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LOCQUENVEL ET SES SAINTS

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Locquenvel (aujourd'hui LOC-ENVEL) est une toute petite commune (336 hectares), du canton de Belle-Isle-en-Terre dans le Bas-Tréguier. Ce n’était pas une paroisse avant la Révolution, son nom en Lok- suffirait à l’indiquer ; mais nous savons que ce n’était qu’un prieuré-cure, qui relevait de l’abbaye de Saint-Jacut-de-la-Mer. La paroisse honore comme patron saint Envel. L’on trouvera la vie de ce saint dans Tresvaux (1836) ; dans Garaby (1839) ; dans Robert Oheix, Les saints inconnus (1880). Ces dernières études ont utilisé les renseignements réunis dans le cahier de paroisse commencé en 1875, et toutes reproduisent la tradition orale, que l’on peut résumer ainsi : Il y avait deux frères Envel, et leur soeur sainte Jeune. Ils vinrent ensemble de l'Ile de Bretagne et s’installèrent dans ce coin de la forêt de Coat-an-Noz. Saint Envel, l’aîné, s’établit à l'emplacement de l’église de Locquenvel ; saint. Envel, le cadet, avait sa logette là où se trouve la Chapelle-du-Bois (Chapelle-ar-Coat), en Belle-Ile, et sainte Jeune avait la sienne en Plounévez-Moëdec. Ces trois chapelles forment les angles d’un triangle régulier de 2 kilomètres de côté environ. Les saints entendaient les cloches de leurs différentes chapelles et ainsi sainte Jeune demeurait sous la direction spirituelle de ses frères.

Il semblerait assez qu’il y ait eu à la base de tout cela une légende topographique : le thème des chapelles d’où l’on entend la cloche de la chapelle voisine est un thème bien connu et fort moderne de la littérature orale de nos chapelles ; en outre il est difficile d’admettre que deux frères aient porté le même nom à une époque où les noms de famille n’existaient pas ; on aimerait à supposer que les deux oratoires étaient primitivement dédiés à un seul et même saint, les moines du prieuré ayant construit une petite chapelle dans la forêt ; et que postérieurement on a fait deux personnages différents, un pour chaque chapelle ; malgré ces remarques, il faut cependant constater que cette légende a une profonde saveur celtique ; elle est conforme à bien d’autres légendes celtiques anciennes ; la femme quœ fragilis est, simple vas fictile, y reste sous la dépendance de ses frères ; mais cette constatation ne saurait suffire à faire reconnaître une bien haute antiquité à cette tradition [Note : Cf. la Vita Gildœ cap. 2 (F. Loth, Mélanges d’histoire bretonne, p. 262). Les quatre frères de Gildas et leur soeur allèrent tous ensemble mener la vie contemplative, ils se bâtirent chacun un ermitage à peu de distance l’un de l’autre : relui de la soeur était au milieu ; à tour de rôle les frères allaient célébrer chez elle les saints offices ; avant le coucher du soleil ils regagnaient leur oratoire. Un fait semblable est historique, c’est Michel Le Noblet construisant une logette pour sa soeur, non loin de la sienne ; par contre, beaucoup de faits semblables sont des créations populaires : sainte Juvette, à Henvic, est devenue la soeur de saint Maudez ; les vies anciennes ne parlent pas d’elle, et le culte de saint Maudez à Henvic n’est pas ancien ; dans le Cap-Sizun, sainte Thévette est devenue la soeur de saint Démet, alors qu’il n’y a eu primitivement qu’un seul et même personnage (J. Loth, ns. p. 31), etc. Non loin de Locquenvel, à Pluzunet (Côtes-d’Armor), dunet, éponyme de la paroisse, a pour soeur sainte Tunevelle, patronne de Bolézan, ancienne paroisse limitrophe, actuellement en Bégard ; et l’on raconte que le frère, qui entretenait fréquemment sa soeur, fut gêné un jour par le bruit que faisaient les eaux de la rivière ; il leur commanda de couler en silence et, depuis, la rivière coule sans le moindre clapotement ; l’on dit la même chose pour Envel et sa soeur : le saint prononça ses paroles Tao, Tao, dour mik - Me klevin, ma c’hoarik. En ce qui concerne la légende des cloches, c’est un cliché ; on le dit même des Vierges à qui, sous des vocables différents, sont dédiées des chapelles voisines].

Le nom de saint Envel était primitivement Guenvael, Guenmael [J. Loth, ns. p. 54] ; l’initiale du nom est devenue Qu derrière loc, ce qui a donné Locquenvel, de même que Guennolé et Gueltas ont donné Locquenolé, Loqueltas ; si le nom avait commencé par une voyelle on aurait eu Loguenvel, comme Logamand, Loguivy ; plus tard, on a refait maladroitement le nom en dissociant les éléments du nom composé ; on a supposé Lok + Envel, et l’on a inventé la forme saint Envel, qui est un barbarisme. Les formes anciennes du nom de Locquenvel ne laissent aucun doute à cet égard : Louguenmaël (lisez Loc guenmaël) en 1330, Locquenmel fin XIVème siècle (Longnon, Pouillés de Tours, pp. 340, 343, 346). La bulle de 1163, confirmant les possessions de Saint-Jacut donne ecclesiam sancti Guemelli (Anciens Evêchés de Bretagne, IV, p. 278) et encore au début du XXème siècle, la forme officielle du nom est Locquenvel. Le saint n’est mentionné que dans des documents relativement récents et sous la forme Henvel dans les testaments de 1666, 1700 et 1702, « aumone à M. St-Henvel, de la chapelle du Bois, au dit Belle-Ile », aumône « à sainct Henvel, patron de la paroisse » « en l’église de St-Henvel » [Note : Archives départementales des Côtes-d’Armor, G, Locquenvel ; ces testaments sont très intéressants, car ils comportent des aumônes à toutes les confréries et chapelles des environs. La graphie Locquenvel est constante, toutefois en 1772 et 1787 des pièces du même dossier donnent Loc Envel. On a signalé un lieu dit Saint-Euvel, en Locquenvel (Répertoire des Archives des Côtes-d’Armor, p. 32) et un autre lieu dit Guerneuvel (Ns.. p. 54) (S. Euvel = Eu-mael est un saint connu ; Garaby a même donné une vie de ce personnage, et il existe un Lan-eufel, en Sibiril) : ces deux formes sont des cacographies ; je m’en suis assuré ; le cadastre donne Guernenvel, que l’on prononce ainsi, mais l’écriture est détestable, les n, les v et les u se confondent, ce qui en a entraîné la mauvaise lecture Guerneuvel ; il n’y a pas de lieu dit Saint-Euvel].

Il y a une difficulté en ce qui concerne ce personnage ; les titres anciens de l’abbaye de Saint-Jacut, qui a possédé Locquenvel jusqu’à la Révolution [Note : Anciens Evêchés de Bretagne, IV, p 257, 296 – Ibid., p. 262. Il est dit que les moines de Saint-Jacut, aliénèrent des rentes en Locquenvel] le désignent sous le nom de prieuré Saint-Armel de Locquenvel ; in episcopatu Trecorensi, prioratus sancti Armelli ; vicaria sancti Armelli de Locquenvel ; fait plus curieux, les vitraux du XVIème siècle qui décorent la jolie église de Locquenvel et représentent des scènes de la vie de saint Envel, portent des inscriptions en caractères gothiques, où le saint est toujours désigné sous le nom de saint Armel, et cependant il n’y a aucun doute, les scènes n’appartiennent pas à la vie de saint Armel mais à la vie de saint Envel [Note : L’on trouvera par ailleurs la description de ces vitraux]. Les moines de Saint-Jacut ont dû écrire sous la forme Armel, nom qui était connu, le nom du saint local qui leur était inconnu, mais l’on voit qu’ils n’ont nullement tenté de retirer au saint sa personnalité, puisque les vitraux représentent des scènes de la vie de saint Envel.

Saint Guenvaël — ou un homonyme — a donné aussi son nom à un autre Loc-, mentionné en 1440 dans les chartes de l’abbaye de la Joie, sous la forme Loc-Guenvaël (Ns., p. 54) ; ce lieu-dit n’a pas été identifié, mais il doit être cherché aux environs de Hennebont. Il existe en outre un Loquével, en Locarn (Côtes-d’Armor), canton de Maël-Carhaix, c’était une seigneurie de la famille de Quélen [Note : L’on trouve aussi Loguével (G. DU MOTTAY, Géographie du département des Côtes-du-Nord, p. 507) qui paraît être la survivance d’écritures anciennes où l’on confondait qu et gu. — Robert Oheix, loc. cit., mentionnait comme dédiée au saint la chapelle ruinée de Kénokevel en Loudéac ; il faudrait supposer Ker-lokevel, ce qui est impossible, il n’y a pas de lok- en zone française ; en outre la forme est douteuse, la C.E.M. (Carte Etat-Major) donne Trénoquével. — Je signale, sous toute réserve, un Landéguével en Plogonnec (C.E.M.), c’est une forme qu’il faudrait vérifier si elle est sincère, l’on pourrait peut-être l’interpréter comme étant Lan + To-guenmaël, et elle serait bien antérieure aux autres noms qui comportent le nom de saint Guenvaël puisque c’est une lan et que les autres sont des loc]. Rien n’autorise à admettre que ces trois établissements aient été dédiés au même personnage.

En ce qui concerne le saint de Locquenvel, ce qui est certain, c’est qu’il fournit son nom à un oratoire bâti en forêt de Coat-an-Noz, au bord de la rivière du Guic, sur la pente d’une colline qui domine la vallée ; cet oratoire est devenu un prieuré qui a relevé de l’abbaye de Saint-Jacut, prieuré-cure, puis église paroissiale à la Révolution. Le saint a-t-il vécu là ? Les établissements en Lok- qui sont de beaucoup postérieurs aux établissements en Plou-, Lan-, Tré-, sont souvent dédiés à des cultes qui ont eu un grand renom : l’on connaît les nombreux Locmikel, Locmaria, Loquenolé, Loqueltas, etc. ; malgré cela, il semblerait assez qu’en l’espèce, un saint Guenvaël soit venu s’établir en cet endroit sauvage et charmant à la fois. Locquenvel se trouve à l’angle que fait la vallée du Guic, on y a des vues d’enfilade dans les deux directions ; nos vieux saints qui aimaient tant le spectacle de la nature, avaient toutes raisons de se laisser attirer par l’heureuse disposition de ces lieux. Il faut que ce soit un ermite qui ait choisi cet endroit, y ait résidé et laissé son souvenir à ce lieu, car jamais un culte n’aurait pu s’organiser spontanément en un lieu si désert ; les moines de Saint-Jacut n’auraient pas fondé un prieuré dans ce coin de forêt ravagé par les loups, dans un lieu inabordable, sur un terrain en pente rapide que dévastent les pluies et où l’on trouve à peine de quoi dessiner un modeste jardin ; il faut qu’il y ait eu là un culte, un oratoire que des pèlerins venaient fréquenter, qui a attiré les moines de Saint-Jacut ; ce ne sont pas les moines qui ont apporté ce culte, ce culte ne pouvait provenir que de l’ermite qui s’était jadis isolé dans les profondeurs de cette vallée, y est mort entouré du respect des hommes et a été canonisé par eux. L’on ne sait rien d'autre ; toutefois, le nom de lieu en Lok- peut permettre de considérer que cet établissement du culte n’est pas très ancien ; il ne doit pas remonter avant le Xème siècle, et saint Guenvaël a dû venir assez tard illuminer de ses vertus la forêt de Coat-an-Noz.

Sainte Jeune.

L’on a vu qu’une tradition, qui ne paraît pas ancienne, donne à saint Envel une soeur du nom de sainte Jeune, santes Juna, qui serait venue avec lui de l'Ile de Bretagne, et se serait fixée sur l’autre rive de la vallée du Guic, dans la paroisse de Plounévez-Moëdec, là où s’élève sa chapelle ; ce petit monument renaissance, il porte la date de 1555 et le clocheton celle de 1621, est sur la hauteur, non loin d’une enceinte fortifiée.

L’on prononce en breton sant Juna, sant Junan ; la désinence est semblable à celle du superlatif des adjectifs henaff, henan ou hena (le plus vieux, l’aîné) ; l’on dit sant et non santes, forme féminine de l’adjectif, par une contraction habituelle au dialecte du Tréguier. J’en ai fait la remarque aux habitants qui m’ont répondu : « c’est pour aller plus vite » ; cette forme abrégée a déterminé des graphies françaises, Saint-Jeune à côté de la graphie Sainte-Jeune ; l’on trouve, d’ailleurs, fréquemment mention de ce nom car il servait à désigner une frérie de Plounévez-Moëdec, frérie de sainte Jeune, autrement dit Tréunaff.

1552 frérie de sainct Juna.

1553 la chappelle de saincte Juna.

1559 frérie de Treuna — [en marge d’une main plus récente] : Treunaf.

1609 frairie de sainte Junha ; chemin conduisant à sainct Junha ; frairie de saincte Junha ; frairie de saincte Juna ; le chemin de saincte Juna.

1629 frairye de sainct Juna ; frerye de sainct Juna ; la chapelle de sainct Juna.

1639 village de Trehunaff.

1642 frairye de sainct Juna.

1670 frérie de sainte Juna.

1672 frérye de sainct Juna.

1682 frérye de sainte Juna.

1686 frérie de sainct Juna.

1739 frérie de saint Jeuna.

1771 frérye de sainte Jeune.

1781 sainte Jeune, frérie de saint Jeuna (Archives départementales des Côtes-d’Armor, E, 2/377 et 2/388).

Un testament de 1699, conservé dans le dossier de la fabrique de Locquenvel (Archives départementales, G) comporte une donation « à saincte Jeune de la paroisse de Plounévez ».

Dans les registres de baptêmes, mariages et sépultures de Plounévez-Moëdec, on relève, en 1758, « frérie de sainte June ». Le cadastre donne Saint Jeune, qui est le nom d’une section ; la chapelle porte aussi le nom de Saint Jeune, G, 646.

Gaultier du Mottay a imprimé Saint Juna en parlant de l’enceinte fortifiée qui se trouve auprès de la chapelle (Rép. Arch. C.-d.-N., p. 327), mais il signale la chapelle de Sainte-Jeune (Géogr. dép., p. 680).

Il n’y a, malgré la graphie française saint Jeune, aucun doute sur le sexe du personnage, mais cette forme a son intérêt : Sant Junan avec Treunaff permettent d’affirmer que l’on n’est pas devant un saint Iunan connu par ailleurs, qui aurait pu être prononcé Zunan, d’où Sant Zunan, interprété comme étant Santez Unan et ainsi devenu féminin [Note : Sur Iunan, voir J. Loth, Ns, p. 67].

Sainte Jeune a, dans la paroisse voisine de Plounérin, une chapelle portée au plan cadastral sous le nom chapelle saint Jeune Recho, la vieille chapelle [Note : E, 951. Distincte d’une autre chapelle E, I/259, dite chapelle saint Jean Réchou, qui est l’ancienne chapelle des Templiers, ce village leur ayant jadis appartenu, cf. le Rachou dans la charte de 1160 concernant les pos­sessions du Temple (Anciens Evêchés de Bretagne, VI, p. 137 ; et Archives départementales des Côtes-d’Armor, B, 852). Il ne faut pas confondre non plus avec Saint-Junay en la même paroisse mais à 2 kilomètres de là]. Sainte Jeune a sa statue dans l’église paroissiale de Plounérin, et un vitrail moderne y représente la sainte avec l’inscription latine sancta Junior.

Le culte de cette sainte ne se retrouve pas en Bretagne en dehors de cette région de Locquenvel, Plounévez-Moëdec et Plounérin, et l’on ne sait que décider sur cette sainte absolument inconnue, dont le nom lui-même soulève de bien graves difficultés.

(René LARGILLIÈRE).

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