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ATTAQUE DES ANGLAIS CONTRE LORIENT et PILLAGE DE QUIBERON en 1746.

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ATTAQUE DES ANGLAIS CONTRE LA VILLE DE LORIENT.
PILLAGE DE QUIBERON (Octobre 1746).

M. Arthur de la Borderie nous signala une relation de l'attaque de Lorient, écrite par le célèbre philosophe et historien David Hume, relation jusque-là non connue en France et renfermant de précieux renseignements sur les détails de l'expédition et les causes de la retraite des assaillants. Le singulier dénouement de cette attaque était resté un problème à éclaircir. « Sur cet évènement, disait M. de la Borderie, on ne connaissait jusqu'à ce moment en France que des récits d'origine française ; il lui sembla nécessaire d'interroger aussi les Anglais, non pour préférer leur témoignage à celui des Français, mais pour compléter, contrôler, éclairer ces deux ordres de témoignages l'un par l'autre : procédé constant de l'histoire sérieuse, de la critique historique ». L'insertion de la lettre de David Hume à son frère et de son mémoire détaillé dans le Bulletin archéologique de l'Association bretonne vous a permis de vous rendre compte de l'importance et de l'intérêt de ces documents. M'inspirant à mon tour des considérations qui avaient guidé M. de la Borderie, j’ai cru qu’il ne serait peut-être pas inutile de joindre quelques dépositions de témoins oculaires, ou tout au moins de contemporains, aux témoignages déjà recueillis. C’est dans ce but que j’ai les courtes notes que j’ai j’honneur de vous soumettre aujurd’hui.

Fort de la presqu'île de Quiberon (Bretagne).

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l.

Beaucoup mieux que moi, Messieurs, vous savez quels précieux, renseignements peuvent fournir pour l'histoire de notre province les registres de baptêmes, mariages et sépultures de nos paroisses. La plupart des prêtres bretons avaient l'habitude d'y inscrire les évènements dont ils avaient été les témoins, ou les faits qui leur avaient été signalés. guerres, émeutes, naufrages, disettes, épidémies, orages, tout ce qui pouvait intéresser les fidèles confiés à leurs soins, était raconté et transcrit par eux ; les registres des baptêmes, mariages et sépultures étaient, en quelque sorte, les annales de la paroisse.

C'est dans un de ces registres, — nul de vous ne l'ignore, — que M. l'abbé Marot découvrit l'intéressante « relation du siège de Lorient en 1746 ». La paroisse de Pleucadeuc administrée par Jérôme Hervoët, auteur de cette relation, est située à une assez grande distance de Lorient. Mais le recteur de Pleucadeuc ayant visité, comme il le déclare dans son récit, la place de Lorient après le siège, et ayant constaté les dégâts causés par l'artillerie des Anglais, avait jugé utile « de mettre ici cette description pour servir dans la suite des temps de mémoire curieux à ceux qui la voudront lire ». Il y avait lieu de supposer que cet exemple n'avait pas été isolé et que plusieurs prêtres bretons avaient, eux aussi, consigné sur leurs registres le souvenir de l'expédition anglaise.

Cette supposition était fondée. Dans son remarquable inventaire des archives communales du Morbihan, dont le tome 1er (Lorient-Ploërmel) est seul achevé, l'érudit archiviste dont la perte a été si vivement regrettée par les historiens et les archéologues, M. Rosenzweig avait signalé et recueilli un certain nombre de ces relations.

A Riantec, sur le registre de 1746, une courte note signale « l'année où les Anglais descendirent au Pouldu en Ploemeur, attaquèrent Lorient et brûlèrent Quiberon ». De même, à Camors (E. suppl. 358. Inventaire, t. 1er) : « L'année 1746, les Anglais descendirent au Pouldu et attaquèrent Lorient ; ils brûlèrent Quiberon et firent mille impertinences ». A. Palais (Belle-Isle-en-mer) (E. suppl. 106. — Inventaire, t. 1er, p. 19), le recteur de Saint-Gérand, Jean-Marie Choblet, donne des renseignements plus précis.

« Le dernier jour de septembre, écrit-il, les Anglais parurent à la hauteur de Belle-Isle, au nombre de cinquante-quatre voiles. Ils firent descente à la côte du Pouldu, près Lorient, le premier octobre, et s'enfuirent le dix, sans avoir rien fait.... Le douzième octobre, quatre vaisseaux anglais, échappés de leur flotte, poursuivirent un navire du Roi français de 70 canons qui fut obligé de faire côte au Port-Maria de Quiberon, après avoir refusé l'abri de la citadelle (de Belle-Isle) ; le vaisseau, nommé l'Ardent, et le capitaine, M. de Sainte-Colombe. Il fut canonné depuis midi jusqu'à la nuit, s'étant défendu jusqu'à la fin. On lui avait donné, par grâce singulière, 89 marins de Belle-Isle qui sortirent sains et saufs du combat [Note : Un certain nombre de malades du vaisseau l'Ardent furent débarqués à Quiberon et y restèrent pendant la durée du séjour des Anglais (déposition de Jacquette Stephan, femme de Guillaume le Toullec, tailleur, reçue par Gilles Yves du Menez de Lezurec, conseiller du Roi, sénéchal et premier magistrat de la juridiction d'Auray. (Archives dép. du Morbihan, B. 1998). Le général Saint-Clair écrivit à Deschamps, commandant le Port-Louis, qu'il pouvait envoyer chercher à Quiberon « quelques matelots malades provenant du vaisseau l'Ardent que leur état ne permettait pas de traiter comme prisonniers de guerre ». Deschamps envoya quatre chaloupes avec le Sr Bourhis, écrivain de la marine (Lettre du Cte de Maurepas à Camus de Pontcarré, intendant de Bretagne, Fontainebleau, 21 octobre 1746. Archiv. dép. d'Ille-et-Vilaine, C. 1082)] ... Le treizième octobre, la flotte anglaise passa devant Belle-Isle sans faire aucune hostilité, partie du côté de la grande côte, et l'autre passa devant la citadelle, ce qui donna l'alerte à tout le pays. Le vent était Nord-Ouest et favorable pour les Couraux, vers où elle parut aller ; c'était une feinte. Elle entra le même jour dans la baie de Quiberon où elle n'a fait que côtoyer tout le temps jusqu'au 15 qu'elle prit Quiberon par la falaise. Elle entra par les Cardinaux et sortit par le même lieu, le 28 octobre, vers les 5 à 6 heures du soir. — 16 octobre 1746. Ce jour, délibération de paroisse pour déposer à la citadelle les ornements et autres effets de l'église ; item de changer l'argent en papier.... Le 19, Houat fut sommé de se rendre, et se rendit du 20 au 21 ».

Le registre de Calan, trêve de Lanvaudan, pour 1746, renferme quelques détails sur l'attaque de Lorient et confirme la relation anglaise au point de vue du petit nombre de victimes dans les rangs des assaillants :

« En cette présente année, le 1er jour d'octobre, les Anglois firent une descente en ce pays, près la barrière du Pouldu, en un certain endroit nommé le Loch ou autrement, selon le langage des habitants de cet endroit, le Louch ; ils étoient au nombre de 48 voiles ; ils mirent pied à terre environ 6 à 7.000 hommes ; M. de Saint-Clair en étoit le commandant, et si, au lieu de s'amuser, de piller les bourgs de Guidel et de Ploemeur et les campagnes d'ailleurs, ils étoient venus directement à Lorient, ils y auroient entré de plein-pied sans aucune résistance, d'autant que cette ville ne s'attendait pas à cette descente inopinée. Ils vinrent se retrancher près le moulin à vent des Montagnes, à un bon quart de lieue de la ville, où ils posèrent quatre canons avec un mortier. Le vendredi suivant, ils commencèrent de grand matin à tirer fortement du canon et à jeter plusieurs bombes dans la ville qui ne réussirent pas et ne firent point dommage, à l'exception de deux jeunes hommes de la paroisse de Plouay qui furent emportés par un boulet de canon, étant à prier Dieu sur la croix de la Mission. Mais, n'ayant pu réussir ni par le canon ni par les bombes, et craignant un grand nombre de peuple qui s'étoit assemblé dans la ville, ils laissèrent là leurs quatre canons et le mortier, et se retirèrent dans leurs bâtiments avec fort peu de pertes. ».

David Hume, dans sa lettre à son frère, dit (p. 150) que le général Saint-Clair et l'amiral Lestock craignaient, quand la première capitulation fut proposée, « que s'ils accordaient des conditions et stipulaient une forte rançon, le bon peuple d'Angleterre, qui aime la bataille, ne s'empressât de dire qu'on avait trafiqué de la gloire de nos armes moyennant finances ».  Le récit du recteur de Lanvaudan montre, qu'à côté de ce souci des chefs, le désir du pillage fut la principale préoccupation des soldats.

Le recteur de Noyal-Pontivy (E. suppl. 1018. — Registre de 1746), raconte en ces termes l'expédition anglaise :

« En la présente année (1746), une escadre anglaise mit à terre à l'endroit nommé le Pouldu, dans la paroisse de Plemeur, pour se rendre maître de Lorient. Toutes les paroisses furent convoquées au son du tocsin, pour la défense du Port-Louis et de Lorient. Les Anglois furent obligés de se retirer après environ neuf jours et avec perte ; leur général se nommoit M. de Saint-Clair ».

La note suivante, sans signature, est inscrite sur le registre de Remungol (E. supp. 999. — Registre de 1746) :

« Le second octobre, jour de la fête du Rosaire, il vint un ordre de la part du commandant du Port-Louis, à toute la province, de se rendre au Port-Louis pour se deffendre de l'ennemy qui s'étoit campé au Pouldu, à dessein de piller L'Orient. Dans l'espace de vingt-quatre heures, il se rendit un nombre à l'infini de combattants, tant des troupes régulières que des campagnes, sans compter ceux qui vinrent les aider plus tard, rapport à leur éloignement. On commença à faire feu le 6ème jour ; l'ennemy décampa à la faveur de la nuit ; il y en eut beaucoup de tués ; nous ne perdimes dans cette conjoncture que douze hommes. Comme l'ennemy ne s'étoit pas fort éloigné, on resta à luy garder le passage, et on le tint en embuscade jusqu'à ce qu'il n'eût fui ; il se retira à Quiberon et y fit un grand ravage, sans cependant faire mal à personne ; ce qui fut cause qu'il vint des troupes pour l'empêcher d'avancer plus loin. Enfin il se retira le 29ème du même mois, après avoir pillé les églises voisines de Lorient ».

Mathurin Talhouet, recteur de Plaudren, écrit (Archiv. comm. de Plaudren, — Registre de 174) :

« L'an de grâce mil sept cent quarante six, le second jour d'octobre, commença à Plaudren la mission donnée à laditte paroisse de la libéralité de monsieur l'abbé Castello, ancien recteur de la laditte paroisse et chanoine honoraire de Vannes [Note : Jean-Joseph Boutouillic, sieur de Castello, prêtre du diocèse de Vannes, licencié in utroque jure, avocat au Parlement de Bretagne, recteur de Plaudren, 1716-1719, fut pourvu d'un canonicat sur brevet royal du 10 mars 1718, et résigna, pour cause d'infirmité, entre les mains du Souverain Pontife, le 6 novembre 1741. (Pouillé historique de l’ancien diocèse de Vannes, par l'abbé Luco, pp. 57 et 487)]. Le démon, qui avoit fait naître jusque là tant d'obstacles à cette mission, voulut encore faire une dernière tentative pour faire échouer cette oeuvre de piété qui devait faire sortir tant d'âmes de ses liens. A cinq heures et demie du matin, la grande cloche commença à sonner pour l'ouverture de la mission, et, à sept heures du matin du même jour, on sonna le tocsin contre les Anglois qui étaient descendus au Pouldu, entre Ploemeur et Guidel. Cet accident pensa tout déconcerter, mais on prit coeur contre fortune. Plusieurs furent d'avis de remettre la mission à un autre temps, mais enfin le supérieur de la mission [Note : Joseph Benoit, originaire de Langon, recteur de Moréac] jugea qu'il falloit continuer cette mission, du moins pendant huit jours, et fit une exhortation au général de la paroisse, à la fin de la grand'messe, pour les exhorter à combattre généreusement contre les Anglois, tandis que lui et les autres messieurs qu'il avoit appellé feroient la guerre aux princes des ténèbres : le mardi au soir et le mercredi matin, tout le monde étoit de retour, ce qui engagea à continuer toujours la mission. ».

A la fin du registre des sépultures de 1785, pour la paroisse de Saint-Goustan, aujourd'hui Saint-Gildas de Rhuys, on lit la note suivante, sur les îles de Houat et Hœdic qui faisaient partie de cette paroisse :

« En 1746, Houat et Hoedic furent prises par les Anglois. Ils minèrent et firent sauter les forts que Louis XIII et Louis XIV y avoient fait construire ; ils en prirent tous les bestiaux pour approvisionner leur flotte, le bois et la paille des couvertures de quelques maisons pour en faire du feu, brûlèrent aussi quelques cabanes. A Hœdic, il n'étoit resté qu'une vieille femme aveugle dont les Anglois eurent grand soin, et deux hommes qui étoient canonniers du château. A Houat, il était resté douze hommes qui furent quelques temps cachés dans des cavernes ou grottes. Tous les autres habitants de ces deux îles s'étaient retirés avec leurs prêtres, les uns en Rhuis, les autres au pays de Retz, ou vers le Croisic, d'antres enfin à Carnac, et chacun resta dans son asile jusqu'à la paix ».

Le recteur de Saint-Gérand, dans la relation citée plus haut, estime que la flotte anglaise fit une simple feinte en semblant prendre la direction des Couraux (bras de mer séparant Groix du continent), après avoir levé le siège de Lorient. Un contemporain, Cillart de Kerampoul [Note : Claude-Vincent Cillart, sieur de Kerampoul, né à Sarzeau, le 10 août 1686, recteur d'Arradon, 1711-1721, de Noyal-Pontivy, 1721-1732, de Grandchamp, 1732-1749, mort à Locminé, le 27 avril 1749. Cillart est l'auteur d'un Dictionnaire Français-Breton, de la traduction bretonne des Stations de la Passion, du P. Parvilliers, et d'un pouillé inédit, Notice de tous les Bénéfices du diocèse de Vannes en Bretagne], recteur de Grandchamp, dit, au contraire, que les Anglais firent une tentative de débarquement sur la côte de Plouhinec. « La côte, écrivait-il [Note : Notice de tous les bénéfices, etc., v° Plouhinec. Archives départementales du Morbihan. Série I], depuis la barre d'Etel jusqu'au château de Kersau est si escarpée qu'elle se défend par elle-même. Les Anglois ayant, en 1746, tenté une descente, furent contraints de faire voile ailleurs, se ressouvenant aussi de l'échec qu'ils y eurent anciennement ».

Le même écrivain nous fournit les détails suivants sur le pillage de la presqu'ile de Quiberon, signalé en deux lignes dans la relation de Pontvallon-Hervoët (p. 10), dans celle de Lemoué (pp. 111 et 112), et complètement passé sous silence par l'historien anglais.

« Le général Sainclair (sic), écrit Cillart de Kerampoul [Note : Notice, etc., v° Quiberon], y descendit le 15 octobre 1746, à la tête de 6.000 anglais, les habitants et les gardes-côtes fuyants, précédés de leurs bestiaux et chargés de leurs récoltes. Pendant huit jours qu'ils y séjournèrent, ils y commirent pour 30.000 l. de dommages ; ils mirent le feu au prieuré de Saint-Clément (prieuré en commende, dépendant de Saint-Gildas), à onze hameaux qui contenaient 200 ménages ; brûlèrent barques, filets, presses, emportèrent trois cloches et beaucoup de bestiaux. Ils brisèrent le tabernacle et quelques images, enlevèrent les serrures des armoires de la sacristie et ne trouvèrent pas le saint Ciboire plein d'hosties et l'argenterie qu'on avait cachés dans le lambris où l'on voyait une portière à charnière et loquet. On fit à Port-Louis et à Lorient la sourde oreille aux cris redoublés du commandant, qui avertit à propos et qui fut laissé sans secours ». Cillart raconte que les Anglais se fortifièrent si bien en 24 heures, dans le lieu où, après leur départ, fut élevé le fort Penthièvre, « que quinze mille hommes de troupes régulières auraient eu du travail à les forcer ».

Citons encore, pour épuiser la série des renseignements donnés par les registres paroissiaux, les lignes suivantes inscrites au-dessous de l'acte n° 613 du registre de Saint-Patern, de Vannes, pour l'année 1746 (Archives municipales de Vannes) :

« La flotte anglaise, après avoir tenté, inutilement de prendre Lorient, s'est retirée, le septième du même mois, et s'est embarquée pour aller à Quiberon qu'ils ont pris ; et, après avoir brulé douze villages, s'est rembarquée pour aller sur les côtes de Sarzeau, où elle n'a point descendu, et s'est rembarquée absolument le 28 du même mois ».

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II.
La correspondance de l'intendant de Bretagne avec la Cour prouve que depuis un an, on prévoyait une attaque des Anglais. A chaque prise faite par les vaisseaux du Roi, l'amirauté de Vannes interrogeait l'équipage pour connaître les préparatifs de la marine anglaise. Ainsi, le 19 septembre 1746 [Note : Archives départementales du Morbihan. Liasses de l'Amirauté de Vannes], le lieutenant de l'amirauté, dressant l'état des marchandises contenues à bord du vaisseau anglais the Duke, pris et amené en rade de Port-Louis par l'Aurore, commandant Duvigneau, et le Castor, commandé par le chevalier de Saliers, lieutenant de vaisseau, demandait au mousse Cocqueren « s'il avoit connoissance qu'il se fit en Angleterre quelque armement contre la France », et notait dans son procès-verbal « que le mousse n'avait vu que deux vaisseaux de guerre sortant de la Tamise ». Mais il semble résulter des documents que nous avons consultés, qu'aucun préparatif n'avait été fait pour repousser les assaillants. « Deux jours après ces lettres (les lettres adressées par Deschamps, commandant du Port-Louis à la date du 30 septembre), écrivait Houvet (Archives dép. d'Ille-et-Vilaine. C. 1082), commissaire des guerres, au comte d'Argenson, il arriva au Port-Louis et à Lorient une multitude innombrable de gens, tant des milices bourgeoises que des gardes-côtes, et presque tous les hommes des paroisses de l'intérieur de la province de quinze lieues à la ronde, qui furent mandés par le sieur Senant, sénéchal de Vannes... la plupart étaient sans armes et sans commandans ». Les recteurs de Remungol et de Plaudren nous ont signalé l'appel adressé à leurs paroissiens ; la ville de Josselin fit partir pour Lorient deux détachements de sa milice bourgeoise (E. suppl. 526. BB. 2) ; la petite ville de Rohan expédia des troupes commandées par n. h. Paul Amprou [Note : E. suppl. 738. Dans l'acte de baptème de Yves-Jean Amprou (17 mars 1747), le recteur indique que l'enfant était fils de n. h. Paul Amprou qui « l'année précédente commandait en chef les troupes de Rohan à la descente des Anglais à Lorient »] ; des escadrons du régiment de Royal-dragons partirent de Concarneau pour Lorient, sous le commandement du capitaine de Kerleau. Les villes de la region firent des avances pour la nourriture des troupes. Les états de créances présentés à l'intendance signalent : pour Pontivy, 200 livres pour solde d'achat de bœufs et 236 livres 3 sols 6 deniers pour pain ; pour Quimperlé, une fourniture de pain s'élevant à 4.594 livres 5 sols ; pour Ploemeur (cantonnements de Locqueltas, Larmor et environs), des achats de bœufs pour 1.963 livres 10 sols ; pour Port-Louis, une fourniture de pain s'élevant à 400 livres, et une somme de 2.895 livres pour vin et eau-de-vie ; pour Concarneau, six tonneaux de froment évalués à 1.200 livres. A Lorient, les fournitures faites du 2 au 15 octobre comprennent 80.081 livres de pain , 574 livres de biscuit, 325 pintes de vin, 56 pintes d'eau-de-vie, 233 livres 12 onces de fromage, etc. (Archives dép. d'Ille-et-Vilaine. C. 1082 et 1083).

A Vannes, l'arrivée des Anglais sous les murs de Lorient fut signalée le 1er octobre, par une lettre du 30 septembre, addressee par le commandant de Port-Louis à la communauté de Vannes et transmise à cette dernière par M. de Kercado Le Verger. Cette lettre était ainsi conçue :

« DE PAR LE ROY.
Nous, lieutenant du roy, commandant au gouvernement du Port-Louis, suivant les ordres à nous laissés de M. le comte de Volvire, commandant en Bretagne, ordonnons au receu du présent, aux trois cents hommes de la milice bourgeoise de la ville de Vannes destinés à marcher au premier ordre de se rendre de jour ou de nuit avec leurs officiers avec armes et bagages au receu du présent de partir pour se rendre au Port-Louis, prions Mrs les Offrs. de faire toute diligence. Au Port-Louis, 30 septembre 1746. (Signé) DESCHAMPS »
. (Archives municipales de Vannes. Registre des délibérations de la communauté de ville).

Comme les hommes n'étaient pas armés, la communauté, sur la proposition de M. de Kercado, décida qu'on prendrait des armes chez les sieurs Lejeune, Guihue et autres « dont la communauté répondra et en fera payer la valeur sous le bon plaisir de Mgr l'intendant ».

Le lendemain, M. du Bodan, syndic, fit connaître que M. de Vincennes, chargé des ordres du Roy, avait ordonné le rassemblement et l'envoi au Port-Louis avec armes et bagages, « de toutes les troupes de gardes-côtes et de milice bourgeoise ». Le même jour, la communauté, réunie sous la présidence de Jacques-Jean Augustin Senant, écuyer, seigneur des Gravelles, premier président et sénéchal de Vannes, étudia les mesures à prendre pour éviter une surprise. Un poste fut établi à la porte Saint-Vincent ; un autre, muni d'un canon, fut installé à la Chevinnière [Note : La Chevinnière, dite aussi maison du diable, domine l'entrée du port, sur la route de Conleau], et confié à des bourgeois qui devaient être relevés de vingt-quatre heures en vingt-quatre heures. M. Desalleurs fut chargé de faire le recensement des grains existant dans la ville. La réquisition des armes, de la poudre et des balles fut ordonnée. Un service de courriers, avec un relai à deux lieues de Vannes, fut organisé entre Vannes et Auray. MM. du Bodan et Colas reçurent mission de fournir du grain aux boulangers, aux prix fixés par le dernier apprécis.

Le 4 octobre, sur ordre du comte de Volvire, 21 harnois chargés de 14.000 livres de pain, sont expédiés au Port-Louis. Le commandant Deschamps est prié de transmettre 4 milliers de poudre et des balles pour mettre en état de défense Quiberon, que le sénéchal d'Auray croit menacé. Un courrier part pour communiquer ces renseignements aux gardes-côtes de la presqu'île de Rhuys.

Deux jours plus tard, le syndic de Sarzeau, Brenugat ; demande de la poudre et des balles ; la communauté lui fait délivrer deux barils de poudre : chacun de 250 livres, et 300 livres de balles, le tout prélevé sur les envois de Port-Louis. Le comte dé Rochefort, chargé des ordres du comte de Volvire, fait appel aux habitants prêts à marcher pour défendre la côte de Rhuys et demande des munitions, des vivres et un emplacement pour ses troupes. La communauté met à sa disposition le cloître des Cordeliers et les classes du collège des PP. Jésuites, en réservant seulement la classe de théologie et celle de troisième.

Dans la soirée, on expédie au syndic de Sarzeau 2.727 livres de pain, 941 livres de viande et des munitions. Un envoi de poudre et de balles destiné à être reparti entre les départements de Kervoyal, Billiers et Pénerf est adressé à l'abbaye de Prières. Le lendemain, on fait conduire à Port-Louis 3,204 livres de pain. Le 6 octobre, nouvel envoi de 5,556 livres de pain à Port-Louis ; le 9, 5.092 livres. On fournit de la poudre et des balles à Port- Navalo et 4.379 livres de pain à Sarzeau.

Le 16 octobre, le comte de Volvire donne ordre de mettre l'embargo sur tous les navires étrangers se trouvant dans le golfe, de confisquer leurs voiles et de les mettre en lieu sûr. Le 17, le sénéchal Senant se rend à Auray et a une conférence avec le duc de Rohan au sujet de Port-Navalo et de Locmariaquer qui sont presque complètement abandonnés. MM. du Bodan, Le Mière et des Ruisseaux sont chargés de visiter ces postes. Des munitions sont expédiées à M. Dibart, commandant de Sucinio ; quelques jours plus tard, après la retraite définitive des Anglais, le subdélégué Morice autorisait la vente, à raison de 9 deniers le pain, des pains savariés qui n'avaient pu être utilisés à Sarzeau. Pendant la durée du séjour des Anglais, les avances faites par la ville de Vannes pour fourniture de pain à Port-Louis, à Auray, au camp de Carnac, à Sarzeau et à Belle-Isle s'étaient élevées à la somme de 14.947 livres 1 sol 9 deniers.

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III.
La plupart des relations que nous avons citées semblent indiquer que les îles de Houat et d’Hœdic furent occupées sans résistance. Daniel Hume écrit à son frère : « L'amiral a débarqué quelques marins et a pris possession des deux îles d'Houat et d'Hœdic où se trouvent des petits forts. Le gouverneur d'un de ces petits forts, quand il se rendit, confia sa bourse à l'officier de marine qui commandait le détachement, en le priant d'en avoir soin et de la sauver du pillage. Cette bourse contenait dix sous, six pence de notre monnaie ». En traduisant ce passage, M. Carron ajoutait en note : « Sans compter, peut-être, ce qu'on y avait pris ». M. Carron ne se trompait pas : l'officier chargé du commandement de Hœdic fut victime des pillards, après avoir été abandonné par les habitants, et Houat fut défendu jusqu'au dernier moment.

Le capitaine Beauvais, commandant le fort de Houat, répondait en ces termes à la demande d'explication qui lui avait été transmise par M. Védier, ordonnateur des guerres en Bretagne, sur l'ordre de Mgr le comte d'Argenson (Archives dép. d'Ille-et-Vilaine. C. 1083) :

« Les troupes de l'île avaient été réduites à 35 hommes par le Cte de Saint-Cernin. L'officier anglais descendit dans l'île avec son drapeau, pour sommer celui qui y commandoit de se rendre, qu'il sortiroit avec les honneurs de la guerre, que sinon il serait passé au fil de l'épée, luy et son détachement ; que c'étoit les derniers ordres de l'amiral Lestoc ; l'officier luy répondit qu'il ne se rendroit malgré ses menaces que par la force des armes ; il manda la même chose à l'amiral Lestoc. Le lendemain, quatre vaisseaux s'approchèrent à la portée du canon qui battirent la tour pendant très longtems, auxquels il répondit le plus qu'il put et se défendit tant et si longtemps que les canoniers l'abandonnèrent, consistant en deux paysans qui mouroient de peur, dont l'un étoit manchot. Sur ces entrefaites, 1.500 hommes descendirent par le bout de l'isle et 2.500 qui étoient près de débarquer avec des canons à terre ; ce fort ne consiste que dans une simple tour entourée de petits fossés de six pieds de profondeur jusqu'à la hauteur des murailles, six canons si rouillés et si mal en ordre que les Anglois dirent qu'ils n'auroient pas voulu y mettre le feu, étant hors d'état par la vétusté de pouvoir s'en servir. Ils réitérèrent leurs menaces de ne rien épargner, disant que c'étoit les derniers ordres de l'amiral. L'officier répondit à la 1ère sommation qu'il était surprenant qu'on voulût agir de même, que ce n'étoient pas là les lois de la guerre ; ils répondirent que les combats de mer étoient différens de ceux de terre, mais toutes les vues d'intimider ne servirent de rien parce qu'il ne s'est rendu qu'à la force des armes, et même l'officier anglais qui remit les prisonniers à Quiberon, dit à M. de Lesquin, qui commandait les gardes côtes, que si les officiers ne s'étoient pas rendus après avoir si longtemps résisté, qu'ils auroient été passés au fil de l'épée avec leur détachement ; que c'étoient leurs ordres et qu'ils auroient été exécutés. Et il tint ce discours en l'absence des officiers à qui M. de Lesquin l'a redit depuis. ».

Joseph Quereu, sieur de Chapelle, lieutenant du bataillon de Mayenne, commandant l’île d'Hœdic, écrivait le 5 novembre 1746 (Archiv. dép. d'Ille-et-Vilaine. l. c.) qu'il avait été sommé de se rendre six jours avant l'attaque et qu'il fut attaqué le 24 octobre par quatre vaisseaux de 90 pièces, tandis qu'il n'avait pour leur répondre que quatre canons de 8 et vingt hommes. Le comte de Saint-Cevaize, gouverneur de Belle-Ile, lui avait promis des renforts qui n'arrivèrent pas et quatre affûts pour monter deux pièces de 12 et deux de 8. Abandonné par les habitants, assailli par 2.000 hommes de la flotte anglaise, Quereu dut se rendre. Sur sa demande, on lui promit qu'on ne ferait pas de tort à l'église et qu'on ne pillerait pas le village. On lui a enlevé 50 pistoles.

Il nous reste à faire connaître les dégâts causés à Quiberon par les Anglais, dégâts que la relation de Cillart évaluait à 30.000 livres et que le tableau officiel, transmis à l'intendant de Bretagne, porte à un chiffre beaucoup plus élevé.

Le presbytère, où le recteur Joseph Bourdat resta jusqu'à la dernière extrémité, fut pillé ; sa bibliothèque fut brûlée, les meubles et la boiseries furent brisés, ses pertes dépassaient 3.000 livres. Celles de Th. Pinto, curé de Saint-Pierre et de G. Oliviéro, curé de Quiberon, atteignirent le chiffre de 1.600 livres. 155 maisons et 82 étables, évaluées 65.170 livres, furent brûlées ; les maisons et magasins du port subirent des pertes estimées 27.800 livres. Quatorze chasse-marées, de grands bateaux de pêche, comme le Saint-Louis (50 tonneaux), le Saint-Pierre (35 tonneaux), la Marie-Françoise (18 tonneaux), furent emmenés par les Anglais, qui détruisirent les presses et s'emparèrent de 40 filets à sardines. Ils pillèrent l'église, les chapelles de Saint-Julien, Lotivy, Saint-Pierre, Saint-Clément ; ils enlevèrent toutes les cloches, sauf une ; ils causèrent dans les villages non brûlés des dégâts s'élevant à environ 60.000 livres et tuèrent ou emmenèrent 1.142 moutons, 48 vaches, 44 génisses, 117 porcs, 3 chevaux, 2 bœufs, etc. En résumé, les déprédations commises par eux dans la presqu'ile dépassèrent 400.000 livres.

Quelque incomplets que soient ces renseignements, j'ai pensé qu'ils méritaient de vous être communiqués. Je serai trop heureux s'ils peuvent offrir quelque intérêt aux membres de l'Association Bretonne.

(Albert Macé).

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