|
Bienvenue ! |
MONTFORT-SUR-MEU (ou MONTFORT) ET LA FIN DU RÉGIME FÉODAL (1389-1610) |
Retour page d'accueil Retour Ville de Montfort-sur-Meu
Les vieilles joûtes qui avaient réjoui le château de Boutavent n'étaient plus, au commencement du XVème siècle, qu'un lointain souvenir, et la nouvelle cité de Montfort avait retrouvé, à son tour, la splendeur des jours passés. Restauré et embelli d'une façon grandiose par Raoul VII, le manoir féodal était, de nouveau, devenu la demeure définitive des seigneurs de Montfort.
Mais, à la mort de Raoul, ce château et le comté lui-même passèrent dans la famille de Laval, par suite du mariage de Jean, fils aîné de Raoul, avec Anne, héritière de la baronnie de Laval. D'après le contrat, signé en 1406, il fut stipulé que Jean abandonnerait son nom et que ses descendants prendraient désormais le litre et les armes de Laval. Les seigneurs de Montfort quittèrent alors le manoir de leurs pères et confièrent la garde de leur « bonne ville » à un gouverneur [Note : Lebaud, Hist. de Bretagne. — Jean de Montfort prit le nom de Guy XVI de Laval et mourut en 1415. On nous pardonnera de ne pas insister sur cette généalogie fastidieuse des seigneurs de Montfort]. Mais en 1417 la veuve de Jean de Laval-Montfort, voyant que ses beaux-frères refusaient de lui remettre cette ville, qu'elle réclamait au nom de ses enfants, envoya Thibault, son propre frère, pour s'en emparer. Thibault y pénétra par surprise et s'y installa avec une forte garnison.
A cette nouvelle, Charles et Guillaume de Montfort protestèrent contre cette prise de possession et déclarèrent qu'eux seuls avaient le droit de garder les châteaux de leurs neveux. Mais leurs réclamations n'ayant pas été écoutées, ils firent une levée d'armes et se présentèrent aux portes de la cité. Quelques jours après, Thibault fut obligé de capituler. Il remit les clefs du château le dimanche soir, à l'heure des vêpres, donna ses deux fils en otage et laissa la garde de la ville à Charles de Montfort, qui la conserva pendant toute la minorité de ses neveux.
Depuis ce temps, la maison de Laval demeura en paisible possession de Montfort jusqu'en 1547, époque à laquelle Guy XVII mourut sans postérité. Avec lui finit la branche directe des Gaël-Montfort, qui se continua ainsi, sans interruption, pendant près de cinq cents ans.
Deux mariages successifs firent alors passer la cité de Montfort dans les familles d'Andelot et de la Trémoille. Ces familles avaient embrassé le calvinisme, et le nouveau comte de Montfort, Francois d'Andelot, était le frère du fameux amiral de Coligny, qui joua un rôle si important dans l'histoire de ce temps. Plusieurs fois ce seigneur parcourut le comté de Montfort sous prétexte de visiter ses terres, mais, en réalité, pour y introduire la religion réformée [Note : Nous ne croyons pas que d'Andelot ait établi un prêche à Montfort. Nous ne connaissons que l'existence de celui de Comper, qui fur établi vers 1559]. Un ministre de ce culte l'accompagnait sans cesse et prêchait partout la « bonne nouvelle ». A Montfort, le comte essaya, mais sans résultat, de faire des prosélytes, et ce fut pendant un de ses voyages en cette ville qu'il fut témoin de l'apparition de la cane. Il en fut, dit-on, si frappé, que, par son ordre, le ministre Louvain en fit une relation détaillée qui fut dédiée à la comtesse d'Andelot [Note : Voir, Montfort-la-Cane].
Pendant toute cette période, Montfort, en tant que forteresse [Note : Il s'agit de la forteresse, en effet, et non de la population, que ne put entamer le calvinisme. Comme nous le verrons au chapitre suivant, Montfort était considéré comme ville royale, par conséquent devait forcément entretenir une garnison au nom du roi], tint naturellement pour le parti calviniste.
Le duc de Mercœur, chef de la Ligue en Bretagne, n'ignorait pas l'importance de cette place et résolut de s'en emparer. Il réussit à y pénétrer par surprise au mois de septembre 1589 ; mais il n'y demeura que quelques jours et y laissa une garnison qui fut presque immédiatement attaquée par les troupes royales.
La ville fut reprise, et le 11 octobre François de Cahideuc, qui en fut nommé gouverneur, s'y installa avec cinquante arquebusiers à cheval. Prévoyant la durée de la guerre et connaissant l'acharnement des partis, le nouveau gouverneur se hâta de fortifier le château. Il fit réparer les murailles, élargir les fossés et creuser une redoute sous la Motte. Il y dépensa, dit-il lui-même [Note : Lettre au Conseil royal, février 1594. (Arch. départementales)], plus de deux mille écus de sa fortune personnelle. Ces travaux de défense furent d'ailleurs si habilement conduits et rendirent si forte la position que le duc de Mercœur jugea inutile de l'assiéger. Mais l'année suivante Cahideuc fut disgracié et remplacé par le sieur de Sarouette, qui prit possession du château au nom du roi (1590).
A peine le nouveau gouverneur était-il installé que la garnison fut de nouveau assiégée par les ligueurs, qui établirent leur camp dans l'immense plaine du Pré-long, an Midi de Montfort [Note : Cette plaine, aujourd'hui défrichée, avait dû servir de camp aux Romains, ce que nous ne tenons pas à contester].
A cette nouvelle, une troupe royale commandée par le sire de Cussé se porta au secours de la ville et força les ennemis de se retirer. Dès lors, le gouverneur cessa d'être inquiété : il se contenta de faire une sortie dans laquelle il s'empara de deux châteaux et ramena dans Montfort les équipages de plusieurs compagnies de chevau-légers [Note : Hist. de Bretagne, D. Morice, XIII].
0r, on apprit à ce moment que le duc de Mercœur se dirigeait vers Moncontour, qu'il voulait surprendre. Aussitôt le gouverneur de Montfort reçut l'ordre de se porter vers cette ville et d'y pénétrer avant l'arrivée des ennemis. Il réussit à y entrer et résista plusieurs jours aux efforts des ligueurs. Mais il aurait été obligé de capituler sans l'arrivée du maréchal d'Aumont, qui se préparait depuis quelque temps à marcher à son secours.
Le maréchal arriva à Montfort avec quatre mille hommes d'infanterie et deux régiments de cavalerie. Aussitôt il y tint un conseil de guerre dans lequel on décida de partir le lendemain au secours de la place assiégée, en prenant le chemin de Saint-Méen. Les émissaires du duc de Mercœur eurent, sans doute, connaissance de cette résolution, car, au moment où le maréchal se mettait en marche, l'armée ennemie levait le siège de Moncontour et se retirait en Basse-Bretagne.
Néanmoins les hostilités continuèrent, et la comtesse de Montfort ne fut pas étrangère à la prolongation de la guerre.
Anne d'Allègre, veuve du comte d'Andelot, était venue depuis quelque temps habiter le château de Montfort, où elle avait amené quatre cents hommes d'armes commandés par le sire de Tremblaye. Jeune encore, douée d'une beauté remarquable et d'une véritable intelligence, intrigante et astucieuse, elle avait su habilement. s'insinuer dans le cœur du maréchal d'Aumont et celui de Saint-Luc, les deux chefs de l'armée royale. Elle appela dans son château ces deux généraux et leur conseilla de faire le siège de Comper, place forte qui lui appartenait et qui était tombée aux mains des ligueurs [Note : Dom Morice, XIII, 160, 163].
Sans doute, Comper, par sa situation même, était d'une importance majeure pour le parti royaliste, et cette considération seule eût suffi à déterminer le maréchal. Mais la demande d'Anne d'Allègre était d'un bien antre poids dans sa décision. Ce vieux général, qui avait blanchi dans le métier des armes, avait été vaincu par les charmes de la belle comtesse, et ce fut surtout pour lui complaire qu'il résolut de marcher sur Comper. Le désir d'Anne d'Allègre était pour lui un ordre, et le siège fut décidé malgré les difficultés de l'entreprise.
Car ses officiers lui avaient démontré les dangers d'une telle opération. La place, lui disaient-ils, était située sur un rocher et parfaitement défendue ; il était impossible d’ouvrir une tranchée aux abords de la forteresse ; d'ailleurs, la petite armée était bien affaiblie, et on courait visiblement à un échec. D'Aumont n'écouta rien. L'amour fut plus fort que la raison, et la place fut investie.
Le lendemain, le maréchal quitta le château de Montfort et rejoignit ses troupes. A peine eut-il observé Comper de plus près qu'il se repentit de l'avoir assiégé. Mais il n'était plus temps de reculer, et la comtesse venait presque chaque jour rejoindre le maréchal et le pressait continuellement de donner l'assaut.
Or, un jour qu'il s'était approché de la place pour mieux reconnaître la position, il reçut au bras un coup d'arquebuse. « Je suis perdu, » s'écria-t-il en tombant dans les bras d'un de ses officiers, qui le soutint et le fit asseoir au pied d'un arbre.
Alors on le transporta à Montfort, où se trouvait la comtesse, qui parut fort affligée : « Regardez, madame, lui dit le maréchal en la voyant, voilà l'état où votre amour m'a réduit ». D'Aumont fut soigné par les médecins du château, mais comme le mal s'aggravait, on crut nécessaire de transporter à Rennes le blessé, qui expira quelques jours après, le 19 août 1595.
La petite armée leva aussitôt le siège de Comper, qui fut néanmoins assiégé de nouveau et pris par le sire d'Andigné au mois de novembre de la même année. A partir de ce moment, Montfort lui-même cessa d'être inquiété. La garnison royale continua cependant de demeurer dans la place, et la petite cité jouit, dès lors, d'une paix relative jusqu'à l'avènement incontesté d'Henri IV, qui mit fin à la Ligue et pacifia le pays.
(E. Vigoland).
© Copyright - Tous droits réservés.