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MONTFORT-SUR-MEU FÉODAL

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« En ce temps de guerres permanentes, dit un historien, ne pas être tué et se nourrir était pour beaucoup le suprême bonheur » [Note : Stendalh, voir Origines de la France contemporaine. — H. Taine, L'Ancien Régime, p. 12]. Ces paroles, que cite le savant auteur des Origines de la France, font comprendre pourquoi la plupart acceptaient de bon cœur les pires droits féodaux, car ce qu'on subissait loin d'un protecteur était pire encore. Et la meilleure preuve, c'est qu'on acceptait de travailler à la construction du château, comme le firent les vassaux de Montfort ; on accourait dans l'enceinte féodale sitôt qu'elle était achevée, et l'on s'y trouvait à l'abri [Note : C'est la pensée qu'exprimait Raoul de Montfort lui-même dans sa lettre à l'abbé de Saint-Melaine. (Voir chap. III)] sinon à l'aise. La forteresse était un asile où l'on vivait, sous la rude main gantée de fer qui rudoyait sans doute, mais qui du moins ne massacrait pas.

Ce fut là l'origine et, pendant plusieurs siècles, l'histoire de la petite population qui vécut à l'ombre du château de Montfort et qu'il sera intéressant peut-être de faire revivre pour nos contemporains.

Le château, résidence principale du seigneur, était situé entre la prison actuelle, la tour de l'Horloge et la rue de la Saulnerie. Souverain et propriétaire, le comte de Montfort gardait, à ce double titre, l'autorité sur les hommes et sur les choses. Il avait droit de haute, moyenne et basse justice sur toute l'étendue de la cité, des faubourgs et du territoire. A sa place, presque toujours, il déléguait un gouverneur assisté d'un capitaine d'armes et d'officiers qui exerçaient l'autorité en son nom [Note : Archives communales de Montfort], car, à partir du XVème siècle, les seigneurs cessèrent de résider habituellement dans le château de Montfort. Le sénéchal, assisté lui-même d'un procureur fiscal, rendait la justice et tenait audience, les mardi et vendredi, avec le droit de conduire et de renfermer les malfaiteurs dans la prison seigneuriale.

La petite ville — car elle tenait à ce titre [Note : « Montfort, dit une ancienne déclaration, doit être considérée au nombre des villes véritables et non des simples bourgades qui usurpent ce titre, et les habitants ont toujours été régis en urbani et non en pagani. » — Déclaration du 16 novembre 1639 ; archives municipales] — ne comprenait alors qu'un seul quartier, correspondant à peu près aux rues actuelles de la Halle, de la Saulnerie et de l'Horloge. Autour de ces rues aux maisons basses, et du château lui-même qui les dominait, s'élevaient de hautes murailles dont on peut encore contempler les ruines. Quatre grosses tours, avec machicoulis et meurtrières [Note : Registres de la Communauté de Ville, 18 novembre 1694], se dressaient aux angles de la place : la tour du Pas-d'Ane près la Motte aux Mariées, la tou de Guitté au confluent du Meu et du Garun, la tour Beurrouse en face les jardins du prieuré Saint-Nicolas, et la belle tour cylindrique qui sert aujourd'hui de prison. Six autres donjons, dit un aveu de la Communauté [Note : Voir archives communales, passim], environnaient également la place. Un double fossé entourait les remparts ; le Meu au Midi, le Garun à l'Est et l'étang au Nord, en formaient la défense naturelle.

Au Nord-Ouest, la fameuse butte, qui servit plus tard de redoute et de poudrière, complétait les fortifications et défendait de ce côté les approches du château.

Trois portes, avec herses et ponts-levis, donnaient accès dans l'intérieur de la cité. La porte Saint-Jean [Note : « La porte dite Saint-Jean, qui va au pont appellé Boulevard et située entre deux belles tours, avec chaînons et pont-levis, comme a coutume d’être » (Déclaration de 1634, Archives). On en voit encore quelques pierres de nos jours sur le boulevard du Tribunal], à l'intersection de la rue de la Saulnerie et du fossé de la Motte ; la porte de Coulon [Note : Cette porte servait. au moyen-âge de corps de garde. (Archives)], près du Meu, et la porte Saint-Nicolas [Note : La porte Saint-Nicolas, qui existe encore, renfermait la salle des délibérations de la Communauté de Ville], qui existe encore de nos jours.

La cité ne possédait aucune église dans ses murs, mais deux chapelles y furent successivement construites : la chapelle primitive du château, dédiée à la Vierge [Note : Cette chapelle est ainsi désignée dans l'acte de fondation du prieuré d'Iffendic. C'est là que Raoul de Montfort donna aux moines de Marmoutiers le cens du bourg d'Iffendic « In ecclesia Beatœ Mariœ quæ Radulph. capella erat. » (Biblioth. Nation., n° 5541)], détruite en 1198, à l'époque de l'incendie de Montfort, réédifiée en 1490, avec la permission de l'évêque de Saint-Malo, et un second sanctuaire bâti par Raoul VII, pour le besoin de ses gens et des bourgeois de la cité. Aussi la Relation de 1682 dit-elle qu'il y avait alors dans l'enceinte de Montfort « deux grandes et belles chapelles tombées malheureusement en ruines et dont les actes de fondation ont été détruits par le malheur des guerres » [Note : Aveu de 1682. (Archives départ.)].

A l'intérieur de la ville, il y avait deux vastes halles dans lesquelles on avait fait placer un grand nombre d'étaux et où les marchands devaient se rendre, sans pouvoir étaler ailleurs sous peine d'amende. C'est là que se tenait le marché, fixé dès cette époque au vendredi, comme il l'est encore aujourd'hui. Les foires, au contraire, avaient lieu dans les faubourgs, aux fêtes Saint-Nicolas, Saint-Jean et des Vendanges, et elles se maintiennent encore à la même date de nos jours [Note : Ajoutez-y la foire de Saint-Marc, qui se tenait alors à Saint-Lazare et a été transférée à Montfort]. Par une coutume singulière, les promeneurs, acheteurs et vendeurs étaient placés ce jour-là sous la sauvegarde du seigneur féodal [Note : P. Oresve, Histoire de Montfort, 273]. Nul ne pouvait les arrêter, ni les contraindre pour dettes, et ceux qui attentaient à ce droit étaient conduits au tribunal et condamnés à l'amende.

La petite ville, avec ses deux rues, ne renfermait alors qu'une population de trois cents habitants. Les faubourgs, qui n'en contenaient guère davantage, avaient chacun leur église : Saint-Jean, Saint-Nicolas et Coulon.

En sortant par la porte du Boulevard, près la Motte, ou entrait immédiatement dans le faubourg Saint-Jean, qui comprenait la Cohue, la rue de Gaël et quelques maisons voisines de l'église elle-même. Cette église, paroisse de la ville et du château, n'offrait rien de remarquable au point de vue architectural. D'abord simple chapelle desservie par les Bénédictins, érigée plus tard en paroisse, reconstruite, sans doute, après les invasions normandes, elle était, au moyen-âge, desservie par un prieur qui faisait en même temps les fonctions de recteur. Ce ne fut que plus tard qu'on y appela des prêtres séculiers qui cumulèrent dans la suite les deux fonctions et pour lesquels on bâtit un humble presbytère. Mais sous le régime féodal il n'y eut qu'un seul logis prioral à côté du cimetière et de l'église paroissiale.

Des hauteurs de ce prieuré, on dominait complètement l'étang et la partie basse de Montfort, qu'on nommait alors le faubourg Saint-Nicolas. On accédait dans ce faubourg par la porte située près du Garun et qui existe encore de nos jours. Quelques maisons tristes et humides, souvent envahies par les eaux de l'étang, composaient toute cette paroisse, qui ne comptait guère plus de cent cinquante habitants. A deux cents mètres environ du pont-levis se trouvait la place du Cimetière, qui porte encore le nom de place Saint-Nicolas. Au fond, et plus près de la rivière, s'élevait l'église que la fameuse histoire de la cane a rendue si célèbre. Elle se composait d'une seule nef, ouverte de deux grandes fenêtres au Midi. Le chœur, plus étroit, était terminé par un chevet droit séparé lui-même de la nef par un arc triomphal. Sur le maître-autel on voyait sculptées plusieurs scènes représentant la légende de la cane. L'une des verrières était, dit-on [Note : Cette verrière remarquable doit dater de 1535 ou 1540. (Archiv. départ.)], vraiment remarquable ; elle était ornée des armes des seigneurs, du portrait des donateurs [Note : Il s'agit probablement de Guy de Laval et de son épouse] et de la légende de saint Nicolas de Myre, revêtu de son costume épiscopal et bénissant les petits enfants. Aux pieds du saint, des canetons, se baignant dans un étang, rappelaient cette histoire si connue et confirmaient ainsi à leur manière cette tradition.

A côté, tout près du chœur, s'élevait la maison priorale, c'est-à-dire celle du moine de Saint-Melaine qui avait la prééminence et percevait les revenus ; plus loin, touchant à la place, le presbytère, demeure du prêtre séculier qui était chargé de l'administration spirituelle.

Si la paroisse de Saint-Nicolas était basse et malsaine, étouffée, pour ainsi dire, entre l'étang et la paroisse de Bédée, elle avait, du moins, près d'elle, son église, avantage que ne possédait pas celle de Coulon, située de l'autre côté du château. En sortant de Montfort par la porte Blanche [Note : C'est le nom de la parte de Coulon que le peuple désignait souvent ainsi], après avoir franchi le Meu, on pénétrait aussitôt dans le petit faubourg de Coulon, dont l'église était située en pleine campagne, sur la verte et fraîche colline qui lui a sans doute donné ce nom. Cette église, dédiée à la Trinité, n'avait qu'une seule nef terminée par un chœur droit [Note : Il n'est presque jamais question de Coulon au moyen-âge. Pourtant, à propos de l'abbaye Saint-Jacques, son nom est cité en 1152. Depuis ce temps, il n'en est plus question jusqu'au XVème siècle. C'était la paroisse rurale de Montfort]. Des remaniements successifs la transformèrent après le moyen-âge et l'agrandirent d'une chapelle très fréquentée des pèlerins. Cette paroisse n'était pas comme les autres desservie par des moines, mais par un prêtre séculier dont le presbytère était situé entre le faubourg et l'église. C'est ce manoir, plusieurs fois restauré depuis le moyen-âge, dont on voit encore les ruines de nos jours.

D'ailleurs, ce ne sont pas les seuls vestiges de ce temps lointain. D'autres ruines semblables existent encore dans la ville elle-même. Car le vieux Montfort ne fait pour ainsi dire que disparaître, et ceux qui l'ont vu dans la première moitié du XIXème siècle ont pu se croire encore à l'époque où se dressait, fière et terrible, la vieille Cité, avec son château-fort, sa motte féodale, ses larges murailles, ses fossés profonds, ses rues basses et ses trois faubourgs. Les transformations modernes lui ont enlevé son antique physionomie. Il n'en reste plus que quelques donjons, des débris de remparts, et surtout la vieille prison, témoin du miracle de la cane et des vaillantes prouesses des chevaliers, la porte Saint-Nicolas, qui a vu tant de luttes et gardé tant de souvenirs. Toutes deux isolées au milieu de ce monde nouveau, et comme pleurant le passé, semblent jeter un regard mélancolique sur la cité nouvelle qui s'étend à leurs pieds.

On dirait qu'elles sont là pour défier le temps présent, moins solide qu'elles-mêmes, et qui peut-être aura disparu avant elles. Seules elles pourraient refaire complètement l'histoire de ce temps lointain et redire à nos contemporains ce qu'était Montfort sous le régime féodal.

(E. Vigoland).

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