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SOUVENIRS DE L'ÉVÊQUE YVES MAHYEUC

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Au bord de la rivière de Seiche, et au milieu de vastes prairies s'élève le vieux Manoir de Brutz dans la paroisse de ce nom. L'an 1076, le comte de Rennes donna cette maison seigneuriale à Sylvestre de la Guerche, évêque de Rennes, et les successeurs de ce prélat la possédèrent jusqu'en 1790. C'est encore aujourd'hui un grand bâtiment construit en équerre, entouré jadis de douves profondes dont une partie seule subsiste, présentant deux portes surmontées d'écussons épiscopaux mutilés par la Révolution ; cette maison conserve un certain cachet de grandeur rappelant au souvenir du visiteur les noms de nos anciens évêques qui affectionnèrent ce séjour solitaire.

De l'antique chapelle du Manoir dédiée à Saint Armel en 1329 et du non moins vénéré sanctuaire de Notre-Dame du Bout-du-Pont construit par Mgr de Chantemerle, vers 1427, auprès du pont de la Seiche, il ne reste plus de traces. Mais si l'on pénètre dans cette vieille demeure épiscopale les châtelains actuels du Manoir vous montrent avec courtoisie la chambre et le cabinet de saint Yves.

L'appartement qui porte ce nom n'offre rien de remarquable par lui-même, mais là mourut un de nos évêques les plus vertueux, celui que D. Lobineau, malgré son scepticisme, n'a pas craint lui-même d'appeler le Bienheureux Yves Mahyeuc.

Né en 1462, à Plouvorn, au diocèse de Léon, d'une famille d'honnêtes marchands, Yves Mahyeuc embrassa la vie religieuse dans le couvent des Dominicains de Morlaix, et fut envoyé par ses supérieurs à celui de Bonne-Nouvelle de Rennes. Ce fut alors qu'il devint le confesseur d'Anne de Bretagne, et plus tard des rois Charles VIII et Louis XII. Cet emploi le conduisit, malgré ses résistances, à l'évêché de Rennes, dont le Pape Jules II lui donna les provisions le 29 janvier 1507. Devenu évêque, Yves Mahyreuc ne changea rien à sa manière de vivre et conserva l'habit de saint Dominique. En souvenir de la Passion de N.-S. — dit Albert Le Grand, — il blasonna son écu d'argent à trois hermines de sable, 2, 1, au chef d'or chargé de trois couronnes d'épines de Sinople. D. Morice nous a conservé le sceau de ce saint prélat : il est rond et porte un écusson aux armes ci-dessus, timbré d'une crosse posée en pal derrière l'écu, et d'une mitre dont les fanons flottent ; légende : SIGILLUM R. P. D. IVONIS EPISCOPI REDON.

Yves Mahyeuc vécut presque constamment dans son diocèse, aimant à se retirer parfois dans la solitude, soit au Manoir de Brutz, soit dans une cellule qu'il s'était réservée au couvent de Bonne-Nouvelle. Le P. Albert raconte d'une façon charmante comment vivait à Brutz le bon évêque : « En ce lieu solitaire et esloigné du bruit et tracas de la ville, — dit-il — il faisait plus librement ses exercices spirituels, y vivant autant religieusement que s'il eust esté dans le Monastère. C'estait le père des pauvres, la consolation des veuves, orphelins et misérables. Il se voit par la déposition de plusieurs témoins dignes de foy de ladite paroisse de Brutz, qu'il conversait familièrement avec les pauvres, leur apprenait leur créance, les instruisait et entendait en confession et les communiait de sa propre main ; baptisait leurs enfans, les visitait en leurs maladies, les consolait, leur administrait l'Extrême onction, assistait et souvent officiait à leurs funérailles, les recueillait en sa maison, servait et disnait à table parmi eux. Il donnait de l'argent pour marier de pauvres filles et prenait luy-mesme la peine de les épouser. Il apaisait les différens et querelles qui se rencontraient parmi eux, et avait en sa maison des maistres cousturiers, bonnetiers, cordonniers et autres maistres pour apprendre ces mestiers aux pauvres enfans, tous lesquels il avait à gage et les payait de son propre argent. Quand quelque pauvre avait affaire de quelque chose, le bon prélat la luy faisait donner ou de l'argent pour en acheter ».

« Durant une cruelle famine qui fut de son temps, il redoubla ses aumosnes, tant à la ville qu'à Brutz, faisant cuire grand nombre de pains qu'il distribuait lui-même aux pauvres ; et, ses officiers se fâchant de ce qu'il donnait tout sans se rien réserver, il épiait l'occasion de leur absence pour bailler l'aumosne ; même leur donnait la paste, leur disant qu'ils la fissent cuire eux-mêmes ; et parfois la tirait my-cuite du four pour la leur donner, n'ayant le loisir de la laisser cuire. Quand quelque pauvre femme, chargée d'enfants, l'allait trouver pour luy demander l'aumosne, il cachait de l'argent dans des lopins de pain et les lui donnait, disant : ma fille, prenez ce que vous trouverez dedans pour ayder à nourrir vos enfans. Un jour qu'il faisait grand froid il fut rencontré par quatre pauvres, lesquels estaient presque tous nuds ; il en eut compassion, et, n'ayant de quoy leur donner, il dépouilla sa grande robbe blanche, la mit en quatre pièces égales et en donna à chacun la sienne, puis s'en retourna en son Manoir de Brutz en petite robbe de nuit » (Vie des Saints de Bretagne).

C'est dans ce Manoir de Brutz que le charitable prélat rendit sa belle âme à Dieu le 20 septembre 1541. Son corps revêtu des ornements pontificaux fut placé, le 23, dans une litière attelée de deux chevaux couverts de housses noires traînantes jusqu'à terre, et apporté au palais épiscopal de Rennes. Ce jour-là on laissa le corps exposé dans la grande cour du palais pour que l'immense affluence du peuple pût satisfaire son avidité de contempler une dernière fois les traits du saint évêque. Le lendemain, on transféra avec pompe ces précieuses dépouilles dans la nef de la cathédrale, où elles restèrent toute la journée, et l'on procéda à l'examen d'un signe merveilleux trouvé sur le cadavre : c'était une croix d'une blancheur éblouissante qui apparaissait sur la poitrine du vénérable défunt, témoignage de sa vertu et de son grand amour pour la croix du Sauveur (Reg. capital. de Rennes).

Le dimanche suivant, le corps d'Yves Mahyeuc fut inhumé dans le transept méridional de la cathédrale, « sous une arcade ornée des trophées de la Passion, sculptés, peints et dorés ; » le tombeau lui-même était couvert de bas-reliefs représentant les mêmes insignes de la Passion et l'écusson du prélat, accompagné de cartouches sur lesquels on lisait ces trois noms vénérés J.-H.-S. — MARIA — DOMINICUS.

A peine Yves Mahyeuc fut-il décédé que des miracles s'opérèrent par son intercession ; sa sépulture ne tarda pas à devenir célèbre sous le nom de tombeau du bon Yves ; on y accourut en pèlerinage [Note : On faisait d'abondantes offrandes à ce tombeau ; le 13 avril 1638 le chanoine chargé de les recueillir déposa au Chapitre 2,207 fr., le 31 août suivant 821 fr., et le 31 décembre de la même année 475 fr., « toutes oblations faites en l'honneur du Bon Yves... » (Reg. capit.)] et les évêques de Rennes, ses successeurs, durent s'occuper de sa béatification. Le 6 décembre 1638, les Etats de Bretagne décidèrent d'écrire au Pape pour lui demander « qu'en présence des miracles opérés au tombeau d'Yves Mahyeuc, il soit permis d'invoquer publiquement ce saint personnage » (Archives départ.). L'année suivante, M. et Mme de Kergrée fondèrent « une lampe ardente devant le tombeau du Bon Yves ». Le 26 avril 1642, Mgr de la Mothe-Houdancourt, évêque de Rennes, vint au Chapitre et proposa de faire « avancer la béatification du bienheureux Yves ; » ce qu'acceptèrent les chanoines avec grand empressement. En 1678, le Chapitre ayant fait reconstruire l'autel Saint-Sébastien voisin du tombeau d'Yves Mallyeuc, arrêta d'y placer un tableau représentant « un Crucifix et au pied d'iceluy l'image du Bon Yves à genoux » (Registres Capitulaires).

La tombe bénie du saint évêque fut ouverte une première fois en 1596, et l'on trouva le corps exempt de corruption et les vêtements intacts. En 1756 eut lieu une nouvelle ouverture du tombeau : cette fois l'on y retrouva seulement « une partie du corps sans aucune odeur d'aromate ni de fétidité, » une portion des ornements épiscopaux, une crosse en bois et un anneau d'or orné d'une cornaline gravée. Le 9 avril 1756, ces ossements furent recueillis avec vénération et enveloppés dans du coton ; on en forma huit paquets, déposés dans un nouveau cercueil de plomb, portant cette inscription : Hic ossa et cineres Yvonis Mayeuc armorici diœcesis Leonensis, ordinis Prœdicatorum, d. d. episcopi Redonensis, viri virtutibus heroicis nominatissimi, etiam et miraculis, de quibus inquisitio solennis ad Sedem Apostolicam transmissa est, expectant ut reliquiis Beatorum annumerentur. Obiit anno Domini 1541 die 20 septembris [Note : C'est-à-dire : Ici les ossements et les cendres d'Yves Mayeuc, breton du diocèse de Léon, de l'ordre des Frères-Prêcheurs, Seigneur évêque de Rennes, homme célèbre par ses héroïques vertus et même par ses miracles, au sujet desquels une enquête solennelle a été transmise au Siège Apostolique, — attendent d'être placés parmi les reliques des Bienheureux. Il mourut l'an du Seigneur 1541, le 20 septembre. (Invent. de la Cathédrale, en 1756)]. Ce cercueil de plomb fut renfermé dans un autre cercueil de chêne et déposé dans un caveau construit par le Chapitre au bas de la nef de la cathédrale. Dernièrement l'on a retrouvé cet enfeu, mais vide, hélas ! des reliques authentiques d'Yves Mahyeuc.

La Révolution arrêta les démarches faites à Rome par les évêques de Rennes et les Etats de Bretagne au sujet du culte à rendre à Yves Mahyeuc ; espérons qu'elles seront reprises quelque jour ! Quoi qu'il en soit, visitant dernièrement le Manoir de Brutz, le souvenir du pieux évêque de Rennes dont le nom reste attaché à cette vieille demeure, nous est revenu à l'esprit, plus vif et plus intense devant cette belle campagne qu'il aimait et qu'il sanctifiait, et à cotre retour nous avons écrit ce qui précède.

(abbé Guillotin de Corson).

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