|
Bienvenue ! |
LA VRAIE FONDATION DE MONTFORT-SUR-MEU (1091-1198) |
Retour page d'accueil Retour Ville de Montfort-sur-Meu
En 1071, dit la Chronique de Bretagne, apparut, sur le territoire qu'occupe aujourd'hui Montfort, un seiuneur de Gaël, chevalier de haute naissance, issu des anciens rois bretons [Note : Les sires de Gaël prétendaient en effet descendre des anciens rois de Bretagne. Il est d'ailleurs incontestable que le château de Gaël fut habité par le roi Judicaël. Dans le partage du Poutrecoët, qui fut fait au Xème siècle, la baronnie de Gaël échut à l’un des descendants de ces anciens rois. L'autre partie, la vicomté du Porhoët, échut à la famille des Rohan, qui prétend, elle aussi, descendre des rois de Bretagne. C'est l'opinion de plusieurs historiens, et le procès qui eut lieu en 1479 entre les Gaël-Laval et les Rohan confirme cette assertion], et unissant, comme à cette époque, une foi sans défaillance à une ambition sans scrupules. Intrépide et audacieux, il avait, plus que ses voisins, de vrais talents militaires. Son passé, d'ailleurs, parlait pour lui et mérite de n'être pas enseveli dans l'oubli. Raoul de Gaël, disent les historiens anglais [Note : John Lingard, Histoire d'Angleterre, t. II. — Orderic Vital, p. 136], avait suivi Guillaume de Normandie dans son expédition d'Angleterre. Sa belle conduite [Note : Sa valeur était si grande, dit D. Morice, que son nom seul valait une armée. (Dom Morice, t. II, p. 183)] et sa valeur lui valurent, comme récompense, le gouvernement du royaume d'Est-Angle. Mais l'ambitieux Raoul ne se contenta pas du second rangs [Note : Dom Morice, t. II, p. 183], et de concert avec son beau-frère, Roger de Breteuil, il trama un complot dans le but de détrôner son suzerain. Les deux princes, après un repas somptueux, déclamèrent contre la tyrannie du Normand et les charges excessives qu'il imposait aux vainqueurs comme aux vaincus. Hommes de naissance illustre, ils étaient humiliés de se soumettre à un homme de basse lignée, usurpateur de deux royaumes. Tous les convives, animés des mêmes sentiments, applaudirent aux paroles de Raoul et s'engagèrent par serment à secouer le joug du tyran. Mais le lendemain, quand les fumées du vin furent dissipées, l'un des conjurés réfléchit sur les conséquences de ce projet téméraire ; épouvanté pour lui-même, il alla découvrir le complot à Guillaume. Aussitôt Roger de Breteuil fut arrêté. Raoul, attaqué par les évêques de Coutances et de Bayeux, fut battu près de Cambridge. Il réussit, néanmoins, à échapper aux vainqueurs et se renferma dans la ville de Norwich, qu'il défendit pendant trois mois. Voyant qu'il lui était impossible de résister, malgré une défense aussi brillante qu'énergique, il réussit à quitter la place, passa en Danemark, à la cour du roi Suénon, puis se réfugia dans son domaine de Gaël, où sa femme vint le rejoindre, après la capitulation de Norwich. Le roi Guillaume, dans une assemblée de barons, le déclara félon et confisqua tous ses biens d'Angleterre.
Vaincu et proscrit, Raoul ne fut pas abattu ; mais il leva bientôt de nouvelles troupes et s'unit au duc Alain Fergent pour continuer la guerre sur le territoire breton. C'est alors qu'il songea à bâtir une forteresse pour se mettre à l'abri de la vengeance du Conquérant.
Gaël, en effet, était un château peu fortifié qui n'offrait pas un asile bien sûr et ne pouvait soutenir un long siège. Aussi Raoul s'empressa-t-il de parcourir ses terres afin d'y chercher une situation qui pût convenir à l'exécution de son dessein. Or, dans une excursion, il avisa, non loin de l'ancien castel dont nous avons parlé [Note : Voir chapitre premier. Nous ne savons pas exactement l'emplacement de cet ancien manoir. Mais la tradition dit que le château de Montfort bâti par Raoul avait remplacé un ancien château des rois bretons. (Consulter sur ce point Lebaud, Histoire de Bretagne, et l'abbé Oresve)], au confluent du Meu et du Garun, un terrain très avantageux, défendu naturellement par les deux rivières et par l'étang qu'on a, depuis, desséché ; c'est là qu'il résolut de construire sa forteresse. Ainsi protégée, au Midi par le Meu, à l'Est par le Garun, au Nord par les eaux de l'étang, elle fut, en outre, environnée de hautes murailles et d'un double fossé dont on retrouve encore les traces de nos jours.
Raoul hâta la construction de ce château, qui fut entièrement achevé en 1092 et reçut le nom de Montfort [Note : C'est le nom sous lequel il est connu des cette époque. Montfort ne vient pas de Mons fortis, car la position de Montfort, comme on l'a très bien dit, est dans un bas-fond par rapport à tous les environs. D'ailleurs, la butte féodale est postérieure à cette première fondation]. Il en fit sa résidence principale et le centre de sa baronnie, et depuis ce temps les seigneurs de Gaël prirent le titre de barons de Montfort.
A cette époque, le château occupait un espace beaucoup plus restreint que celui dont on voit aujourd'hui les ruines : la petite cité elle-même n'existait pas encore ; quelques maisons seulement environnaient l'église primitive [Note : L'église Saint-Jean avait dû être détruite par les Normands, bien que cependant, comme nous l'avons dit, nous n'ayions aucun document historique sur ce point. Ce qui est certain, c'est qu'au XIIème siècle nous la voyons desservie par les moines de Saint-Méen], située en dehors de la redoutable forteresse, et ce ne fut qu'au XIVème siècle qu'une cité se forma à l'intérieur des fortifications, autour du château restauré et agrandi.
Néanmoins, Montfort offrit, alors, un asile assuré à Raoul, qui put y braver impunément le courroux du Conquérant. De là, il continua de guerroyer, pendant trois ans, à la suite du duc Alain, et au mois de septembre 1096 il quitta Montfort pour n'y plus revenir. Il s'enrôla dans l'armée de la première Croisade, assista à la prise de Jérusalem et mourut l'année suivante, sans avoir revu son pays. Ce fut dans la ville sainte elle même que se termina la carrière aventureuse du véritable, fondateur de Montfort.
Le fils aîné de Raoul partagea le sort de son père et la baronnie revint au cadet, Raoul Il, intrépide batailleur, qui avait eu pendant l'expédition la garde du château. Le nouveau seigneur acheva les fortifications et marcha sur les traces de son prédécesseur, dont il avait les goûts belliqueux. A cette époque de guerres incessantes, les paysans voisins, terrorisés par les déprédations et les pillages qui désolaient la Bretagne, vinrent, en grand nombre, se mettre sous la protection de Raoul et chercher un abri à l'ombre du château naissant. Des maisons furent construites, non plus seulement sur la hauteur de Saint-Jean, mais plus bas, sur la rive du Garun, dans la partie qui dépendait alors de la paroisse de Bédée. Les moines qui possédaient cette dernière bâtirent alors, avec le consentement du seigneur, une petite chapelle dédiée à saint Nicolas, et qui fut l'origine de la seconde paroisse de Montfort [Note : Cette érection eut lieu vers 1120. Saint-Nicolas ne fut érigé que plus tard en paroisse, et en effet tes actes de Saint-Melaine ne font mention à cette époque que de la « chapelle Saint-Nicolas en Bedesq. » (Cart. Saint -Melaine, 185)].
Cet acte de religion n'empêcha pas Raoul de piller l'année suivante l'église et le prieuré de Saint-Jean, qui dépendaient de l'abbaye de Saint-Méen [Note : Il s'agissait d'une question d'immunité. Le prieuré de Saint-Jean se croyait affranchi de toute domination séculière, en vertu d'une charte octroyée par saint Judicaël aux moines de Saint-Méen], et d'être excommunié pour ce fait par l'archevêque de Tours. Batailleur et ombrageux à l'excès, il sortait fréquemment de son château pour lutter contre ses voisins, et, dit un historien, il portait la terreur dans tout le pays. Après une expédition contre la France, il fut transporté, malade, au château de Montfort, où il mourut en 1142, laissant sa baronnie à son fils Guillaume Ier.
Or, la veille de la Pentecôte de l'année 1157, un seigneur, jeune encore, se présentait à l'abbaye fondée, depuis quelques années, non loin du château, dans un paysage ravissant ombragé par les coteaux boisés qui dominent la vallée du Meu. C'était Guillaume de Montfort qui venait là renoncer au monde et recevoir l'habit religieux des mains de son ancien chapelain, dom Bernard, premier abbé de Saint-Jacques. « Guillaume, en effet, dit un auteur, n'avait pas hérité de l'humeur guerrière de ses pères » [Note : Dom Morice]. Doux et pacifique, il se sentait incliné naturellement aux choses de la religion, et loin de se laisser entraîner, comme ses prédécesseurs, il vivait en paix, avec sa femme Alice de Porhoët, dans son château de Montfort. Très lié avec les moines de Saint-Melaine, qui possédaient déjà le prieuré de Saint-Nicolas, il leur demanda la permission de bâtir un monastère sur un terrain qui dépendait de leur abbaye [Note : L'abbaye de Saint-Jacques dépendait en effet de la paroisse de Bédée et fut confiée à des chanoines réguliers qui la possédèrent jusqu'à la Révolution. Voir deuxième partie. (D. Morice, I, 613)]. Ceux-ci l’accordèrent, et aussitôt Guillaume se mit à l'œuvre. La première pierre du nouveau couvent fut posée le 1er mars 1156, l'église immédiatement commencée, et quelques années après, Guillaume, de plus en plus dégoûté du monde, venait y revêtir l'habit des chanoines réguliers. C'est là qu'il termina sa vie dans la prière et la retraite, et qu'il fut inhumé, dans la chapelle abbatiale, le 12 décembre 1157. Il pouvait d'ailleurs mourir en paix, car il laissait en bonnes mains sa baronnie. Montfort était définitivement fondé : un puissant château-fort gardait la vallée du Meu, deux paroisses entouraient le manoir féodal et une riche abbaye s'épanouissait à l'ombre de la cité naissante. Tout semblait donc assurer l'avenir de la ville qu'avait bâtie Raoul, le descendant des anciens rois de Bretagne [Note : Les armoiries des Montfort étaient : d'argent à la croix de gueules, ancrée, givrée et gringolée d'or].
(E. Vigoland).
© Copyright - Tous droits réservés.