, la nature chante son éternel chant de vie et de résurrection.

(E. Vigoland).

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