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LE FAUBOURG SAINT-NICOLAS EN MONTFORT-SUR-MEU |
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Ce faubourg, le plus intéressant de Montfort, formait jadis à lui seul la petite paroisse du même nom. Il ne comprenait, d'ailleurs, avant la Révolution qu'une partie de la rue actuelle ; il était borné au Midi et à l'Ouest par la paroisse Saint-Jean, au Nord et à l'Est par celle de Bédée, qui s'étendait alors jusqu'à la ville elle-même. Bas et humide, ce faubourg a conservé, jusqu'à la moitié du XIXème siècle, une partie de sa physionomie du moyen-âge. Mais des embellissements successifs ont fait disparaître ces vieilles maisons, jadis semblables à des voisines médisantes l'une se penchant vers l'autre, et aujourd'hui le noir et triste faubourg a fait place à une voie plus large, plus remplie d'air et de soleil.
Au milieu de la rue Saint-Nicolas, on rencontre une petite place qui porte encore le nom de Cimetière Saint-Nicolas [Note : Il est fait mention, dès l'an 1256, du Cimetière Saint-Nicolas. (Charte de Saint-Melaine ; Arch. départ., 1 H, 28). Au XVIème siécle, cette place portait également le nom de place du Cimetière. — « La place qui est au-devant l'église appellée ordinairement cimetière, » dit un procés-verbal de 1739] et près de laquelle on remarque aussi un vieux donjon presbytéral bâti en 1636. Au fond de cette place, à peu près à l'endroit où s'élève la maison d'un ancien maire de Montfort, se trouvaient le prieuré et l'église paroissiale que « le miracle » de la Cane a rendue si célèbre dans notre pays.
Cette église, d'abord simple chapelle, ne fut érigée en paroisse que plusieurs siècles après Saint-Jean.
Le Garun servait alors de limite à la paroisse de Bédée, et les habitants qui se réfugièrent à l'ombre du nouveau château de Montfort durent nécessairement construire leurs demeures - de ce côté - sur le territoire de cette dernière. D'après un archéologue contemporain, la chapelle de ces nouveaux venus fut construite vers 1105, mais les anciens aveux sont muets sur ce point, et ce n'est que vers l'an 1150 qu'il en est fait mention, pour la première fois, dans les actes de Saint-Melaine, sous le nom de « chapelle Sainct-Nicolas » [Note : « Ecclesiam de Bedesq, et capellam Sancti Nicholas de Montis fortis ». (Cartulaire de Saint-Melaine, 185)]. Elle était alors desservie par les moines qui possédaient la paroisse de Bédée et bâtirent un petit prieuré avec le consentement du baron de Montfort. De longues contestations s'élevèrent d'ailleurs, à cette époque, au sujet des moines de Saint-Melaine, et ce ne fut qu'en 1187 que ceux-ci furent définitivement confirmés dans toutes leurs possessions par le Pape et l'évêque de Saint-Malo.
Bientôt la chapelle primitive fut érigée en église paroissiale et continua d'être desservie par le prieur de Saint-Nicolas. De vieilles chartes rapportent que, vers ce temps, de vives discussions eurent lieu entre ce dernier et plusieurs seigneurs du voisinage. Ceux-ci envahirent l'église en 1275 et ravagèrent le prieuré. Mais ils furent condamnés à payer une forte somme, à faire amende honorable et à réparer tous les dégâts qu'ils avaient causés [Note : Cartul. de Saint-Melaine, titre de l'an 1275. — F. Oresve, p. 254].
Ce fut seulement au XIVème siècle qu'on nomma des prêtres séculiers pour l'administration spirituelle, et le premier recteur connu fut Jean Le Lyonnais, qui prêta serment entre les mains de l'abbé de Saint-Melaine en 1468. Le prieur se réserva le temporel et s'engagea dès lors à fournir une somme de trois cents libres au clergé paroissial. Depuis cette époque, il y eut à la fois, dans la paroisse, un prieur et un recteur, et plus tard un vicaire, mais le prieur conserva, comme par le passé, la supériorité et le titre de curé primitif.
Ce prieur résidait dans le manoir attenant au chœur même de l'église, et possédait les vastes jardins qu'on a, depuis ce temps, transformés en parc ou en prairies, et qui longent les rives du Meu et du Garun. Il avait, en outre, droit de moyenne justice dans le faubourg, et y faisait tenir une foire célèbre qui s'est conservée jusqu'à nos jours [Note : Le 6 décembre, foire dite de Saint-Nicolas]. Ses revenus étaient considérables, mais il avait un certain nombre de charges [Note : Les revenus du prieur montaient à trois mille livres, d'après un aveu de 1729. Le recteur en recevait trois cents et le vicaire cent cinquante] et devait, outre l'entretien du clergé, fournir la subsistance d'un maître d'école et nourrir le prédicateur qui prêchait le Carême et les fêtes de la paroisse. Quand il cessa de résider habituellement à Montfort, il fut obligé d'y avoir un chapelain, qui logeait au prieuré et distribuait les aumônes en son nom. Le dernier prieur fut le bénédictin Laurent Gallais, et le dernier recteur Pierre Busnel, qui gouverna la paroisse jusqu'à la Révolution. Ce recteur accueillit d'abord avec un certain enthousiasme le nouvel ordre de choses et fut même chargé par la Municipalité de prendre soin de l'église Saint-Jean en 1791 [Note : Voir Arch. municip., procès-verbaux de 1791] ; mais, peu de temps après, Pierre Busnel refusa de prêter le serment exigé par la loi et préféra s'exiler à Jersey avec l'abbé Lemoine, aumônier des Ursulines de Montfort.
La paroisse Saint-Nicolas, qui fut alors supprimée [Note : L'église fut déclarée bien national et fermée définitivement en 1792. Le logis presbytéral devint une maison d'école en 1793], était en réalité la plus intéressante et la plus fréquentée de Montfort. Indépendamment du célèbre pèlerinage de la Cane, elle était par elle-même l'édifice religieux le plus remarquable de la cité, et à ce titre méritait d'être conservée, au moins comme souvenir historique [Note : Voir, par ailleurs, la description de cette église]. Les acquéreurs en décidèrent autrement. L'église, vendue comme bien national et achetée par le citoyen Guicheteau, ancien « agent national, » fut démolie avec le prieuré pendant l'année 1800. Depuis lors, il ne reste plus de traces du vieux prieuré de Saint-Nicolas, qui a été transformé en vastes jardins, et l'étranger chercherait en vain la place qu'occupait le sanctuaire si vénéré de nos pères et qui fut si longtemps la gloire de Montfort [Note : Il serait à souhaiter qu'une plaque commémorative rappelât en ce lieu l'existence de l'ancienne église Saint-Nicolas, comme on le fait dans beaucoup de villes pour perpétuer le souvenir d'un grand homme ou d'un événement historique. Nous soumettons cette réflexion à l'intelligence du Conseil Municipal].
A côté de l'ancienne église et du prieuré lui-même s'élève l'hôpital de la ville, agrandi et restauré grâce à la générosité délicate et intelligente d'une bienfaitrice des pauvres, à qui l'on doit le beau monument de la rue Saint-Nicolas. L'abbé Oresve dit qu'on ignore absolument l'origine de cette maison. Cependant, les traditions locales nous permettent de croire qu'elle fut fondée au XIVème siècle pour loger les pèlerins qui se rendaient à Saint-Méen. Plus tard, on y ajouta une salle destinée à recevoir les infirmes et les indigents de Montfort, et dans la suite, perdant son caractère primitif, cet établissement devint simplement l'hospice des trois paroisses de la ville. Il était alors dirigé par un bureau composé des recteurs, prêtres et principaux notables de Montfort, sous la présidence du sénéchal [Note : Lettre à l'intendant de Bretagne, 1719]. Aucune congrégation religieuse ne s'occupait à cette époque d'une façon spéciale du soin des malades : aussi la maison était-elle confiée à un simple gardien, qui appelait à son aide quelques âmes dévouées du faubourg. Au XVIIème siècle, dit M. G. de Corson, l'hôpital avait cinq cents livres de revenus et renfermait douze lits. De plus, le gardien était encore tenu d'offrir un sol aux pèlerins de Saint-Méen, de les nourrir, de les coucher à leur passage et de secourir gratuitement les indigents de Montfort.
Vers le milieu du XVIIIème siècle, le Parlement exigea que la somme fournie par le recteur de Saint-Nicolas pour soulager les pauvres à domicile fût désormais affectée directement à l'hôpital. Cet arrêt, daté du mois de juillet 1744, portait en outre que le bureau serait composé du sénéchal, du procureur fiscal, d'un recteur de Montfort siégeant alternativement, d'un échevin et d'un notable de Saint-Jean, Saint-Nicolas, Coulon et Bédée [Note : Cette paroisse avait droit à un lit].
Or, à cette époque, le vieil hospice était dans un état précaire, et les bâtiments, trop étroits d'ailleurs, tombaient en ruines. Aussi un recteur de Coulon, Mathurin Dousseau, se chargea de les reconstruire ; il fit restaurer à ses frais l'aile orientale, bâtit la chapelle actuelle [Note : L'ancienne chapelle avait été élevée par les seigneurs de Montfort, dont les armoiries étaient peintes sur la principale verrière. (Arch. départ., C, 1269)] et légua à l'hôpital toute sa fortune. Un édit royal de 1776 confirma cette fondation. En retour, le recteur de Coulon demanda et obtint que cet établissement fût désormais dirigé par une congrégation religieuse, et il appela les Sœurs de la Sagesse [Note : Cette congrégation était l'œuvre du Bienheureux Grignon de Montfort], qui prirent aussitôt possession de la maison.
Cette restauration, qui avait si bien réussi, inspira au généreux prêtre la pensée d'adjoindre à l'hôpital une œuvre d'un autre genre. Il voulut bâtir une maison de Missionnaires chargés d'évangéliser le diocèse [Note : Montfort faisait alors partie du diocèse de Saint-Malo] de Saint-Malo. Mais l'évêque engagea le vénérable recteur à fonder tout simplement une maison de retraite, et Mathurin Dousseau se rendit à son avis. Quelques prêtres séculiers y furent appelés, et le recteur de Bédée, J. du Boishamon, en fut le premier supérieur, fonctions qu'il transmit bientôt au fondateur lui-même, qui dirigea la nouvelle œuvre jusqu'à l'époque de la Révolution.
Nous ne saurions trop signaler à la reconnaissance publique le nom de cet homme de bien, qui prodigua sans compter sa fortune et ses talents pour ses concitoyens, et qui vraiment se sacrifia lui-même pour sa ville natale. Mathurin Dousseau, aujourd'hui bien ignoré à Montfort, mérite cependant de n'être pas oublié : il fit le bien sans recherche de lui-même, avec ce dévonement persistant qui est la marque des grandes âmes, avec cette générosité délicate et oublieuse d'elle-même qui est la plus belle efflorescence de la charité.
Depuis ce temps, l'œuvre de l'abbé Dousseau n'a cessé de prospérer. Chassées pendant la Révolution [Note : En 1792 et les années suivantes, une partie de l'hôpital servit au logement des troupes. La chapelle fut désaffectée et devint un temple décadaire, puis le temple spécial de l'Être Suprême], les Sœurs de la Sagesse sont rentrées dans leur établissement. La maison de retraite subsiste encore, l'hôpital a été agrandi et embelli, la chapelle, après avoir servi de temple de l'Être Suprême, a été rendue au culte et restaurée, et les religieuses qu'avait appelées M. Dousseau continuent de donner aux malheureux le pain du corps, aux petits celui de l'intelligence, et à tous, ce qui vaut mieux encore, le pain délicieux de l'espérance et de la consolation dont l'humanité souffrante aura toujours besoin ici-bas.
Aujourd'hui, le vieux faubourg s'est agrandi à son tour et a forcé la paroisse de Bédée de reculer ses limites au-delà de la gare. De belles constructions ont remplacé les sombres masures d'autrefois. La rue s'est étendue du côté du Nord, coquette, spacieuse, égayée par les fleurs du square et les arbres verts du boulevard Carnot. L'ancien Saint-Nicolas a complètement disparu, et l'étang ne baigne plus de ses eaux claires les jardins de la rue et les murs du prieuré. Seul le vieux donjon du cimetière, contemporain, lui aussi, du pèlerinage de la Cane, semble étonné de se trouver debout encore dans ce petit coin de Montfort, jadis si fréquenté, et que le temps et les hommes ont transformé en sanctuaire mystérieux de l'indifférence et de l'oubli.
(E. Vigoland).
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