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LA PAROISSE SAINT-JEAN DE MONTFORT-SUR-MEU |
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Au Nord-Ouest de Montfort, sur le plateau qui domine les fraîches prairies et la vallée du Garun, entre le nouveau cimetière et l'ancien logis prioral, s'élève, aujourd'hui, une charmante chapelle dédiée à saint Joseph. C'est sur son emplacement que se trouvait jadis l'église Saint-Jean, dont nous avons déjà vu l'origine, et qui était la principale paroisse de Montfort.
D'après les traditions locales, le roi Judicaël en fut le fondateur. Les historiens modernes, sans doute mieux informés, ont contesté cette assertion ; mais, du moins, il paraît certain que cette église avait une très haute antiquité, et qu'elle fut longtemps exempte de toute domination séculière, en vertu d'une charte octroyée par les rois bretons aux moines de Saint-Méen. Raoul de Montfort ne voulut pas reconnaître ce privilège, surtout pour un prieuré qui se trouvait à la porte de son chåteau. Il saisit le temporel des moines et commit de nombreux dégâts dans l'église. Mais à la suite de l'excommunication qu'il encourut, il reconnut ses torts et se contenta dès lors d'être le simple prééminencier de la paroisse.
Jusqu'à la fin du XIIIème siècle, Saint-Jean fut à la fois église paroissiale et priorale, et ce fut seulement en 1290 qu'avec l'agrément des Bénédictins on nomma un prêtre séculier, chargé, comme recteur, de l'administration spirituelle.
Le prieur avait sa demeure près de l'église, avec les jardins et prairies avoisinant l'étang, mais ses revenus étaient si minimes qu'au XVIIème siècle ils ne dépassaient pas 100 liv. Quant au recteur, il était en même temps doyen de Monfort [Note : Ce doyenné comprenait les paroisses de Saint-Méen, Coulon, Saint-Nicolas, Saint-Malon, Iffendic, Monterfil, Saint-Maugan, Saint-Gonlay, Gaël, Montauban, Le Crouais, Saint-Onen, Miniac, Pleumeleuc, Talensac, Bédée, Clayes, Breteil, Trémorel, Quédillac, Romillé, Concoret, Irodouër, Bois-Gervilly, Saint-Léry. Le doyenné actuel correspond seulement au canton de Montfort] ; mais cet honneur, dit un historien, ne l'enrichissait guère. Aussi en 1707 l'évêque de Saint-Malo se décida-t-il à unir la cure au prieuré, et, à la suite de la résignation de Henri Hindré, le recteur fut, depuis cette époque [Note : La paroisse Saint-Jean comptait alors trois cents âmes, et par suite du décret d'union, le recteur jouissait d'un revenu de six cents livres. (Voir anciens registres de Saint-Malo. — Archives de Montfort)], prieur de Saint-Jean.
L'abbé de Saint-Méen signa le décret d'union le 12 novembre 1707, et un prêtre séculier, Jean Bregère, prit possession du logis prioral, qui devint alors le presbytère et conserve encore la même destination.
Le dernier recteur de Saint-Jean fut Jean Guillouët, qui refusa de prêter serment et préféra s'exiler au mois de septembre 1792. La Municipalité lui donna comme successeur le curé constitutionnel Roullé [Note : Archives municipales, Cahiers de 1792. — La Municipalité se plaignait alors amèrement de ne pouvoir trouver de successeur à l'abbé Guillouët. Pendant ce temps les fonctions curiales furent exercées par le prieur de l'abbaye, Jean Voilleraut, moine apostat. De plus, l'abbé Lemoine, aumônier des Ursulines, et le recteur de Saint-Nicolas, exercèrent le mimistère dans cette paroisse. (Voir archiv. municipales, année 1791)], qui fut solennellement installé, le mois suivant, comme doyen de Montfort-la-Montagne. Mais, bientôt, le culte religieux lui-même fut supprimé, Roullé cessa ses fonctions, son presbytère devint la maison d'un instituteur communal, et l'église désaffectée fut mise à la disposition de la ville. Saint-Jean fut, toutefois, respecté pendant la tourmente révolutionnaire et ne fut pas souillé comme la chapelle de l'hôpital, qui servit alors de temple décadaire [Note : Voir chap. VIII, 1ère partie, et chap. II, 2ème partie]. A la restauration du culte, cette église fut conservée à l'exclusion des deux autres et devint par là même l'unique paroisse de Montfort, en même temps que le chef-lieu du doyenné [Note : Outre le territoire de Saint-Nicolas et de Coulon, la nouvelle paroisse comprit aussi la section de l'Abbaye, qui fut détachée de la commune de Bédée en 1829].
L'église Saint-Jean était, d'ailleurs, peu remarquable au point de vue architectural et n'offrait guère d'intérêt que par les souvenirs religieux qu'elle rappelait : la prédication de saint Vincent Ferrier en 1417 et le baptême du Bienheureux Montfort, qui y prêcha lui-même une mission célèbre en 1706 [Note : Consulter sur ce point l'histoire du Bienheureux Montfort].
Devenue insuffisante pour la population et vouée, du reste, à une ruine prochaine, elle fut démolie en 1851, et sur son emplacement on éleva la chapelle Saint-Joseph, due à la générosité de la famille Barbotin. Ce gracieux édifice, qui sert aujourd'hui aux œuvres paroissiales, renferme un charmant groupe de Valentin représentant la mort de saint Joseph, les tombeaux des deux fondatrices, et ceux de Mathurin Bedel et Pierre Gaudin, les deux derniers curés du vieux Saint-Jean. Malgré les pieux plaidoyers faits, naguère, en faveur de l'installation, dans cette chapelle, d'un pèlerinage à Louis Grignon, la victoire reste définitivement acquise à Saint-Lazare qui demeure, par excellence, le sanctuaire privilégié des dévots au Bienheureux Montfort.
En face de cette chapelle, et de l'autre côté de la rue, on remarque les murs d'un vaste enclos se prolongeant jusqu'à un vieux monument, noir et triste, qui a tout l'aspect extérieur d'un monastère et fut en effet un couvent d'Ursulines au XVIIIème siècle. La fondation de cette maison avait été autorisée par le duc de la Trémouille pour recevoir les Bénédictines de Saint-Malo, à la condition expresse que les armes du seigneur seraient placées en supériorité dans la chapelle que devaient construire les nouvelles religieuses [Note : Contrat du 6 mars 1639. (Archives dép. et municip.)].
Quelques jours après, le 13 mars 1639, la Communauté de Ville consentit, à son tour, à recevoir cette Congrégation, mais demanda que le couvent projeté fût bâti en dehors de l'enceinte de la cité et que l'on y établit une école spéciale pour les externes, ainsi qu'un pensionnat pour les jeunes filles. Le 27 mai suivant, l'évêque de Saint-Malo approuva le contrat, et deux mois plus tard les Bénédictines s'engagèrent à envoyer à Montfort sept religieuses, auxquelles elles assurèrent une pension de six cents livres, plus quatre mille livres de meubles et trois mille livres d'argent pour construire le monastère.
La Communauté de Montfort suscita-t-elle des difficultés dont ne parlent pas les archives ; les religieuses trouvèrent-elles trop lourdes les charges qu'on leur avait imposées ? Nous l'ignorons. Ce qui est certain, c'est qu'elles cédèrent leurs droits aux Ursulines, qui acceptèrent et vinrent s'établir à Montfort à la fin de 1639. Elles bâtirent, sous le nom de la Sainte-Famille, le couvent que l'on remarque aujourd'hui. En 1707 leur supérieure acheta les champs voisins pour agrandir la maison et fit construire une petite chapelle bénite à cette époque par l'évêque de Saint-Malo et qui fut démolie à la Révolution [Note : Archives dépar. et communales].
En 1792, les Ursulines furent chassées de leur monastère, leur aumônier s'exila à Jersey, la maison fut affectée aux différents services du tribunal civil, et le reste, vendu nationalement, fut acheté par quelques familles du pays. Aujourd'hui, le sombre couvent est occupé par un hôtel, la justice de paix, l'école communale, et plus rien ne rappelle sa pieuse et primitive destination. Quant à nous, c'est avec une joie mêlée de tristesse que nous songeons toujours à ce vieux monastère ; nous aimons à le revoir, comme on revoit encore avec bonheur l'image lointaine, les traits à demí effacés de ce qu'on a aimé. En le regardant, nous croyons voir passer devant nous toutes ces années d'enfance dont le souvenir nous revient avec la douceur et la mélancolie d'une apparition. Car c'est dans cette maison que fut élevée toute notre génération, et que se sont éveillées nos intelligences, heureuses alors, malgré tout, avec leurs naïfs espoirs et leurs illusions trop tôt envolées. C'est là encore que se réfugient nos plus sereines pensées quand elles veulent retrouver un peu de cette rosée du matin et de ces sourires qui ne furent jamais plus doux et plus beaux qu'à l'aurore de la vie.
Après avoir dépassé l'ancien monastère, puis la sous-préfecture et le tribunal civil, on aperçoit l'église Saint-Jean, devenue l'unique église paroissiale de Montfort [Note : Elle fut construite par MM. Langlois, architecte, et Peschard, entrepreneur. Commencée en 1848, elle fut livrée au culte en 1851]. Elle a été bâtie sur l'emplacement de l'ancienne motte, si longtemps égayée par les jeux bruyants de nos pères, la vieille butte féodale sous laquelle, dit la légende, les seigneurs du pays avaient enfoui ces trésors immenses que nos contemporains cherchèrent vainement quand ils voulurent édifier le nouveau Saint-Jean. Ce monument, construit dans le style de la Renaissance, ne se ressent que trop de l'époque qui l'a vu ériger. Il est orné intérieurement de fresques et de jolis vitraux ; on y remarque aussi les sculptures de la chaire et des stalles, la statue de saint Jean, œuvre de Barré, celle de Louis Grignon, de Resnays, et les retables des autels latéraux, dont l'un notamment reproduit plusieurs scènes de l'histoire de la Cane.
Toutefois, tel qu'il est, cet édifice ne présente aucun caractère architectural, et, au premier aspect, on ne soupçonnerait guère le gracieux effet que produit son intérieur.
Tout à côté, voyez-vous cette grosse tour crénelée, dont la construction remonte à l'année 1389. C'est sans contredit le plus ancien monument de Montfort. Longtemps il servit de caserne royale et fut le point de mire du canon des Ligueurs ; peut-être même fut-il le séjour de l'infortunée jeune fille dont nous avons raconté la légende. Aujourd'hui, ce ne sont plus des prisonniers de ce genre qu'on enferme dans ces froides et sombres murailles qui inspirent la terreur. Et les malheureux qui, du haut de la vieille tour, regardent le charmant paysage que contemplait la pauvre enfant de Saint-Nicolas, seraient bien surpris s'ils apprenaient que ces murs, derrière lesquels ils gémissent tristement, servirent autrefois de prison à l'innocence et à la vertu.
Cette tour est elle-même reliée par des débris de remparts à la porte de l'Horloge, qui fut, pendant plusieurs siècles, le siège de la Communauté de Ville et sert encore aux délibérations du Conseil Municipal.
Bientôt, sans doute, elle disparaîtra, et avec elle aussi disparaîtront les naïves légendes, les doux et vieux souvenirs du passé. Certes, nous nous rangeons volontiers à l'avis de ceux qui veulent régulariser la cité, mais nous serions heureux de les voir trouver un moyen de servir l'intérêt général et de conserver, en même temps, ce vieux monument, qui fut si longtemps le témoin des luttes de nos pères. N'achevons pas les vieillards sous prétexte qu'ils gênent leurs enfants.
Laissons debout encore la vieille porte de Saint-Nicolas, laissons-la se couronner encore de cette verdure et de ces fleurs qui semblent rajeunir son front et la consoler de toutes ses gloires à jamais envolées.
Pour nous, ce n'est pas sans émotion que nous saluons ces ruines d'un autre âge et que nous songeons à ce vieux faubourg Saint-Jean [Note : Une foire célèbre et populaire encore de nos jours se tenait le jour de la fête patronale, entre le cimetière et l'ancienne église Saint-Jean. Elle donnait lieu à de grandes réjouissances et à une singulière coutume que nous tenons à rappeler en terminant ce chapitre. « Le seigneur de Tréguil, dit un ancien aveu, doit à l'issue des vespres de la feste Saint-Jean-Baptiste, par chacun an, à la passée et entrée du cimetière, un chapeau de fleurs de cherfeil sauvage, sous peine de saisie, dont les officiers du seigneur de Montfort lui doibvent décharge, et de là est porté par lesdits officiers sur la motte aux mariées, près la contrescarpe des fossés du Pas d'Ane de ladite ville de Montfort, pour en manière accoustumée y être donné par le procureur fiscal dudit seigneur aux mains de chaque mariée des trois forsbourgs et paroisse, d'an en an, et doibvent lesdites mariées, après s'être saisies dudit chapeau, danser et chanter leur chanson, et doibvent baiser ledit seigneur ou son procureur à peine de soixante sols d'amende qui est sur le champ ordonné. Et ledit seigneur est obligé de leur fournir un feu de cent fagots en bourrées qui se consomment à la fin ; relaissé est ledit chapeau à la dernière mariée ou à celle que juge à propos ledit seigneur ou son procureur fiscal. » (Déclaration de la baronnie de Montfort en 1682)] dans lequel s'écoulèrent nos plus belles années. C'est toujours avec une douce joie que nous aimons à écouter là l'écho lointain de nos jours d'enfance, à nous rappeler tant de souvenirs qui gardent toujours pour nous leur poésie, leur charme et leur fraicheur. Et en écrivant ces lignes, nous croyons éprouver encore toutes les impressions de nos beaux jours, ces chères impressions si fugitives, dit-on, mais qui laissent dans le cœur de l'homme des traces que le temps ne saurait effacer.
(E. Vigoland).
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