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LES MEUNIERS D'AUTREFOIS A MAEL-CARHAIX.

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Il est bien entendu que nous ne parlons que des Meuniers d'autrefois, et pressons-nous d'en parler, des meuniers, tandis qu'il yen a et qu'ils n'ont pas été tous dévorés par les gros minotiers.

Pottier de la Germondaye dit, p. 474 de son livre Sur le gouvernement des paroisses :

« La cupidité des meuniers a toujours excité la vigilance du Ministère public. Plusieurs arrêts ont été rendus en forme de règlement, sur les remontrances de M. le Procureur général, pour prévenir les artifices qu'ils emploient, soit pour percevoir le devoir de mouture au-delà du seizième, que l'article 387 de la Coutume leur accorde, soit pour rendre à la farine à un moindre poids, pour ou la changer et en rendre d'autre de moindre qualité et valeur » (Pottier de la Germondaye, Gouvernement des paroisses, p. 474).

D'autre part, une des préoccupations de la police est d'empêcher les petites friponneries dont le cri populaire accuse le meunier : défense lui est faite d'avoir un four dans sa maison, pour qu'il ne cède à la tentation de faire son pain aux dépens d'autrui ; défense de nourrir des volailles ou des porcs qui feraient disparaître le son, d'employer des récipients carrés, pour qu'ils ne puissent pas s'approprier la farine collée aux angles.

Mesure de sage prévoyance qui voulait, étant donné la faiblesse de l'humaine nature, et celle du meunier en particulier, qu'il ne fût pas induit en trop rude tentation, et que, comme la femme de César, il ne pût être soupçonné.

Et au pays breton, malgré toutes ces précautions, le peuple s'obstine à travers les âges à réciter ces rimes vengeresses :

Miliner laes bleud.
Sa daonet beteg he veud
Hag he veud an daonete = Hag he vis bian an daoneta.
Z'a er sac'h da genta !

Nous allons voir dans l'histoire d'une famille de meuniers à Mezle-Carhaix, en 1700, si cette réputation de Fanch ar blend, de Jean Farine, était justifiée jusqu'à un certain point.

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Il y avait pour lors, à Mezle-Carhaix, une famille de robe, nombreuse, aujourd'hui fondue dans la famille de Huon-Penanster. Le chef était Yves Hamon, priseur royal du lieu de Quinquis Saliou, et son épouse était Marie Le Scaffunec, soeur de cette Barbe Scaffunec, de la paroisse de Trébivan, qui en 1684 épousa Mathurin Corret, sieur Kerbauffret, et fut la grand'mère de La Tour-d'Auvergne. En 1668, au mois de novembre, mourut Guillaume Hamon, seigneur de Querguivizen, en sa maison de Goasangol, paroisse de Mezle ; il était le sénéchal de Trébivant.

Un des fils du priseur royal fut d'église : c'était Messire Charles Hamon, né le 4 novembre 1664, et eut pour parrain Messire Charles Guesnou, seigneur de Restauffret, bachelier, licencié ou docteur — en tout cas gradué in utroque jure.

La sépulture de Messire Charles Hamon, prêtre, âgé de 72 ans, a été faite dans l'église de Mezle, après avoir reçu les divins devoirs. Ont assisté au convoi : Noble homme Yvon-Guillaume Hamon, sieur de Treveno, avocat à la Cour ; noble homme Yves Guillou, de Saint-Augalen, procureur fiscal de Quelen, son beau-frère, et le dit Yves Hamon, son frère ; demoiselle Louise Hamon ; demoiselle Marie-Corentine Hamon ; demoiselle Anna-Thérèse Hamon, ses soeurs ; demoiselle Barbe Scaffunec, dame de Kerbauffret et plusieurs autres soussignants. — Hibou LELOZ, célébrant (le 8 août 1736).

A cette époque, à 2 kilomètres du bourg de Mezle, au village du Lan, borné à l'est par Kergrist, au nord par Locarne, au sud-ouest par le bourg, il y avait, tout comme aujourd'hui, un moulin, dans le moulin : un meunier, une meunière et des petits meuniers. Le meunier s'appelait Guyon Cudonnec, et, le 3 octobre 1699, Messire Charles Hamon dressait par devant la Cour royale de Carhaix, contre ce Guyon et son frère, autre meunier de Penquélen, une plainte terrible, et par suite obtenait des lettres monitoires de l'évêque de Quimper.

« Il y a à présent pour Monnier aux moulins du Lan et de Penquelen les nommez Guyon et Yves Le Cudonnec, lesquels, au lieu de servir détraignables, suivant les ordonnances et réglements de la Cour, vont jamais leurs moulins en estat et le néantz exercent sur les bledz des vasseaux et détraignables, un pillage et une volerie extraordinaires et sont mesme assez imprudents pour vouloir en imposer à nostre religion, avançants des faits très injurieux contre votre supliant, ce qui a causé que je me suis veu obligé de vous en faire mes plaintes et de dresser des articles pour parvenir à la preuve de ces malfaits, le considéré, Messire, y avoir esgard, voir les articles à cette attachez et la permission qu'il a donnée à Messire Charles Guezno daller en faveur de trente sols moudre ou il lui plaira et ce pour estre quitte du procès intenté par led. Guezno, seigneur de Restauffret et pour piller plus impunément. Et en conséquence permettre à voltre suppliant dobtenir lettres monitorialles de l'officialité de Quimper pour estre leues et publiez à lordinaire aux églises de Mezle Carhaix, Plusqullec et partout ailleurs ou requis sera ».

L'autorisation épiscopale de publier les monitoires est du 13 octobre 1699.

Les faits et articles sur lesquels le sieur Hamon entendait obtenir ces lettres monitoriales.

« Il est à la connaissance dud themoing qu'il y a certains monnier et particuliers de la paroisse de Mezle Carhaix, quoy que tenus et obligez par les ordonnances Royaux de se régler à la saizisme des bleds quils moudront dans leurs moulins. Ils sémancipent de prendre davantage mesme audela de la moitié plus quil ne leurs est deus.

Ces mesmes monniers et particuliers non contents de cette injuste volerie lorsqu'on s'est voulu plaindre en justice contre eux, se mocquant des plaintifs et de la justice, se sont forcement saisis des poches et du bleds de plusieurs des vassaux et lon a esté obligé d'avoir recours à des personnes de pouvoir pour les faire rendre sans que pour tout cela on les aye peu obtenir.

Comme ces mesmes monniers sur les plaintes des vassaux ont esté obligés et tenus d'avoir des poids dans leurs moulins pour sur iceux se dregler à l'ordonnance. Ils ont la malice de garder ces pochées des deux et trois jours à telle fin que les moutaux s'estant retirez ils les mettent en lieu humide pour attirer la moiteur afin quelles pezent davantage soubz larrivée de celuy qui les doit transporter.

C'est encore plus, pour mieux farder et couvrir leurs voleries ils sont assez malitieux pour casser des vieux moulages et graviers et les mettre parmy la farine pour la faire pezer davantage.

Lorsqu'ils ne peuvent renvoyer les hommes qui viennent pour faire moudre leurs bledz dans leurs moulins pour couvrir leurs larcins et voleries ordinaires ils ont tellement caché et couvert les tramez (sic) qu'il est impossible de les voir prendre la mouture et y mettre soit sable ou autres vilainies qu'ils remplissent dans leurs moulins et pour preuve de cette vérité ils ont rudement repoussez, battu et excédez ceux qui vouloient veoir ce qu'ils faisaient en ce lieu, et ils ont menassé ceux qui sont allés à ce moulin avec la mère du suppliant.

Davantage pour se faire craindre ils portent en leurs poches des pistolets et armes offensives et menassent que c'est pour ravir la vie à ceux qui se plaindront ou accompagneront les plaintifs, ou iront en temps de grande sécheresse aux autres moulins et les aprètent à ce dessein devant les moutaux pour leur oster la liberté d'avoir recours à la justice.

Ils sont si téméraires qu'ils offencent de paroles très injurieuses et mesme de faict, ceux qui ont affaire avec eux, les contraignent de se sauver de leurs moulins pour mieux exercer leurs ordinaires voleries et pillages sur les bleds qu'on porte pour moudre en leur moulins.

Dans le temps de sécheresse, leurs moulins nont pas deau pour subvenir au service des vassaux, et néantz cela, ils prennent les chevaux et bleds des vassaux sur les chemins et les obligent de s'accomoder avec eux à leur dire et mesme transporter les pochées et chevaux des vassaux à autres moulins ne pouvant les servir eux-mesmes, gardent les chevaux si longtemps quils veulent de peur de leur donner la liberté d'aller aux autres moulins ou il y a assez deau, par l'appétit déréglé qu'ils ont de dérober.

Il est assez véritable quaprès avoir mouter les pochées des vassaux, les retiennent la nuict et lors font en sorte d'en tirer la plus fine et y mezlent du bran pour remplir le défaux de la fleur ostée, et encore quand on veut les blasmer de ces méchancetez, ils jurent et renient le saint nom de Dieu, qu'ils ont les bras bons et quils sont fasché de navoir pas gardé le tout.

Ce qui est encore plus, ces monniers sont gentz scandaleux soit par être séditieux, ou pour le commerce infâme quils sçavent entretenir avec filles et femmes, en sorte qu'il y a gents dignes de foy qui peuvent en disposer avec vérité par en avoir esté scandalizées et mesmes tesmoins occulaires.

Touts ceux et celles qui peuvent depozer, soit en tout ou partie de ces articles, sont advertis et obligez dans la huitaine de la dernière publication de donner leur nom à peine dêtre soulz la censure d'excommunication ».

Qu'advint-il à la suite de cette plainte de Charles Hamon et des Monitoires ?

La procédure nous manque, mais voici que le 23 février 1701, Guyon Cudonnec se pose en victime et prend l'offensive dans une plainte qui étonnera tout le monde, et une occasion que tout le monde trouvera exorbitante :

« Supplie humblement Guion Le Cudonnec, monnier du moulin du Lan, en la paroisse de Mezle Carhaix, demeurant et complaignant.

Durant que maistre Yves Hamon et Marie Le Scaffunec, sa femme, ayantz absolument juré sa ruine et sa perte, il ny a rien qui le ne mettent en usage pour cette effect chagrins de ce quils nont peu reussir dans la première tentative quils ont faict lun et lautre de la perdre, jusque la quils nait point faict de scrupule de mettre le mardy matin, quinzieme du present mois. Trois ligottées racle mesure du Roy, tant de bleds noirs que cendre et poussière, que ladicte Le Scaffunec aporta ledit jour nouveau au moulin du supliant, et cela pour se préparer encore un moyen nouvau de faire un nouveau procez auq supliant qui, sans la presance de gens dignes de foy, et qui sont thesmoins de la vérité de son exposé neut pu sans doute justiffier que des personnes qui veullent soutenir dans le monde le caractère de gens d'honneur pussent estres capables d'une pareille malice, mais le supliant qui se déffiait tousiours des mauvais desseins des deffandeurs, et quils ne cherchent que leuz faire quelques mauvais tours, ayant examiné le bed noir que lad. Le Scaffunec aportait moudre en son moulin. Il ne fut moins surpris que tous ceux qui se trouvait présant de voir quil y avait parmi presqautant de cendres et de poussière que de grains, a juger par la mesure de quoy ou fit lépreuve sur le champs en le faisanct venter. Et (supplie en conséquence), etc. ».

Une plainte à la Cour Royale de Carhaix, du 20 juin 1699 ; elle est de Guyonnec Le Goff, demeurant en la trève de Saint-Corentin, en Carnoët ; elle expose que le lundi précédent, elle
allait vendre du pain de seigle à la foire de Callac ; elle passait près de Pont-ar-guin, lorsqu'elle fut littéralement rouée de coups de bâtons par Pierre Cudonnec, meunier du moulin de Poulmec, même paroisse de Carnoët.

La plainte fait ressortir la situation légale, civile, judiciaire de Pierre Cudonnec « qu'il est déjà d'authorité de ce siège condemné au dernier suplice et pendu en effigie, et que c'est un homme connu et redouté, qui ne fait journellement qu'attaquer et battre tout le monde, tant que sur les grands chemins que chez luy ».

Les informations d'office sont du 22 juin ; sur trois témoins entendus, un Olivier Foucault, dépose que Cudonnec lui a dit que venant à Callac, la femme de Jean Hervé avait crié : A la force, sur eux « à cause de lui avoir demandé vingt et cinq sols qu'elle et son dit mary lui devoint, et que le dit Khervé n'avoint pas esté moudre dans son moulin et qu'ils estoint en droit de luy faire payer le droit de moutte ainsi que sa part des charrois de bois fait pour réparer le dit moulin ».

Le meunier du Poulmic, le pendu par effigie, le pendu par persuasion des Juges de Carhaix, avait une façon passablement hardie de régler les comptes de ses débiteurs.

Au moulin du Lan, paroisse de Mezle, Guyon Cudonnec, avait pris chez lui un pauvre petit infirme, vrai type classique du Kloarec breton.

Rien ne rendrait d'une façon plus touchante la conduite odieuse du meunier du Lan, que le récit si clair, si précis, si émouvant de sa victime :

MESSIEURS LES JUGES ROYAUX DE CARHAIX,
Suplie humblement Yves Le Troadec, pauvre estropié, disant quaiant esté né infirme et sans bien et aiant eu le malheur de rester mineur et fort bas aage. Il s'est vu presque réduit à la mandicité, naiant aucun moien pour subsister, que le peu d'education que ses parens lui avoient donnez en apprenant à lire et à escrire, tellement que la misère laiant engagé daller demeurer au moulin du Lan, chez le monnier Guyon Cudonnec, pour apprendre leurs prières et à lire aux enfants dudit Le Cudonnec. Il y a resté près de deux ans pour sa pension et quelques habillemens que led. Cudonnec luy donnait de manière que led. Cudonnec qui est fort difficile à servir et ne pouvant trouver de garçon monnier à son gré s'avisa de faire au déposant moudre du bled, à quoi il se livra volontiers, mais comme le sieur Cudonnec vouloit l'engager à prendre au-delà du droit de moulte contre son honneur et sa conscience, de quoy ayant conféré à son directeur il luy conseilla plustot quitter ledit Cudonnec que de commencer, ce qui l'engagea d'en donner avis audit Cudonnec qui se trouva tellement indigné de ce compliment qu'il luy fut fait le lendemain de la Toussaint, q'uil maltraita le suppliant deux ou trois jours après avec tant de violence qu'il l'auroit tué sans qu'il fust empêché par des personnes charitables qui se trouvèrent sur les lieux Le suppliant dit avoir esté en estat de se remuer, se seroit rendu en ceste ville se plaindre dès lors, mais comme il luy estoit impossible se mettre en chemin ne pouvant marcher il fust obligé de rester en la demeure dudit Cudonnec qui parut tôt après estre fasché des mauvais traittements qu'il luy avoit faict et l'engagea lorsqu'il fût en estat de se lever encore de rester chez luy sur la procure qu'il luy faisait, de ne le plus maltraiter, mais comme il le sollicitoit toujours à prendre plus que le droit de moutte. Et aiant appris que le supliant avoit encore fait ses dévotions la nuit de Noël et qu'il avoit profité des bonnes instructions qu'il avoit receu et se voiant seul en sa maison environ une heure et demie de nuit, ledit jour de Noël il prit un baton et maltraitta cruellement le supliant luy disant qu'il le feroit pendre et après l'avoir ainsi maltraitté le lia sur un cheval et faignit de le rendre en cette ville, et comme il estoit rendu proche du village de Kergonan il recommença à frapper le supliant à coups de pied de fouët avec tant de violence qu'il le jetta par terre et le cheval s'estant eschappé, ledit Le Cudonnec fut obligé de le suivre affin de larreter pendant lequel temps le supliant se sauva audit village de Kergonan et entra dans un four où il resta jusque ce qu'il n'entendit du monde passer à l'aide desquels il mit sa vie en sécurité, et comme ces sortes de violences sont etroitement deffendües et que le suppliant est mis hors d'estat de se pouvoir subsister par les violances dudit Cudonnec, il se voit obligé d'avoir recours à l'autorité de votre justice pour requérir, etc. Signé propria mane : Yves LE TROADEC.

Du 14 janvier 1701. Comme procureur d'Yves Le Troadec, contre Guy Le Cudonnec, ayant vu les interrogatoires subis par ledit Cudonnec le dixiesme de ce mois je conclus à ce que faisant définitivement droit par les interrogatoires dudit Cudonnec il soit condamné par provision en cent livres de réparation civille, dommages et intérêts dudit Troadec, et de luy rendre une paire de culottes de Droguet caffé, quattre chemises de toille de chanvre, une paire de bas de ratine, un vieux chapeau noir, deux chapeaux de paille avec une douzaine de livres tant latin que français, une écritoiré, une camisolle de toille, un bonnet de laine bleue qu'il a chez luy ou la somme de quarante livres pour la valeur d'iceux, le tout par dépens, payables aussi par provision avec deffense de retomber en pareille faute sur les peines qui eschéent, sauf à Monsieur le procureur du Roy à prendre telles conclusions qu'il verra pour l'intérêt public, attendu l'assassinat et voie de fait commis par récidive pendant la nuit dans un lieu écarté de villages et de voisinages. Yves LE TROADEC. MÉMERYE.

Un scrupule tout humain m'arrête : en montrant Cudonnec tel qu'il est, je ne l'ai certes pas montré sous un aspect avantageux. Son nom est porté peut-être par de dignes et braves bas-bretons, et ses petits-enfants ont pu faire souche d'honnêtes gens.

Yves Troadec, le kloarek, le confesseur de sa foi, a prié pour son persécuteur pour cette petite famille à laquelle il avait appris à connaître le bon Dieu.

Abbé FAVÉ.

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