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L'ECOLE DE MEILARS

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Outre la maison d’habitation, le presbytère de cette paroisse comprenait, nous l’avons dit, des bâtiments de service et un jardin assez vaste. Le presbytère avait été racheté par la commune, mais l’acte de vente était nul pour défaut de forme. M. Rochedreux avait dépensé quand même 660 livres pour transformer l'immeuble à son gré, avant d’en être possesseur. Dès le mois d'Août 1809, il avait fait dépaver et percer de quatre grandes fenêtres la maison servant anciennement d’écurie pour la transformer en classe et dortoir. Mais « la malice de quelques hommes de Pont-Croix » le suit jusqu’à Meilars. Le sieur Hignard, propriétaire de Treffest où se trouvait l’école de Pont-Croix, « instruit que le contrat de vente du presbytère était nul pour défaut de forme, a proposé au vendeur 1.500 livres et plus même s’il l’exigeait, uniquement — dit le Recteur — pour contrarier les vues de Monseigneur et les miennes. Une dame honnête, indignée des projets iniques dudit sieur, vient de me prêter 500 livres pour acquérir le presbytère, en me subrogeant dans les droits du vendeur. Comme cette affaire était urgente, je n’ai pu consulter Monseigneur avant de l’entreprendre. J’ai tout lieu de penser que la pureté de mes démarches me justifiera... » (Archives de l'Evêché).

Par acte daté du 5 Janvier 1810, M. Rochedreux se fit donc subroger dans les droits de M. Salou.

Dès le 3 Février, le recteur-instituteur affirme que sa maison est un des plus jolis petits séminaires du diocèse. Il a quinze pensionnaires qu’il nourrit et instruit avec tout le zèle dont il est capable, n’épargnant ni soins ni veilles pour en faire de bons sujets, confiant que ces jeunes gens lui rendront un jour la justice qu’il est en droit d’attendre d’eux.

Mais bientôt les difficultés recommencent. Il avait dû renvoyer un élève « pour de très bonnes raisons. Je le crois, dit-il, peu propre à l’état ecclésiastique ; l’avenir justifiera ma conduite à son égard ». Or, voilà que l'Evêque prend cet élève sous sa protection et le fait admettre à Saint-Pol. Aussitôt le maître, froissé, écrit à Monseigneur la lettre suivante, intéressante parce qu’elle nous montre l’homme impressionnable et bouillant que tant d’événements ont aigri, et parce qu’elle nous donne quelques détails sur le régime, plutôt frugal, des écoliers :

« Le gain de cause que Votre Grandeur vient de donner à un de mes élèves, avant de m’entendre, est de nature à jeter un discrédit bien formel sur ce nouvel établissement. Le jeune étourdi dont l’éducation m’a coûté tant de peines, de soins et de chagrins, triomphe du bon accueil dont vous l’avez honoré, et de la distinction que vous lui avez donnée pour le collège de Saint-Paul. En attendant que l’expérience et le temps, qui sont deux grands maîtres,. me justifient à vos yeux, je vous prie de me décharger des treize pensionnaires dont j’ai ébauché l’éducation. Ils méritent tous, à de plus justes titres, votre protection et vos faveurs, aucun d’eux ne m’ayant donné jusqu’à ce jour aucun sujet de mécontentement. Ce jeune homme, au contraire, a mérité d’être chassé trois fois de mes études... Malgré tous ces griefs, je l’ai souffert un an chez moi. Pendant neuf mois, ses parents lui ont fourni seulement du pain d’orge, du beurre, et, rarement de la viande salée. Quatre fois par semaine, je lui ai donné un repas ; presque chaque jour, quelque supplément à son entretien, et enfin son logement et ses écoles, le tout gratis. En sortant de Pont-Croix, j’ai cru devoir acquiescer aux voeux de ses parents, dans l’espoir de vous le présenter avec ses quatres autres condisciples, pour être admis au Séminaire, à la Saint-Michel prochaine. J’ai seulement exigé de ses parents qu’ils payassent 36 livres par an, après m’être informé qu’ils pouvaient payer cette légère somme sans gêne. J’ai exigé la même somme des parents des deux autres ; et M. Charlès s’est engagé à payer trois. louis pour son neveu. L’emploi de ces sommes devait être continué jusqu’à parfait remboursement des 400 livres que j’ai données pour le dortoir et la classe qu’il a fallu faire dans le presbytère. Vu la ténacité des parents qui ne veulent rien donner pour l'éducation de leurs enfants, je ne puis compter que sur les trois louis de M. Charlès. Il est de toute fausseté que j’exige d’aucun pensionnaire la moindre chose pour leur nourriture. Il est très faux que je les occupe à des travaux étrangers au but proposé. Les heures consacrées à l’étude ne sont jamais interrompues. Pour quelques légers services que deux d’entre eux rendent dans la maison, l’on pourvoit aux besoins pressants de quatre. Mes soins pour eux sont continuels : chaque jour, excepté le dimanche, je leur fais des conférences jusqu’à dix heures du soir.

Ce jeune homme que j’ai chargé de la surveillance du pensionnat, rendra hommage à la vérité ; interrogez-le, Monseigneur, puisque j’ai perdu votre confiance.

Quelque flatteur qu’il soit pour moi d’apprendre que mes élèves soient les premiers de leur classe, je ne saurais me résoudre à continuer l’éducation de ceux qui me restent, d’après les traits d’ingratitude que j’ai éprouvés de la part de ce jeune étourdi...

Ces détails, Monseigneur, sont humiliants pour un honnête homme : ils m’ont jeté dans un si grand découragement que je vous supplie d’agréer mon désistement. Pour dernier trait de mon dévouement, je m’oblige à faire honneur à toutes les dettes que j’ai contractées pour ce nouvel établissement. Je dois 500 livres pour assurer à la paroisse ce presbytère dont j’ai fait un petit palais ; je dois 300 livres pour la maison que j’ai occupée à Pont-Croix ; j’ai déboursé 400 livres pour un dortoir et une classe ; j’ai fait les avances de 300 livres pour les réparations urgentes de cette maison ; je dois 132 livres pour six chandeliers et une croix pour mon église, somme totale de 1.232 livres... » (Archives de l'Evêché).

L'Evêque n’accepte pas sa démission, mais reproche d’avoir manqué au premier de ses devoirs en ne le mettant pas au courant des fautes graves dont il accuse ses élèves, et de s’être plaint en termes trop amers. Puis il l’exhorte paternellement à supporter les contradictions et les humiliations en vue de la grande oeuvre à accomplir.

Un peu réconforté, l'abbé Rochedreux se plaint tout de même des « rapports indiscrets des confrères » qui l’accusent de mal employer l’argent du Séminaire, et il ajoute : « Si ce nouvel établissement mérite encore votre confiance, daignez y envoyer quelqu’un pour en connaître la règle et pour juger du cours d’étude que j’y ai établi. MM. Olitrault et Guardon ont eu l'honnêteté de me déclarer que mes élèves étaient les meilleurs de leur collège ».

Il eut encore à se défendre du reproche que lui faisaient ses confrères d’être d’un caractère insociable. Il écrit à M. Clanche, secrétaire de l'Evêché : « Me voilà condamné sans appel, malgré l'évidence des faits que je pourrais produire pour ma justification si l’on voulait m’entendre sans préjugé. Depuis mon retour dans le diocèse, je n’ai eu de relation qu’avec Monseigneur et avec vous. Comment se fait-il donc que des ecclésiastiques se plaignent de ma mauvaise tête et de mon amour-propre ? C’est une énigme pour moi... ». Pauvre M. Rochedreux !

A la vérité, il n’était pas aimé de ses confrères. M. Gloaguen, recteur de Cléden, « qui s’occupe depuis 35 ans à préparer quelques élèves au Séminaire », écrit le 16 Mai 1809 à M. Clanche, au sujet du jeune Jean Arhan [Note : Ce jeune homme qui avait alors 26 ans et que ses camarades appelaient « Arhan le bon garçon », sera plus tard recteur de Lennon pendant 38 ans et y mourra en 1856. C’est un arrière-grand oncle de M. le chanoine Pérennès, de M. Arhan, recteur de Ploudaniel, et de M. Arhan, recteur de Trégunc], que Monseigneur lui a retiré pour le mettre à l’école de M. Rochedreux 

« A l’entendre (M. Rochedreux), il n’y a que lui ni à Quimper ni ailleurs qui puisse former des élèves. Le vaste diocèse de Monseigneur ne présenterait bientôt que des ignorants si M. Rochedreux cessait d'enseigner. On ne lui conteste pas son mérite, mais, je vous l’assure franchement, on n’aime pas à voir en lui ce caractère hautain qui choque même ses amis. Ce doit être le tourment de sa vie, et tous ceux qui sont obligés d'avoir quelque relation avec lui en sont affligés ».

Parlant d’un autre élève qu’il a, le jeune Riou, le Recteur de Cléden ajoute : « Sa répugnance d’aller suivre les écoles de M. Rochedreux est telle qu’il me prie de supplier Sa Grandeur de l’en exempter. M. Rochedreux est, en effet, un homme terrible, et je le crois plus capable de déconcerter tout à fait les élèves qui n’ont pas été toujours les siens que de les encourager dans leurs études » (Archives de l'Evêché).

A ces chagrins de M. Rochedreux, que de difficultés financières et administratives s’ajoutent encore ! Le dernier jour de l’année 1810, il avoue à l'Evêque qu’il ne sait comment acquitter les dettes qu’il a contractées pour la restauration de l’école, sans compter qu’on lui réclame 300 livres pour la maison qu’il occupait à Pont-Croix. En vain fait-il valoir qu’il a dû la quitter par suite de circonstances imprévues. Le Préfet n’a pas égard à « la bonne foi d’un pauvre prêtre de la campagne », et il n’écoute pas davantage les suppliques de la commune. Alors que « M. Massé obtient tout ce qu’il demande pour sa paroisse, Meilars, mille fois plus pauvre que Pouldergat, n’a encore pu rien obtenir pour subvenir aux besoins urgents de l'église paroissiale, et pour le remboursement du presbytère... Nous voilà donc abandonnés à notre malheureux sort ». — « Tout va à merveille pour nous conduire à l'hôpital ou à la prison », s’écrie-t-il le 1er Janvier 1811.

M. Rochedreux ne possédait pas le diplôme requis pour diriger une école secondaire et ne tenait pas à le solliciter parce qu’il fallait payer 200 livres pour le moindre des grades. L'Académie fait des instances, le directeur ne se presse pas. Enfin l’application du décret qui ordonnait la suppression des écoles secondaires ecclésiastiques vint mettre un terme à ses tribulations, Ses élèves s’en vont. « Il ne me reste, dit-il tristement, que mes deux neveux, Pasquier et Jean Le Pennec, comme enfants de choeur, et Provost, comme domestique. M. le Préfet ayant pris connaissance de l’état de cette maison, pendant son séjour à Pont-Croix, d’où il a fait partir la gendarmerie pour en dresser procès-verbal, a répondu que ce petit nombre d’enfants était encore trop considérable. Il menace d’abolir entièrement cette maison comme soupçonnée d’avoir élevé trop de jeunes gens pour l’état ecclésiastique... ». Cette lettre est du 18 Juillet 1812.

L’année suivante, les élèves commençaient à revenir, lorsque le maître partit. Il ne soupçonnait sans doute pas l’ampleur que prendrait, dans un proche avenir, l'oeuvre qu’il avait fondée dans les tribulations : le Petit Séminaire de Pont-Croix !

(abbé M. Parcheminou).

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