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MONTFORT-SUR-MEU (ou MONTFORT) ET LA FIN DE L'ANCIEN RÉGIME (1610-1789)

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La guerre civile qui désolait la Bretagne avait pris fin, et le canon des ligueurs ne battait plus les remparts de Montfort. Mais, à ce moment même, l'esprit d'indépendance, apporté par les seigneurs calvinistes, commençait à produire ses fruits et se tournait précisément contre ceux qui l'avaient répandu.

Dans l'intérieur de la petite cité s'allumait une guerre civile d'un autre genre, qui devait se continuer pendant près de deux siècles, jusqu'à la grande bataille de la Révolution.

« La chose importante qu'il faut hien rappeler, écrivaient en 1639 les échevins de Montfort, c'est que notre ville est du nombre de celles qui jouissent de l'affranchissement et sont sous l'autorité immédiate du roi. C'est la cité, et non le seigneur, qui possède les tours et les murailles, à l'entretien desquelles il a toujours été pourvu, sans même consulter le seigneur féodal, et elle a eu ce droit dès le XIIème siècle » [Note : Nous faisons nos réserves sur cette prétention, qui n'est pas conforme à la vérité historique]. Cette déclaration [Note : Déclaration du 16 décembre 1639. (Archives communales, 2ème série)] des notables pourrait servir d'épigraphe à ce chapitre. Elle révèle déjà l'état des esprits et résume bien ce que nous appellerons volontiers « l'histoire d'une Communauté de ville à la fin de l'ancien régime ».

En effet, depuis longtemps déjà, Montfort féodal n'existait plus guère que de nom. Il y avait plusieurs siècles que « les bourgeois et notables habitants » avaient acquis le droit de Communauté. Ils se réunissaient dans la grande salle de la porte Saint-Nicolas et géraient eux-mêmes leurs affaires, comme ils le disaient, « en dehors de l'ingérence du seigneur ». Chaque année ils nommaient un maire et des échevins, et les trois recteurs de la ville étaient membres influents de la Communauté. Pauvres eux-mêmes, réduits à la portion congrue par les gros bénéficiers qui détenaient leurs prieurés [Note : Le recteur de Saint-Nicolas, entre autres, ne recevait que trois cents livres du prieur, qui en touchait plus de trois mille. (aveu de 1729, Archiv. départ.). Celui de Coulon, plus pauvre encore, ne recevait que deux cents livres du prieur de Saint-Lazare], défiants à l'égard des seigneurs qui avaient voulu implanter le calvinisme à Montfort, ces recteurs prirent, au XVIIème siècle, une part active aux travaux de la Communauté ; ils mirent leur intelligence et leur influence au service des intérêts de la ville, et presque toujours, à cette époque, rédigèrent les cahiers qui exprimaient les doléances ou les vœux de la cité.

Eu lisant ces pages, on sent déjà les idées vagues d'indépendance qui germent et fermentent dans les cerveaux, et bientôt vont se produire au grand jour. Il est d'ailleurs intéressant de constater comment ces bourgeois et notables sont défiants à l'égard du seigneur local, tout en protestant de leur inviolable fidélité au roi. Pour eux, la royauté est tout : leur ville n'est pas féodale, mais royale, et le comte de Montfort ne jouit que d'une autorité nominale et de droits purement honorifiques. Ils le répètent sans cesse et ne manquent aucune occasion de l'exprimer par la parole et par les actes [Note : Archives communales, XVIIème siècle].

Aussi le duc de la Trémoille, héritier des anciens seigneurs ; voyait-il avec un profond dépit croître sans cesse ces prétentions et ces exigences des bourgeois, qu'il traitait de « séditieux ». Ceux ci, en revanche, lui répondaient qu'ils ne dépendaient que du roi, dont ils se flattaient d'être, comme lui, les fidèles serviteurs. Déshabitués, d'ailleurs, de la présence du comte, qui ne paraissait que rarement dans sa « bonne ville, » soutenus par le roi qui les avait confirmés dans leurs privilèges par un édit du 24 septembre 1678, ils paraissaient ne plus connaître le seigneur féodal. Ils le considéraient comme un personnage de haute marque auquel ils ne devaient que le respect.

« La Communauté, disaient-ils, n'avait point de droits à lui reconnaître ». Les bourgeois et notables se sentaient déjà presque ses égaux et commençaient à traiter avec lui de puissance à puissance [Note : En effet, la plupart d'entre eux se donnent dès lors des airs de noblesse, et ajoutent à leur nom celui de leurs terres. Ils signent : Lemoyne du Grand-Déheuc, Doré de la Ricochais, Lemoyne des Grippeaux, Lesné de Bellon, Lemarchand de Lépinay, Juguet de la Cochardière, etc. (Voir Archives, années 1657, 1720, etc.)].

De là ces interminables discussions qui constituent presque toute l'histoire de Montfort durant cette période. Tout sert alors de prétexte : un léger impôt à établir, un droit fiscal à contester, un pan de mur à relever, la fête du papegai à organiser, tout est mis à profit pour déclarer au duc de la Trémoille qu'il n'a rien à voir dans ces affaires, et que la Communauté seule a le droit de gouverner la cité [Note : Archives de la Comm., passim].

Aussi, quand le duc voulut démolir les fortifications, tous les notables s'insurgèrent et en appelèrent au roi. Quelques mois après, le 3 juillet 1659, Louis XIV fit déclarer qu'en effet la place, les murailles, les tours et les fossés lui appartenaient, et le 18 juin 1689 le duc reçut, de nouveau, défense de toucher aux fortifications de Montfort.

Ces protestations se renouvelèrent encore lorsque le chevalier de Botherel, acquéreur des biens des La Trémouille, voulut, à ce titre, démolir les murs de la cité, sous prétexte qu'ils tombaient en ruine et servaient à défendre un repaire de séditieux : « La ville ne vous appartient pas, répondit le maire ; vous n'avez acheté que des droits honorifiques, et les murailles sont la propriété du roi » [Note : Archives de la Comm. — Procès contre le chevalier de Botherel, qui avait acquis avec le sire de Cintré une portion des murs et de la ville de Montfort]. Toutefois, pendant ces longues discussions, les acquéreurs eurent le temps de démolir le château, dont ils vendirent les matériaux, et ne laissèrent intactes que les fortifications de la cité. D'ailleurs, les ducs de la Trémouille, eux-mêmes, ne semblaient guère tenir, depuis longtemps, à conserver une ville qui leur rapportait plus d'ennuis que de revenus. Et quand ils cédèrent définitivement leurs droits, ils ne se réservèrent que le titre de comte, avec la propriété de la motte féodale, qu'ils avaient toujours regardée comme une marque de leur souveraineté et sur laquelle ils veillaient avec un soin jaloux.

Un évènement bien connu dans l'histoire locale, et auquel se rattache le souvenir de Louis Grignon, leur permit d'affirmer ce droit et cette souveraineté.

An mois de novembre 1707, la vieille motte présentait une animation extraordinaire ; elle se couvrait d'hommes enrôlés de toutes parts et qui travaillaient à l'aplanir. A leur tête, un jeune missionnaire les encourageait par sa parole et son exemple. Ce prêtre était un enfant de la paroisse Saint-Jean, qui résidait depuis plusieurs mois dans la paisible retraite de Saint-Lazare, où il se reposait de ses travaux. C'est à la suite d'une station merveilleuse, prêchée dans sa ville natale, qu'il avait résolu d'élever sur la butte un splendide calvaire et de l'entourer de chapelles représentant les quatorze stations du chemin de la Croix.

Cette oeuvre grandiose allait recevoir un commencement d'exécution quand, tout à coup, apparut le sénéchal, apportant un ordre du duc de la Trémouille qui revendiquait la possession de la butte et défendait de continuer les travaux [Note : Il ne faut pas chercher à expliquer autrement la défense du duc de la Trémouille. Ce ne fut pas par antipathie pour le Père Montfort, mais uniquement pour affirmer ses droits. Les habitants de Montfort étaient entrés avec ardeur dans les vues de Louis Grignon et étaient heureux de voir disparaître ces vestiges de la féodalité. La Trémouille leur rappela que cette motte lui appartenait, et non pas à la ville. Voir d'ailleurs les preuves dans les archives municipales. Les différentes Vies du Père Montfort donnent un autre sens a cet épisode ; nous tenons à rétablir ici la vérité]. Louis Grignon, ému, mais résigné, se contenta de répondre : « Vous aurez beau faire, malgré vous cette motte féodale deviendra un lieu de prière ». Prédiction qui s'est réalisée, puisqu'en cet endroit même s'élève l'église paroissiale de Saint-Jean de Montfort. Découragé, et délaissé par ceux-là mêmes qui auraient dû le soutenir, Louis quitta son pays pour n'y plus revenir. Mais aujourd'hui l'apôtre est vengé : sa statue domine la vieille butte aplanie et couronne l'église dont il avait prédit la fondation.

Le duc de la Trémouille, qui avait interdit la continuation de ces travaux, ne survécut guère à Louis Grignon, et son fils, Charles, fut bientôt réduit à vendre une partie de ses biens. Criblé de dettes, il céda définitivement, en 1715, le reste de son comté de Montfort au chevalier de Farcy, qui ne le garda que vingt jours et le vendit, à son tour, à différents particuliers, pour la somme de trente mille livres. Joseph Huchet de Cintré [Note : Cette famille est connue dans l'histoire, dès le XVème siècle, sous le nom de Huchet de la Bédoyère. Plus tard, le mariage de Charles Huchet avec Louise Rabinard lui apporta la terre du Plessix-Cintré, dont les Huchet prirent dès lors le nom et les armes] fut le principal acquéreur de la ville de Montfort et des droits attachés à sa possession. Il partagea avec Charles de Botherel, seigneur de Bédée, le droit de supériorité dans la paroisse Saint-Nicolas. Les deux familles eurent leur banc seigneurial au même rang, et le dimanche, aux prières nominales, on recommandait conjointement « messieurs de Bédée et de Cintré, seigneurs de la paroisse ».

Ce fut le 8 juin 1716 que Joseph de Cintré prit possession solennelle de la seigneurie de Montfort. Il se présenta dans la grande salle de la Communauté, située au-dessus de la porte Saint-Nicolas, et fut reçu en assemblée ordinaire par le maire Oresve, accompagné des échevins. Il prit place dans le siège réservé au maire, et déclara que le duc de la Trémouille se réservait le titre de comte de Montfort, mais que lui, sire de Cintré, avait la propriété de tous les autres droits seigneuriaux. Puis, dit un ancien aveu, il « fit acte d'autorité sans aucune opposition » [Note : Procès entre la Communauté et la marquise de Cintré. (Archives municipales, Dossier du procureur général]. Néanmoins, les notables ne voulurent reconnaître que son droit de supériorité honorifique, et quand la famille de Cintré voulut, quelques années après, faire acte d'autorité réelle, un procès s'engagea aussitôt devant le Parlement.

Les seigneurs de Cintré produisirent leurs titres, et la Communauté, à son tour, déclara que la propriété de la ville et des murailles n'était pas comprise dans le contrat de vente [Note : Dans ce chapitre, nous faisons œuvre d'historien impartial, nous constatons sans discuter]. « La cité, ajoutaient les échevins, appartient réellement au roi, comme le prouvent de nombreux édits, et les prétentions des sires de Cintré sont injurieuses pour les droits du souverain et ceux d'une Communauté royale ». Quoi qu'il en soit, la ville, qui d'abord avait eu gain de cause, fut déboutée par un arrêt du 20 septembre 1760. Le roi lui-même se désista, et le seigneur de Cintré fut continué dans ses revendications, comme ayant succédé réellement aux ducs de la Trémouille, dont il conserva les droits et privilèges jusqu'à la Révolution.

Toutefois, si la ville fut obligée de cesser ses revendications, elle garda de son côté tous ses anciens privilèges. Elle perdit son titre de « ville royale, » mais continua de se gouverner sans l'intervention du seigneur, et s'occupa, dès lors, activement d'intérêts autrement sérieux qu'elle avait à défendre.

En effet, à cette époque, de notables améliorations furent faites dans la cité et les faubourgs. L'étang, source de fréquentes calamités, fut desséché, et, par suite, le faubourg assaini. La charité publique et privée se développa sous l'heureuse influence de Mathurin Dousseau, recteur de Coulon, qui, depuis longtemps, se préoccupait des besoins matériels et intellectuels de sa ville natale. Grâce à son initiative, l'hôpital de Saint-Nicolas fut restauré et agrandi. Un second hospice fut fondé sur les hauteurs de Saint-Lazare. L'éducation de l'enfance prit un développement vraiment remarquable pour l'époque, et la Communauté de ville passa un contrat avec les Ursulines, qui bâtirent une école et un pensionnat de jeunes filles dans le faubourg Saint-Jean [Note : Archives départementales et communales]. Jusqu'à cette période, l'instruction des garçons avait été, elle aussi, fort négligée ; il n'y avait, disent les cahiers communaux, « qu'une misérable classe, » entretenue par le prieur de Saint-Nicolas. On en organisa une nouvelle, et la direction en fut confiée à l'abbé Loqué [Note : La Communauté vota un traitement de 120 liv. à l'abbé Loqué, prêtre de Montfort, à condition qu'il fit l'école aux enfants des trois paroisses depuis le 18 octobre au 18 septembre : cinq heures par jour. (Archives communales)], qui donna ses soins aux enfants des trois paroisses jusqu'à la Révolution.

Déjà le grand et terrible mouvement qui allait bouleverser la France se faisait sentir à Montfort. On approchait de la convocation des États-Généraux, et les esprits s'échauffaient même dans cette petite ville perdue au fond d'une province. Dans la rue, et surtout à l'Assemblée des notables, on discutait et on suivait avec anxiété la marche des évènements [Note : Voir Archives communales]. Les habitants furent bientôt convoqués à l'Assemblée pour entendre la lecture des remontrances adressées au roi. Ces doléances furent signées par les notables et les trois recteurs, et le lendemain trois bourgeois furent députés aux États de la province pour protester « contre le déni de justice des ordres de l'Eglise et de la Noblesse, et affirmer qu'il fallait recourir directement au meilleur des rois » [Note : Archiv. Cahiers de 1789]. C'était le vieil esprit batailleur de la Communauté qui faisait sa réapparition, et la Révolution qui s'annonçait à Montfort.

Au mois de novembre 1762, les habitants du faubourg Saint-Nicolas furent réveillés la nuit par les cloches de l'église voisine. Ils n'eurent que le temps de s'enfuir à la hâte. L'étang de Montauban venait de rompre ses digues, et le Garun envahissait la cité. La crise ne dura que quelques heures, mais elle fut terrible. Tout fut brisé ou entraîné par le torrent. Et quand, au point du jour, le flot fut passé, on ne vit plus, dans le faubourg, qu'un amas de boue, de débris et de ruines.

C'est, au point de vue politique, ce qui allait se passer à Montfort et dans toute la France. Le 16 juillet 1789, des sons lugubres descendaient du beffroi communal et convoquaient les habitants à l'Assemblée des notables. C'était la cloche de la Communauté de ville qui annonçait le commencement de l'effroyable catastrophe et sonnait le glas de l'ancien régime.

(E. Vigoland).

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