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COMTÉ DE MONTFORT-L'AMAURY et ses annexes

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COMTÉ DE MONTFORT.

[Note : . Les archives de Seine-et-Oise n'ont pas les titres de Montfort. Ces titres étaient, jusqu'en 1561, gardés au trésor des chartes de Bretagne, qui prétendait les conserver. Le 5 mai de cette année, sur l'ordre itératif du Roi, ils furent remis à deux maîtres de la Cour des Comptes de Paris venus à Nantes pour les réclamer. Il en reste à Nantes un inventaire. E. 245. — Il est probable que tous les titres ont péri dans l'incendie de la cour des Comptes de 1737. M. le comte de Dion, inspecteur général de la Société française d'archéologie, président de la Société archéologique de Rambouillet, etc., qui habite Montfort l'Amaury, essaye de suppléer à l'absence des titres : il a recueilli un très grand nombre de pièces et notes sur l'ancien comté, et en a tiré de nombreuses et très instructives études. L'obligeance du comte de Dion égale son érudition. En réponse à mes questions, il a bien voulu m'adresser jusqu'à neuf brochures sur l'objet de mon étude et j'en ai tiré grand profit].

Le nom orgueilleux de Montfort (Mons fortis) a été porté par plusieurs seigneuries que distinguent leurs surnoms. C'est ainsi que la seigneurie dont nous parlons a été surnommée l'Amaury, du prénom souvent porté par ses seigneurs [Note : En Bretagne, une seigneurie du nom de Montfort était surnommée la Cane. (Sur ce surnom et la légende, M. de Courcy. Itinéraire de Rennes à Brest, p 9). Son chef-lieu nommé aujourd'hui Montfort-sur-Meu est chef-lieu d'arrondissement d'Ille-et-Vilaine. Quoi qu'on ait dit et imprimé, Montfort la Cane n'a pas été le berceau de la famille ducale de Montfort et même ne lui a jamais appartenu. Cette seigneurie datant du XIème siècle au moins, (M. de la Borderie. Bretagne féodale, p. 31, note 2) comprenait au moins 22 paroisses. (Id. p. 120). Le seigneur de Montfort possédait d'autres seigneuries, notamment Lohéac plus ancienne encore (1008). (Id. p. 31 note 1), et comprenant 10 paroisses (id. p. 186). En 1404, Jean, seigneur de Montfort et Lohéac, épousa Anne de Laval, devenue seule héritière de Guy XII, seigneur de Laval, Vitré, etc., et de Jeanne de Laval-Châtillon qui, en premières noces avait été femme du connétable du Guesclin. Jean de Montfort prit les armes de Laval, et le nom de Guy XIII. Il mourut dés 1415.

La seigneurie de Lohéac passa à son second fils, André, connu sous le nom de maréchal de Lohéac. Montfort avec Laval, etc., appartint à l'aîné Guy XIV. puis à ses descendants Guy XV, Guy XVI, Guy XVII, Guyonne morte sans enfants. Après elle, Montfort restant uni au comté de Laval passa par héritage aux Rieux, puis Coligny, puis La Trémoille. J'ai insisté sur ce point parce que plusieurs voient dans Montfort-sur-Meu le berceau de nos ducs Montfort. Que la similitude des noms trompe le vulgaire, cela se comprend ; mais ce qui se comprend moins, c'est que des livres classiques enseignent ces erreurs. — Bouillet approuvé par tant de ministres de l’instruction publique (25ème édition 1876). « Montfort (comtes de). — Famille bretonne qui tirait son nom de Montfort-sur-Meu.... eut pour chef Jean, 3ème fils du duc de Bretagne Arthur II et frère consanguin de Jean III »].

Montfort l'Amaury, chef-lieu de l'ancien comté, est aujourd'hui une petite, ville chef-lieu de canton de Seine-et-Oise, sur le chemin de fer de Paris à Granville, à 45 km. de Paris. Le comté s'étendant au sud de son chef-lieu était compris en majeure partie dans le triangle dont la base est la limite des départements de Seine-et-Oise et Eure-et-Loir, et les côtés les deux voies ferrées qui se séparant à Saint-Cyr se dirigent sur Granville et Brest ; au sud de cette dernière ligne le comté se prolongeait jusqu'au-delà de Rochefort et Saint-Arnoul.

Au IXème siècle, ce pays portait le nom d'Yveline, écrit depuis Iveline. Les noms de Saint-Léger en Iveline, Saint Arnoul en Iveline, Rochefort en Iveline, gardent le souvenir et marquent la place de ce canton. L'Iveline entourait ces trois localités et comprenait une grande forêt dite d'abord d'Iveline, puis de Montfort, et dont la forêt de Rambouillet est le reste le plus important.

L'Iveline entra dans l'apanage de Robert, fils de Hugues Capet. Saint-Léger, vers le centre de la forêt, avait un château royal ; et, pour en assurer la défense, Robert avant d'être roi, c'est-à-dire avant 997, construisit deux châteaux-forts, l'un à Montfort vers la lisière nord de la forêt sur la route de Paris, l'autre à Epernon sur la route de Chartres. Il confia la garde de ces deux forteresses à un chevalier réfugié en France, nommé Guillaume de Hainaut.

Monté sur le trône, Robert continua à faire de fréquents séjours à Saint-Léger, où il retrouvait, avec ses souvenirs de jeunesse, son ancien précepteur, Hugues de Beauvais, devenu son conseiller.

Robert, en gardant Saint-Léger, avait donné à Hugues une partie de l'Iveline avec Nogent l'Erambert (depuis Nogent-le-Roi), Montfort et Epernon. Hugues périt assassiné en l'année 1008. Ses possessions d'Iveline passèrent à une de ses filles, mariée à Guillaume de Hainaut ; et leur fils Amaury hérita de sa mère Montfort et Epernon.

Il fut le premier seigneur de Montfort (1022-1060) [Note : Moréri donne ce titre à un certain Amaury de Hainaut, qui aurait été père de Guillaume, père d'Amaury Ier. Le comte de Dion repousse cette affirmation, et par de bonnes raisons. Hugues de Beauvais, p. 9]. Sa postérité allait grandir. Au XIIème siècle, son quatrième descendant, Amaury III devenait comte d'Evreux (1118). Le petit-fils de celui-ci fut le célèbre Simon, chef de la croisade contre les Albigeois, vainqueur en plusieurs rencontres, notamment à Muret (1213), et tué devant Toulouse (1218). Il eut pour fils Amaury V, qui allait devenir connétable de France (1230).

Amaury renonça en faveur du roi Louis VIII à ses prétentions sur le comté de Toulouse (1224). En récompense le Roi érigea Montfort en comté, peu de de temps après [Note : L'acte n'existe plus, et la date certaine n'est pas connue. Amaury prend le titre de comte dans une charte de mai 1226. Comte de Dion. Fiefs de Montfort, p. 2].

Mais la seigneurie érigée en comté n'était plus seulement Montfort et Epernon, comme au temps d'Amaury Ier. Depuis cette époque elle s'était accrue par l'accession de trois châtellenies [Note : Le mot châtellenie peu employé, tardivement usité en Bretagne, et mal accueilli de d'Argentré et d'Hévin, était de bonne heure usuel en France. Malgré les plaisanteries de d'Argentré (art. 359-A. C.) le mot est très commode pour dire seigneurie ayant château fort et haute justice. (Hévin. Questions p. 7 n° 10). La faute a été de décorer par vanité du titre de châtellenies des seigneuries même ayant haute justice mais sans château fort].

C'est d'abord Houdan, devenu dès 1090, le partage du plus jeune de quatre frères, qui succédant à ses trois aînés devint seigneur de Montfort en 1105, Amaury III [Note : Frère de la reine Bertrade, femme de Foulques d'Anjou, enlevée par Philippe Ier qui l'épousa et fut excommuniée pour ce fait. Après la mort du Roi, Bertrade fit avec son frère des fondations religieuses à Montfort (vers 1115). Fiefs de Montfort, p. 18].

C'est Rochefort en Iveline que son mariage avec Agnès de Garlande apporta au même Amaury, en 1120 [Note : Jusqu'au XIIème siècle, Rochefort avait eu des seigneurs particuliers. L'un d'eux, Guy Le Rouge, fonda, en 1104, le prieuré de Saint-Martin de Brethencourt. Fiefs de Montfort, p 30].

C'est enfin Saint-Léger que, en 1204, Simon de Montfort reçut en échange du roi Philippe Auguste [Note : Sauf une partie que le connétable Amaury acquit plus tard (Nantes, E. 225)].

Le nouveau comte s'empressa de faire dresser un état général de ses vassaux et de leurs redevances [Note : Scriptum feodorum de Montis fortis. D. Morice en a donné un extrait (Pr. I. 1101), à la suite d'un aveu rendu à Béatrix de Montfort dont nous allons parler. Mais il ne donne que les noms des vassaux sans donner le détail des fiefs et les noms des arrière-vassaux] (vers 1230). L'état mentionne les cinq châtellenies de Montfort, Epernon, Houdan, Rochefort et Saint-Léger ; et, outre les châteaux-forts chefs-lieux de chacune de ces seigneuries, il en mentionne un sixième, Gambais, dont nous allons parler [Note : D. Morice, (Pr. I, 1101), de même Inv. som. Nantes, (E. 156) écrivent Gambes. Le nom est Gambais, au IXème siècle, Wambarium (Comte de Dion)].

Ces cinq châtellenies très inégales comprenaient en tout plus de 200 fiefs et de 150 arrière-fiefs [Note : Châtellenie de Montfort : 90 fiefs et 43 arrière-fiefs. Châtellenie d'Epernon : 66 fiefs et 57 arrière-fiefs. Châtellenie de Houdan : 19 fiefs. Châtellenie de Rochefort : 31 fiefs et 50 arrière-fiefs. Châtellenie de Saint-Léger : 6 fiefs et 4 arrière-fiefs. Avant 1317, 10 fiefs furent détachés de Montfort pour être réunis à Saint-Léger. Comte de Dion. Fiefs de Montfort, p 4]., elles s'étendaient sur cent et quelques paroisses ; et étaient réparties inégalement entre 42 justices, dites bailliages ou prévôtés [Note : Ce dernier renseignement est emprunté à un Etat des justices du bailliage supérieur de Montfort dressé en 1553 (Comte de Dion. Fiefs de Montfort § V). L'état comprend en plus les justices et paroisses d'une seigneurie nommée Néaufle dont nous parlerons plus tard. En retranchant, comme je fais, ce qui concerne Néaufle les chiffres de 1553 reproduisent avec une suffisante exactitude les chiffres de l'état de 1230. L'état de 1553 compte 126 paroisses. Un autre état de 1556 en compte 116 (en retranchant Néaufle). Les trois ordres de Montfort. § IV. Fiefs de Montfort].

Amaury mourut comme il revenait de Palestine, en 1239. Il laissait un fils, Jean, qui devint comte de Montfort, et trois filles Alix, Marguerite et Laure.

En 1248, Alix fut mariée à Simon de Clermont, depuis connétable de France ; et il lui fut assigné pour dot et droits héréditaires la plus grande part de la châtellenie de Houdan, réserve faite de l'hommage et de la justice.

L'année suivante, Jean, qui avait suivi saint Louis à sa première croisade, mourut dans l'île de Chypre, laissant une fille unique, Béatrix.

A la mort de leur frère, Marguerite et Laure réclamèrent leur part de la succession paternelle. Pour allotir Marguerite, une trentaine de fiefs furent détachés de Houdan, Montfort et Epernon, et formèrent une châtellenie nouvelle qui prit le nom du château devenu son chef-lieu, Gambais. Ce qui resta d'Epernon fut attribué à Laure. Montfort, Saint Léger fondu avec Montfort, et Rochefort appartinrent à leur nièce, Béatrix.

Celle-ci épousa Robert III, comte de Dreux, qui la laissa veuve le 14 novembre 1282 ; et, quelques mois plus tard, le 9 mars 1283 (n. s.), elle reçut l'hommage des vassaux du comté [Note : C'est à cette prise de possession que se rapporte l'acte que D. Morice a donné (Pr. I, 1101), et qu'il date de 1292 : erreur certaine, démontrée par le comte de Dion. Parmi les vassaux de Montfort figure en première ligne « le maréchal de Mirepoix ». Il ne s'agit pas d'un maréchal de France, mais du maréchal de la foi : titre donné à Guy de Levis, seigneur de Mirepoix, en souvenir du commandement de l'armée contre les Albigeois. Ce titre fut conservé dans la maison de Levis et était porté par le marquis, puis duc de Mirepoix, maréchal de France, en 1757].

Lorsque Béatrix mourut après son fils en 1315, un partage fut fait (1317) entre ses deux filles : Yolande, l'aînée et principale héritière, duchesse de Bretagne, hérita Montfort et Saint-Léger ; Jeanne, comtesse de Roucy, reçut en partage Rochefort. — Gambais, Epernon et Rochefort restèrent, comme Houdan, attachés au comté par la foi et l'hommage [Note : La comtesse de Roucy laissa un tiers de Rochefort, dit fief de Craon, à sa fille Béatrix mariés à Amaury III, seigneur de Craon. Cette partie releva du Châtelet de Paris. Fiefs de Montfort, p. 22].

Plus tard nous dirons en quelques mots le sort des trois premières seigneuries, et nous étudierons Houdan avec quelque détail.

Même après ces quatre démembrements de Houdan, Gambais, Epernon et Rochefort, le comté de Montfort resta une importante seigneurie avec le château dont « les ruines semblent encore régner sur toute la contrée » (Elisée Reclus, France, 739. Cf. Victor Hugo, ode 18°, livre V : Aux ruines de Montfort l'Amaury), et l'immense forêt qui, quatre siècles plus tard, mesurait encore 12.700 arpents [Note : 6.350 hectares. Vente au comte de Toulouse, 29 décembre 1706, pour 751.546 livres. — Fiefs de Montfort. p. 97]. Après Limoges, Montfort était la plus importante seigneurie française dont les ducs de Bretagne aient eu à faire hommage lige au Roi.

Quel était le revenu ordinaire du comté ? Nous n'avons pas trouvé une évaluation même approximative de ce revenu ; mais nous en avons un équivalent. Nous voyons en effet qu'en 1315, après la mort de Béatrix, la duchesse Yolande devait, à cause de Montfort, un droit de rachat ou relief de 6.000 livres [Note : Sursis accordé au duc de Bretagne Arthur II pour 6.000 livres de rachat du comté de Montfort (Nantes, E, 245)]. Or, le droit de rachat était à Montfort, comme en Bretagne, égal au revenu d'une année [Note : « Le droit de rachat est le revenu du fief d'un an, ou le dire de prud'hommes, ou une somme pour une fois offerte de la part du vassal, au choix et élection du seigneur ». Poullain du Parc sur l'art. 67 de la Nouvelle coutume, I, p. 273, n° 4. — L'auteur cite ensuite, comme conforme à cette règle bretonne, la coutume de Montfort, art. 31. Ne seraient-ce pas nos ducs qui auraient exporté cette règle à Montfort ?].

Le revenu de Montfort était donc en 1315, de 6.000 livres environ, au moins 300.000 fr. de notre monnaie (en 1897). Le produit de la forêt devait être compté pour beaucoup dans ce revenu, puisque au XVIème siècle, bien que notablement diminuée, la forêt rapportait beaucoup d'argent à François Ier et Henri II [Note : Morice, Pr. III, 1415. Mémoire pour Renée de France, duchesse de Ferrare].

Les comtes de Montfort paraissent avoir fait de cette richesse un usage généreux. Avant 1239, il y avait à Montfort un hôtel-Dieu, que le connétable Amaury dota cette même année ; avant 1283, le même lieu avait une maladrerie. Ces établissements de charité se multiplièrent, et un acte de 1556 énumère dans le comté six hôtels-Dieu et huit maladreries (Comte de Dion. L'hospice de Montfort Amaury, p. 10).

Le comté renfermait aussi plusieurs abbayes et nombre de couvents et prieurés, tous secourus ou dotés, et plusieurs fondés par la maison de Montfort, notamment le prieuré de Saint-Laurent établi dans le château même de Montfort [Note : Un don original fait au prieuré de Saint-Laurent par Amaury III : « L'épaule droite des cerfs tués à la chasse, toutes les fois que les chiens ont couché la nuit précédente à Montfort, Saint-Léger, Gambais.... » et six autres lieux désignés. Amaury Ier, premier seigneur de Montfort, en même temps qu'il édifie l'église paroissiale de Saint-Pierre à, Montfort, fonde le prieuré de Saint-Laurent, dans le château de Montfort et celui de Saint-Thomas au pied du château d'Epernon (1052). Fiefs de Montfort, p. 19].

Les ducs de Bretagne étaient représentés dans ce lointain domaine par un officier qui reçoit dans les actes le titre de gouverneur, lorsque les commandants militaires des plus grandes places de Bretagne sont dits simplement capitaines. En effet, le gouverneur d'une seigneurie située si loin du duché n'en avait pas seulement la garde, mais encore l'administration et la justice. Ces gouverneurs furent souvent bretons, et parmi eux figure un homme de guerre de haute renommée [Note : Brient de Lannion, gouverneur en 1373. — Le fameux Tugdual de Kermoysan, dit le Bourgeois, sous le duc François Ier, 1450. — 1474-75. « Institution de gouverneur pour Raymond du Bouessy, capitaine des archers du duc François II, vacant par le trépas de Philippe des Essars ». Morice. Pr. III, 282-283].

Les ducs entretenaient aussi un bailli général et un procureur général du comté, attachés à la justice de la châtellenie de Montfort, justice suprême jugeant sur appel toutes les sentences rendues par les bailliages et prévôtés des cinq châtellenies du comté [Note : « Inst. de Henri M..., secrétaire du duc (François II), bailli général des terres de Montfort, Saint-Léger, Néauphle, Houdan et Gambes. Commission à Jean de la Noë, procureur du comté ». Nantes, E. 156). L'extrait des bailliages publié aux Fiefs de Montfort, V, est intitulé : « Extrait des bailliages, prévostés et autres justices royales et non royales ressortissant par appel devant le bailly de Montfort l'Amaury, Gambais, Saint-Léger et Néauphle le Chastel (1553) ». Faut-il conclure de là que les sentences des seigneuries inférieures sont portées directement au bailli de Montfort sans passer par l'intermédiaire du bailliage de la châtellenie ? — Non. La règle est que l'appel va de degré en degré du juge inférieur au juge supérieur. Nous reviendrons sur les justices de Montfort].

Enfin il y avait à Montfort un intendant et un receveur dit général [Note : Morice. Pr. III, 263-264. Nous donnerons quelques autres détails ci-dessous].

Les ducs de Bretagne trouvèrent établis dans le comté de Montfort un droit féodal qu'ils n'exerçaient pas dans leur duché, et un usage féodal dont il n'existe aucune trace en Bretagne. — Un mot sur ce droit et cet usage.

Le droit était dit « droit du marc d'argent et cheval de service ». Il était dû à l'avènement de tout seigneur. — « C'était un souvenir des temps où tout vassal devait à son seigneur l'aide de sa bourse et de son épée. Au XIVème siècle, ce n'était plus qu'une redevance due à l'avènement du nouveau seigneur et réglée à quatre et trois livres dans des seigneuries contigües, et à deux livres seulement dans celle de Montfort » [Note : Comte de Dion. Un gros propriétaire au XIVème siècle, p. 8].

L'usage nous est révélé par l'acte d'hommage à la comtesse Béatrix. Cet acte commence ainsi : « Ce sont les hommages de la châtellenie de Montfort... ». Suit une liste de trente-sept vassaux se déclarant hommes liges, que suivent les cinq sergents fiécès (lisez fieffés) ou féodés du comté.

Le second alinéa commence ainsi : « Ce sont les mesons (maisons) assurées de Montfort ». Suit une liste de quatorze hommes qui assurent quinze maisons. De ces quatorze assurés deux sont qualifiés Monsieur ; un seul figure parmi les hommes liges nommés plus haut ; un seul assure deux maisons [Note : Il se nomme Robert Sans Avoir, surnom menteur pour lui, et plus menteur encore pour un personnage qui semble bien son auteur, que l'Etat de Montfort de 1230 nomme Guillelmus Sine Censu, et qui est homme lige du comte pour trois maisons, dont une, dite château, avait une clôture. Guillaume Sans Avoir était très riche, et chassait la grosse bête dans sa forêt de Nivard « Chassam ad grossum animal in nemore Nivardi, salvâ chassâ domini comitis, tenet de comite, et clausuram castelli ; et de hoc debet tres menses custodiae apud Montemfortem ». M. de Dion pense que « quelques assurés ne sont liés féodalement au comte que par l'assurement de leurs maisons ». Maison forte d'Orchamps, p. 11]. Des quinze maisons assurées huit ne sont pas isolées, à la campagne : trois d'entre elles sont situées dans un village, une ville, une agglomération quelconque, trois autres dans une seconde localité, deux dans une troisième.

Que sont les maisons ainsi assurées ? Ce sont des maisons fortes comme celles qui existaient en grand nombre en Basse-Bretagne et dont on peut voir aujourd'hui plus d'un specimen [Note : Je citerai comme exemples : Prat-an-roux, (le Temple des faux Dieux) auprès de Quimper, commune de Penhars, — Le Moustoir, commune de Saint-Evarzec, route de Concarneau. — Kernuz, près de Pont-l'Abbé, etc. — Un exemple de plusieurs maisons fortes dans un lieu d'agglomération : les maisons garnies de murs crénelés et à machicoulis du bourg de Penmarc'h].

Aux temps où nous reporte l'aveu de Montfort, tous avaient à se garder contre la violence ; mais tous ne pouvaient élever, entretenir et garder un château. On entourait sa maison d'un fossé, d'une clôture, ou bien on crénelait, on perçait de meurtrières ou d'archères même les épais murs de son habitation : ainsi munie la maison ne pourra pas, comme le château-fort, soutenir un siège ou un assaut ; mais elle pourrait résister à un coup de main [Note : Voir dans le chanoine Moreau (Histoire de la Ligue en Bretagne) le rôle des maisons fortes pendant les guerres de la Ligue, notamment la défense de la maison forte du Kergoet auprès de Carhaix, où était le chanoine, p. 86].

Or l'établissement de cette forteresse en miniature est soumise aux mêmes conditions que celui du château fort : il lui faut l'autorisation du souverain [Note : Le Parlement général de Bretagne (les Etats) proclament cette maxime et non comme une nouveauté, en 1386. — Morice. Pr. II, 524-525]. Le seigneur suzerain n'accordera l'autorisation qu'à la condition que la maison ne sera pas fortifiée à son préjudice ; et d'autre part le vassal a besoin que l'autorisation une fois accordée ne lui soit pas retirée.

De là le contrat d'assurance. Il oblige les deux parties. L'assuré s'engage « à ne pas augmenter ses défenses sans autorisation nouvelle, et à rendre la maison au seigneur en cas de guerre à première réquisition. Les héritiers auront la même obligation ».

Réciproquement, l'assureur promet de maintenir l'autorisation, et, s'il a occupé la maison, « de la rendre dans le même état » [Note : Extrait d'un contrat d'assurance de 1237 à propos d'une maison du comté de Montfort, publié par le Comte de Dion dans La maison forte d'Orchamps, p. 12. Il semble que ce contrat était susceptible de plusieurs modalités que révèle l'extrait vraiment insuffisant que D. Morice a donné de l'Etat de Montfort en 1230 (I. 1105)].

L'acte d'assurance ou assurement auquel j'emprunte ce qui précède, ne fixe pas de terme : il est probable que le terme sous entendu est l'avènement du seigneur auquel devra être rendu un nouvel aveu. L'assureur se lie, mais ne lie pas son successeur, Quant à l'assuré, ce qu'il lui faut, c'est le plus long terme : aussi, n'hésite-t-il pas à engager ses héritiers comme lui-même.

Après ces indications préliminaires, hélas ! trop incomplètes, disons ce que nous avons pu rassembler de l'histoire du comté de Montfort.

 

Nous avons vu le comté passer en héritage d'Yolande de Dreux, seconde femme du duc Arthur II, à son fils Jean, qui va devenir compétiteur de Jeanne de Penthièvre au duché de Bretagne. Reprenons l'histoire du comté à ce moment (1341).

Ce que nous avons dit de Limoges était vrai de Montfort. Le comté était aux mains du roi de France un gage de la fidélité des princes bretons. Une première saisie frappa le comté de Montfort quelques mois après la mort du duc Jean III.

Nous avons vu Jean, comte de Montfort, se faire proclamer duc à Nantes et former une petite armée. Ce fut l'oeuvre du mois de mai. En juin et juillet, dans une rapide chevauchée, il fit le tour de la Bretagne, se faisant ouvrir toutes les villes ducales moins Brest ; puis il passa en Angleterre où il obtint sans peine l'alliance d'Edouard III [Note : Les conventions passées entre le roi d'Angleterre et Montfort ne furent rédigées que le 24 septembre, après l'arrêt de Conflans (7 septembre) et la saisie du comté. (Morice. Pr. I. 1424)].

Imprudente démarche. De ce voyage Philippe de Valois conclut que le comte de Montfort avait fait hommage à Edouard pour le duché de Bretagne ; Jean de Montfort arrivé à Paris sur l'appel du Roi fut mal accueilli, se crut menacé d'arrestation, et, rompant la parole que le Roi lui avait demandée d'attendre l'arrêt des pairs, regagna précipitamment la Bretagne pour y préparer la guerre.

L'arrêt qui admet Charles de Blois à l'hommage est rendu le 7 septembre ; aussitôt le Roi saisit le comté de Montfort, et, le 26 septembre, l'armée royale marche sur la Bretagne.

Malgré les apparences, Montfort n'avait pas fait hommage à Edouard ; mais, quatre ans plus tard, après son évasion des prisons du Louvre (avril 1345), il passa en Angleterre et fit au Roi d'Angleterre l'hommage lige que nos ducs refusaient aux Rois de France ! [Note : « Je deviens votre homme lige de vie et mort, homme à vivre et mourir contre toutes gens ». Morice. Pr. I. 1449].

Rentré en Bretagne (juin) à la tête d'une armée anglaise, Jean de Montfort échoua devant Quimper et vint mourir à Hennebont (26 septembre).

Le comte avait retrouvé et laissé en Angleterre son héroïque femme frappée d'aliénation mentale, et son fils, enfant sous la tutelle d'Edouard [Note : Jeanne de Montfort avait été emmenée en Angleterre avec son fils par Edouard, après la trève signée à Malestroit le 19 janvier 1343 ; elle fut frappée de démence peu après (M de la Borderie, Cours d'histoire, II, 175 et 178) ; et ne rentra jamais en Bretagne. On voit combien il est inexact de dire avec les biographes que Jeanne soutint la guerre après la mort de son mari]. A la nouvelle de sa mort, Philippe de Valois s'empressa de renouveler contre l'héritier de Jean de Montfort la confiscation du comté. Le Roi donna Montfort à son petit-fils Charles, dauphin, qui fut depuis Charles V [Lobineau. Hist. 337].

Le jeune fils du comte de Montfort (depuis le duc Jean IV), était l'obligé des Anglais auquel il allait devoir le duché. Placé par son père sous la tutelle d'Edouard III, élevé auprès du prince de Galles, qui était de son âge, marié une première fois à une fille d'Edouard (1355), époux en secondes noces de Jeanne Holland, dont la mère était devenue femme du prince de Galles, le duc Jean IV fut « plus Anglais que Français » [Note : Paroles de Charles V mourant]. A supposer qu'il eût eu la possession de Montfort il aurait sûrement encouru, et très justement, la confiscation.

Dix-neuf ans plus tard, en exécution du traité de Brétigny (8 mai 1560), le Roi Jean rendit le comté à Jean de Montfort, à la condition qu'il lui en fit hommage. L'hommage fut rendu le 24 octobre suivant [Note : Morice, Pr. I, 1608-1610]. Toutefois il ne paraît pas que le comte ait eu aussitôt la libre possession du comté, puisque, le 19 avril 1362, le Roi ordonnait au bailli de Chartres et au bailli de Houdan de mettre le comte en possession [Note : Archives Loire-Inférieure, E. 245. Ce carton contient l'Inventaire des titres de Montfort aujourd'hui perdus. — Les citations qui suivent (E... .) se rapportent à l'inventaire sommaire des archives de la Loire-Inférieure].

Le traité de Guérande (avril 1365) fit Jean de Montfort duc de Bretagne ; et le nouveau duc avait à faire hommage à Charles V, sacré le 19 mai. Il demanda un sursis que, le 5 mai 1366, le Roi accorda (E. 245). Enfin, le 5 décembre suivant, Charles V reçut l'hommage de Jean IV, non sans se plaindre du peu d'empressement qu'il mettait à l'accomplissement de ce devoir [Morice, Pr. I, 1610].

C'était un premier indice des relations qui allaient suivre.

En 1369, quand la guerre reprit entre l'Angleterre et la France, Charles V voulut bien dispenser Jean IV de servir en personne, et lui permit de rester en Bretagne, à la condition de veiller à la garde des côtes (28 janvier 1370). C'était beaucoup de condescendance. Voici comment Jean IV y répondit. Il permit à une armée anglaise de débarquer à Saint-Malo et de traverser la Bretagne pour rejoindre le prince de Galles en Poitou ; et les chefs anglais, auxquels le duc avait souhaité la bienvenue, furent par lui festoyés à Nantes pendant trois jours [Lobineau. Hist. 394].

Cette félonie valut à Jean IV la confiscation de Montfort ; et le Roi donna le comté à Du Guesclin  qu'il  venait de faire connétable (1370) [Lobineau. Hist. 411]. Jean IV avait confié le gouvernement de Montfort à un chevalier breton, Brient de Lannion. Le connétable n'hésita pas à le continuer dans sa charge (1372) [Note : Lobineau (Hist. p. 411) dit 1373. Il faut dire avant le 7 juillet 1372. C'est la date d'une quittance signée par Brient de Lannion. M. de Couffon de Kerdellec'h. Chevalerie bretonne II. p. 282].

Bientôt Jean IV redoutant la juste colère de Charles V se jeta dans les bras d'Edouard. Le 19 juillet 1372, il conclut une alliance offensive et défensive avec lui ; et obtint, en paiement de cette alliance, l'abandon à perpétuité des Marches du Poitou. En même temps, par un prodige de duplicité, il envoyait au Roi de France ambassade sur ambassade, pour l'assurer de sa fidélité, et il osait lui demander des faveurs [Note : Lobineau, (Hist. p. 404. — Il demandait la restitution des terres du Réthelois et du Vermandois qu'il tenait de sa mère ; à défaut il demandait que le Roi l'acquittât de la rente de 10.000 francs que le traité de Guérande l'obligeait de payer à Jeanne de Penthièvre. — « S'il a laissé passer l'armée anglaise, c'est pour le service du Roi... Les Anglais feront moins de mal en Gascogne qu'ailleurs .. » (!)].

Un peu avant 1377, du Guesclin rendit le comté à Charles V, qui le lui paya 15.000 francs d'or. En prenant possession, le Roi maintint Brient de Lannion en fonctions, le chargeant de fortifier trois places du comté, Montfort, Saint-Léger et Gambais [Note : Morice. Pr. II, 182-183. — Il n'est pas question de Houdan qui ne faisait plus partie du domaine de Montfort, ni de Néaufle, qui n'y était pas encore uni. — La lettre de nomination est du 16 décembre 1378 probablement. L'acte est daté le 1380 (en chiffres romains) et XVème année du règne de Charles V. Le règne commença en avril 1364 : la quinzième année va du 8 avril 1378 au 8 avril 1379 et comprend décembre 1378. Or le vidimus de l'acte est daté du 18 décembre 1377 : il faut lire probablement 1378].

La trahison de Jean IV fut ébruitée : en 1378, le duc fuyant devant l'indignation de la Bretagne allait chercher asile en Angleterre ; et les villes bretonnes ouvraient leurs portes à du Guesclin commandant l'armée française ; Charles V, démentant cette fois son surnom de sage, faisait ordonner la confiscation et la réunion de la Bretagne à la France (arrêt du 18 décembre 1378), comme si le départ du duc avait laissé le duché sans maître [Note : Voir les objections à cette décision dictée par Charles V au parlement: Chronicon briocense dans Preuves de D. Morice I, 50-51-52 ; et M. de la Borderie, Cours d'histoire, II, 22 et suiv.].

On sait comment tous en Bretagne, nobles et roturiers, accueillirent la déclaration royale ; et comment, voulant rester Bretons, ils rappelèrent Jean IV. A ce moment Brient de Lannion quittant le service du Roi vint se ranger sous la bannière bretonne [Note : M. de Couffon de Kerdellec'h... II, 283. — Il servait sous du Guesclin avec neuf écuyers en 1378. Morice. Pr. II, 392].

La mort de Charles V survenue le 13 juillet 1381 simplifiait la situation. Charles VI parut aller au devant d'un apaisement. Dès le 21 septembre, il signait des lettres patentes donnant commission à Pierre, seigneur de Chevreuse, de faire délivrance au duc de Bretagne du comté de Montfort ; et le seigneur de Chevreuse donnait mandement aux capitaines des places et châteaux de les ouvrir au duc (E. 245). Le 27 septembre, Jean IV reçu en audience royale obtenait son pardon, et faisait hommage pour la Bretagne [Morice, Pr. II. 376].

Enfin, le 15 janvier suivant (1382 n. s.), un traité de paix fut signé ; il fut ratifié le 4 avril, avant-veille de Pâques, à Notre-Dame la Blanche de Guérande. — Quelques jours après, à la Quasimodo, le duc allait recevoir les hommages du comté (E. 245).

Sept ans plus tard, lorsque, de son troisième mariage avec Jeanne de Navarre, Jean IV eut un fils, Pierre nommé depuis Jean, et qui allait être Jean V, le duc s'empressa de lui donner le titre de comte de Montfort (24 décembre 1389) [Lobineau. Hist. 471].

Au mois de janvier 1392, à Tours, le duc Jean IV négociait le mariage du jeune comte de Montfort avec Jeanne de France, seconde fille du roi Charles VI. Le comte de Montfort devant être duc de Bretagne, son père déclarait réserver le comté de Richemont pour son second fils Arthur, le futur connétable, qui en portait déjà le titre ; les terres de Chantocé et de Retz étaient destinées au troisième qui allait naître, et le comté de Montfort devait appartenir au quatrième [Note : Lobineau. Hist. 479. Le troisième fils fut Gilles, né en 1394, sgr de Chantocé, qui parut à peine à la guerre et mourut à dix-huit ans, en 1412. — Le quatrième fils fut Richard, né en 1395, père du duc François II. Comme nous allons voir, il ne fut pas comte de Montfort].

Le Roi avait en même temps ménagé la paix entre le duc, le comte de Penthièvre et le connétable de Clisson. Mais, quelques mois après, le coup de poignard de Pierre de Craon avait ravivé la querelle du duc et du connétable [Note : La tentative d'assassinat est du jour de la fête du Saint-Sacrement. C'était le 13 juin, Pâques étant en 1392, le 14 avril].

En 1387, le duc avait traîtreusement arrêté Clisson à Vannes. Le Roi avait paru assez peu sensible à l'injure faite à son connétable, bien que cette félonie eût fait manquer l'expédition projetée en Angleterre [Note : Tout était prêt au port de Tréguier, (Lobineau, Hist. 454) et jamais Jean IV n'a peut-être plus utilement servi les intérêts de l'Angleterre]. En 1392 au contraire, le Roi soupçonnant le duc de complicité avec Pierre de Craon, promit à Clisson une vengeance éclatante ; et à la tête d'une armée il approchait de la frontière bretonne, lorsqu'il fut frappé de démence (août 1392).

Bien que nous n'en ayons aucune preuve, il semble que Montfort dût être de nouveau saisi ; mais la démence du Roi, en même temps qu'elle amenait l'abandon de l'expédition, dut produire la levée de la saisie.

Du moins, en 1397, le duc avait-il la possession du comté. Il avait changé les dispositions annoncées en 1392, et donné Montfort à son fils aîné ; le 13 août 1397, il confirmait ce don (E. 245) ; et l'année suivante, ayant le bail du jeune comte de Montfort, il nommait Guy Raoul et Jean Verdier ses procureurs pour soutenir les procès du comté de Montfort, et des autres terres hors du duché (E. 245).

Jean V déclaré majeur et mis en possession du duché, en 1403, suivit l'exemple de son père. Au lieu d'assigner le comté de Montfort à son plus jeune frère, Richard, quatrième fils de Jean IV, il donna le titre de Montfort à son fils aîné, depuis François Ier, le jour même de sa naissance (1410) [Note : Cela résulte des lettres du 18 mai 1414, par lesquels le duc confirme les privilèges accordés à Nantes, « à la joyeuse nativité du comte de Montfort ». Actes de Jean V n° 1168. Ed. des Bibliophiles bretons. Le 10 janvier 1431, le duc maria le comte de Montfort à Yolande d'Anjou, et la jeune comtesse mourut le 17 juillet 1440 au manoir de Plaisance près de Vannes. Ce titre de comtesse de Montfort a donné lieu à une singulière méprise. Un auteur a cru qu'il s'agissait de « la célèbre comtesse de Montfort » mère de Jean IV. Il la fait ainsi mourir cent onze ans après son mariage en 1329. Littoral de la France. II. p. 150] ; mais il en garda la jouissance jusqu'à la majorité de son fils.

Un peu après, on voit le roi Charles VI accorder à Jean V la moitié des aides perçues dans le comté de Montfort, pour y être employée aux réparations des forteresses du comté, et vers le même temps lui accorder pour le même objet une somme de 1.200 livres (environ 50.000 fr. de notre monnaie en 1897) (E. 215).

Nous verrons plus tard le duc François Ier arrondir ses possessions de l'Ile-de-France en acquérant (1445) une seigneurie contiguë à Montfort, nommée Néaufle-le-Châtel, et un peu après (1450) des droits dans la seigneurie de Houdan.

Pierre II et Arthur III gardèrent pour eux le titre de comte de Montfort. François II le donna au fils né de Marguerite de Bretagne, le 29 juin 1463 ; mais l'enfant ne le porta que deux mois : le 25 août il était mort. De ce jour, le duc prit le titre de Montfort dans tous ses actes : mais, selon toute apparence, il dut être privé plus d'une fois de la possession du comté.

Sa participation à la guerre du Bien public aurait été une juste cause de confiscation, si le duc n'avait été le premier des rebelles à faire sa paix, non sans avantages (Saint-Maur-les-Fossés, 29 octobre 1465) [Note : Lobineau. Hist. 698]. Mais plus tard il aurait mérité la confiscation par ses manques de foi au Roi.

Si la confiscation fut prononcée, comme il est probable, entre 1465 et 1475, il faut admettre que Louis XI, après la paix de Senlis (9 octobre 1475), quand il rendit bénévolement au duc les places de Machecoul, Ancenis et Guérande, lui rendit aussi le comté de Montfort ; et c'est ainsi que nous voyons vers la fin de cette année, François II y nommer un gouverneur.

L'année suivante (1476), François II avait encore la possession du comté, puisqu'il ne la réclama pas, lorsqu'il envoya le chancelier Chauvin en ambassade redemander, comme nous le verrons, le comté d'Etampes. Jamais ambassade ne fut, et très justement, plus mal reçue... Quand nous parlerons d'Etampes, nous conterons cette aventure.

Si la colère du Roi se calma, il semble bien que Montfort fut saisi de nouveau, puisque, en 1481, quand François II signa une alliance offensive et défensive avec le Roi d'Angleterre, une des conditions du traité fut que, s'il s'emparait de quelqu'une des seigneuries du duc en France et notamment de Montfort, Edouard IV en assurerait la possession au duc [Note : Lobineau, Pr. 397. — Morice, Pr. III 394].

Peu après, le comté fut rendu au duc, et il était entre ses mains à l'avènement de Charles VIII (30 août 1483). C'est ce qu'on peut inférer de ce que le duc envoyant une ambassade au Roi en mars 1484 (n. s.) réclame seulement quelques droits afférents au comté [Note : Morice, Pr. III. 452].

Mais on ne peut douter que Montfort n'ait été encore une fois saisi, quelques années plus tard quand le duc d'Orléans, se réfugiant en Bretagne, donna à Charles VIII un prétexte ou une cause de guerre contre François II (fin de 1486).

La paix rendit le comté à la duchesse Anne, qui devenue reine continua d'en porter le titre.

C'est, selon toute apparence, vers cette époque, c'est-à-dire aux dernières années du XVème siècle, ou aux premières du XVIème, que fut fait le dénombrement du comté de Montfort, imprimé par le comité des travaux historiques [Note : « Volume publié en 1850. La date 1517 a été donnée au dénombrement : cette date est celle d'une copie. La première phrase nous reporte au temps des ducs de Bretagne ; mais dans ces actes on copiait sans scrupule des descriptions antérieures... Il se peut que ce dénombrement soit du XVIème siècle ». Comte de Dion].

Les extraits suivants feront connaître l'état du comté vers le temps des derniers ducs de Bretagne.

« Le comté de Montfort est membre ancien du duché de Bretagne, le second titre dudit duché ; et le premier mâle de la maison de Bretagne est appelé Monseigneur de Montfort, comme son premier titre et seigneurie. Se rendent les comptes de la recette dudit comté en la chambre des comptes de la ville de Nantes, où il y a chambre particulière, qui est appelée Chambre de Montfort. Ledit comté est assis en l'ombilic de France, entre Seine et Loire, neuf lieues de Paris. Bon pays, fertile et abondant en tous biens … et de très belle étendue. La mesure du comté prise en trois directions différentes donne une longueur ou largeur moyenne de dix sept ou dix-huit lieues [Note : A prendre de Bailly, Noisy qui tiennent à la prévôté et vicomté de Paris, « à Meresguy, Franconville et le Chêne en Beauce, il y a dix-huit à vingt lieues ; du Marais et val Saint-Germain à aller à la forêt de Livoy et Herses, il y a de distance dix-sept à dix-huit lieues ; à prendre de Septeuil et Arnouville à Houx, le Bois de Fourchers et Auneau, il y a quatorze à dix-huit lieues et plus ». Je copie ce passage, parce qu'il indique les limités du comté. De quelles lieues s'agit-il ? Est-ce de la grande qui est, comme en Bretagne de 3.000 pas géométriques, près de 5 km. ou de la petite qui est de 2.400 pas ?]. La ville de Montfort est bien édifiée, peuplée d'habitants riches et opulents en biens, et sont les chefs d'hôtel de six à sept cents [Note : Chefs d'hôtels, c'est à dire maîtres de maison, chefs de familles. On compte approximativement cinq personnes par ménage. 600 ménages donneraient 3.000 habitants. C'est plus de la population actuelle de Montfort que les géographes réduisent à 1.600 ou 1.800]. Au dit lieu de Montfort, il y a château bien édifié, capital et dominant tous les autres châteaux [Note : A ce moment le château était ruiné. Comte de Dion] ... etc. Sont maintenant du domaine de Montfort les châtellenies de Montfort, Houdan, Gambais, Saint-Léger et Néauffe... Sont vassaux la baronnie de Rochefort, les châtellenies de Beynes, de Bretencourt, des Essars, de la Vieille Cour d'Auneau, de Septeuil et d'Epernon. Ressortissent par appel devant le bailliage de Montfort, les baillis de Houdan, Rochefort, Epernon, etc. ».

Sous la reine Anne, l'administration du comté n'alla pas, à ce qu'il semble, sans désordres de plus d'une sorte. Un jour Charles VIII et Anne furent avertis d'importantes déprédations ; des officiers mêmes du comté abusaient de l'autorité qu'ils tenaient de la reine. Elle eut à ordonner une information contre le bailli de Montfort et son lieutenant (E. 199).

Les gens de justice si peu scrupuleux se montraient pleins d'indulgence pour d'autres délits moins coupables, il est vrai, que les leurs propres. Un jour Charles VIII intervient pour prescrire des poursuites contre « soixante habitants qui ont chassé la grosse bête dans la forêt de Montfort ». Une autre fois ce sont « les gens du sire de Rambouillet » qui, encouragés par l'impunité laissée aux vassaux de Montfort, sont venus à leur tour dans la forêt de Montfort courre le cerf et combattre le sanglier (E 199).

Anne de Bretagne mourut, le 9 janvier 1514, laissant deux filles. L'aînée, Claude, âgée de quatorze ans fut, au mois de mai suivant, mariée à François, duc d'Angoulême, qui, le 1er janvier 1515, allait succéder à Louis XII. La seconde, Renée, achevait à peine sa quatrième année au temps de la mort de son père ; et Louis XI ne l'avait pas pourvue d'un tuteur qu'elle n'eut jamais...

Claude et son époux allaient disposer des biens indivis entre les deux soeurs comme si Renée n'eût pas été là [Note : Renée ne put jamais obtenir ni compte de tutelle ni partage ; et elle était morte à 65 ans, en 1575, quand sa fille duchesse de Nemours obtint une transaction lésionnaire (1575)].

C'est ainsi que, le 22 avril 1515, Claude donna à son mari l'usufruit de la Bretagne et des comtés de Blois, Etampes et Montfort, etc. [Note : Morice. Pr. III, 939-940]. Puis jugeant ce don insuffisant, elle la gratifia, le 28 juin suivant, de la propriété pleine et entière des mêmes seigneuries [Note : Sauf pourtant Etampes. Le Roi, n'étant qu'usufruitier en vertu de l'acte du 22 avril, en avait disposé, comme nous le verrons à l'article Etampes]. Toutefois la donation, qui dépouillait Renée, était soumise à la condition que le Roi survivrait aux enfants à naître du mariage ; elle demeura sans effet.

Peu après la mort de Claude (juillet 1524), François Ier disposa du comté comme s'il était déjà réuni à la couronne. Avant le 11 février 1528, André de Foix, frère cadet de Lautrec et seigneur de Lesparre, avait l'usufruit de Monfort « par don du Roi » et, selon toute apparence, garda cette jouissance jusqu'à sa mort, en 1547 [Note : En 1528, il reçoit un hommage, comme comte de Montfort ; en 1540, il fonda six chanoines dans l'église Saint-Pierre de Montfort].

Le 14 août 1532, à Rennes, le fils aîné de Claude était couronné duc de Bretagne sous le nom de François III, et, remarquons le, le titre de comte de Montfort ne lui est pas donné [Note : Procès-verbal du couronnement. Morice. Pr. III, 1001 et suivante notamment 1007 ; le prince est dit « dauphin de Viennois, duc de Bretagne, comte de Valentinois et de Digeois.. »]. En tout cas le comté allait suivre le sort de la Bretagne, quelques jours plus tard. Le 24 août, les Etats réunis à Vannes suppliaient le Roi de prononcer l'union de la Bretagne à la France ; et, par un édit rendu le même mois à Nantes, François Ier se hâtait d'accueillir le voeu qu'il avait provoqué [Note : Voir l'édit. Morice. Pr. III, 997 et suiv.]. A la mort prématurée de François III (Lyon, 12 avril 1536) [Note : Voir Lobineau Hist. 843], le titre de duc de Bretagne fut donné à son frère Henri devenu dauphin ; mais il ne fut plus question pour lui du titre de comte de Montfort.... Nous dirons plus loin en quelles mains Montfort passa dans la suite (J. Trévédy).

Ndlr : Anciens comtes (ou comtesses) de Montfort et ducs (ou duchesses) de Bretagne (Maison de Dreux-Bretagne) :

1311-1330 : Yolande de Montfort (1263-1330), fille de Robert IV (1241-1282), comte de Dreux (issu de la Maison de Dreux) et de Béatrice de Montfort, comtesse de Montfort de 1249 à 1311 [décédée en 1311, et fille de Jean Ier (1228-1249), comte de Montfort de 1241 à 1249, et de Jeanne de Châteaudun].

Yolande de Montfort se marie en premières noces en 1285 à Alexandre III, roi d'Ecosse, qui décède en 1286, et en secondes noces en 1292 à Arthur II (1261-1312), duc de Bretagne.

1330-1345 : Jean II (1294-1345), fils de Yolande de Montfort et d'Arthur II, duc de Bretagne. Il est l'époux de Jeanne de Flandre (1295-1374).

1345-1399 : Jean III (1339-1399), fils de Jean II, et devient duc de Bretagne en 1364 sous le nom de Jean IV (le Victorieux).

Après Jean IV, tous les comtes (ou comtesses) de Montfort sont aussi ducs (ou duchesses) de Bretagne. A savoir :

- 1399-1442 : Jean IV (1389-1442) (il s'agit en fait de Jean V, duc de Bretagne) ; 

- 1442-1450 : François Ier (1414-1450) ;

- 1450-1457 : Pierre Ier (il s'agit en fait de Pierre II, duc de Bretagne) ;

- 1457-1458 : Arthur III (le Justicier), surnommé aussi le Connétable de Richemont (1393-1457) ;

- 1458-1488 : François II (1435-1488) ;

- 1488-1514 : Anne de Bretagne (1477-1514), deux fois reine de France par ses mariages avec Charles VIII et Louis XII.

Voir Seigneurie de Montfort "Les châtellenies annexes de Montfort"

Voir Seigneurie de Montfort "Le Comté de Montfort après sa réunion à la Couronne de France"

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