Web Internet de Voyage Vacances Rencontre Patrimoine Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Bienvenue !

L'ANCIENNE EGLISE SAINT-YVES DE LOUANNEC.

  Retour page d'accueil      Retour " Ville de Louannec "

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Destruction de l'église de saint Yves, à Louannec.

C'est assez, ou plutôt c'est trop, c'est beaucoup trop d'avoir à signaler dès aujourd'hui dans les Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor) l'un des plus tristes forfaits du vandalisme, la destruction d'un sanctuaire contemporain de saint Yves, et dans lequel cet incomparable modèle de vertu, de justice, de piété, de charité, ce grand protecteur de la Bretagne, avait exercé pendant onze ans les fonctions de pasteur des âmes. Il s'agit de l'église de Louannec, dans la presqu'île de Tréguer, non loin de la magnifique baie de Perros.

Ancienne église de Louannec (Bretagne)

Cette église comprenait deux parties : le choeur, du XV-XVIème siècle, semblable à beaucoup d'autres de la même époque, et la nef qui était romane.

La nef se composait, de droite et de gauche, de trois arcades en plein cintre, séparées par de massifs pilastres, surmontées de petites fenêtres aussi en plein cintre fortement ébrasées dans la massive muraille, qui dénotaient certainement le XIème ou le XIIème siècle.

Elle n'était pas, cette nef, un modèle d'élégance, je le reconnais ; mais pendant onze années elle avait vu le grand saint Yves, le patron de la Bretagne, accomplir dans son enceinte les rites sacrés, y proclamer la doctrine évangélique, en consacrer toutes les pierres par ses prières, les arroser de ses bénédictions et embaumer de sa vertu, de sa charité incomparable, tout l'édifice. Cette nef était vraiment une relique du saint au même titre que la chasuble d'étoffe byzantine conservée dans la même paroisse sous le nom de chasuble de saint Yves, parce que saint Yves avait revêtu cet ornement sacré. Mais n'était-ce pas aussi un vêtement sacré cette vieille église, ces murs antiques qui entouraient le saint quand il épanchait devant Dieu ses prières, quand il l'invoquait pour la Bretagne, ces murs qui avaient vu ses aspirations ardentes, ses austérités inimitables ? n'était-ce pas dans un coin de cet édifice qu'il reposait chaque nuit sur une couche dont le matelas était rembourré de triques de fagots ?

Hé bien ! cette antique et vénérable nef, vraie relique de saint Yves, toute pleine de lui, on l'a détruite, démolie comme la plus vulgaire baraque. Je ne puis pas retenir le mot qui seul exprime ma pensée : c'est un sacrilège !

Ce n'est pas comme archéologue que je proteste ; c'est comme chrétien, comme Breton. Ah ! si nous avions encore à Rennes la maison qu'habita Du Guesclin quand il vint prêter aux Rennais contre les Anglais l'appui de son bras, — il y a longtemps que la ville de Rennes l'aurait acquise pour la conserver religieusement et en faire un musée — le musée de Bertrand du Guesclin.

Et vous, vous aviez la maison sacrée de saint Yves, elle se conservait toute seule, il suffisait de la laisser debout — et vous l'avez mise en pièces, anéantie !

On a, je le sais, essayé une justification [Note : On allègue aussi, comme circonstance atténuante, que l'on a conservé une chapelle de cette église dite chapelle Saint-Yves. Mais cette chapelle est du XVème, ou du XVIème siècle, postérieure par conséquent à saint Yves de deux cents ans ou plus ; elle ne pouvait donc faire partie de l'église où il exerça son ministère ; comme relique, comme souvenir contemporain de la vie du saint, elle n'a aucune valeur, ne compte pas, elle n'existe pas. Nous l'aurions vu disparaître sans émotion ; sa conservation n'atténue rien], on a même voulu se faire une gloire de ce coup sinistre ! Voyons donc un peu cette apologie.

On dit que l'ancienne église tombait en ruines.

C'est là l'argumentum commune, l'argument banal de tous ceux qui veulent détruire une église. Mais on connaît le proverbe : Quand on veut noyer son chien, on dit qu'il a la gale. Ici c'est la même chose, ce n'est qu'une variante. J'ai vu des églises dont on affirmait résolument qu'elles ne tenaient plus debout ; quand on les démolit, il fallut faire jouer la mine. Les dignes recteurs, là-dessus, sont de bonne foi, d'une foi même beaucoup trop bonne et trop crédule en leurs architectes, qui veulent à toute force bâtir et palper des honoraires.

En ce qui touche l'ancienne église de Louhanec, je l'ai visitée deux fois avant sa démolition, et je puis certifier que la partie romane était plus solide que ne pourra être jamais la nouvelle église. — On n'a jamais vu d'ailleurs, au grand jamais, des églises romanes tomber de vieillesse.

Cependant, on ajoute triomphalement qu'on a laissé subsister un pan de mur, dont on peut constater l'état délabré. On croit vraiment le public auquel on dit cela un peu trop bête.

Vous avez une maison qui, couverte de sa toiture, accotée de tous ses murs, tient parfaitement bien. Vous la démolissez tout entière, sauf un pan de mur qui ne s'appuie sur rien, que rien ne protège, que toutes les tempêtes ébranlent, et où toutes les pluies s'infiltrent. Puis vous dites : Vous voyez bien que ce mur branle, donc la maison ne valait rien.

— Farceur ! serais-je tenté de répondre, certainement il branle maintenant votre mur, mais quand la maison était intacte, il était, comme tout le reste, parfaitement solide.

D'ailleurs, il y avait une épreuve bien plus décisive. Les amis de saint Yves et de nos vieux monuments ont demandé que, tout en reconstruisant l'église puisqu'on le voulait, on laissât en dehors de l'église nouvelle la nef romane qui aurait formé un porche ou une sacristie. Le terrain permettait très bien de le faire.

On ne l'a pas voulu, pourquoi ? La raison en est bien évidente : ceux qui proclamaient alors la ruine imminente de cette nef savaient fort bien qu'elle durerait plus longtemps que leur église neuve.

Je ne veux pas insister davantage sur un si triste sujet. Je terminerai par une légende qu'un de mes amis, mort hélas ! depuis longtemps, avait recueillie, justement dans les environs de Lannion. Cela s'appelle : L'histoire de M. le recteur Peronic.

Ce Peronic était un prêtre saint et charitable, recteur d'une petite paroisse qui lui donnait grande satisfaction, et pourtant il n'était pas heureux. Son église était solide, propre, suffisamment grande mais en la comparant à celles de certaines paroisses voisines il la trouvait petite, insuffisante, et rêvait d'en bâtir une nouvelle qui éclipserait toutes celles d'alentour. Il eut un songe : un recteur défunt depuis longtemps lui apparut et lui dit :

« Ne touche pas à ton église, elle doit encore durer plus de deux siècles, et toi tu ne dois pas priver les pierres bénies qui la composent ni les âmes de ceux qui les ont mises là, tu ne dois pas les priver des prières qui seront dites pendant ces deux cents ans ».

Quelque temps après dans un autre songe il vit un vieux chevalier à barbe blanche, qui lui répéta à peu près la même chose d'un ton plus farouche. — Peronic, très entêté comme la plupart des Bretons, persista néanmoins dans son projet, jeta bas son église, en bâtit une neuve qu'il trouvait la huitième merveille du monde, — et quelques années après il mourut.

Il alla, dit notre légende, en purgatoire. A l'entrée du purgatoire, il rencontra le chevalier et le prêtre qu'il avait vus en songe. Ils le conduisirent dans une lande aride, au milieu de laquelle s'élevait un énorme monceau de pierres, et ils lui dirent :

« Tu vois ces pierres, Peronic, ce sont celles de l'église détruite par toi ; tu n'as pas voulu nous écouter. Maintenant il faut que tu fasses continuellement la procession autour de ces pierres, et tu resteras en purgatoire jusqu'à ce que tu aies dit sur elles toutes les prières, toutes les bénédictions, et que tu aies fait toutes les aspersions, tous les encensements dont elles devaient jouir pendant les deux siècles que ton église avait encore à durer, et dont elles ont été privées par ta faute ».

Le bon recteur commença tout de suite sa pénitence, il continua la procession longtemps, — il finit par la trouver très fatigante, et alors, quand il pensait à la nouvelle église bâtie par lui, elle lui semblait bien moins belle que lorsqu'il était sur la terre. Il en vint même à dire dans son coeur :

« Oh ! ai-je été sot, ai-je été fou de démolir ma vieille église ! Elle valait vraiment bien mieux que la neuve ! ».

Comme il en était là, retournant avec amertume cette pensée tout en continuant à jouer du goupillon, de l'encensoir, et à murmurer ses interminables psalmodies, avec tout cela accablé de fatigue, d'angoisse, ne voyant pas la fin de son tourment, — à ce moment le patron de sa paroisse lui apparut :

« — Puisque tu te repens de ta faute, lui dit-il, je veux tâcher de te tirer de là. Tu vas retourner sur terre et aller trouver messire Salaün, le recteur de la paroisse qui touche la tienne vers soleil levant. Le malheureux veut faire comme toi, et démolir son église ; si tu peux réussir à l'en détourner, tu ne reviendras pas ici, tu iras droit au ciel. — Si tu ne peux pas le convaincre du premier coup, il t'est permis de lui parler trois fois ».

Peronic ne se le fit pas répéter. De ce pas, il alla haranguer énergiquement son confrère. D'abord, il ne gagna rien, Salaün étant tout aussi entêté qu'avait été en ce monde Peronic. Mais quand il lui eut conté ce qui lui arrivait pour avoir voulu bâtir une église neuve plus belle que toutes celles d'alentour, Salaün, non sans peine, renonça à son projet — et Peronic enchanté monta aussitôt en paradis.

Espérons qu'il en voudra bien descendre de temps à autre, pour donner encore de bons conseils à ceux qui peuvent en avoir besoin. (ARTHUR DE LA BORDERIE).

 © Copyright - Tous droits réservés.