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LE TOMBEAU DE SAINT RONAN A LOCRONAN.

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Le tombeau de saint Ronan, dans la chapelle du Penity, à Locronan, a fait l'objet de nombreuses et érudites études [Note : J.-M. Abgrall, Architecture bretonne : étude des monuments du diocèse de Quimper, Quimper, 1904, p. 306. — Conrad Echer, Le tombeau de saint Ronan à Locronan, traduction de l'allernand par M. l'abbé Philippon (Mémoires de la Société archéologique du Finistère, t. XXXIX, 1912, p. 123-154). — Henri Waquet, Locronan (Ibid., t. XLVII, 1920, p. 123). — Louis Le Guennec, Note sur le tombeau de saint Ronan à Locronan (Mémoires de l'Association bretonne, 3ème série, t. XXXVI, 1925, p. 23-30). — Alexandre Masseron, Les villes d'art célèbres : Quimper, Quimperlé, Locronan, Penmarc'h, Paris, Laurens, 1928]. Rappelons seulement qu'il se compose d'une dalle en kersanton portant en haut-relief la statue du thaumaturge et supportée par six piliers décorés d'anges-cariatides.

Le tombeau de saint Ronan à Locronan ( Bretagne).

A l'exception de Louis Le Guennec, qui a observé une prudente réserve, les auteurs qui l'ont étudié l'ont unanimement attribué au début du XVIème siècle, en se référant à deux actes d'archives :

1° Un procès-verbal d'enquête du 15 mai 1618 relatant que le Penity avait été bâti sur l'ordre de la duchesse Anne, qui, pour l'entretien de la chapelle, constitua une rente de 500 livres sur les devoirs de sel du Pays de Guérande.

2° Un aveu de la seigneurie de Névet du 6 juin 1644, mentionnant que la duchesse et reine Anne fit élever sur la sépulture de saint Ronan une dalle « sur six piliers en pierre grise peu commune, avec, dessus, la représentation du saint en habits pontificaux, et qu'elle fit poser ses armes en alliance avec celles de France au bout et sous la tête de la dite représentation ».

Cependant, tous ont été fort troublés par le contraste entre l'archaïsme de la statue, toute médiévale, et l'emploi, jusqu'alors inconnu en Bretagne, des piliers-cariatides, ce qui fit, entre antres, écrire par Echer que l'on trouve une poussée extrêmement précoce de la Renaissance dans cette œuvre, qui, par ailleurs, relève d'un art « rustique et routinier », conclusion à laquelle se sont ralliés tous les auteurs postérieurs.

Or, ainsi qu'il arrive souvent en Bretagne, ce monument a été en partie mal daté. Il n'est pas, comme on l'a cru, l'œuvre d'un seul artiste, mais, ainsi que nous allons le montrer, de deux sculpteurs. Le premier exécuta la dalle et la statue funéraire dans le premier tiers du siècle, le second les anges-cariatides dans les dernières années de ce siècle ou les premières du XVIème siècle.

En effet, si les onze écussons qui décorent le tombeau ont été martelés à la Révolution, ils peuvent, cependant, être déchiffrés très aisément. Au pied du monument, l'on trouve, notamment, deux écus. Celui situé au nord porte les armes pleines de Bretagne timbrées d'un heaume à cornes, entre lesquelles, en guise de cimier, est, assis le lion de Montfort, armes exactement, semblables à celles d'un contre-scel et d'un signet du duc Jean V, ainsi que d'un sceau du duc François Ier [Note : Il serait d'ailleurs absolument contraire à toutes les règles de la science héraldique qu'un écu surmonté d'un heaume soit celui d'une femme]. A droite du précédent, le second écusson, losangé, porte lui-parti : au premier de Bretagne, au second de France, et ne peut s'appliquer qu'à la duchesse Jeanne de France, femme de Jean V, et, non, comme l'indique l'Aveu de Névet, à la Duchesse Anne, dont, le blason était, suivant les règles héraldiques, inverse du précédent, mi-parti : au premier de France, au second de Bretagne, ainsi qu'il figure, d'ailleurs, entre autres, sur ses Heures [Note : Les armes de Jean V et de Jeanne de France sur le tombeau du saint ne sont, d'ailleurs, pas pour surprendre. La dévotion du duc à saint Ronan est, en effet, bien connue. En 1424, notamment, il fit don de 50 écus d'or pour l'édifice du pignon de l'église et était représenté, au-dessus de l'arcade d'entrée, à genoux aux pieds du saint]. Il est à remarquer que l'Aveu de Névet fait également erreur sur l'emplacement de l'écu mi-parti France, les deux écussons en tête du tombeau portant les armes de Bretagne pleines, ainsi que le cinquième écusson de la dalle soutenu par le lion.

La duchesse Jeanne de France étant décédée en septembre 1433, la dalle et la statue tumulaire sont donc antérieures à cette dernière date, ce qui correspond parfaitement à la mitre et à la crosse de l'évêque ; l'on peut même, croyons-nous, préciser quelque peu. L'on sait, en effet, que le kersanton fut employé pour la première fois par les sculpteurs chargés de la décoration de Notre-Dame du Folgoët, commencée en 1423 ; et, si l'on examine attentivement la statue tumulaire de saint Ronan, l'on ne peut, être que frappé des traits communs qu'elle présente, comme facture, avec celle d'un saint Michel ornant la grande collégiale léonarde.

L'on peut donc affirmer que l'artiste inconnu, mais vraisemblablement landernéen, qui exécuta la statue de saint Ronan entre 1423 et 1433 appartenait à ce premier groupe de sculpteurs en kersanton qui travaillait alors à la décoration du Folgoët et exécuta, quelques années plus tard, le porche de La Martyre.

Après la reconstruction de l'église de Locronan, terminée peu après 1475, l'on reconstruisit à son tour la chapelle adjacente du Pénity, et c'est, sans nul doute, à cette occasion que fut déplacé, puis modifié le tombeau du saint. Nous sommes également renseignés sur la date de cette reconstruction et en connaissons le maître d'œuvre : l'architecte quimpérois Pierre Le Goaraguer. Celui-ci est, en effet, mentionné à Locronan en 1485 et 1486, donc après l'achèvement de l'église, et De Groër a, très justement, signalé l'identité complète entre la porte ouest de la chapelle du Pénity, que l'Aveu de Névet confond, d'ailleurs, avec le porche de l'église, et celle de l'aile nord du transept de la cathédrale Saint-Corentin exécutée par cet architecte.

La chapelle du Pénity ne paraît donc pas avoir été commencée sur l'ordre de la duchesse Anne, ainsi que le mentionne l'enquête de 1618, mais sous le règne de son père, le duc François II. Par contre, ce fut vraisemblablement sous son règne qu'elle fut terminée et que fut modifié le tombeau du saint, remaniement dont le souvenir a été conservé par la tradition. Les anges cariatides datent bien ainsi des toutes dernières années du XVème siècle ou des premières du XVIème siècle et sont à rapprocher, comme l'a indiqué Conrad Echer, de ceux, légèrement postérieurs, du tombeau de Jacques de Malain (+ 1527) et de sa femme, Louise de Savoisy (+ 1515), dont des débris sont conservés au Musée du Louvre.

On voit ainsi tout l'intérêt que présente le tombeau de saint Ronan. Non seulement c'est là l'une des premières manifestations de la Renaissance en Bretagne, mais également l'une des premières œuvres exécutées en kersanton dont l'histoire des ateliers demeure à écrire. Ce petit monument est, en outre, un nouvel exemple de la rapidité avec laquelle les grands courants artistiques se sont propagés en Bretagne, contrairement à l'opinion généralement admise.

(R. Couffon).

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